La maltraitance sur les mineurs en prison

De DeWiki
Aller à la navigation Aller à la recherche

Ce groupe est composé de Marie Cornejo, Aurelie Benoit, Julie Wyler, Sira Garcia, Benoit Fanin et André Lienhard

Introduction

Les mineurs délinquants ont fait l'objet de différents types de prise en charge à travers les époques, et nous sommes passés, aujourd'hui, à l'incarcération dans un centre pénitencier. A l'heure actuelle, il existe en Suisse plusieurs centres de détention pour mineurs. Dans le canton de Genève nous avons "La Clairière" à Vernier (GE), mais dû à un problème de manque de place, certains mineurs peuvent être placés dans des prisons pour adultes, comme c'est le cas à Champ-Dollon.

Dans la mesure où la prise en charge de certains mineurs délinquants se fait en dehors du respect de la Convention intarnationale des droits de l'enfant, nous partons du principe que dès lors qu'un mineur est incarcéré, il y a maltraitance. A cette première forme de maltraitance s'ajoutent des conditions des détentions qui ne sont pas toujours en accord avec les conventions internationales...

Nous avons choisi de centrer notre problématique sur la situation des mineurs dans les prisons romandes et le problème social que celle-ci peut représenter. Quelle forme prend la maltraitance des mineurs incarcérés? Est-ce une réalité en Suisse Romande?

Après la revue de littérature, qui présente les différents ouvrages que nous avons lu et leurs idées clés, nous commencerons par présenter notre question de recherche et la méthode que nous avons suivie. Puis, en partant des définitions de "mineurs", "maltraitance" et "prison" que nous avons insérées dans le dictionnaire des concepts, nous essayerons de mettre en lumière la construction du problème social de la maltraitance des mineurs en prison et les différents acteurs qui s'y intéressent. Puis, en nous appuyant sur l'actualité, nous décrirons la situation en Suisse romande, en évoquant différentes situations, que nous jugeons maltraitantes, vécues par les mineurs incarcérés, notamment le mélange adultes/mineurs. Suivant celà, nous nous pencherons sur les événements récents à Champ-Dollon et à leurs éventuelles causes. Pour finir ce travail, nous proposons de développer le concept émergent de la bientraitance, une notion qu'il est capitale de prendre en compte lorsque l'on cherhce à traiter le problème de la maltraitance, dasn quel domaine soit-il.

Revue de littérature

Afin de retracer l'évolution générale des conditions de détention dans les prisons pour mineurs en Suisse romande, nous nous sommes inspirés notamment du cours de Mme. Ruchat, ainsi que de son ouvrage intitulé L'oiseau et le Cachot (1993). A la suite des éléments apportés dans ce livre, le travail de recherche de S. Aeby et de C. Meier sur les prisons préventives genevoises nous a également donné de nombreux éléments sur l'évolution des centres de détention de St-Antoine et de Champ-Dollon. L'isolement, les conditions d'hygiène, la surpopulation, le mélange des mineurs et des majeurs, sont beaucoup d'éléments qui nous poussent à émettre l'hypothèse selon laquelle la maltraitance serait une réalité dans les prisons pour mineurs.

Amnesty international soulève également ces différents points dans son rapport annuel de 2000 "Enfant torturés, des victimes trop souvent ignorées". Le livre de J. Torrente "La maltraitance : regards pluridisciplinaires" (2001), nous permet d'avoir une meilleure connaissance de ce sujet. Cette approche interdisciplinaire donne une image des différents problèmes que cause la maltraitance. J. Torrente insiste sur le côté psychologique de celle-ci. L'auteur ne parle pas spécifiquement des conséquences de l'enfermement mais des conséquences sur le développement et le psychisme d'enfants ayant subi des maltraitances ou des négligences de tous genres. Nous retrouvons également cette thématique dans le livre de Zambeaux (2001) : "En prison avec des Ados". En effet, dans cet ouvrage, l'auteur permet aux lecteurs d’entrer dans les prisons de France, dans les quartiers réservés aux mineurs. Chaque année la république incarcère environ 7000 mineurs par an en prison et 700 d’entre eux y résident en permanence. L’auteur, un journaliste, a rencontré ces jeunes derrière les barreaux et leur donne la parole. Zambeaux fait le tour des problèmes ; les prisons hors la loi, la loi entre codétenus, les drogues et médicaments à profusion, l’enseignement précaire, ou encore le statut non reconnu des adolescentes incarcérées.

Une autre grande thématique retrouvée dans plusieurs ouvrages est celle des détenus mineurs incarcérés avec des majeurs. Par exemple, dans le livre de K. Tomasevski (1986): "Enfants en prison avec des adultes", l'auteur nous présente des enquêtes sur ce mélange, effectuées dans plusieurs pays, mettant en lumière des situations de détention trop souvent inadéquates. En effet, les mineurs sont plus souvent dirigés vers des travaux manuels comme les adultes que vers une prise en charge éducative, un traitement différencié de celui des détenus majeurs.

De plus, dans l'article d'Anne Rubin (2003), publié sur le site de la TSR " La détention des mineurs: un casse-tête Suisse", présente la situation actuelle et la journaliste tire la sonnette d'alarme quant à la présence d'un nombre important de mineurs dans des centres de détention pour adultes. Le document audiovisuel de temps présent, "En Taule", nous présente deux prisons préventives dans le canton de Vaud où l'on peut souvent retrouver des mineurs. Ce document nous donne une image des conditions de détentions en Suisse. Dans les deux prisons visitées, on nous montre le quotidien des détenus et on peut entendre les points de vue des différents acteurs sur les conditions souvent difficiles. A travers l'article d'Alexandra Richard (27.09.2005), intitulé "Une solution latine pour la délinquance juvénile", nous avons pu prendre connaissance de l'existence de centres tels que celui de Pramont (VS), qui met l'accent sur l'éducation. Cet article a été trouvé sur le site internet de la TSR: www.tsr.ch.

Concernant l'actualité de la situation en Suisse romande, nous nous sommes appuyés sur plusieurs reportages et articles de presse. Premièrement, les articles paru dans "Le Courrier" ou encore "20 minutes" (cf bibliographie)nous ont permis de connaître la situation problématique actuelle à Champ-Dollon.

La maltraitance étant au centre de notre recherche, nous avons trouvé important de nous informer sur le concept de bientraitance. Le livre de H. Desmet et J-P. Pourtois (2005): "Culture et Bientraitance" développe ce concept dans de divers contextes. Il défini plus particulièrement le bien-être de l'enfant dans un milieu, une culture et une société capables de lui apporter un équilibre et un épanouissement.

Question de recherche

  • Qu'est ce que la maltraitance en prison pour les mineurs en Suisse romande, et est-ce vraiment une réalité?

Méthodologie

Afin de répondre à notre question de recherche, nous avons commencé par rechercher un certain nombre d'ouvrages concernant les mineurs incarcérés (cf. bibliographie), et nous nous sommes basés sur le cours du premier semestre, qui nous a permis de retracer les conditions de détention des mineurs et d'en voir l'évolution. Avec cela, nous avons pu formuler nos premières hypothèses.

Dans un second temps, dans le but de répondre à nos questions concernant la prise en charge des mineurs déviants et leur présence dans les structures pour adultes, nous avons décidé de partir sur le terrain interviewer M. Sebastien Aeby, directeur de la prison préventive de La Croisée, dans le canton de VD. Bien que cette interview ne soit pas le fondement de notre article, elle nous a servi à faire un état des lieux de la situation en Suisse romande.

Pour avoir une idée de la construction sociale du problème, nous sommes allés chercher des rapports de débats au Grand Conseil: le discours du procureur général du 31.02.02 et l'interpellation de M. Rémy Pagani au sujet du suivi des adolescents à Champ-Dollon, 25.04.02, le Rapport annuel de la Commission des visiteurs officiels du Grand Conseil, année parlementaire 2002-2003 et le Rapport de la Commission des visiteurs officiels du Grand Conseil, 1ère année de la législature 2001-2003. Nous nous sommes également appuyés sur des rapports d'Amnesty International.

Internet s'est avéré utile pour la recherche de documents. Les sites web officiels des prisons sont intéressants car ils ont permis d'avoir des renseignements très actuels. Celui de Champ-Dollon nous a permis de prendre connaissance des chiffres concernant les détenus, tels que le nombre de mineurs incarcérés, le taux de surpopulation etc.

Limites de la méthode

Nous nous sommes heurtés à un vrai manque de temps, notamment pour trouver la littérature pertinente pour construire nos réflexions et pour préparer et choisir l'entretien. Le travail et la rédaction de groupe se sont avérés difficiles. La précipitation à commencer le travail nous a poussé à lire des ouvrages qui se sont avérés non pertinents une fois la recherche plus avancée.

Analyse

Définition de quelques concepts

Afin d'être clairs sur les concepts que nous utiliserons lors de notre exposé, nous proposons au lecteur quelques définitions: mineur, maltraitance et prison

Le problème maltraitance en milieu carcérale, historique

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il est peut-être utile de s'attarder un bref instant sur la question de la maltraitance dans une perspective historique. Nous allons donc posé notre regard vers le passé pour ainsi mieux comprendre la situation d'aujourd'hui.

Nous commencerons avec la question de l'enfermement pour nous mener à celle qui nous intéresse en particulier: la maltraitance des mineurs.

L'enfermement est un phénomène qui a toujours existé, et bien qu'il ait pu prendre des formes différentes selon les époques, il n'en reste pas moins qu'il fut et est une réalité pour les mineurs. Déjà au 5ème siècle, les couvents servaient entre autres de lieu d'enfermement pour les enfants "déviants". Au 13ème siècle, les institutions charitables suivaient la même démarche.

La politique de grand renfermement des pauvres entre le 16ème et 17ème siècle donnait une nouvelle ampleur au phénomène. Des milliers d'individus allaient être incarcérés pour délit de pauvreté. La vie monastique fut érigée comme un idéal afin de redresser le destin pecheur de ces hommes, femmes et enfants. Le recueillement, le silence et le travail étaient à la base d'un renouveau moral. C'est plus ou moins à cette époque que la prison, lieu d'enfermement par excellence, fit son apparition. Elle a été créée pour éviter les peines de morts ou les châtiments jugés excessifs pour les criminels.

Parallèlement, il est intéressant de signaler l'émergence du rapport de la bientraitance à la maltraitance dans les prisons. En effet, à la fin du 17ème siècle, les punitions qui avaient lieu en place publique étaient monnaie courante. Il serait peut-être plus juste de parler de châtiments. La décision de châtier appartenait à la société, mais certaines voix commencaient à s'élever contre ce genre de spectacle. On construisit donc des prisons dans un souci de bon traitement, pour éviter les morts atroces ou l'expérience des galères pour les enfants et les femmes.

Le 18ème et 19ème siècle sont caractérisés par une société en pleine mutation. Le progrès n'arrêtait pas de faire parler de lui et bouleversait les consciences.

D'un côté, les théories évolutionnistes de Darwin influencèrent les sciences, dont la psychologie. En effet, la théorie proposée par ce dernier suggère l'idée que l'individu est entièrement formé avant de naître. Ce postulat pousse à croire que l'identité de l'humain est pré existante. A partir de cette conception, le traitement réservé "aux enfants vicieux" ou "aux criminels nés", tendait à les enfermer à vie, étant donné que leurs penchants délictueux étaient non seulement d'origine héréditaire mais également immuables. Il fallait donc écarter ces mauvaises graines pour qu'elles ne puissent se reproduire.

De l'autre côté, comme nous l'avons vu dans le cours de Mme Ruchat, une pensée humaniste prenant son envol et soutenue par de nouvelles théories clamait le contraire. L'individu était maître de lui-même, insoumis aux croyances héréditaires. La question de justice, de bonheur pour tous, faisait surface. Rousseau y était pour beaucoup, affirmant que l'enfant naît fondamentalement bon et que la société le corrompt à mesure qu'il grandit. Il défendit l'idée de protéger l'enfant en développement. Le docteur Itard souleva une question tout aussi significative , celle de l'éducabilité de l'homme à travers le cas de l'enfant sauvage de l'Aveyron.

Dans ce contexte, des revendications à propos des conditions de vie dans les établissements pénitenciers sont diffusées dans la société civile. On voit là une nouvelle prise de conscience, on dénonce le phénomène de maltraitance dans ces lieux de "redressement". L'ouvrage de l'Italien Cesare Beccaria intitulé "Des délits et des peines", écrit en 1764, connaît un énorme succès. Il demande des peines plus légères, plus humaines pour les prisonniers; la société semble suffisamment préparée à recevoir cette idée nouvelle. Cette fois la problématique passe d'un stade primaire à second, son amplification à travers le média de l'époque, c'est-à-dire le livre, produit la publicité nécessaire à donner un nouvel élan à l'amélioration des traitements dans les prisons. L'établissement pénitencier prend une nouvelle définition, il devient "l'école du peuple", les idées sont les suivantes : rattraper la délinquance et rééduquer l'homme. Deux problèmes se posent à la suite de cette évolution des traitements. Premièrement, le mélange des genres en prison: hommes, femmes et enfants se côtoient dans un même établissement et l'on craint d'éventuelles contaminations morales. Deuxièmement, la question de l'isolement devient problématique. Au lieu de permettre une prise de conscience et un retour sur soi, l'isolement donnait des résultats contraires: les hommes avaient plutôt tendance à "se perdre", à devenir agressifs ou psychotiques. Ce problème vient raviver la question qui nous intéresse ici, c'est-à-dire les cas de maltraitance des mineurs dans les prisons et de ce fait illustre bien l'intérêt qui existait déjà à cette époque: le bon traitement de cette catégorie d'individus. La prise en charge des mineurs prend alors une nouvelle direction, vers un établissement qui leur est dorénavant réservé, une "école de préservation", autrement dit une prison pour mineurs ou une maison de correction. L'établissement de Mettray, ouvert en 1860, en est le parfait exemple. Ici, le mineurs seront traités différemment, avec un peu plus de liberté, d'espace, dans une atmosphère plus familiale. Toutefois, le souci des peines, des corrections, et de l'esprit religieux qu'on souhaite transmettre à ces jeunes ne sera pas oublié. Bien que les traitements aient changés, et qu'il semble que la société ait toujours des inquiétudes à avoir au sujet des conditions de prise en charge des mineurs délinquants.

Qui s'intéresse de nos jours à la maltraitance des mineurs en prison ?

Dans une perspective centrée sur l'avenir, la protection et le respect de l'enfant est dorénavant au centre des préoccupations des sociétés de droits. Que ce soit dans la Convention de Genève en 1924, ou plus tard dans la déclaration des droits de l'enfant (1959 et 1989), le souci du bon développement de l'enfant et de son bon environnement est permanent.

La Convention internationale des droits de l'enfant qui a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989 a force de loi. En plus de la contrainte juridique, c'est-à-dire le respect des articles qu'elle impose aux signataires, le texte de la Convention contient un aspect à la fois philosophique et politique, résolument novateur. En effet, pour la première fois par un texte international, l'enfant, être dépendant et en devenir, est considéré un sujet de droit à part entière . La notion d'intérêt supérieur de l'enfant, affirmée à l'article 3 est particulièrement importante et exige que l'on considère l'ensemble des droits de la Convention. Il est important de noter qu'une Convention engage les Etats signataires à mettre en oeuvre ce qu'elle promeut, les pays qui ne respectent pas les dorits de l'enfant sont donc "hors la loi"!

Si un certain nombre de droits édictés dans la convention peut s'appliquer aux mineurs en détention, certains alinéas d'articles s'intéressent directement aux situations de détentions. (http://www.globenet.org/enfant/cide.html, voir Article 3, Article 6, Article 20, Article 37)

A la lecture de ces directives, on peut dégager plusieurs recommandations pour une mise en détention dans les meilleures, ou plutôt les moins mauvaises, conditions possibles. En effet, l'enfermement d'un mineur en prison doit être la dernière solution envisagée et d'une durée aussi limitée que possible. Il doit être séparé des détenus adultes et bénéficier d'une protection particulière qui tient compte des besoins inhérents à l'enfance. De plus, si on considère le droit de tout enfant à l'éducation, il semble que son application doit être poursuivie, même en détention. Toute prise en charge qui ne respecte pas ces droits est maltraitante!

La question du respect des droits de l'enfant et des mauvais traitements dans les centres de détention est un souci important d'Amnesty international. Mouvement mondial formé de défenseurs des droits de la personne humaine, Amnesty International oeuvre en faveur de tous les droits annoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, ainsi que dans d'autres traités internationaux. Sur leur site internet, dans la rubrique "Agir" on pourra trouver par exemple une page concernant les mauvais traitements, qui vise à sensibiliser les gens aux problèmes en les mettant en lumière. Dans ce premier texte, on critique l'enfermement des mineurs dans des conditions qui ne sont pas respectueuses de leurs besoins, et qui ne leur assurent pas la protection à laquelle ils ont droit. En effet, les centres de détention pour mineurs se révèlent être inadaptés à l'accueil d'enfants dans la mesure ou ils seraient bien souvent vétustes et pourraient mettre en danger la santé des occupants des lieux. De plus, on ajoute à cela que les lieux en question sont bien souvent surpeuplés, ce qui oblige une grande proximité entre les détenus. Les enfants vivent donc en dehors du respect de leur intimité et dans des conditions sanitaires douteuses. A cause de cette surpopulation, certains mineurs sont même enfermés dans des prisons réservés aux adultes, loin du respect de la Convention internationale des droits de l'enfant. Ce mélange, qui représente un risque important pour les mineurs, tels que des violences sexuelles, physiques, et psychologiques, est d'autant plus grave qu'il s'effectue dans des prisons, pour adultes, qui sont, dans la plupart des cas, elles aussi surpeuplées, comme nous pourrons le constater avec l'exemple de la prison de Champ-Dollon. Les auteurs du texte (non nommés) s'appuient sur des normes universellement reconnues qui disposent que les détenus mineurs doivent être séparés des détenus adultes, et ceci afin de pointer du doigt un grand nombre de pays dans lesquels cette séparation n'est pas effective. (Se référer à l'ouvrage de K. Tomasevski (1986). La Suisse fait partie de ces pays. La surpopulation "chronique" constitue un des facteurs les plus répandus, qui engendre des conditions de détention mettant en jeu la santé et la sécurité physique et émotionnelle des mineurs.

Amnesty international soulève ces différents points de manière beaucoup plus pointue dans son rapport annuel de 2000 "Enfant torturés, des victimes trop souvent ignorées". Le présent rapport fait partie d'une série de documents publiés par Amnesty International dans le cadre de sa campagne mondiale contre la torture, qui a été lancée en octobre 2000. Ce document, de 71 pages, rappelle entre autre les droits de l'enfant, et en l'occurrence, le droit de n'être enfermé ou emprisonné que dans des circonstances exceptionnelles ou à titre d'ultime recours pour la durée la plus courte possible. Dans une partie consacrée aux centres de détention pour mineurs, le rapport souligne en premier lieu le fait que le système de justice des mineurs est en crise et qu'il nécessite probablement des changements de fond. Au delà des problèmes "matériels" qui se posent dans les prisons, les rédacteurs du rapport placent le problème encore plus haut, dans "l'absence persistante de toute volonté politique de résoudre les problèmes, voire la négation pure et simple de leurs existences". Amnesty international montre du doigt la longueur de délai avant le passage en jugement, l'incarcération des mineurs dans les quartiers pénitenciers réservés aux adultes, parfois même avec les plus dangereux d'entre eux, le manque de personnel formé de manière adaptée, la surpopulation, etc. Ce rapport affirme que les mineurs sont souvent détenus dans des conditions qui mettent en jeu leur santé et leur sécurité, et nuisent donc gravement à leur bon développement. On parle une fois de plus de la vétusté, voire de l'insalubrité des locaux. A cela s'ajoute l'absence ou une insignifiance de structures d'enseignement, d'installations sportives et de loisirs. Ces carences, liées au problème chronique de la surpopulation, font de la détention des mineurs un problème grave dans la mesure ou elle se fait en dehors du respect de la Convention Internationale des droits de l'enfant. Malgré tout, il semble que dans beaucoup de pays, les conditions de détention des mineurs ne sont pas une priorité pour les systèmes de justice pénale.

Ces différentes mesures (conventions, droits) prises par la société au cours du XXe siècle marque une nouvelle étape dans la construction du problème social de la maltraitance des mineurs en prison. L’origine du problème actuel provient d’une part de la législation, du code pénal en ce qui concerne la Suisse. La justice a mis en place des normes que la société entend respecté, elle crée ainsi des normes de conduites et défini indirectement où se trouve les limites. De cette manière, les individus qui se frottent à ces limites deviennent rapidement des personnes à risques, déviantes. D’autres part, des nouveaux acteurs viennent prendre part au débat. Ce sont eux qui à proprement dit soulève le problème des mauvais traitements que reçoivent les mineurs en prison. Sous l’impulsion de la déclaration des droits de l’enfant, d’association comme Amnesty ou encore l’OMCT, de nouvelles normes reconnues par la société civile sont édictées à propos du bien-être, du bon développement de l’enfant. Ainsi, deux systèmes de normes se rencontrent et s’opposent. Selon notre propos, l’une d’elles est fautive, c’est-à-dire déviante. Pourquoi ? Les lois pénales qui touchent les jeunes délinquants ne respectent pas les normes prévalentes des droits des enfants.

A regarder l’article 40 de la Convention de Genève, il traite directement le problème d’incarcération des mineurs. On aperçoit que la maltraitance s’est diversifiée depuis le 19ème siècle. Ce n’est plus seulement une histoire de violence physique et morale, mais elle se retrouve aussi dans le non respect des lois, dans le contexte carcéral. Cet article confirme donc l’institutionalisation du problème de maltraitance des mineurs en prison. En fait, comme le souligne Becker (1963), les traitements attribués aux détenus mineurs portent des conséquences importantes aux détenus et amplifient leur déviance. C’est pourquoi, nous pensons que l’enfermement est la première forme de maltraitance subi par les jeunes déviants.

Le dernier point à relever au sujet de la construction du problème social est un aspect paradoxal. En effet, alors que les pays participent à la création de normes, des lois (pour le respect des enfants), ils sont les premiers à les enfreindre. Au niveau politique, après avoir fait un pas en avant, on se retire et on évite d’en parler. Finalement, on serait tenter de dire que les Etats sont donc autant déviants que les adolescents délinquants.

Qu'en est-il de la Suisse?

La détention et l'encadrement des mineurs a fait l'objet de discours et de différents débats à l'intérieur du Grand Conseil, on se rend compte que c'est un souci pour les dirigeants suisses et que la conscience du non respect de la loi représentée par la convention internationale des dorits de l'enfant est uu point sur lequel il y a fort à s'inquiéter

Le 31 janvier 2002, dans un discours, Monsieur Daniel Zappelli, procureur général, évoque la nécessité impérative de créer des lieux supplémentaires de détention pour mineurs afin d'éviter qu'ils se retrouvent placés dans des prisons pour adultes et "qu'ils ne soient privés de l'encadrement adéquat". Ce discours rappelle que le nombre de mineurs incarcérés est en augmentation depuis les six dernières années et qu'il est donc important d'avoir une réflexion sur la justice que l'on offre. On ne manque pas de souligner que "la justice n'est pas que pénale", et ce n'est qu'en gardant ceci à l'esprit que l'on peut faire évoluer les conditions de traitement et de prise en charge des mineurs. Il est absolument nécessaire que la justice se voit mettre à disposition les moyens adéquats pour exercer son pouvoir d'une manière efficace et respectueuse des droits de l'homme et de l'enfant.

Le 25 avril 2002, c'est M. Remy Pagani qui fait une interpellation au Conseil d'Etat au sujet du suivi des adolescents enfermés à Champ-Dollon. Une situation qui ne permet pas la séparation stricte avec les adultes, ce qui est contraire à la convention internationale des droits de l'enfant. De plus ces mineurs, dont les droits fondamentaux ne sont pas respectés, ne disposent de surcroit d'aucun encadrement éducatif particulier. A ceci la Conseillère d'Etat Michel Spoerri répondra par le même souci et la conscience de la nécessité d'améliorer les conditions de détention des mineurs et leur prise en charge, en l'occurrence, par l'agrandissement de la Clairière et la volonté d'y placer des éducateurs supplémentaires. Seulement ces mesures semblent assez légères étant donné que, comme nous le verrons plus tard, l'agrandissement de la Clairière n'est pas assez important et tous les mineurs présents à Champ-Dollon ne pourront pas y entrer. De plus, les propositions de postes supplémentaires ne semblent pas aboutir, ou, en tout cas, pas assez rapidement étant donné l'urgence de la situation.

Le sujet étudié a fait l'objet de deux rapports annuels de la Commission des visiteurs officiels du Grand Conseil.

Ces deux rapports, le premier de M. Hugues Hiltpold, année parlementaire 2002-2003,) sur le thème de la détention et de l'encadrement des mineurs et [http://www.geneve.ch/grandconseil/memorial/data/550204/16/550204_16_partie32.asp le second de Mme Anita Cuenod, 1ère année de la législature 2001-2005, font état de problèmes très similaires.

On y parle de Champ Dollon, comme d'un bâtiment vétuste, ayant des besoins évidents "d'aménagements et de rafraichissements". Ce lieu ne semble pas approprié que ce soit pour des mineurs ou des adultes. Pourtant, au moment où le débat concernant le deuxième rapport a eu lieu, 27 mineurs étaient présents dans ces murs! La Clairière étant trop petite pour accueillir tous les mineurs placés, et les travaux d'agrandissement tardant à commencer, les conditions semblent peu propices à une amélioration de la situation qui constitue pourtant une réelle urgence.

Sous-jacent à cette situation, nous retrouvons le problème du traitement de la jeunesse déviante. Est-il normal que le nombre de mineurs placés en détention ne cesse de croitre alors que la justice ne se dit pas uniquement pénale? C'est M. Remy Pagani qui soulève cette question de fond, qui semble-t-il, ne passe pas souvent au premier plan lors des débats au Grand Conseil. On rappellera les décisions prises quatre ans auparavant qui n'ont pas été appliquées, notamment l'abolition de la promiscuité mineurs-majeurs à la prison de Champ-Dolllon. Si cette promiscuité n'a pas été abolie, elle est d'autant plus alarmante que ces jeunes placés en compagnie d'adultes sont isolés dans des quartiers ou bien souvent, se trouvent des personnes "encore plus déviantes qu'eux, notamment des pédophiles". M. Pagani soulève ici encore une question importante qui est celle de la cohérence du traitement des mineurs incarcérés. Le but de l'incarcération est-elle la prise d'un risque pour la santé et l'équilibre sûrement déjà précaire de ces enfants? Si l'agrandissement de la prison de Champ-Dollon est une solution à la surpopulation carcérale, Mme Esther Adler rappelle que des solutions plus "profondes" sont à chercher dans le fonctionnement même du système de traitement des criminels. Effectivement, il serait opportun de réfléchir aux conditions de détentions des mineurs, aux propositions de prise en charge et aux améliorations à y apporter. Se contenter de faire de Champ-Dollon un lieu plus vaste va-t-il permettre un meilleur traitement des mineurs délinquants?

D'autre part, si les mineurs qui sont placés à La Clairière sont un peu mieux lotis, on soulignera la présence de gardien de prison en plus des éducateurs. Cette présence est perçue comme une volonté de promouvoir la répression plutôt que des mesures éducatives.

Il semble que la surpopulation des centres de détention pour mineurs serait dûe au manque de volonté des juges de trouver des mesures plus adéquates pour le traitement des mineurs délinquants. La prison serait utilisée commune solution de facilité, ce qui une fois encore apparaît contraire aux articles édictés par les droits de l'enfant. Il ferait partie du rôle du gouvernement d'encourager les juges à trouver des peines plus adéquates que la mise en détention, on citera les mesures d'utilité publique en exemple.

Pour reprendre les propos de M. Hiltpold et M. Mauris, "Michel Foucault considère (...) que l'on juge une société par l'état de ses prisons" et dans cette optique, c'est "une honte pour notre société moderne de laisser ainsi des jeunes en rupture aux côtés d'idoles du crime (...) avec des gardiens en guise d'infirmiers et des délinquants en guise de camarades." Cette situation relate un réel dysfonctionnement de la société actuelle et probablement un manque de volonté à prendre la situation en main, de tout mettre en oeuvre pour y remédier, étant donné que le Conseil d'Etat ne semble pas suivre les recommandations émises par la commission au terme de son rapport.

Les médias suisses s'intéressent eux aussi au problème. Notre attention s'est portée sur une émission de swissinfo par Anne Rubin titrée La détention des mineurs, un casse-tête suisse datant du 02 décembre 2003. (Site de la TSR : La détention des mineurs, un casse tête suisse swissinfo, Anne Rubin(02.12.2003)). Les médias s'inquiètent de la présence de plusieurs mineurs dans des prisons pour adultes, des lieux "inadaptés" à l'accueil de jeunes personnes en développement. De plus, pour ne pas améliorer la situation, la Clairière est toujours trop petite, et on rappelle que l'agrandissement en cours n'a pas été prévu assez conséquent pour accueillir les nombreux mineurs placés entre autre a Champ-Dollon. Ce dernier constat est fait par les autorités genevoises elles-mêmes. Cette détention en compagnie d'adultes semblent d'autant plus inquiétante qu'elle ne permet pas de répondre à une volonté d'offrir aux mineurs détenus une prise en charge particulière et éducative qui préparerait le terrain à une réinsertion dans la société. Le jeune, qu'il soit délinquant ou non, a le droit à ce qu'on lui prépare un avenir et qu'on lui donne les atouts pour y arriver. Cependant, dans de telles conditions de détention, dans cette "école du crime" comme l'appelle M. Sébastien Aeby, ancien directeur de la Clairière (GE) et actuel directeur de la prison de la Croisée (VD), on peut imaginer que c'est la récidive qui sera entrainée plutôt que la réinsertion du jeune.


On se rend compte que même si le terme de maltraitance n'est jamais explicitement utilisé, le souci des traitements subis par les détenus mineurs est important et que la nécessité d'y apporter des changements est bien présente. Les problèmes soulevés dans ces différents textes donnent lieu à une définition beaucoup plus large de la maltraitance des détenus que celles des humiliations et chatiments corporels: La maltraitance est aussi des conditions de vie insalubres, une prise en charge non respectueuse des besoins de la personne, un manque de prise en compte de son devenir, ... et bien sur, pour les jeunes pour qui c'est le cas, le simple fait d'être incarcéré dans une structure pour adultes.

Réalité Suisse et genevoise: de la prise en charge à la maltraitance

Depuis plusieurs années, des mineurs sont détenus à la prison de Champ-Dollon ainsi qu'à la Maison d'arrêt pour femmes de Riant-Parc. Cette situation qui devait demeurer exceptionnelle est devenue aujourd'hui une règle, et s'aggrave. Les prisons pour mineurs prennent en charge les jeunes délinquants et criminels. Les centres de détention ont comme but de protéger les mineurs, pour cela on a jugé bon de les séparer de la société.

Depuis le début du 20ème siècle, et jusqu'à nos jours, on trouve des mineurs dans des lieux prévus uniquement pour des majeurs. On retrouve ces faits dans le travail de recherche effectué dans le cadre de la formation INTEREC de L'INSTITUTION D'ETUDES SOCIALES de Genève, par Chloé MEIER et Sébastien AEBY,["Evolution des conditions de détention, dans les prisons préventives genevoises]", mars 1995, mais également dans les statistiques actuelles de Champ-Dollon, ou lors de l'entretien avec M.Aeby actuel directeur de la prison préventive la Croisée.

En 1963 "La Clairière" ouvre ses portes. Il s'agit d'un centre éducatif pour adolescents. Les mineurs y sont détenus pour des périodes courtes, allant de un jour à un an. Cependant, la création de la Clairière ne résoud pas le problème, car on retrouve systématiquement des mineurs dans les établissements pour majeurs, comme c'est le cas par exemple à Champ-Dollon. Quelques chiffres tirés des statistiques de Champ-Dollon de l'année 2003 peuvent nous donner une image de l'ampleur du phénomène (cf résumé).

Si la situation des mineurs incarcérés dans des tructures pour adultes est grave, il semble qu'elle ne soit pas las seule de aui il faille s'inquiéter. En effet, depuis quelques années la situation s'est sensiblement dégradée dans les lieux de détentions pour mineurs. Dans l'article du Courrier du 10 février 2003, le directeur de l'établissement pour mineurs la Clairière revient sur les problèmes de discipline que l'on trouve dans son établissement. Les jeunes se mettent en bande et font régner la terreur. La maltraitance qui en découle se retrouve entre les détenus. Il semble que les jeunes incarcérés à la Clairière ne soient pas plus à l'abri de forme de violence et donc d'un prise en charge non adéquat que les autres...

Les prisons pour majeurs peuvent accueillir des adolescents après une demande du tribunal de la jeunesse. Ce sont souvent les cas les plus difficiles, devenus ingérables, qui se retouvent transférés. Ce nouveau cadre ne leur permettrait plus les débordements qu'ils avaient causés dans des établissements moins stricts (rapporté de l'inteview donné au courrier). Dans ces prisons pour majeurs la sécurité est renforcée, et la répression et l'isolement sont plus fréquemment utilisés. Pourtant, on sait que l'isolement est néfaste pour les jeunes comme on peut le lire dans le livre de J. Torrente (2001). Les adolescents sont en plein développement cognitif et physique. La structure de ces prisons pour "grands" n'est vraiment pas conçue pour le suivi de mineurs. L'encadrement dont les mineurs auraient tant besoin est absent. On tente de limiter tout les contacts afin d'augmenter l'isolement, comme le rappelle la planification pénitentière (www.geneve.ch/fao/2003). Le nouveau code pénal prévoit des durées d'incarcération beaucoup plus longues pour les jeunes dès 16 ans. Avec ces nouvelles normes nous allons vers plus de problèmes de maltraitance dûs à l'isolement prolongé. Cette révision ne va pas non plus aider à résoudre le problème de la surpopulation.

Effet du mélange mineurs majeurs dans les prisons

La question de traitement d'un délinquant en fonction de son âge, apparaît dès le procès. Pour un fait similaire, va-t-on infliger la même peine à un mineur qu'à un adulte? A partir du moment où l'on s'oriente vers un traitement différencié, il faudrait le suivre sur toute la ligne, jusque dans les conditions de détention. Le principe de la séparation des mineurs et des majeurs au cours de la détention figure explicitement dans les instruments juridiques internationaux, comme nous avons pu le voir précédement dans l'article 37 de La Convention internationale des droits de l'enfant. Cependant, bien que la plupart des Etats se déclarent en faveur de cette séparation, très peu d'entre eux la mettent en pratique. Nous sommes aujourd'hui tout à fait conscients des dommages que peut provoquer l'incarcération d'un mineur dans une prison d'adultes. "C'est une école du crime", nous confirme Sébastien Aeby. "Personne n'est en faveur de ce mélange, mais nous manquons dramatiquement de structures et parfois, nous n'avons pas le choix." M. Aeby nous explique qu'en plaçant des jeunes dans une prison d'adulte, on les oblige à évoluer dans une structure qui ne leur convient pas du tout. Non seulement ils sont en contact avec des adultes, parfois dangereux, mais ils sont également privés de toute structure éducative dont ils devraient pouvoir bénéficier. En effet, si les droits et les intérêts de l'enfant étaient le facteur principal lors des prises de décision, le processus serait exactement l'inverse de celui que nous pouvons observer: le mineur serait au centre du projet, et l'exclusion que représente l'enfermement serait évitée dans la mesure du possible. Dans le cas contraire, il s'agirait tout de même d'éviter le processus d'engrenage qui s'active souvent lors du contact avec des adultes, et orienter la prise en charge vers un épanouissement du mineur et une réintegration à la société. Cependant, comme c'est le cas en Suisse, les mineurs se retrouvent trop souvent incarcérés dans des prisons pour adultes. Ne disposons nous pas d'un système qui permettrait de constater les violations de droits de l'enfant et de sanctionner les responsables? Le service de la protection de l'enfance ne devrait-il pas remplir ce rôle?

La maltraitance: les mineurs n'ont pas leur place en prison

Exclure les jeunes du système scolaire et les mettre dans une cellule, est une sorte de maltraitance, car le jeune sera isolé, et risque de se replier sur lui-même. Un mineur enfermé ne peut pas évoluer comme les autres. Il sera limité sur de nombreux points. La violence se développe plus facilement chez les jeunes qui ont une histoire troublée par la maltraitance. Les conséquences de ces mauvais traitements vont contre les objectifs éducatifs que visent les centres de détentions. Chaque adolescent vivra sa souffrance et répondra à la maltraitance à sa manière. Il n'est donc pas toujours facile de détecter la maltraitance dans ce public. Il est pourtant très important d'agir et de ne pas ignorer les attitudes du mineurs. Ne rien faire peut pousser le mineur à se renfermer sur lui-même et les conséquences psychologiques dûes à la maltraitance peuvent le suivre toute sa vie. "Dans les prisons il y a des gens qui doivent veiller à ce que le détenu ne subisse pas de mauvais traitements durant son incarcération. Il y a la direction, les juges, les avocats, les psychiatres, les médecins, les éducateurs… Afin que ce suivi fonctionne correctement il faut une coopération entre les différents acteurs" (tiré de l'interview de M.Aeby). Il serait idéal qu'un travail soit fait entre les éducateurs, la direction et les acteurs extérieurs, mais malereusement les prisons ne consacrent acctuellement que très peut de temps pour un suivi personnalisé des détenus. Les mineurs ont besoin de beaucoup de temps mais les budgets des prisons pour majeurs ne sont pas addaptés à une vrai prise en main.

Les adolescents apprennent encore à connaître leurs corps. La vie cognitive se développe en même temps que le corps grandit, que l'affectivité et la socialisation évoluent. La maltraitance a de l'influence sur le développement et l'image du corps peut être modifiée par les mauvais traitements. Le jeune peut-être très traumatisé et peut aller jusqu'à l'automutilation ou le suicide. Pour éviter de tel abus, notamment sexuels, les prisons pour majeurs détenant des mineurs évitent de les mélanger dans les cellules et lors des douches. Cependant, mis à part cette séparation, les mineurs ne bénéficient d'aucun traitement de faveur. En effet, ils suivent le même règlement que les autres, et n'ont pas plus de suivi ou de visites que les majeurs. Ceci se complique notamment avec la surpopulation car chacun y perd du temps de visite, mineurs inclus.

Bilan actuel: La surpopulation dans les prisons suisses

La surpopulation est un problème que l'on retrouve dans toutes les prisons de Suisse, aussi bien dans les établissements pour mineurs que pour majeurs. L'état endémique de surpopulation pousse les médias à enfin parler de cette problématique. Comme nous l'avons vu avec les événements survenus début mai 2006 la surpopulation est devenue intolérable. Les conditions des détenus deviennent vraiment problématiques. En effet Champ-Dollon a depuis longtemps dépassé sa capacité de base de 270 détenus, les personnes incarcérées sont actuellement rencensées autour de 500. Une situation devenue explosive et de plus en plus incontrolable. Pour répondre à ce problème, on prévoit de construire de nouvelles prisons. La nouvelle Clairière a été inaugurée le 27 mai 2005, mais cette nouvelle structure est pourtant déjà pleine, voire surpeuplée selon les périodes. Le problème est donc loin d'être résolu. Le Conseil d'Etat a ouvert un crédit pour l'amélioration et la rénovation de Champ-Dollon. Il faut pourtant agir encore plus vite car les conditions de détentions deviennent très précaires.

Actualité: Champ-Dollon et ses récentes émeutes

En février 2005, les députés du Grand Conseil votaient un crédit d'étude de 1,3 millions de francs pour l'agrandissement de l'établissement pénitentiaire. A ce moment-là, la prison de Champ-Dollon comptait 438 détenus pour 270 places. Furieux de ces conditions, les détenus ont manifestés durant les journées du 30 avril et du 1 mai, refusant de réintégrer leurs cellules après la promenade. Malheureusement, des violences ont été commises. Selon Constantin Franziskakis, une trentaine de détenus se seraient défoulés sur le matériel de la prison. A la fin de la journée, le constat était de trois blessés. Comme cité dans l'article de Philippe Chevalier du 3 mai 2006, "Poussée de fièvre à Champ-Dollon", paru dans Le Courrier, Laurent Moutinot, le chef du Département des institutions, promet de punir les auteurs de violence, mais également de prêter une oreille attentive à leur revendications, bien que, d'après lui, les problèmes énoncés découlent de la situation de surpeuplement.

Les détenus manifestaient non seulement contre les conditions de surpopulation, mais surtout contre les arrestations brutales des forces de l'ordre et contre les périodes de détention provisoire qui excèdent régulièrement la durée des peines prononcées. En effet, le nombre de dossiers traités pour condamnation est passé de 2600 en 2003 à 4300 en 2005. La Ligue suisse des droits de l'homme se montre solidaire avec les détenus, pointant le doigt sur la lenteur de la Chambre d'accusation genevoise.

Mais le problème n'est pas proprement genevois. Si Champ-Dollon souffre aujourd'hui de surpopulation, c'est aussi parce que de nombreux détenus attendent leur transfert vers une prison d'un autre canton. En 2005, la Suisse comptait plus de 6000 détenus. Sur les 122 prisons nationales, 27 affichaient complet et 14 souffraient de surpopulation. Cette situation est désagréable autant pour les personnes qui travaillent à la prison que pour les prisonniers, qui se marchent dessus. La sécurité générale est amoindrie, les personnes étouffent. Les places de travail en ateliers manquent. Certains prisonniers se trouvent enfermés 23 heures sur 24 dans leur cellule.

Cette surpopulation avait déjà entraîné à Genève une certaine prise de conscience en mars 2006 : le conseil d’état ouvre un crédit de 18 millions de francs pour un projet de construction d'une nouvelle structure de détention à Puplinge, village situé à côté de Jussy, vers le site de Champ-Dollon. Cette structure devrait voir le jour en 2007 : les travaux commençant normalement en février prochain pour s’achever en décembre 2007. Cette structure ne prévoit que 64 places supplémentaires ainsi que des places de travail. Cela viendra bien évidemment soulager la surpopulation de Champ-Dollon dont les prisonniers sont victimes depuis déjà de nombreuses années mais cela suffira-t-il pour « faire taire » ces détenus étouffés ? L’autorité genevoise craignait ces plaintes depuis longtemps, ces dernières viennent d’ailleurs confirmer la mesure d’urgence à prendre, et la nécessité de donner aux détenus un minimum de confort le plus rapidement possible.

Plus aucun mineur ne sera incarcéré à Champ-Dollon

Depuis le 20 avril, plus aucun mineur n'est détenu à Champ-Dollon. Habituellement, entre zéro et onze mineurs y étaient enfermés. Suite aux violences qui ont eu lieu dans la prison surpeuplée, les mineurs seront désormais détenus à La Clairière. Cependant, bien que cette dernière ait été agrandie, passant de 15 à 30 places en 2005, elle risque également d'être surpeuplée. "Entre deux maux, nous avons choisi le moindre", a dit M. Franziskakis, directeur de l'office pénitentiaire. En effet, les mineurs seront plus en sécurité dans une Clairière surpeuplée de quelques unités qu'à Champ-Dollon en mutinerie. Ce transfert permettera également une prise en charge adéquate, puisque La Clairière ne détient que des mineurs. Cette réaction immédiate suite aux émeutes de Champ-Dollon confirme notre hypothèse selon laquelle les mineurs n'ont pas leur place dans des prisons d'adultes. Il est toutefois bien dommage qu'il faille des incidents graves pour obtenir des changements...

Bientraitance: un concept émergent.

Nous évoquerons en premier lieu notre interrogation sur l'absence du terme de "bientraitance" dans notre vocabulaire. Nous nous sommes demandés si cet oubli pouvait révéler le fait que notre société n'aurait pas pensé à la bientraitance. Comme le dit B. Cyrulnik (2005) dans le livre "Culture et bientraitance", " Le choix du mot révèle la manière dont la culture se préoccupe d'un concept." Peut-on alors en déduire que le système pénal suisse ne fait pas de la bientraitance des mineurs incarcérés une de ses priorités? Partant du principe que placer un mineur en prison est déjà une forme de maltraitance, nous allons tenter d'éclaircir alors le concept de bientraitance, qui devient de plus en plus présent dans les discours de tous les jours.

Aujourd'hui, bientraiter un enfant est devenu un enjeu d'humanité. Si le mot bientraitance est né, c'est un signe de changement d'attitude de la part d'une société qui sans cesse tente de se remettre en question. Le concept de bientraitance a subi une transformation d'une génération à une autre, aussi, dans les années 1980, bientraiter un enfant n'apparaissait pas encore comme une évidence au sein de la famille. Aujourd'hui, on parle d'une éducation qui se doit de favoriser l'épanouissement des enfants dans différents domaines, physique, affectif, cognitif et social. La famille est considérée comme le lieu privilégié permettant de favoriser cet épanouissement. Autrement dit, la bientraitance vise à la promotion et à la mise en place effective de pratiques éducatives et d'attitudes qui soient garantes du bon développement de l'enfant. Alors, on ne doit pas seulement prévenir la maltraitance, mais aussi encourager une éducation qui permette à l'enfant de donner le meilleur de lui-même. La bientraitance d'un enfant passe donc par son éducation, mais qui dit éducation, dit scolarisation. Le chemin d'un enfant vers l'école est primordial, car cette dernière, qui peut être considérée comme l'une des principales instances de socialisation et de développement socio cognitif et socio affectif de l'enfant, semble s'inscrire dans le cadre global des attitudes favorables au bon développement de l'enfant.

Bon nombre d'associations se mobilisent afin que chaque enfant ait droit à un bon traitement dans la vie de tous les jours. Mais qu'en est-il des enfants en prison, en institution ? On trouve dans le rapport d'Amnesty International des recommandations pour la protection des enfants en détention telles que "les détenus mineurs doivent être séparés des adultes, sauf dans le cas de membres d'une même famille", ou encore "Le recours à la détention préventive pour les enfants doit se limiter à certaines circonstances exceptionnelles. Toute forme de détention doit être conforme à la norme internationale, qui veut qu'un enfant ne soit placé en détention qu'en dernier ressort et pour la durée la plus courte possible." On se rend alors compte que le traitement des enfants en détention est un sujet qui préoccupe de plus en plus, et c'est ainsi que des recommandations telles que celles-ci émergent. D'après une recherche effectuée par le service de protection judiciaire de la jeunesse en France, quelques constats ont été avancés : premièrement, un encadrement permanent, stable et formé, permet d'élaborer un suivi plus individualisé des mineurs. Le surveillant est alors le premier référent en détention. Deuxièmement, on souligne l'importance des activités en détention, principalement des activités scolaires. On sait que le temps inactif passé en cellule peut engendrer des comportements violents.

Conclusion

La maltraitance dans les prisons suisses reste un sujet très peux abordé, les divers acteurs du monde juridique, pénitencier ou encore politique préfèrent ne pas trop faire parler d'eux dans les médias. On trouve très rarement le terme maltraitance dans un article consacré à la prison en Suisse, et bien que les conditions d'incarcération soient décrites de manières plutôt négatives, il est rare que ces aspects soient qualifiés de mauvais traitements.

Notre recherche nous a permis de faire un état des lieux général des lois et législations protégeant les mineurs ainsi que de leurs conditions d'incarcération en Suisse. Bien que nous imaginions nous heurter au problème social de la maltraitance physique dans les prisons, il n'en était rien. Par contre, nous avons découvert une autre forme de maltraitance, qui, bien qu'interdite par la loi, consiste à détenir des mineurs dans des lieux pour adultes. En effet, dû à un manque inquiétant de places dans les structures pour jeunes, les prisoniers de tous ages sont parfois mélangés. Pourtant, dans ces prisons pour adultes, les mineurs ne bénéfcient pas des structures de prise en charges adéquates, et il s'agit donc bien d'un cas de maltraitance.

Bien que la notion de maltraitance semble s'être considérablement élargie et toucher maintenant aux conditions de vie des détenus et à leur traitement quotidien, le sujet ne trouve toujours pas beaucoup de défenseurs... Si on n'est pas capable ou qu'on ne cherche pas à éradiquer le problèmes des conditions déplorables de détentions des mineurs, Faut-il renoncer définitivement à toute incarcération? Décriminaliser les délits commis pour privilégier l'éducation? On éviterait ainsi de placer le mineur dans une situation où il risquerait de sombrer au contact des délinquants plus profonds que lui. Cependant, la délinquance chez les mineurs est réelle, et elle va parfois très loin. Il existe réellement des jeunes délinquants dont rien n'assure l'ancrage social, à qui aucune solution alternative ne convient. Que fait-on alors? Le débat est lancé, mais la situation est délicate et le traitement idéal ne peut peut-être pas être généralisé, il s'agit plutot d'un cas-par-cas. Mais peut- on vraiment se résoudre à soumettre des jeunes à cette torture qu'est la prison qui non seulement ne rectifie pas mais au contraire, fige, pétrifie, ou aggrave?