« Serendipité » : différence entre les versions

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Bourcier Danièle, Pek van Andel (2008) De la sérendipité
Bourcier Danièle, Pek van Andel (2008) De la sérendipité


Philipp Marlowe, Let there be Light ! (2006) Intuition and Social Sciences Palantea, Malé
Marlowe Phillip, Let there be Light ! (2006)Intuition and Social Sciences Palantea, Malé


B. Bachimont. (1999). De l'hypertexte à l'hypotexte : les parcours de la mémoire documentaire
Bachimont Bruno (1999, De l'hypertexte à l'hypotexte : les parcours de la mémoire documentaire
 
Levy Pierre(1994), L'intelligence collective : pour une anthropologie du cyberespace


[http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Trois_Princes_de_Serendip Les Trois princes de Serendip], article de Wikipédia, consulté en février 2010
[http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Trois_Princes_de_Serendip Les Trois princes de Serendip], article de Wikipédia, consulté en février 2010

Version du 14 février 2010 à 17:47


Cet article est en construction: un auteur est en train de le modifier.

En principe, le ou les auteurs en question devraient bientôt présenter une meilleure version.





Resumé - Abstract

ici résumé français et anglais .

mots clé : sérendipité, serendipity,...


Historique et contexte

C’est à partir d’un conte persan publié en 1557 que le terme anglais de serendipity a été crée en 1754 par Horace Walpole dans une lettre qu’il écrivit à Horace Mann, ambassadeur à Florence. Il raconte comment il a fait une découverte importante et tout à fait inattendue sur sa famille et à cette occasion il fait le lien avec le conte de Serendip.

Le roi de Serendip avait trois fils. Un jour il leur propose de prendre le pouvoir mais aucun des trois n'en veut. Le roi les expulse du royaume et s’ensuit alors un long voyage pour les trois princes (sur le mode de la peregrinatio). Sur leur route, ils croisent les traces d’un chameau. L’aîné observe que l’herbe est broutée mais seulement d’un coté, il en déduit que le chameau est borgne. Le cadet remarque de l’herbe restante non broutée a la taille d’une dent, il en déduit que le chameau a perdu une dent. Le benjamin, lui, note que les empreintes sont inégales, il pense donc que le chameau boite. Ensuite ils remarquent des colonnes de fourmis d’un coté de la route et de l’autre coté des colonnes d’abeilles. Ils pensent alors que sur l’un de ses flancs, le chameau transporte du beurre et sur l’autre du miel. Et enfin ils observent que quelqu’un s’est accroupi et ils voient l’empreinte d’un petit pied près d’une flaque humide. Ils se disent que c’était probablement une femme qui conduisait le chameau et qu’elle était enceinte car elle avait utilisé ses mains pour se relever. Sur leur route, les 3 frères rencontrent un conducteur de chameaux qui justement a perdu une de ses bêtes. Les trois princes en font une description tellement minutieuse à partir de leurs déductions qu’ils sont accusés de vol puis jetés en prison par le roi persan Vahram. Ils sont sauvés de l’exécution par un voyageur qui témoigne avoir vu le chameau errer dans le désert. Ils sont alors graciés et couverts de somptueux présents.

En 1748, Voltaire reprendra cette histoire dans Zadig ou la destinée. A la manière des trois princes, Zadig décrit avec précision un chien et un cheval disparus. Il est accusé de vol puis réhabilité. Le conte de Voltaire donnera naissance à un synonyme de sérendipité, très peu usité et pratiquement méconnu : la zadicité. Le romancier anglais William Boyd inventa l'antonyme de serendipité : zemblanité. Il imagina une île -l'île de Zembla- où les habitants auraient la faculté de faire des découvertes malheureuses, malchanceuses, attendues et inutiles.

Mais ce n’est qu’en 1833 que le mot serendipity sera imprimé pour la première fois et c’est seulement en 1875 que le terme sera repris. L’observation du caractère sérendipiteux de certaines situations existait bien avant que le mot ne soit construit, notamment à travers l’étude des découvertes scientifiques. Le concept de sérendipité est ensuite sorti du champ littéraire pour s’étendre au secteur des sciences exactes, des sciences sociales et arriver jusqu’à notre époque où il couvre maintenant le champ des usages de l’Internet.

Des exemples

Définition et enjeux

Walpole, en s’appuyant sur le conte, définit ainsi la sérendipité : « quand ses Altesses voyageaient, elles faisaient toujours des découvertes, par accidents et par sagacité, des choses qu’elles ne cherchaient pas ».

Ce n’est pas le raisonnement déductif des personnages qui caractérise la sérendipité mais le résultat de leur sagacité, en l’occurrence dans le conte les récompenses non recherchées et obtenues. La sérendipité c’est l’art de trouver ce que l’on ne cherche pas, c’est le hasard créatif, l’inattendu fertile.

Dans les dictionnaires de langue anglaise, le mot serendipity est décrit selon deux modalités différentes :

  • soit il s’agit d’une aptitude personnelle : une faculté, un talent, une capacité naturelle ou fruit d’un apprentissage.
  • soit il s'agit d’un phénomène objectif mis en œuvre par des processus cognitifs : observation, interprétation, raisonnement, explication.

Danielle Bourcier et Peck van Andel s'interrogent et constatent : " S’agit-il d’une intuition forte, de recherches délibérées, d’attention flottante ? Toutes sortes d’hypothèses se cristallisent autour de ce terme forgé au XVIIIe par un érudit qui, dans ses lettres exprimait sa passion pour les collections et les découvertes magiques ". [1]

Pour mieux comprendre l'étendue du terme, voici quelques définitions de 1754 à nos jours :

  • Walpole (1754) : Le fait de découvrir quelque chose par accident et sagacité alors que l'on est à la recherche de quelque chose d'autre. Des découvertes inattendues, faites grâce au hasard et à l’intelligence
  • Merton (1945) : La découverte par chance ou sagacité de résultats pertinents que l'on ne cherchait pas. La sérendipité se rapporte au fait assez courant d'observer une donnée inattendue, aberrante et capitale qui donne l'occasion de développer une nouvelle théorie ou d'étendre une théorie existante.
  • Merton (1949) : Le processus par lequel une découverte inattendue et aberrante éveille la curiosité d'un chercheur et le conduit à un raccourci imprévu qui mène à une nouvelle hypothèse.
  • Charles Darwin (1953) : Qualité qui consiste à chercher quelque chose et, ayant trouvé autre chose, à reconnaître que ce qu'on a trouvé a plus d'importance que ce qu'on cherchait.
  • Philippe Quéau (1986) : L'art de trouver ce que l'on ne cherche pas en cherchant ce que l'on ne trouve pas.
  • Yves-Michel Marti (circa. 1995) : L'art de trouver la bonne information par hasard.
  • Pek Van Andel & Danièle Bourcier (2001) : La capacité à découvrir, inventer, créer ou imaginer quelque chose de nouveau sans l’avoir cherché, à l’occasion d’une observation surprenante qui a été expliquée correctement.
  • Mark Raison (2002) : L'art de faire des découvertes heureuses, inattendues et utiles par hasard.
  • Pek van Andel (2005) : L'art de faire des trouvailles.
  • Christian Vanden Berghen (2005) : Art de se mettre en condition de découvrir quelque chose (une information, un médicament, une technique) alors que l'on ne travaille pas directement sur ce sujet.
  • Lionel Bellenger (2005) : Capacité, à la suite d'un concours de circonstances particulier, à trouver quelque chose que l'on ne cherchait pas, d'en comprendre l'intérêt et de décider de l'exploiter immédiatement.

Les conditions de la sérendipité

Le hasard

Le hasard occupe une place prépondérante dans les phénomènes de sérendipité. En effet, il n’y a pas de sérendipité planifiée et décidée ! " Les idées expérimentales naissent très souvent par hasard et à l’occasion d’une observation fortuite. Rien n’est plus ordinaire et c’est même le procédé le plus simple pour commencer un travail scientifique. On se promène, comme l’on dit, dans le domaine de la science, et l’on poursuit ce qui se présente par hasard devant les yeux. Bacon compare l’investigation scientifique à une chasse ; les observations qui se présentent sont le gibier. Et continuant la même comparaison, on peut ajouter que si le gibier se présente quand on le cherche, il arrive aussi qu’il se présente quand on ne le cherche pas, ou bien quand on en cherche un d’une autre espèce " [2]

La curiosité

Mais comme l’écrivait Pasteur en 1854, « Le hasard ne favorise que les esprits préparés » : le hasard nous interpelle parfois mais nous passons à coté. Ainsi Fleming a découvert la pénicilline en oubliant une préparation sur le rebord d’une fenêtre mais c’est bien parce que ce qu’il observait alors l’intriguait qu’il a décidé d’investiguer. Il aurait pu simplement jeter la préparation abîmée. C’est pourquoi dans le phénomène de sérendipité, le hasard bien qu’essentiel est inopérant s’il n’y a pas une solide curiosité, une capacité à opérer des transferts de connaissances, à se départir des modèles attendus et à comprendre les phénomènes surgissants.

L'abduction

La sérendipité est rattachée à un mode de raisonnement peu connu et mal aimé, souvent appelé "raisonnement de la meilleure explication possible" : l’abduction. En épistémologie, l’abduction est un procédé consistant à introduire une règle à titre d’hypothèse afin de considérer ce résultat comme un cas particulier tombant sous cette règle. En psychologie cognitive l’abduction est une forme de raisonnement intuitif qui consiste à supprimer les solutions improbables. Cette notion s’oppose à une logique d’exploration systématique.

L’abduction permet de remonter des effets aux causes, c’est le processus d’une hypothèse explicative. "C’est la seule opération logique qui introduit une quelconque idée neuve ; parce que l’induction détermine une valeur et la déduction produit seulement les conséquences inévitables d’une pure hypothèse. La déduction prouve que quelque chose doit être ; l’induction que quelque chose marche de facto ; l’abduction suggère seulement que cela est possible (...) L’abduction est par excellence le mode de raisonnement du diagnostic médical ou de l’enquête judiciaire" [3]

"En d'autres termes, l'abduction est une procédure de normalisation d'un fait surprenant. C'est un effort de raisonnement que l'on entreprend lorsqu'il y a rupture de notre système d'attentes, un raisonnement « Imaginatif » faisant appel à nos connaissances. L'abduction s'inscrit dans une logique de procès et non dans une logique de calcul, elle renvoie à un contexte et à une culture, à un habitus social." (Sylvie Catellin, 2004)

Les degrés de sérendipité

Danièle Bourcier et Pek Van Andel distinguent différents degrés dans la sérendipité :

  • La sérendipité positive

Une observation surprenante est faite et elle est interprétée correctement, puis vérifiée et confirmée par des expériences scientifiques.

  • La sérendipité négative

Une observation surprenante est faite mais elle n’est pas correctement interprétée. Parfois elle ne sera convenablement expliquée que bien plus tard.

  • La pseudo-sérendipité

R.M Roberts dira en 1989 : "J’ai forgé ce terme de pseudo-serendipité pour décrire dans les découvertes accidentelles, différentes manières d’arriver à un but recherché, en contraste avec la signification de la (vraie) sérendipité qui décrit la découverte accidentelle de choses non cherchées." [4] Dans la pseudo-sérendipité, on trouve ce que l’on cherchait mais par une route imprévue. Par exemple Charles Goodyear, qui cherchait depuis des années comment faire en sorte que le latex soit insensible aux hausses de température, en fît la découverte par hasard, en laissant tomber un mélange de gomme et de souffre sur le poêle. Il découvrit alors le procédé de vulcanisation.

Les enjeux de la sérendipité

Dans la recherche d’information

On trouve des cas de sérendipité dans les sciences expérimentales, les sciences humaines, la technique, l’art et la vie quotidienne. Mais c’est le domaine de la recherche d’information sur Internet qui a propulsé la sérendipité sur le devant de la scène et remis le terme au goût du jour. Le Web, de par sa construction réticulaire et hypertextuelle favorise tout à fait des phénomènes de sérendipité. Ted Nelson invente le terme d’ "hypertexte" en 1967 pour désigner un type de documents non-linéaires qui s’interconnectent entre eux et permettent de multiples parcours, non seulement de lecture mais aussi d’écriture. Claire Belisle nous rappelle que « dès le départ l'hypertexte ne devait pas servir simplement à présenter de l’information mais aussi à construire ses propres connaissances ». Ertzscheid nous explique que l’hypertexte signe le passage d’un cycle binaire (lisible-scriptible) à un cycle ternaire (lisible-scriptible-visible). « Le visible est une dynamique de l’inscription et de ses conditions de lisibilité dans une cinétique plus englobante : celle des significations soumises à l’action ». L’interconnexion entre les objets textuels et/ou graphiques est à la source de nouvelles pratiques dans l’élaboration des connaissances. Les technologies numériques soutiennent les facultés cognitives telles des prothèses (Bachimont, 1999), on assiste à externalisation de la mémoire (Serres, 2002), l’esprit ainsi déchargé peut s’intéresser à d’autres choses. Mais comme le rappelle B.Bachimont, l’outil lui-même est une mémoire, « il enregistre dans sa structure le geste à accomplir », ce faisant il conditionne le parcours de l’utilisateur. Dès lors quelle différence, au regard de la sérendipité, entre faire des recherches dans des livres et faire des recherches sur le web ? elle est dans l’impressionnante quantité des ressources facilement consultables grâce au web, qui donne une sensation de liberté et de personnalisation/individualisation de ses recherches. Dans les années 90, le langage témoigne métaphoriquement de la sensation de liberté et d’immensité à « naviguer » dans cet « océan de connaissances » ou à rouler (vite) sur les " autoroutes de l’information ». C’est dans cet espace de liberté que se forgent des pratiques «sérendipiennes » : on se laisse porter par la vague de liens hypertextes et au détour d’un de ces liens, on fait une réelle découverte, une "rencontre" qui nous interpelle. Ainsi on part d’un sujet, d’une intention et on arrive à tout à fait autre chose, que l’on saura in fine mettre à profit en le reliant à nos propres connaissances ou nos expériences. Ce faisant, on se l’approprie puis on le partage. Cette impression d’ « infini » reste pourtant relative : les dernières études montrent que quelques soient les unités d’informations choisies, elles se trouvent connectées par une chaîne d’au-plus dix-neuf liens. Pour bien comprendre comment s’articule la sérendipité dans la recherche d’informations, rappelons que Toms (2000) détermine 3 façons de faire des recherches :

  • chercher de l’information sur un objet bien défini
  • chercher de l’information sur un objet incomplètement décrit mais qui sera reconnaissable dès qu’on le rencontre
  • chercher de l’information de manière fortuite

Dans ce contexte, Ertzscheid définit ainsi la sérendipité dans la recherche d’information : « La sérendipité est « la propagation d’un style cognitif stable (mis en place au début de la session de navigation) dans un environnement différent mais contenant de l’information pertinente pour l’usager dans le contexte initial de sa navigation et au vu de la tâche qu’il s’était assigné. » [5] Il distingue deux types de sérendipité:

  • La sérendipité structurelle : elle est liée à une identification, à un parallélisme formel, structurel
  • La sérendipité associative : le résultat est pertinent bien que ne correspondant pas aux termes exacts de la requête

Certains outils de recherche proposent une fonction sérendipienne. Google en a été l’initiateur avec le bouton « j’ai de la chance ». Bien que la cette fonction ne soit que très peu utilisée, elle relève « d’une analyse stratégique des vertus de la sérendipité, au nom desquelles la découverte (apparente) par accident, par hasard, procure au chercheur une jouissance plus immédiate parce inattendue » (Ertzscheid , Gallezot, Boutin, 2007). Exalead propose un nouveau moteur de recherche sur Wikipédia rendant la recherche très intuitive (nuage de tags dynamique, présentation de catégories associées etc.)

Dans la recherche

Dans le domaine de la recherche, le principe de sérendipité est et a toujours été primordial, mais plus ou moins nié. Comme on l’a vu, beaucoup de découvertes ont été faites par hasard. Il est assez difficile de faire une liste exhaustive des découvertes fortuites actuelles car les découvreurs ne communiquent pas ou peu à ce sujet, pensant qu’ils vont perdre en crédibilité. En effet il paraît plus sérieux de dire qu’on a beaucoup travaillé sur un objet de recherche que d’ « avouer » qu’on a trouvé la solution fortuitement. Faraday, cité par Bourcier l’exprime ainsi : « je ne voudrais pas raconter le cours de mes pensées dans une recherche car je passerais pour un imbécile ou pour un fou » et le chimiste Max von Laue écrivait « on voit souvent le mérite sans la chance mais jamais la chance sans le mérite ». [6]

Pourtant comme on l’a dit, une attitude « serendipe » nécessite des qualités et des compétences : «  les vraies idées à approfondir surviennent souvent sous la douche et les réelles innovations, les soi-disant quantum jumps, émergent par accident comme quelqu’un qui lorsqu’il veut verser le liquide d’un gobelet, s’aperçoit que ce liquide est devenu solide. Le bon chercheur se demande alors ce qu’il se passe »

Le temps passant, l’effet serendip devient alors objet de narration, n’est plus tabou et participe à la légende d’une découverte. C’est pourquoi il existe plus d’éléments relatant l’aspect serendip d’une découverte dans les récits des siècles passés qu’actuellement. Reste qu’aujourd’hui à l’heure où les objectifs et les budgets de recherche sont sur la sellette, la sérendipité devient un argument «  politique » au sens où elle permet de défendre une recherche plus créative, plus intuitive. C’est en fait un combat entre bureaucratie et liberté du chercheur : dans beaucoup de laboratoires il existe une recherche « de tiroir » : on recherche ce que l’on veut et si on trouve des pistes intéressantes, on demande un budget pour continuer à explorer une piste. La mise en route du projet sera par conséquent contingentée à de multiples critères, -notamment de rentabilité-, qui n’auront rien à voir avec l’intérêt purement scientifique de l’objet de recherche. Réhabiliter la place du hasard dans la recherche, c’est accepter que les « bénéfices » d’une recherche ne soient pas forcément transférables dans l’immédiat en termes d’applications industrielles.

En formation

Danièle Bourcier et Pek van Andel constatent que « nous sommes généralement éduqués, de l’école primaire à l’université, avec l’idée que la connaissance progresse d’une question à une réponse, d’une hypothèse à une thèse. C’est pourquoi de plus en plus de contrôles de connaissances se font par un questionnaire à choix multiples dans lequel les questions sont pré-formulées et suivies de réponses pré-formulées dont on ne peut extraire qu’une seule réponse juste. Cela peut donner sans le vouloir l’idée que, dans la recherche scientifique, la connaissance croît d’une hypothèse juste à une réponse juste. Mais dans la recherche, ni la question juste, ni la réponse juste ne sont données a priori. On ne sait même pas si elles existent, ni si on peut les trouver ni comment. » [7]

Il serait intéressant d’apprendre dès le plus jeune âge à formuler des hypothèses neuves à partir d’un fait étrange, à « raisonner sur ce que l’on ignore, afin de poser un problème neuf, utile et vérifiable ». La sérendipité met en lumière le statut créatif de l’erreur. Lorsque le chercheur est en face d’une anomalie, il pense avoir fait une erreur mais s’il l’explore, elle devient productive et peut donner lieu à un nouveau travail de recherche. Il pourrait en être ainsi en formation.

Les travaux de Philip Marlowe montrent que l’intuition des chercheurs n’est qu’une « résultante de rencontres inopinées, de discussions autour de la machine à café, ou encore de remarques émises par des tierces personnes, qui ont provoqué un rapprochement d’idées et l’aboutissement à des solutions nouvelles. ». Fort de cette constatation, il a mené une autre étude auprès d’un groupe d’étudiants soumis à l’étude de cas classiques en anthropologie et sociologie. Chaque groupe a bénéficié d’une journée de formation mais sous différentes formes : une journée de formation classique pour l’un des groupes, pour un autre une journée de conférence sur des sujets tout à fait éloignés du thème et pour le troisième une journée d’excursions touristiques. Les résultats s’avèrent meilleurs pour les deux derniers groupes que pour le premier.

En « intelligence collective »

Jusqu’à ces dernières années, les usages du Web étaient essentiellement construits autour de communautés d’intérêt. Certains outils permettent de se retrouver « entre soi » autour d’un thème commun, par exemple les forum à thèmes, les outils de partage de bookmarks, les espaces de travail collaboratifs, favorisant l’émergence d’une intelligence collective au sens proposé par Levy : une intelligence « partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences. » (Pierre Levy). Jusque récemment, tout était conçu de manière à rester autour d’un thème de prédilection ou d’une communauté ayant les mêmes intérêts que soi-même. Les agrégateurs de fils RSS, pour ne citer qu’eux, permettent de suivre facilement ses centres d’intérêts mais on perd alors tous les a-cotés favorisant la sérendipité (par exemple les liens hors thème ou menant vers d’autres blogs).

Mais de plus en plus et notamment grâce au web 2.0, la mise en place de situations favorisant la sérendipité est grandissante, l’enjeu étant de promouvoir l’interdisciplinarité, le mélange social et d’élargir le champ des possibles. L’émergence des réseaux sociaux a facilité la sérendipité sociale. Certains outils s’appuyant à la fois sur la cartographie (le mapping), le réseau social et le bookmarking offrent de véritables espaces de sérendipité. C’est le cas de l’outil Pearltrees, au départ un outil de partage de bookmarks mais dont on s’aperçoit très vite qu’en suivant les liens des autres participants, on fait des trouvailles fortuites car on entre dans d’autres domaines que parfois l’on ne connaissait pas. L’effet réseau est accentué par l’aspect graphique et une fonctionnalité permet de voir qui « gravite » autour de soi. Le stockage des liens récupérés étant limité à 26 « pearl » par « pearltree » oblige à un classement drastique et donc permet de « matérialiser » ses découvertes. Il est d’autre part possible de mettre des explications pour chaque pearl stockées à l’attention des autres participants.

Il existe aussi des sites qui après enregistrement proposent durant un temps déterminé de discuter avec un des membres pris au hasard. (donner exemples ).


Serenpidité et apprentissage

Dans la recherche d’information sur le web, la profusion donne parfois le sentiment de « se perdre », de s’éparpiller. D’une part on assiste a des phénomènes de saturation cognitive (cognitive overflow syndrom) et dont l’étude montre que plus on apporte d’information au sujet cognitif, moins il connaît car il y a un effet de saturation affective (Steigler, 2006) ; d’autre part surgit une nouvelle forme de lecture (davantage de "consommation" que "d'information"), produit par le modèle Google, et où le "trouver" remplace le "connaître" comme le fait remarquer Alain Giffard (2009), spécialiste des technologies de l'écrit.

On peut se demander s’il existe un lien entre ces deux constats, à savoir si la saturation cognitive est un effet du butinage ou si au contraire ce dernier est une réaction pour limiter celle-ci. Il me semble que bien souvent si les circonstances de la sérendipité sont effectivement bien présentes, celle-ci n’est pas réalisée, au sens où l’utilisateur va de lien en lien mais n’en retire aucune trouvaille sérendipienne.

Les adultes auxquels j’enseigne se sentent souvent en échec face à la recherche d’informations pour d’autres raisons que les simples questions d’efficacité technique. N’étant pas des « digital natives », la pratique de l’Internet n’est pas entrée dans leurs habitudes et est ressentie comme une activité à part (parfois réalisée à heures fixes). Il en résulte un fort sentiment culpabilisant de « perte de temps » quand ils se laissent porter de lien en lien, à tel point que lorsque le besoin d’Internet n’est pas encore ancré, ce sentiment peut décourager d’aller sur le web.


(note : je considère que l’Internet est entré dans les habitudes lorsque par exemple, au lieu de chercher sur l’annuaire papier, on cherche sur pages jaunes.fr et pour vérifier ceci et orienter mon travail de formation en conséquence, c’est l’un des premiers raccourcis que je fais installer par la personne, puis ensuite j’observe à partir de quand il est spontanément utilisé (sans incitation extérieure). Je place ainsi quelques outils témoins en fonction des habitudes hors web des personnes - mappy, wikipedia, annuaire inversé etc.)


Dans ces conditions, il me semble important de « donner corps » à la sérendipité, c'est-à-dire d’inciter l’utilisateur à faire le point sur ce qu’il trouve, à relier les informations entre elles et à donner du sens à sa recherche. Sans quoi tout se passe comme si une information chassait l’autre au fil de la navigation. In fine la personne a une vague impression d’avoir appris quelque chose mais n’arrive plus à mobiliser l’information. Il faut l’amener à faire une pause constructive et un retour en arrière sur son parcours de recherche afin de donner du sens à sa démarche, fusse-t-elle fortuite.


Une autre piste -et celle-ci concerne les étudiants de tous âges- est l’idée qu’il y a un grand bénéfice narcissique à « découvrir » seul quelque chose d’intéressant, de novateur. On peut s’en convaincre en écoutant les discours des autodidactes qui mettent tous en avant une sorte de compétence affective qui soutiendrait l’apprentissage, quand bien même personne n’est vraiment dupe (« tout autodidacte est un imposteur » disait Paul Ricoeur, au sens où un autodidacte est quelqu’un qui ne reconnaît pas ses formateurs). Cognitivement, la dynamique de découverte entraîne nécessairement un processus d’élaboration de sens et de mémorisation efficace pour "fixer" le processus de bénéfice narcissique. En ce sens la sérendipité est à valoriser en tant qu’outil facilitateur d’apprentissage.

L'avis d'un chercheur

Conclusion

Références

  1. Bourcier et Pek van Andel p 34
  2. Claude Bernard cité par Bourcier et Pek van Andel p 40
  3. Pierce cité par Bourcier et Pek van Andel p 56
  4. Royston M.Roberts cité par Bourcier et Pek van Andel, p102
  5. Chercher faux et trouver juste, 2003
  6. Bourcier et Pek van Andel p254
  7. Bourcier et Pek van Andel p257

Weblio-Biblio

Bourcier Danièle, Pek van Andel (2008) De la sérendipité

Marlowe Phillip, Let there be Light ! (2006), Intuition and Social Sciences Palantea, Malé

Bachimont Bruno (1999, De l'hypertexte à l'hypotexte : les parcours de la mémoire documentaire

Levy Pierre(1994), L'intelligence collective : pour une anthropologie du cyberespace

Les Trois princes de Serendip, article de Wikipédia, consulté en février 2010

Automates Intelligents, article sur la sérendipité, consulté en février 2010

Chercher faux et trouver juste,Olivier Ertzscheid, Gabriel Gallezot, archive sur serveur Hal, consultée en février 2010

PageRank : entre sérendipité et logique marchande, Olivier Ertzscheid, Gabriel Gallezot, Eric Boutin,2009 - archive sur serveur Hal consultée en février 2010

Des machines pour chercher au hasard Olivier Ertzscheid, Gabriel Gallezot, 2004 - archive sur serveur Hal consultée en février 2010

Chercher faux pour trouver justeOlivier Ertzscheid Gabriel Gallezot, 2003 -archive sur serveur Hal consultée en février 2010

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