« Serendipité » : différence entre les versions

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Bourcier Danièle, Pek van Andel (2008) De la sérendipité
Bourcier Danièle, Pek van Andel (2008) De la sérendipité


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Resumé - Abstract

ici résumé français et anglais .

mots clé : sérendipité, serendipity,...


Historique et contexte

C’est à partir d’un conte persan publié en 1557 que le terme anglais de serendipity a été crée en 1754 par Horace Walpole dans une lettre qu’il écrivit à Horace Mann, ambassadeur à Florence. Il raconte comment il a fait une découverte importante et tout à fait inattendue sur sa famille et à cette occasion il fait le lien avec le conte de Serendip.

Le roi de Serendip avait trois fils. Un jour il leur propose de prendre le pouvoir mais aucun des trois n'en veut. Le roi les expulse du royaume et s’ensuit alors un long voyage pour les trois princes (sur le mode de la peregrinatio). Sur leur route, ils croisent les traces d’un chameau. L’aîné observe que l’herbe est broutée mais seulement d’un coté, il en déduit que le chameau est borgne. Le cadet remarque de l’herbe restante non broutée a la taille d’une dent, il en déduit que le chameau a perdu une dent. Le benjamin, lui, note que les empreintes sont inégales, il pense donc que le chameau boite. Ensuite ils remarquent des colonnes de fourmis d’un coté de la route et de l’autre coté des colonnes d’abeilles. Ils pensent alors que sur l’un de ses flancs, le chameau transporte du beurre et sur l’autre du miel. Et enfin ils observent que quelqu’un s’est accroupi et ils voient l’empreinte d’un petit pied près d’une flaque humide. Ils se disent que c’était probablement une femme qui conduisait le chameau et qu’elle était enceinte car elle avait utilisé ses mains pour se relever. Sur leur route, les 3 frères rencontrent un conducteur de chameaux qui justement a perdu une de ses bêtes. Les trois princes en font une description tellement minutieuse qu’ils sont accusés de vol puis jetés en prison par le roi persan Vahram. Ils sont sauvés de l’exécution par un voyageur qui témoigne avoir vu le chameau errer dans le désert. Ils sont alors graciés et couverts de somptueux présents.

En 1748, Voltaire reprendra cette histoire dans Zadig ou la destinée. A la manière des trois princes, Zadig décrit avec précision un chien et un cheval disparus. Il est accusé de vol puis réhabilité. Le conte de Voltaire donnera naissance à un synonyme de sérendipité, très peu usité et pratiquement méconnu : la zadicité. Le romancier anglais William Boyd inventa l'antonyme de serendipité : zemblanité. Il imagine une île -l'île de Zembla- où les habitants ont la faculté de faire des découvertes malheureuses, malchanceuses, attendues et inutiles.

Mais ce n’est qu’en 1833 que le mot serendipity sera imprimé pour la première fois et c’est seulement en 1875 que le mot sera repris. L’observation du caractère sérendipiteux de certaines situations existait bien avant que le mot ne soit construit, notamment à travers l’étude des découvertes scientifiques. Le concept de sérendipité est ensuite sorti du champ littéraire pour s’étendre dans le champ des sciences exactes, des sciences sociales et arriver jusqu’à notre époque où il couvre maintenant le champ des usages de l’Internet.

Définition et enjeux

Walpole, en s’appuyant sur le conte, définit ainsi la sérendipité : « quand ses Altesses voyageait, elles faisaient toujours des découvertes, par accidents et par sagacité, des choses qu’elles ne cherchaient pas ».

Ce n’est pas le raisonnement déductif des personnages qui caractérise la sérendipité mais le résultat de leur sagacité, en l’occurrence dans le conte les récompenses non recherchées et obtenues. La sérendipité c’est l’art de trouver ce que l’on ne cherche pas, c’est le hasard créatif, l’inattendu fertile.

Dans les dictionnaires de langue anglaise, le mot serendipity est décrit selon deux modalités différentes :

  • soit il s’agit d’une aptitude personnelle : une faculté, un talent, une capacité naturelle ou fruit d’un apprentissage.
  • soit il s'agit d’un phénomène objectif mis en œuvre par des processus cognitifs : observation, interprétation, raisonnement, explication.

Danielle Bourcier et Peck van Andel s'interrogent et constatent : " S’agit-il d’une intuition forte, de recherches délibérées, d’attention flottante ? Toutes sortes d’hypothèses se cristallisent autour de ce terme forgé au XVIIIe par un érudit qui, dans ses lettres exprimait sa passion pour les collections et les découvertes magiques ". [1]

Pour mieux comprendre l'étendue du terme, voici quelques définitions de 1754 à nos jours :

  • Walpole (1754) : Le fait de découvrir quelque chose par accident et sagacité alors que l'on est à la recherche de quelque chose d'autre. Des découvertes inattendues, faites grâce au hasard et à l’intelligence
  • Merton (1945) : La découverte par chance ou sagacité de résultats pertinents que l'on ne cherchait pas. La sérendipité se rapporte au fait assez courant d'observer une donnée inattendue, aberrante et capitale qui donne l'occasion de développer une nouvelle théorie ou d'étendre une théorie existante.
  • Merton (1949) : Le processus par lequel une découverte inattendue et aberrante éveille la curiosité d'un chercheur et le conduit à un raccourci imprévu qui mène à une nouvelle hypothèse.
  • Charles Darwin (1953) : Qualité qui consiste à chercher quelque chose et, ayant trouvé autre chose, à reconnaître que ce qu'on a trouvé a plus d'importance que ce qu'on cherchait.
  • Philippe Quéau (1986) : L'art de trouver ce que l'on ne cherche pas en cherchant ce que l'on ne trouve pas.
  • Yves-Michel Marti (circa. 1995) : L'art de trouver la bonne information par hasard.
  • Pek Van Andel & Danièle Bourcier (2001) : La capacité à découvrir, inventer, créer ou imaginer quelque chose de nouveau sans l’avoir cherché, à l’occasion d’une observation surprenante qui a été expliquée correctement.
  • Mark Raison (2002) : L'art de faire des découvertes heureuses, inattendues et utiles par hasard.
  • Pek van Andel (2005) : L'art de faire des trouvailles.
  • Christian Vanden Berghen (2005) : Art de se mettre en condition de découvrir quelque chose (une information, un médicament, une technique) alors que l'on ne travaille pas directement sur ce sujet.
  • Lionel Bellenger (2005) : Capacité, à la suite d'un concours de circonstances particulier, à trouver quelque chose que l'on ne cherchait pas, d'en comprendre l'intérêt et de décider de l'exploiter immédiatement.

Les conditions de la sérendipité

Le hasard

Le hasard occupe une place prépondérante dans les phénomènes de sérendipité. En effet, il n’y a pas de sérendipité planifiée et décidée ! " Les idées expérimentales naissent très souvent par hasard et à l’occasion d’une observation fortuite. Rien n’est plus ordinaire et c’est même le procédé le plus simple pour commencer un travail scientifique. On se promène, comme l’on dit, dans le domaine de la science, et l’on poursuit ce qui se présente par hasard devant les yeux. Bacon compare l’investigation scientifique à une chasse ; les observations qui se présentent sont le gibier. Et continuant la même comparaison, on peut ajouter que si le gibier se présente quand on le cherche, il arrive aussi qu’il se présente quand on ne le cherche pas, ou bien quand on en cherche un d’une autre espèce " [2]

La curiosité

Mais comme l’écrivait Pasteur en 1854, « Le hasard ne favorise que les esprits préparés » : le hasard nous interpelle parfois mais nous passons à coté. Ainsi Fleming a découvert la pénicilline en oubliant une préparation sur le rebord d’une fenêtre mais c’est bien parce que ce qu’il observait l’intriguait qu’il a décidé d’investiguer. Il aurait pu simplement jeter la préparation abîmée. C’est pourquoi dans le phénomène de sérendipité, le hasard bien qu’essentiel est inopérant s’il n’y a pas une solide curiosité, une capacité à opérer des transferts, à se départir des modèles attendus et à comprendre les phénomènes surgissants.

L'abduction

La sérendipité est rattachée à un mode de raisonnement peu connu et mal aimé, souvent appelé "raisonnement de la meilleure explication possible" : l’abduction. En épistémologie, l’abduction est un procédé consistant à introduire une règle à titre d’hypothèse afin de considérer ce résultat comme un cas particulier tombant sous cette règle. En psychologie cognitive l’abduction est une forme de raisonnement intuitif qui consiste à supprimer les solutions improbables. Cette notion s’oppose à une logique d’exploration systématique.

L’abduction permet de remonter des effets aux causes, c’est le processus d’une hypothèse explicative. "C’est la seule opération logique qui introduit une quelconque idée neuve ; parce que l’induction détermine une valeur et la déduction produit seulement les conséquences inévitables d’une pure hypothèse. La déduction prouve que quelque chose doit être ; l’induction que quelque chose marche de facto ; l’abduction suggère seulement que cela est possible (...) L’abduction est par excellence le mode de raisonnement du diagnostic médical ou de l’enquête judiciaire" [3]

"En d'autres termes, l'abduction est une procédure de normalisation d'un fait surprenant. C'est un effort de raisonnement que l'on entreprend lorsqu'il y a rupture de notre système d'attentes, un raisonnement « Imaginatif » faisant appel à nos connaissances. L'abduction s'inscrit dans une logique de procès et non dans une logique de calcul, elle renvoie à un contexte et à une culture, à un habitus social." (Sylvie Catellin, 2004)

Les degrés de sérendipité

Danièle Bourcier et Pek Van Andel distinguent différents degrés dans la sérendipité :

  • La sérendipité positive

Une observation surprenante est faite et elle est interprétée correctement, puis vérifiée et confirmée par des expériences scientifiques.

  • La sérendipité négative

Une observation surprenante est faite mais elle n’est pas correctement interprétée. Parfois elle sera convenablement expliquée bien plus tard.

  • La pseudo-sérendipité

R.M Roberts dira en 1989 : "J’ai forgé ce terme de pseudo-serendipité pour décrire dans les découvertes accidentelles, différentes manières d’arriver à un but recherché, en contraste avec la signification de la (vraie) sérendipité qui décrit la découverte accidentelle de choses non cherchées." [4] Dans la pseudo-sérendipité, on trouve ce que l’on cherchait mais par une route imprévue. Par exemple Charles Goodyear, qui cherchait depuis des années comment faire en sorte que le latex soit insensible aux hausses de température, en fît la découverte par hasard, en laissant tomber un mélange de gomme et de souffre sur le poêle. Il découvrit alors le procédé de vulcanisation.

Les domaines de la sérendipité

On trouve des cas de sérendipité dans les sciences expérimentales, les sciences humaines, la technique, l’art et la vie quotidienne. Nous nous intéresserons ici plus particulièrement à un domaine qui a propulsé la sérendipité sur le devant de la scène, à savoir l’Internet et la recherche d’information. Le Web, de par sa construction réticulaire et hypertextuelle favorise tout à fait des phénomènes de sérendipité. Nelson invente le terme d’ "hypertexte" en 1967 pour désigner un type de documents non-linéaires qui s’interconnectent entre eux et permettent de multiples parcours, non seulement de lecture mais aussi d’écriture. Claire Belisle nous rappelle que dès le départ l'hypertexte ne devait pas servir simplement à présenter de l’information mais aussi à construire ses propres connaissances. L’interconnexion entre les objets textuels et/ou graphiques est à la source de nouvelles pratiques dans l’élaboration des connaissances. Le langage témoigne métaphoriquement de la sensation de liberté et d’immensité à « naviguer » dans cet « océan de connaissances » ou à rouler (vite) sur les " autoroutes de l’information ». C’est dans cet espace de liberté que se forge des pratiques « sérendipiteuse " : on se laisse porter par la vague de liens hypertextes et au détour d’un de ces liens, on fait une réelle découverte, une "rencontre" qui nous interpelle. Ainsi on part d’un sujet, d’une intention et on arrive à tout à fait autre chose, que l’on saura in fine mettre à profit en le reliant à nos propres connaissances ou nos expériences. Ce faisant, on se l’approprie puis bien souvent on le partage. Cependant, dans ce contexte, l'une des caractéristiques de la sérendipité est sa fugacité. Il est souvent difficile de refaire le chemin qui a conduit à une trouvaille sérendipienne.

Enjeux

Critique de la littérature

Serenpidité et apprentissage

L'avis d'un chercheur

Conclusion

Références

  1. Bourcier et Pek van Andel p 34
  2. Claude Bernard cité par Bourcier et Pek van Andel p 40
  3. Pierce cité par Bourcier et Pek van Andel p 56
  4. Royston M.Roberts cité par Bourcier et Pek van Andel, p102

Weblio-Biblio

Bourcier Danièle, Pek van Andel (2008) De la sérendipité

Ils en parlent...

Sylviane