Modèles et modélisation

De EduTech Wiki
Aller à la navigation Aller à la recherche

La notion de modèle est ancienne et, en sciences sociales, plus particulièrement dans le champ de la recherche sur les technologies éducatives, elle est fondamentale mais récente. Par ailleurs, elle a été peu explorée par les épistémologues et elle renvoie à des idées diverses. Le caractère polysémique du terme a été maintes fois relevé (Bachelard, 1979) et il convient de bien distinguer les différents contextes dans lesquels le terme est employé.

Des travaux en technologies éducatives s’intéressent en particulier à la modélisation de l’apprenant afin de produire des systèmes adaptatifs (de type « tuteurs intelligents ») ou adaptables (qui permettent à l’apprenant d’adapter le système d’apprentissage à ses besoins) (Giardina & Laurier, 1999). Pour les chercheurs, il s’agit, à partir des comportements observés, de décrire l’apprenant en termes de caractéristiques, de connaissances, ou d’interactions. On distinguera le modèle comportemental de l’apprenant de son modèle épistémique (Wenger, 1987). Par exemple, l’environnement Aplusix dédié à l’apprentissage de l’algèbre est capable, à partir des choix opérés par les élèves (modèle comportemental) d’en inférer les règles que les élèves utilisent pour effectuer un diagnostic sur leurs erreurs (modèle épistémique) (Croset, 2006).

Un tout autre sens peut être attribué à la notion de modèle lorsqu’on s’intéresse au rôle d’un modèle pour un travail d’investigation scientifique. En premier lieu, les auteurs s’accordent pour dire que le modèles sont au cœur de toute activité scientifique (Halloun, 2007). En effet, ils interviendraient comme des intermédiaires entre les aspects théoriques et empiriques  d’une réalité (Walliser, 1977).

Ainsi, modéliser consiste à élaborer une « représentation sélective et symbolique d’un phénomène empirique » (Bulle, 2005) ce qui, en pratique, conduit à identifier et décrire les éléments saillants d’une réalité et leurs relations. Cette représentation est donc une construction simplifiée, partielle et temporaire qui permet de visualiser, décrire, comprendre, communiquer, expliquer, ou prédire cette réalité (Sanchez, 2008). Dans le cadre d’une recherche orientée par la conception sur des technologies éducatives, un modèle a une double fonction. Il permet de concevoir un dispositif techno-pédagogique (modèle pour la conception) et d’en analyser les usages (modèle pour l’analyse). Il faut relever que le plus souvent, les modèles des sciences sociales sont des modèles conceptuels, non formels, car il est « difficile de mettre la société en équations » (Jensen, 2018). Ce n’est pas le cas pour d’autres disciplines telles que la physique ou l’économie qui produisent des modèles computationables permettant de réaliser des simulations.

Les différents modèles de la téléprésence tels qu’ils sont mobilisés dans le projet PEPTI permettent d’illustrer les idées énoncées ci-dessus. Le modèle de téléprésence de Petit et al. (2020) décrit différents modes de présence (immersion, réalisme, participation et la suspension de l’incrédulité). Selon ces auteurs, ces éléments interagissent pour former un espace au  service de l’expérience des apprenants dans les dispositifs d’apprentissage en ligne (Petit et al., 2020). Le modèle de Garrison et al. s’appuie également sur la caractérisation de différentes formes de présence (présences sociale, enseignante et cognitive) qui concourent, dans le cadre d’une « Community of Inquiry » à la construction d’une expérience d’apprentissage (Garrison et al., 1999). Les différences entre les modèles proposés sont liées aux théories sur lesquelles ces auteurs s’appuient : socio-constructivisme chez Petit et al. et psychologie sociale de développement cognitif chez Garrison et al.

Le choix de l’un ou l’autre des modèles aura des répercussions importantes sur la manière d’analyser un dispositif d’apprentissage en ligne en termes de questions de recherche et de données collectées. Il aura donc aussi des répercussion importantes du point de vue des résultats obtenus et des conclusions qui pourront être formulées. Ainsi les modèles sont des « lunettes conceptuelles » au service de l’intelligibilité d’une réalité (Bunge, 1975).

Références

Bachelard, S. (1979). Quelques aspects historiques des notions de modèle et de justification des modèles. Maloine.

Bulle, E. (2005). Les modèles formels et l’explication en sciences sociales. L’Annee sociologique, Vol. 55(1), 19‑34.

Bunge, M. (1975). Philosophie de la physique. Seuil.

Croset, M.-C. (2006). Vers une modélisation épistémique de l’apprenant. Cas du développement et réduction d’expressions algébriques. 10. https://telearn.archives-ouvertes.fr/hal-00190165

Garrison, D. R., Anderson, T., & Archer, W. (1999). Critical Inquiry in a Text-Based Environment : Computer Conferencing in Higher Education. The Internet and Higher Education, 2(2), 87‑105. https://doi.org/10.1016/S1096-7516(00)00016-6

Giardina, M., & Laurier, M. (1999). Modélisation de l’apprenant et interactivité. Revue des sciences de l’éducation, 25(1), 35‑59. https://doi.org/10.7202/031992ar

Halloun, I. A. (2007). Modeling Theory in Science Education. Springer Science & Business Media.

Jensen, P. (2018). Pourquoi la société ne se laisse pas mettre en équations. Le Seuil.

Petit, M., Lameul, G., & Taschereau, J. (2020). La téléprésence en formation : Définitions et dispositifs issus d’une recension systématique des écrits. https://eduq.info/xmlui/handle/11515/37920

Sanchez, É. (2008). Quelles relations entre modélisation et investigation scientifique dans l’enseignement des sciences de la Terre? Éducation et didactique, 2‑2, 93‑118. https://doi.org/10.4000/educationdidactique.314

Walliser, B. (1977). Systèmes et modèles : Introduction critique à l’analyse de systèmes : essai. Seuil.

Wenger, E. (1987). Artificial intelligence and tutoring systems : Computational and cognitive approaches to the communication of knowledge. Morgan Kaufmann Publishers Inc.