« Identité virtuelle » : différence entre les versions

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==DISCUSSION==
==DISCUSSION==


La littérature en sciences de l'éducation a donc traditionnellement lié l'engagement en formation à l'histoire de vie du sujet, définissant l'identité de celui-ci sous une perspective présente et future où la formation se positionne comme transition parfois conflictuelle. On retrouve aussi, peut-être dans une moindre mesure, des travaux tentant de comprendre le lien entre engagement dans un processus d'apprentissage et gestion d'une identité définie comme multiple. Cependant il nous parait pertinent d'aborder à présent l'identité sous une approche plus contemporaine aux technologies où nous retrouvons une littérature abondante et toujours en construction sur une notion d'identité bouleversé par "un univers virtuel". Un univers où les technologies "médient" les interactions sociales et les représentation de soi. Un univers où la notion d'identité multiple semblent encore se complexifier dans une hybridation du réel au virtuel. Un univers enfin, où le lien entre construction identitaire et dynamique d'engagement dans l'apprentissage reste à comprendre dans des dispositifs toujours plus innovant.
La littérature en sciences de l'éducation a donc traditionnellement lié l'engagement en formation à l'histoire de vie du sujet, définissant l'identité de celui-ci sous une perspective présente et future où la formation se positionne comme transition parfois conflictuelle. On retrouve aussi, peut-être dans une moindre mesure, des travaux tentant de comprendre le lien entre engagement dans un processus d'apprentissage et gestion d'une identité définie comme multiple. Aujourd'hui les nouvelles technologies et les pratiques innovantes de formation nous amène à redéfinir nos conception de l'identité. Dans les mondes immersifs, les technologies "médient" les interactions sociales et les représentation de soi et façonne un univers où la notion d'identité multiple semblent encore se complexifier dans une hybridation du réel au virtuel.


==CONCLUSION==
==CONCLUSION==

Version du 11 avril 2013 à 17:38

PRESENTATION

Monde immersif.png
Auteur Donato Cereghetti

David Brechet

Da Costa Julien

Problématique Construction de l'identité virtuel

et dynamique d'engagement dans des

dispositifs d’apprentissage immersifs.

Contexte SEM-Actu 2013

Intervenant: philippe-bonfils

INTRODUCTION

Internet dog.jpg

L'engagement en apprentissage est une question centrale qui se pose forcément à un moment donné pour tout concepteur de dispositif de formation. Comme le rappelle Etienne Bourgeois(1998) cette question de l'engagement peut être traité à deux niveaux, dans un premier temps l'engagement en tant que processus poussant un individu à entrée en formation à un certain moment de son histoire de vie, puis dans un second temps, l'engagement en tant qu'implication et investissement de l'individu dans le processus d'apprentissage. C'est sur ce second niveau que nous avons choisi d'axer notre problématique et c'est de lui que nous parlerons lorsque nous emploierons le terme d'"engagement".

Comme nous le verrons les dynamiques d'engagement d'un individu en formation sont fortement liés aux enjeux identitaires de celui-ci, hors avec le développement des environnements informatique toujours plus immersif, les dispositifs technologique de formation évoluent et complexifient la notion d'identité dans une hybridation du réel au virtuel toujours croissante.

Dans le contexte des sciences de l'éducation nous nous demandons alors comment cette redéfinition de l'identité influent sur l'engagement en apprentissage dans ces dispositif de formation toujours plus immersif. Après un rapide cadrage théorique sur la notion de monde immersif, nous présenterons le lien entre construction identitaire et dynamique d'engagement selon l'approche classique en sciences de l'éducation, puis nous aborderons la question de la redéfinition identitaire selon une approche plus contemporaine aux environnements technologiques. Enfin nous tenterons de faire émerger des pistes de réponse sur la façon de gérer la question de l'identité dans les dispositifs de formation pour favoriser l'engagement de l'apprenant.

IDENTITÉ et ENGAGEMENT en SCIENCES de L'EDUCATION

L'engagement dans l’apprentissage proprement dit peut être définie comme le "processus qui conduit le sujet, une fois entré dans la formation et confronté à des situations spécifiques d’apprentissage, à accepter de mettre ses connaissances préalables au travail, et à relever le défi de leur transformation." (E.Bourgeois, 1998). Ainsi, se former c'est souvent se transformer. Comme le rappel l'auteur, "s’engager en formation et dans l’apprentissage signifie, pour le sujet, s’engager dans un processus dont il sait — ou pressent en tout cas — qu’il le conduira à mettre en question ses conceptions, ses croyances, ses savoirs et savoir-faire familiers, à faire le deuil de ses manières familières de penser le monde et d’agir, sans par ailleurs trop bien savoir où cela va le mener."(ibid) De ce fait, de nombreux auteurs en sciences de l'éducation ont commencé depuis les années 1980, 1990 à travaillé l'engagement en formation sous la perspective de la construction identitaire (Cf M.kaddouri, J.-M Barbier, E.Bourgeois, P.-M Mesnier...).

Située au carrefour entre la philosophie, l’anthropologie la psychologie, le droit et la sociologie, l’identité est une notion polysémique aux contours flous. D’après le dictionnaire de psychologie rédigé sous la direction de Roland Doron et Françoise Parot, l’identité représente le caractère de « ce qui est même (mêmeté) ou unique, bien que pouvant être perçu, représenté ou dénommé de manières différentes ». La notion d’identité renvoie simultanément au concept de reconnaissance et au concept d’individuation : elle désigne un processus permettant à une personne d’être reconnue pour ce qu’elle est à partir des éléments qui l’individualisent (définition du Petit Robert, 2003). De ce fait, le terme d’identité est par sa nature contradictoire, voir paradoxale : il est le résultat d’un processus articulant la volonté de singularisation (i.e. se distinguer des autres) et la volonté d’appartenance et de reconnaissance (i.e., ressembler aux autres ; Parmentier & Rolland, 2009). Dans le vocabulaire de psychosociologie rédigé sous la direction de Barus-Michel et collaborateurs, Vincent de Gaulejac suggère d’ailleurs que la notion d’identité prend son sens « dans une dialectique où la similitude renvoie au dissemblable, la singularité à l’altérité, l’individu au collectif, l’unité à la différenciation, l’objectivité à la subjectivité ». D’après les théories interactionnistes, l’identité est un processus dynamique, mouvant : le soi de l’individu se construit dans la relation à l’autre (Mead, 1963).

Pour M.Kaddouri(1996) la formation peut être vu en tant que perception par l'individu d'un passage d'une "identité hérité" à une "identité visée". L'engagement en formation d'un individu va ainsi dépendre en partie de cette perception. Celle-ci sera positive si la formation est vécu comme le moyen de combler un écart existant à ses yeux entre son identité et celle qu'il vise. Au contraire elle sera négative si la formation est ressentie comme "comme moyen de 'conversion identitaire' refusée par l’individu". L'individu doit pouvoir intégrer la formation comme une partie dynamique cohérente de son identité.

Dans cette perspective nous pouvons donc noter que d'une part, l'identité d'un individu n'est pas seulement un "état" défini par la somme des expériences personnelles et sociales de l'individu mais englobe aussi le "devenir" tel que perçu par l'individu; d'autre part et conséquemment, toute formation peut revêtir un fort enjeu identitaire car est le lieu de tension entre d'un coté volonté de préservation identitaire et de l'autre transformation identitaire. Au regard de cette tension identitaire les auteurs se sont donc interrogés sur ce qui pouvait bien pousser un individu à s'engager activement dans son apprentissage. Au coeur de la plus part des modèles [cf travaux Rubenson (1977), Wlodkowski (1993), Cross (1982)] se trouve le concept "expectancy value", soit la valeur de la formation aux yeux de l'apprenant et sa perception des chances de réussite. Plus la perception de la valeur d'une formation (formation qui apporte beaucoup, qui va véritablement permettre à l'individu d'atteindre ses objectifs selon sa trajectoire de vie 'identité visé') et des chance de réussite (perception de ces capacités, discussion avec son identité hérité de son histoire de vie) est grande, plus l'engagement dans sa formation sera fort.

E.Bourgeois(1998) résume ainsi le lien entre engagement et identité "le cas de figure le plus propice à l’engagement en formation et dans l’apprentissage est celui dans lequel se trouvent combinés un enjeu identitaire fort des connaissances mises en jeu (c’est-à-dire leur lien étroit avec l’identité du sujet) et une dynamique que nous pourrions qualifier très grossièrement de « transformation identitaire ». Le cas de figure le plus défavorable combinerait un enjeu identitaire fort et une dynamique de « préservation identitaire".

A ce stade nous pouvons constater que la notion d'identité et d'engagement en formation est traité en Sciences de l'éducation selon un premier axe de différenciation entre la perception de son identité présente et de son identité visée, où la formation peut dès lors apparaitre aux yeux de l'individu comme lieu de transformation identitaire positif ou refusé. Un axe de focalisation donc très ego-centré (questionnement personnel sur sa propre identité) dans lequel la valeur de la formation aux yeux de l'individu joue un rôle centrale sur son processus d'engagement.

Dans son article Etienne Bourgeois(1998) rappel que nous pouvons cependant trouvé un second axe de différenciation dans la littérature des sciences de l'éducation, hérité de travaux sociologique (cf. théorie de la double transaction chez Dubar, 1991, ou sa reformulation par Barbier, 1996; Voir aussi Dubar, 2000;). Ce dernier est moins ego-centré mais complémentaire du premier et se caractérise par la distinction d'une identité pour soi et pour autrui. Dans la perspective interactionniste étudié par C.Dubar, la construction de l’identité se fonde sur l’articulation entre deux formes de transaction, une transaction objective (avec les autres, l’identité attribuée) et une transaction subjective (avec soi-même, l’identité professionnelle pour soi). On aborde ici la notion d'identité multiple se déclinant selon la variété des contextes sociaux. Une approche reprise par Kaddouri(1996), dans laquelle un individu se caractérise par la multiplicité et la variété des composantes identitaires. En effet, chacun d'entre nous, selon les cas et les situations, présente des identités multiples : familiale, professionnelle, politique, sociale.. Ce qui pose selon l'auteur "le problème de la gestion de la cohérence de cette multiplicité". Selon les moments en rapport à son histoire de vie, le sujet peut donc entrer en "concordance" ou "discordance" de ces "figures identitaires multiples".

Les dynamiques identitaires se résument donc pour Kaddouri et Bourgeois à "des modalités de gestion de ces tensions identitaires" et E.Bourgeois(1998) constate que "L’engagement en formation prendra ainsi pour le sujet des significations différentes et s’accompagnera d’affects différents, selon la fonction qu’il peut exercer, aux yeux du sujet, comme moyen, ou au contraire comme obstacle, à sa dynamique identitaire du moment." La formation peut donc parfois se poser au carrefour de différentes figure identitaires d'un individu, et son engagement dans celle-ci ne serait effective que si cette dernière n'entraine pas d'interaction conflictuelle entre ces différentes figures identitaires.

IDENTITE NUMERIQUE ET MONDE IMMERSIF

IDENTITE NUMERIQUE : TENTATIVE DE DEFINITION

D’après Goerges, l’identité numérique prends une forme mixte ; une forme hybridant réel et virtuel : la représentation de l’utilisateur « ne se compose pas seulement de signes qu’il déclare lui-même (…), mais aussi de signes qui sont saisis par les autres utilisateurs ou par le système (…) ». Ainsi, cet auteur propose un modèle comportant trois composantes de l’identité numérique : l’identité déclarative, l’identité agissante et l’identité calculée. L’identité déclarative est composée par un ensemble de signes délivrés délibérément par l’individu afin de se présenter ; l’identité agissante correspond à un ensemble de signes interprétés par le système qui informent sur l’activité de l’utilisateur dans la plateforme ; et enfin l’identité calculée est composée par une série de signes produits par le système visant à quantifier l’activité de l’utilisateur. Fait intéressant, les utilisateurs peuvent mentir sur les signes qu’ils délivrent de manière délibérée – i.e. l’identité déclarative – mais pas au niveau des signes saisis par le système – i.e l’identité agissante et calculée.

D'autres auteurs suggèrent que l'identité numérique prends de formes différentes suivant le type de plateforme. Ainsi, dans son article “Le design de la visibilité”, Dominique Cardon (2008) suggère que chaque plateforme du web 2.0 se caractérise par une politique de visibilité qui façonne la manière dont l’utilisateur joue avec sa propre identité numérique. La typologie proposée par Cardon se forge sur deux continuums : l’extériorisation de soi et la simulation de soi. À partir de deux axes, l’auteur propose ainsi cinq formats de visibilité : le paravent, le clair-obscur, le phare, le post-it et la lanterna magique. Dans les plateformes basées sur le principe du paravent, les utilisateurs sont visibles aux autres exclusivement à partir d’un moteur de recherche. Dans les plateformes organisées autour du principe du clair-obscur, les utilisateurs rendent visible leur quotidien à un cercle relationnel restreint ; alors que dans les plateformes caractérisées par le principe du phare, les utilisateurs rendent visible leur quotidien à un plus vaste réseau relationnel. Dans les plateformes construites autour du principe du post-it, les utilisateurs rendent visible à un réseau de proches leur disponibilité ainsi que leur présence. Enfin, dans les plateformes basées sur le principe de lanterna magique les utilisateurs se manifestent par des avatars. L'avatar est défini par Peterson (2005) comme étant une manifestation en ligne de soi dans un monde virtuel et est dessiné pour améliorer l'interaction dans un espace virtuel. Il ne participe pas seulement à la construction de l’identité numérique de l’utilisateur au sens de la représentation (même symbolique) de son corps physique, il participe aussi à la matérialisation de la présence à distance de celui-ci (Bonfils 2011). L’utilisateur incarne de ce fait le rôle d’un personnage virtuel impliquant l’émergence d’une deuxième identité.

D’après Cardon (2008), la présentation de l’utilisateur sur le web 2.0 diffère suivant le type de plateforme : les internautes « différemment selon les plateformes, contrôlent la distance à soi qu’ils exhibent à travers leur identité numérique ». Ainsi, dans les plateformes caractérisées par un politique de type paravent ou post-it, les individus sont tendent à se présenter de manière réaliste : l’identité numérique véhicule des traits caractérisant leurs vie ordinaire, professionnelle et amicale. Au contraire, dans les plateformes caractérisées par une politique de visibilité de type clair obscure et lanterna magique, l’utilisateur a la possibilité de dissimuler des traits de son identité réelle. En particulier, l’avatar permet à l’utilisateur d’expérimenter une multitude d’identités qui s’éloignent de manière significative de sa vie ordinaire.

MONDES IMMERSIFS

Bonfils définit un monde immersif comme “Tout dispositif d’information et communication numérique proposant un niveau d’immersion sensorielle, visuelle voire psychique du sujet”, ou comme “une mobilisation d’images (réelles ou synthèse), de sons, mais aussi d’activités sollicitant les usagers”. Nous pouvons dire que c'est un ensemble très vaste de dispositifs plus ou moins numériques tels que des environnements numériques de travail, des applications ludiques de formation en présentiel ou à distance type serious games, des outils collaboratifs, des applications de simulation (réalité virtuelle et réalité augmentée), des jeux vidéo ou encore des installations muséographiques et scéniques.

Ces environnements immersifs peuvent être vu comme des espaces d’addiction, des paradis artificiels d’un cyberspace désocialisant, ce que Mark Dery qualifie "d’opium de l’homme schizoïde du XXIème siècle, écartelé qu’il est entre son corps et son esprit" (Dery, 1997 : 265), mais paradoxe, dans le même temps ces environnements se révèlent aussi comme de nouveaux espaces de socialisation et de communication à distance ! Pour rejoindre la pensée de Marx, « Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience » (Marx, 1859, p. 5). De cette manière, l’expérience d’un environnement immersif qui s’appuie souvent sur une quête intérieure et solitaire doit se transformer en dialectique sociale, certes à distance, mais à tout le moins avec l’autre. Un monde immersif se définie avant tout comme une pratique sociale bien plus qu'il ne se définie par une représentation réaliste du monde réelle. De même, la représentation de l'utilisateur par un avatar ne participe pas seulement à la construction de l’identité numérique de l’utilisateur au sens de la représentation (même symbolique) de son corps physique, il participe aussi à la matérialisation de la présence à distance de celui-ci (Bonfils 2011). "L’avatar matérialise une présence, il l’amplifie et dans le même temps fait aussi effet de distorsion par l’effet du masque. Par la gestuelle, l’attitude, le mouvement, Il permet « d’occuper » l’espace virtuel dans toutes ses dimensions proxémiques entre sphère privée et publique" (Ibid, 2007).

Au delà donc d'une simple représentation de soi, l'avatar est une entité matérialisant une présence, une "façon d'être". Cette entité n'est pas simplement transmissive d'information mais bien une entité agissante, douée de capacité gestuelle, et par là même véhicule d'une des composantes essentielles de l'identité : l'attitude. L'avatar par la manière de s'approprier l'espace dans ces déplacements, sa manière de bouger, d'user de gestes exerce une influence dynamique sur nos comportements. L'attitude est en somme "une manière de se comporter ou une prédisposition à porter un jugement, à manifester un comportement dans une situation donnée." (Allport, 1935). L'aide, la motivation, l'acte qui consiste à rassurer l'apprenant lorsque cela s'avère nécessaire peut être augmentée grâce au geste. Le geste chaleureux, le geste d'encouragement, le geste humoristique (phénomène des danses ridicules effectuées par les avatars, par exemple) construise une manière d'être, une attitude, une composante de notre identité construite par nos faits et gestes dans l'environnement virtuel. Il existe une littérature abondante sur le geste comme dimension identitaire (notamment en sociologie des professions) et dimension structurante d'une communication.

Enfin un autre aspect important de la possibilité gestuelle de l'avatar est caractérisé par le fait qu'un l’utilisateur investit son corps numérique et sort de sa passivité contemplative. Il devient spectateur-acteurs de son corps imagé, l’action prolonge l’image et permet de restituer l’invisible (Weissberg, 1999). Ce passage d'une position passive à active, de spectateur à acteur et vice versa est un changement de paradigme amenant à la définition d'une identité agissante.

PROBLEMATIQUE DE L’ANONYMAT

Guegan et Michinov (2011) se sont interrogées sur la problématique de l’anonymat et sur ses conséquences dans les interactions sociales dans les environnements immersifs. D’après ces auteurs, l’anonymat dans le web 2.0 présente des aspects négatifs et des aspects positifs.

Parmi les aspects négatifs, les auteurs mentionnent le processus de dé-individuation et l’effet de paresse sociale. Observé dans les situations de masse, le processus de dé-individuation représente une « altération de la conscience de soi et de la capacité à raisonner sur ses actions d’une manière autocritique » (Festinger et al., 1952 ; mentionnées par Guegan & Michinov, 2011). Ainsi, les individus dans les situations de masse sont anonymes et inidentifiables. Cela contribue à une baisse inhibitoire, du sentiment de responsabilité et à l’apparition des comportements anti-normatifs. L’effet de paresse sociale, observé par Ringelmann (1913), suggère que les individus fournissent moins d’effort lorsqu’ils doivent accomplir une tâche en groupe ; situation dans laquelle les sujets bénéficient justement de l’anonymat.

Parmi les aspects positifs de l’anonymat, Guegan et Michinov (2011) citent le « Social Identity Model of Deindividuation Effects (SIDE) » (Reicher et al., 1995). D’après ce modèle, en situation d’anonymat les individus ne portent pas leur attention sur les individualités composant le groupe. Au contraire, lors du processus de dé-individuation, les individus centrent leur attention sur les relations de groupe et sur l’identité sociale d’appartenance. Ainsi, les individus vont ainsi passer « d’un pôle interpersonnel à un pôle intergroupe » (Guegan & Michinov, 2011). Le modèle du proteus effect (Yee et al., 2007) est un modèle complémentaire au SIDE permettant de comprendre l’influence de l’avatar sur le comportement de l’utilisateur dans un environnement virtuel. D’après ce modèle, il existe une relation bidirectionnelle entre l’avatar et son propriétaire. L'effet proteus postule que les utilisateurs modulent leurs comportements à partir des attentes des interlocuteurs. Ces attentes seraient générées en fonction de la nature de l’avatar : « sous l’action de sa représentation virtuelle, le sujet va donc s’auto-influencer et rationaliser ses comportements dans le sens de la nouvelle identité constituée par l’avatar » (Guegan & Michinov, 2011). Plusieurs études expérimentales suggèrent l’existence de cet effet. À titre d’exemple, Yee et collaborateurs (2007) suggèrent que la taille de l'avatar a un effet sur la confiance de son propriétaire dans une tâche de négociation : les avatars de grande taille seraient associés à un degré de confiance plus importante par rapport aux avatars de petite taille.

STRATEGIES DE LA PRESENTATION DE SOI

D'après Guegan et Michonov il y a quatre stratégies de la présentation de soi sur internet : la fausse idée ou dissimulation de soi, la version ameliorée ou idéalisée de soi et la version vraie ou autenthique.

De manière similaire, Parmentier et Rolland (2009) ont identifié - à partir d’une enquête de terrain à visée qualitative - quatre positionnements identitaires des résidents de Second Life : la duplication, l’amélioration, la transformation et la métamorphose. La duplication s’apparente à la version vraie ou authentique proposée par Guegan et Michinov (2011) : l’avatar de l’utilisateur tend refléter la totalité de la personnalité de son propriétaire. La projection de l’identité réelle sur l’avatar est à son niveau maximal : « l’avatar est l’individu, c’est-à-dire une copie comportementale et graphique la plus proche possible de lui-même » (Parmentier & Rolland, 2009). Dans la posture de type amélioration, l’utilisateur projette une seule partie de son véritable identité (en générale les traits positifs). Les comportements et la personnalité de l’avatar restent très proches à ceux de son propriétaire. Au contraire, l’apparence physique de l’avatar diffère de manière importante de l’apparence de l’individu du monde physique : « le résident profite du monde virtuel pour être physiquement ce qu’il ne peut pas ou plus être dans le monde physique et pour exposer le meilleur de lui-même » (Parmentier & Rolland, 2009). La transformation, contrairement à l’amélioration, implique un changement significatif au niveau de la personnalité : « il s’agit de gommer dans la personnalité de l’avatar tout ce que l’utilisateur rejette dans la sienne ou tout ce qu’il lui est difficile d’assumer » (Parmentier & Rolland, 2009). À titre d’exemple, un individu timide peut contrôler un avatar extraverti. Lors de la métamorphose, l’avatar prend une position totalement dissocié de la vie réelle de son propriétaire. Cette posture s’apparente à la fausse idée ou dissimulation de soi proposée par Guegan et Michinov (2011). L’avatar diffère donc de manière importante de son partenaire sur plan physique et de la personnalité : « le monde virtuel est alors une plate-forme pour vivre une autre vie et s’évader des limitations du monde physique » (Parmentier & Rolland, 2009).

DISCUSSION

La littérature en sciences de l'éducation a donc traditionnellement lié l'engagement en formation à l'histoire de vie du sujet, définissant l'identité de celui-ci sous une perspective présente et future où la formation se positionne comme transition parfois conflictuelle. On retrouve aussi, peut-être dans une moindre mesure, des travaux tentant de comprendre le lien entre engagement dans un processus d'apprentissage et gestion d'une identité définie comme multiple. Aujourd'hui les nouvelles technologies et les pratiques innovantes de formation nous amène à redéfinir nos conception de l'identité. Dans les mondes immersifs, les technologies "médient" les interactions sociales et les représentation de soi et façonne un univers où la notion d'identité multiple semblent encore se complexifier dans une hybridation du réel au virtuel.

CONCLUSION

Cette rapide exploration de la littérature nous a permis d’esquissez quelques pistes de réfléxion sur le rapport entre identité et engagement dans l'apprentissage pour la mise en oeuvre de formation dans les environnement virtuels se voulant immersif.

  • Comme nous avons pu le voir, au delà des capacités techniques du dispositif de réalité virtuelle, l'immersion est d'abord liée à la présence d'autrui. C'est bien les possibilités d'interaction les plus riches possibles avec les autres qui lie l'utilisateur à un dispositif dont "l'univers" se construit littéralement par et dans cette dynamique relationnelle. Dès lors dans le contexte de la formation se pose la question de la régulation. En sciences de l'éducation nous savons depuis longtemps que les relations négatives entre apprenants sont néfastes pour l'engagement dans le processus d'apprentissage. Si l'interaction entre individu est aussi proche que possible de la réalité, ne faut-il pas se rapprocher dans le même temps des mode de régulation que nous retrouvons dans les contexte réels de formation ? (Implication de l'enseignant dans la gestion des relations étudiantes, community manager)
  • Pour qu'il y ait engagement dans le monde immersif, un processus de construction identitaire doit avoir lieu. Une appropriation par l'utilisateur d'une identité virtuel liée à son identité réelle(identité mixte). Une transposition d'une "partie de soi", quelque chose qui nous représente aux yeux des autres. Si le monde est virtuel, les finalités de la formation sont bien réelle et des apprentissages doivent avoir lieu et se transférer dans la pratique réelle de la personne formée. Dans le cadre d'une formation, il nous semble que dans la plus part des cas l'identité déclarative (F.Georges) de l'apprenant doit être similaire à l'identité légale de l'apprenant. D'une part pour des raisons purement logistique et institutionnelles (Suivie de l'apprennant, processus administratif). D'autre part car la formation s'inscrit dans une histoire de vie réelle, participe de la construction identitaire d'un sujet. Une scission trop grande entre l'identité réelle et virtuel nous parait dangereux en terme d'engagement dans le processus d'apprentissage et de transfert des acquis.
  • Expectancy value de la formation. L'engagement est d'autant plus fort que la valeur de la formation aux yeux de l'apprenant est grande. Les dispositifs innovant tel que les monde immersif ont leur preuve à faire en formation ne pas être perçu comme des gadgets technologiques. Il ne faut pas simplement trouvé le dispositif attrayant, original, ou intéressant, il semble qu'il faille aussi être convaincu de son efficacité et de la plus value de cette formation novatrice dans notre histoire de vie.

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