Regard critique sur la pluridisciplinarité des EIAH : le cas de la pandémie Covid-19

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Résumé

Cette page met en lien trois articles, cités en références en bas de page. Nous proposons ici une vision critique des EIAH (environnements informatiques pour l’apprentissage humain), que ces trois articles mettent en exergue.

Introduction

Dans nos sociétés capitalistes aujourd’hui, les environnements informatiques ne sont plus très rares, que cela soit pour le travail, les études ou les loisirs. Cette omniprésence est un phénomène qu’Hétier et Blocquaux (2021) nomment « capitalisme numérique ». Et dans le cadre d’un apprentissage, l’omniprésence de la technologie dans notre quotidien a des effets non-négligeables sur notre relation vis-à-vis des informations et de la communication. Par conséquent, cela influence, entre autres, beaucoup les étudiant-es dans leur manière d’apprendre et de mener leur vie étudiante, comme le montre le cas d’étude d’Hétier et de Blocquaux (2021). En effet, ce cas illustre la pluridisciplinarité que la conception d’un EIAH implique. Par ailleurs, cette conception toujours peu normalisée demeure un grand objet de critiques et de recherche, comme le montrent les articles de Fluckiger (2021) et de Tchounikine et Tricot (2019). Nous allons ainsi tenter de démontrer la nécessité de la pluridisciplinarité de la conception d’un EIAH, illustrée par l’exemple d’un cas universitaire pendant la pandémie en 2020.

Développement

Tout d’abord, si la conception d’un EIAH touche le domaine de l’informatique, il ne se limite pas qu’à celui-ci. Pour Tchounikine et Tricot (2019), la conception d’un tel outil pour l’apprentissage doit aussi impérativement prendre en compte le champ scientifique des sciences cognitives que l’utilisation d’un EIAH implique. En d’autres termes, on ne peut pas concevoir un EIAH pertinent si l’on ne s’appuie pas aussi sur des travaux réalisés sur les phénomènes d’apprentissage. C’est la raison pour laquelle la conception d’un EIAH est complexe, car il faut prendre en considération tant le domaine informatique que des domaines de sciences humaines, telles que la psychologie, les sciences de l’éducation ou encore les sciences de l’information.

En effet, un manque de considération du domaine des sciences humaines lors de la conception d’un EIAH est une erreur, pour Fluckiger (2021). Comme indiqué dans son article, cette approche pluridisciplinaire pour la conception est nécessaire pour élaborer un dispositif qui a du sens pour l’apprentissage. Cette vision anthropocentrée de la recherche est plus nuancée que celle des institutions et du milieu politique technocentrées, convaincues que les technologies sont elles-mêmes sources d’innovation pédagogique. Pour le champ des sciences humaines, il en est tout autre : c’est l’intention derrière l’utilisation de la technologie qui peut déterminer si un EIAH est pertinent ou pas. Et pour pouvoir bien allier une intention d’usage et une conception d’EIAH, il est nécessaire de ne pas s’attarder uniquement sur l’aspect informatique et technique des technologies, mais il faut aussi prendre en compte son construit social, ses représentations et ses contextes sociaux (Fluckiger, 2021). L’EIAH peut prendre plusieurs rôles différents selon l’intention d’usage, mais celui qui nous intéresse en l’occurrence, dans le cas de l’étude menée lors de la pandémie en 2020, est celui de l’usage qu’Internet peut offrir.

L’étude d’Hétier et Blocquaux (2021) montre les résultats d’une enquête menée auprès d’étudiant-es universitaires sur leur vécu des études soudainement mises à distance lors des confinements. Dans ce contexte, les EIAH dont il a principalement été question sont les plateformes de diffusion des cours à distance, ainsi que les plateformes de partages de documents, via Internet. Ici, d’un point de vue technique, si ces plateformes accomplissent pleinement leur mission de diffusion et de mise à disposition de documents et de ressources pour les études à distance, il en est tout autre pour les dimensions humaines de l’apprentissage.

Si l’on considère que les études universitaires se cantonnent à « transmettre des savoirs à des cerveaux » (Hétier et Blocquaux, 2021), on peut effectivement tirer la conclusion que les plateformes employées lors de la pandémie ont suffi. Cependant, les résultats de l’étude montrent que le manque de présence physique et de « l’enveloppe universitaire » de l’infrastructure qu’est l’université a eu des grandes conséquences sur l’expérience d’apprentissage des étudiant-es. Si la transmission du savoir peut être faite (et n’est d’ailleurs pas garantie) par le biais d’Internet, pour les deux chercheurs, il est aussi important de prendre en compte l’éthique du care, du « soin » des apprenant-es, également à distance. Car si ce care est plus ou moins présent lors des cours en présence (encadrement et soutien verbal et non-verbal des enseignant-es pour leur étudiant-es, par exemple), il peut vite être absent une fois les cours mis à distance, si les enseignant-es ne sont pas formés à l’éthique du care. Cet isolement entre les enseignant-es et les étudiant-es, mais aussi celui entre étudiant-es, a conduit, entre autres, à la démotivation et aux nombreux sentiments de détresse et de dépression chez les étudiant-es. Par conséquent, dans ce contexte, on ne peut pas conclure que l’utilisation de ces plateformes pour l’enseignement a été une réussite pour l’apprentissage de ces étudiant-es. Dans ce cas, la tâche de la transmission du savoir aux cerveaux ne peut pas être le seul indicateur pour mesurer la pertinence de l’usage d’une technologie.

Conclusion

Naturellement, il convient de rappeler que ce contexte de la pandémie en 2020 présentait une situation exceptionnelle et urgente dans un premier temps. L’implémentation des dispositifs pour les cours à distance avait donc des chances d’avoir été précipitée dans les établissements. Mais c’est toutefois grâce à cette situation pandémique qu’il a été possible de relever, dans le cadre d’une utilisation prolongée d’EIAH, des besoins invisibles de l’humain, comme l’interdépendance d’une part et d’autre part ceux liés aux émotions, qui sont des besoins psychologiques fondamentaux. Pourtant, dans la vision technocentrée qu’entretiennent les institutions et le milieu politique en général, ces besoins fondamentaux, en plus d’autres champs en relation avec les sciences humaines, ne sont pas pris en considération. C’est pourquoi Fluckiger (2021) met en avant le regard critique à adopter vis-à-vis des technologies éducatives, et souligne l’importance de prendre en compte les différents champs qu’un EIAH implique, comme les décrivent Tchounikine et Tricot (2019).

Références bibliographiques

  • Fluckiger, C. (2021). Numérique en formation : des mythes aux approches critiques. Éducation Permanente, N° 226(1), 124–135. https://doi.org/10.3917/edpe.226.0124
  • Hétier, R., et Blocquaux, S. (2021). Vulnérabilité et éthique de la présence à l’ère numérique. Éthique en éducation et en formation - Les dossiers du GREE, 11, 8–28. https://doi.org/10.7202/1084194ar
  • Tchounikine, P., et Tricot, A. (2019). Environnements informatiques et apprentissages humains. In Éditions de la Maison des sciences de l’homme. Éditions Ophrys. https://doi.org/10.4000/books.editionsmsh.13926