Smart Debate
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Smart Debate est une technologie de pointe, développée par des chercheur.e.s du très réputé TECFA de l'Université de Genève afin de proposer un dispositif engageant pour palier à un manque d’intérêt et d’échanges chez les étudiant.e.s. lors de lecture d’articles à distance. Smart Debate offre un espace de débat aux étudiant.e.s pour confronter leurs idées et construire ensemble un savoir partagé. Il se veut résolument pratique, orienté sur l’échange et l’autonomisation de l’étudiant.e dans son apprentissage, tout en étant un outil de première utilité aux enseignant.e.s pour suivre la progression d’un.e étudiant.e en particulier, comme celle du groupe dans son ensemble.
Pensé comme add-on de Google Docs, facile d’acquisition et d’utilisation, Smart Debate va révolutionner votre façon de lire un texte! Smart Debate : The Future of Learning - You think you can debate? Think again!
Description
Le dispositif Smart Debate est une technologie qui permet de structurer des débats autour d'idées issues de la lecture collaborative d'articles en ligne. Il se concentre sur la mise en commun de réflexions et questionnements lors de lecture de textes dans un cursus académique ou scolaire.
Actuellement, lorsque les étudiants doivent lire des textes qu’ils sont tenus de commenter avec d'autres étudiants (par exemple pour en faire une synthèse), ils le font souvent de manière individuelle et n’ont que peu de moyens les soutenant dans l’échange avec leurs pairs. Certaines questions sont posées sur des forums, s’ils existent, ou sont échangées sur des plateformes annexes (type whatsapp ou Slack). Ces modes de fonctionnement génèrent plusieurs freins : asynchronicité, nécessité de sortir de l’espace de lecture du texte pour se connecter sur un dispositif de communication, et association de leurs noms à des questions qui seront potentiellement visibles par l’équipe enseignante. Tout ceci peut conduire à une diminution d’intérêt envers la réalisation de la tâche.
Avec le dispositif que nous proposons, nous tentons de répondre au besoin de stimulation et d’adhésion pour la tâche de lecture collaborative, par la création d’un espace d’échange avec pour objectif le débat d’idées. Sur la base des travaux sur le conflit socio-cognitif et tous les travaux qui ont suivi depuis sa définition, l’outil offre la possibilité de le rendre concret, par la mise en parallèle des réflexions des étudiants et d’échanges directs et en différé sur un point de discussion.
Principes
Initialement conçu pour favoriser l’engagement et l’adhésion des étudiants lors d’activités collaboratives à distance, ce dispositif soutient le processus d’apprentissage à plusieurs niveaux :
En premier lieu, la lecture d’article en mode collaboratif contribue à renforcer la motivation des étudiants pour une activité, sachant qu’ils font partie d’un groupe et qu’ils auront un espace de discussion à disposition en cas de doute et d’envie de discussion. Le design de Smart Debate aide également à rendre l’exercice plus ludique, par la présence d’avatars et d’une arène de débat (mode battle). Cette espace de débat participe également à la cohésion du groupe et permet une mise en pratique concrète d’un conflit socio-cognitif.
Smart Debate se distingue de dispositifs existants en proposant une structuration des débats. De nombreux outils de travail collaboratif sur des textes existent, notamment Google Docs, qui proposent aussi des outils de chats et de commentaires sur le texte. Cependant, le design de Google Docs n’est pas pensé pour faire un suivi des échanges et n’est pas organisé selon des règles spécifiques de débats qui sécurisent et structures les discussions. De même, des outils de lecture collaboratifs tel Emoviz, offrent déjà des possibilités de commenter et échanger sur des segments de texte, et partager une émotion liée à la lecture, mais le dispositif se concentre sur le partage d'émotions alors que Smart Debate est conçu pour favoriser l’émergence de débat et l'organiser.
Smart Debat est donc dispositif qui renforce la communication, l’échange et l’écoute dans le groupe. Il offre un environnement sécurisé et structuré pour soutenir les apprenants dans leur développement en privilégiant la co-construction de savoir entre pairs.
Revue de la littérature
Du point de vue du design, ce dispositif se base sur une approche centrée sur l’apprenant sur la base des travaux de Mayer (2010). L’auteur y démontre l’efficacité des outils dont l’objectif est d’adapter la technologie au service de l’apprentissage, en partant de l’apprenant, de ses besoins et des mécanismes d’apprentissage, et non pas des possibilités de la technologie. Dans cette perspective, Smart Debate n’utilise que des techniques déjà éprouvées et bien connues des utilisateurs, comme les chats, les plateformes de partage de documents et les avatars. En ce sens, la technologie n’est utilisée que pour privilégier les échanges et l’apprentissage. A ce stade de développement du prototype, il n’intègre pas de technologies plus avancées, comme l’intelligence artificielle, qui pourrait, par exemple, intervenir dans l’arbitrage des débats.
On peut compléter ces observations par l’article de Margarida Romero (2015) sur l’efficacité des TIC sur l’apprentissage lorsque celles-ci sont élaborées en vue d’une co-construction active des connaissances par les étudiants eux-mêmes, dans une situation pédagogique précise, avec une médiation par l’équipe enseignante. Le partage de connaissance et le processus de négociation qui s’ensuit, visant à la production d’un rapport majoritaire ou minoritaire, seraient difficilement réalisables sans l’aide des technologies qui permettent de garder les traces des échanges, sécuriser les débats, avec plusieurs modalités temporelles dans le débat, synchrone et asynchrone.
En ce qui concerne l’apprentissage collaboratif, nous pouvons apporter un éclairage en nous basant sur les travaux de Jorsack (2011). Son article présente des résultats importants à prendre en compte dans la phase de conception d’un outil collaboratif. D’une part, il soulève que la collaboration entre pairs est plus efficace qu’un échange entre enseignants (experts) et étudiants, grâce à la similarité de terminologie, contexte et complexité partagées par les apprenants. La gestion du débat par les étudiants eux-mêmes semblent un aspect essentiel de l’efficacité du dispositif. En outre, un des facteurs essentiels pour faire émerger un débat constructif est la sécurisation du cadre. Les théories de comparaison sociale (par exemple Festinger, 1954 ; Lemaine, 1960; Codol, 1975) et d’attribution sociale (notamment Weiner, 1971), qui sous-tendent les relations dans les groupes montrent combien il est facile pour les étudiants de dévier vers une régulation relationnelle dans l’échange au lieu de se concentrer sur la régulation cognitive. Pour palier à ce risque, l’utilisation d’avatars, d’émoticons pour transmettre ses émotions et la possibilité de stopper le débat par l’usage des cartons jaune et rouge participent à protéger l’estime de soi de tous les participants.
D’autre part, Jorzack revisite les théories autour du conflit socio-cognitif en modélisant le processus en trois phases, indispensables à l’apprentissage : phase initiale, phase de divergence et phase de convergence. La phase initiale permet à chaque étudiant de mobiliser ses représentations. La phase de divergence est l’étape de débat, où les représentations sont externalisées et confrontées les unes aux autres. La résolution du conflit se produit durant la phase de convergence, seule phase à laquelle il est possible de parler d’apprentissage, car un savoir commun a été construit. Smart Debate reproduit ces trois phases, par la présentation d’un texte, suivi d’un débat (divergence) et la production d’un rapport (convergence).
Afin de poser le cadre du débat, nous nous basons en premier lieu sur le texte de Sacks, Schegloff et Jefferson (1974) concernant l’organisation des prises de paroles dans divers modes de conversation. Dans ce texte, ils soulignent la présence quasi permanente d’une organisation par “tours” attribués ou auto attribués dans une conversation. Cette structure est présente dans d’autres activités comme certains jeux, la notion de file d’attente dans un magasin ou encore le système routier. Cette organisation peut être régie par des règles notamment dans une situation de débat, comme c’est le cas dans la structure proposée ici qui fonctionne avec un système de tours de parole dont l’ordre de répartition suit des règles claires énoncées à l’utilisateur.
En second lieu, nous avons pris en compte les observations faites par Charlot, Lecorre, Legrand, Leroux et Di Martino (2015) dans leur présentation sur les débats scientifiques préparatoires. Ils soulèvent le fait que “le « débat scientifique » est un outil pédagogique permettant à un enseignant d’amener sa classe à avoir une culture commune en terme de connaissances et de pratique de la démarche scientifique. “ Pour se faire, l’enseignant recrée un espace de débat s’apparentant à la réalité de la communauté scientifique par ses usages et ses règles. Il encourage la responsabilisation et l’autonomie en permettant, par le débat, l’identification des forces et faiblesses de la position défendue par la confrontation sans apporter une solution autoritaire mais en laissant la possibilité de “rectifier” ou “compléter” une réponse. L’objectif du débat n’est plus nécessairement l’obtention d’une réponse juste mais bien “que beaucoup d’élèves aient compris qu’en science il y a la nécessité de préciser, de modéliser, de définir et de conjecturer pour avancer” tout en construisant et affirmant leur position. L’enseignant pourra ensuite poursuivre en prenant en compte certains points charnières du débat.
Mesurer la plus-value pédagogique de l'outil
Nous pensons que cet outil révolutionnaire aura des plus-values pédagogiques au niveau cognitif et métacognitif. En effet, nous supposons que les deux dimensions les plus importantes que cet outil améliorera sera la capacité des apprenants à argumenter ainsi que leur compréhension de texte. Nous avons pensé à un design expérimental afin d’investiguer cet effet. L’idée serait de comparer ces deux dimensions (i.e. la capacité à argumenter et la compréhension de test) avant, puis après l’utilisation de l’outil. Pour être sûrs de la plus-value de l’outil, nous allons le comparer avec l’outil google docs seul.
Notre expérience sera donc constituée de deux variables indépendantes et d’une variable dépendante Notre variable indépendante sera le choix de l’outil: les gens utiliseront soit l’outil google docs, soit l’outil google docs agrémenté de l’add-on smart debate. Nous avons choisi ces facteurs avec l’idée de la value-added method en tête. Les variables dépendantes seront la compréhension de texte et la capacité à argumenter MESUREES AVEC QUOI?
Le design de l'expérience sera donc le suivant: dans un premier temps, un questionnaires mesurant les deux variables indépendantes sera distribué aux participants. Ils seront ensuite assignés aléatoirement au groupe google docs ou au groupe smart debate. Ils devront lire les textes et produire des débats. Finalement
Figure X: Schéma illustrant le déroulement de l’expérience
Sur la base de ce design, nous allons formuler les quatre hypothèses suivantes:
- H1: Les personnes assignées au groupe smart debate auront un score supérieur au post-test par rapport au pré-test pour la variable dépendante “comrpéhension des textes”
- H2: Les participants assignée au groupe smart debate auront un score supérieur au post-test par rapport au pré-test pour la variable dépendante “capacité à argumenter”
- H3: Les participants du groupe smart debate auront un score de compréhension des textes au post-test supérieur aux participants du groupe google docs
- H4: Au post-test, les participants du groupe smart debate auront un score de capacité à argumenter supérieur aux participants du groupe google docs
Pour tester les hypothèses H1 et H2, nous utiliserons un Test de Student à mesures répétées. Pour tester les hypothèses H3 et H4, nous utiliserons une ANOVA à 1 facteur (le facteur étant l’outil utilisé).
Description du prototype
Afin de mieux comprendre le fonctionnement du dispositif Smart Debate, il est nécessaire de faire sur le point sur le fonctionnement détaillé de la fonction battle. Le mode débat, ou battle, consiste en un débat réglé sur une thématique précise définie par les utilisateurs sous la forme de commentaires au texte étudié. En tant que débat réglé. il comprend diverses facettes de régulation et d’autorégulation de l’échange.
La première facette est l’introduction de règles de conduite à respecter sous peine d’être sanctionné par les paires. Ses règles de débats comportent deux volets : les règles de comportement et les règles de prise de parole. Rappelant les bases d’un comportement respectueux lors d’un échange comme la politesse ou l’interdiction d’intervention intempestive, les règles de comportement font office de charte à valider par le participant au lancement de la battle. Toute infraction à la charte pourra être signalée par un carton jaune ou un carton rouge selon la gravité. L’utilisation d’une telle charte, technique souvent mise en place en formation d’adultes, permet à la fois de poser un cadre commun, demande à chacun de s’engager face aux autres interlocuteurs, comme un contrat de confiance, et enfin permet surtout au groupe de s’autoréguler lors de dérives.
Le second volet concerne les règles de prise de parole. Le système proposé ici est calqué sur des pratiques de débats observées lors de débat en présentiel dans un cadre universitaire, scolaire et associatif. Dans ce cadre, les tours de parole sont répartis selon un ordre de priorité se basant sur la proximité de l’intervention avec le thème et l’ordre d’arrivée de la demande de prise de parole. Souvent exprimées à l’aide de gestes pour signifier l’introduction d’une nouvelle idée, une réponse en lien avec l’idée débattue ou une demande de réponse directe en cas d’attaque dirigée, ces manifestations silencieuses permettent à l’animateur de tenir une liste de prise de parole. De la même manière, certains codes gestuels sont utilisés pour manifester un soutien face à un argument présenté. Ces règles ont été reprise et adapté à l'environnement de débat distance de Smart Debate. L’utilisation de la technologie permet une gestion automatique des informations, la distribution des tours de parole selon l’algorithme prédéfini, la visualisation du soutien par l’utilisation du like ou dislike mais aussi grâce aux emoticons. Les participants régulent leurs interventions en indiquant par un click la nature de leur demande. De plus, les règles de priorité sont accessibles à tout moment. Si la demande s’avère non adaptée, le groupe peut signaler un abus un appliquant un carton jaune ou rouge.
La seconde facette du débat réglé est la génération des rapports de majorité et des rapports de minorités. Le rapport se base sur les arguments avancés lors du débat et permet de construire une trace de l’argumentation globale énoncée pour soutenir ou non une position. Les likes et dislikes permettent de faire ressortir un rapport. Dans le cas d’un consensus complet seul un rapport sera édité. Toutefois, à l’instar de divers conseils universitaires, communaux ou cantonaux, il est possible d’éditer un rapport minoritaire lorsque seul un consensus majoritaire est atteint mais qu’une position minoritaire persiste. Il est donc possible de voir coexister plusieurs rapports pour une même sujet de débat. Une telle option est en accord avec l’objectif pédagogique d’un tel débat qui ne force aucunement la nécessité d’une solution unique mais qui promeut la qualité de l’argumentation et l’approfondissement de la thématique, dimensions valorisées pour tous les intervenants dans la démarche du rapport de minorité. Tous deux sont ensuite téléchargeables et utilisables pour poursuivre la réflexion.
Sources
Charlot G. , Lecorre T, Legrand M., Leroux A., Di Martino H. (2015) "Le débat scientifique en classe : une démarche d’investigation collective pour une culture scientifique commune", Theis L. (Ed.) Pluralités culturelles et universalité des mathématiques : enjeux et perspectives pour leur enseignement et leur apprentissage – Actes du colloque EMF2015 – GT10, pp. 847-860.
Sacks H., Schegloff E.A., Jefferson G. (1974) “A simplest systematics for the organization of turn-taking for conversation”, Language, Vol. 50, No. 4, Part 1, pp. 696-735.