L'utilisation des traces pour créer un portfolio d'apprentissage

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Introduction

La lecture de l’article de Cosnefroy sur l’apprentissage autorégulé a beaucoup résonné en moi. En effet, j’ai effectué un Bachelor en économie basé sur l’apprentissage par l’action, l’autogestion et le travail en équipe. J’y ai vécu des émotions très fortes et cette lecture m’a permis de mettre des mots sur certains aspects que j’ai vécus. L’un de ceux qui m’a le plus dérangé et impacté est le système d’évaluation et de feedback. Je ressentais que l’évaluation était subjective et que l’affection que l’étudiant portait au programme et aux professeurs/coachs influençaient le résultat. Selon Consefroy, il peut s’agir d’une stratégie de protection de l’estime de soi que de rejeter la faute sur les autres (Cosnefroy, 2011). Néanmoins, l’amertume se fait ressentir et je me demande si l’utilisation de traces aurait pu me permettre de ne pas avoir cette impression.

Résumé :

Dans la première partie, vous trouverez le fonctionnement du système d’évaluation proposé par le Bachelor que j’ai effectué. Le fonctionnement des deux modules y est décrit et leurs critères de réussite aussi. Vous découvrirez ensuite le fonctionnement des traces ainsi que leurs avantages pour les apprenants durant leur semestre ainsi que pour leur évaluation. Pour finir, les limites de l’intégration des traces dans la formation seront réfléchies. Puis je répondrais à mon interrogation sur si les traces avaient pu m’éviter des frustrations dues au système d’évaluation.

Développement :

Le système d’évaluation utilisé dans la formation :

Pour commencer, je trouve important de décrire le système d’évaluation utilisé dans mon Bachelor. Il y a deux modules à suivre durant le semestre. Le premier est le « parcours d’apprentissage » qui représente l’évaluation plutôt quantitative de la formation. Les éléments évalués sont les présences en séances de coaching, en session de formation, le nombre de lectures effectuées, le nombre d’heures de projet réalisé ainsi que le nombre d’articles réflexif rédigés et, selon le semestre, si le voyage apprenant a été fait. Chaque partie réalisée rapporte un certain nombre de points et si à la fin du semestre, le minima est atteint, l’étudiant réussit le module. (HEVs, s. d.)

Le deuxième module est le « portfolio des compétences ». L’étudiant doit développer 21 compétences à travers son semestre. Chaque compétence est divisée en palier, celui-ci correspond à un certain nombre de points. À la fin du semestre, si l’étudiant a le nombre de points requis et le nombre de paliers atteints, il réussit le module. (HEVs, s. d.)

L’évaluation se déroule en 4 étapes. La première est la rédaction d’un portfolio d’apprentissage. L’étudiant doit s’autoévaluer et expliquer lequel palier il pense avoir atteint en amenant les faits concrets et les apprentissages de son semestre. La deuxième étape est la présentation de son portfolio devant un groupe de 4 camarades ainsi que le jury présent. La troisième étape est l’évaluation par les pairs. Il s’agit de faire faire aux étudiants une évaluation croisée et de se faire évaluer par leurs camarades. La dernière étape est l’évaluation par le jury présent. Il s’agit d’une discussion sur les doutes et les gaps entre l’auto-évaluation, l’évaluation des pairs et l’évaluation des jurys. (HEVs, s. d.)

À la fin de tout cela, l’étudiant recevra un protocole d’évaluation avec les paliers validés par le jury ainsi que les remarques d’amélioration et les éventuelles conditions de remédiation.

Le principe d'apprentissage utilisé dans la formation :

La formation est basée sur l’apprentissage expérientiel poussé par l’apprentissage par projet. Ce processus d’apprentissage est axé sur le processus plutôt que le résultat. Selon David Kolb, il est important que l’étudiant soit actif (par l’action et par la pensée) dans sa formation. Selon lui, l’apprentissage est complet que lorsque l’apprenant est passé par 4 étapes : l’expérimentation, l’observation réfléchie, la conceptualisation et l’émission d’hypothèse. C’est-à-dire qu’il a effectué une action, réfléchi à l’impact de ses actes, généralisé son apprentissage et émis des suppositions pour faire mieux. (Kolb, 1984)

Mayer rejoint Kolb sur l’importance de l’apprentissage actif. Il parle de traitement actif lorsqu’il faut se concentrer sur les informations et y intégrer les connaissances déjà acquises  (Mayer, 2010). Bonwell rajoute que l’engagement de l’apprenant impact la profondeur et la durée de son apprentissage (Bonwell, 1991). En utilisant cette méthode d’apprentissage, les apprenants prennent conscience de l’importance de leurs connaissances et de la complémentarité avec leurs compétences. Il s’agit la d’une difficulté exprimée par Tricot, Sahut et Lemarié en 2016 « il est difficile de prendre conscience qu’on manque de connaissances, puis d’exprimer ce déficit avec des mots » (Vayre, 2018)

Bien qu’aiguillé par la HES-SO Valais-Wallis dans le cadre de cet apprentissage expérientiel, je pense que la difficulté se situe dans la communication et la valorisation de l’apprentissage réalisé.

Les traces et leurs impacts :

L’une des solutions pour factualiser son apprentissage et le chemin parcouru par l’étudiant serait l’utilisation de traces. Dans les environnements informatiques pour l’apprentissage humain, les actions des utilisateurs sont recueillies. Celle-ci sert à personnaliser l’activité, à faire des observations d’usage ou encore comme suivi pédagogique (George et al., 2013). Le fait de recueillir ces informations permettrait à l’étudiant de voir ce qu’il a fait, et d’analyser l’impact de ses actions afin de déterminer s’il a bien agi. Il pourra aussi trouver des patterns d’erreur grâce à un recueil de traces, l’étudiant disposerait donc d’éléments factuels qu’il a réalisés. Cela pourrait lui être utile dans un premier temps afin de réaliser son propre développement en analysant et proposant des hypothèses d’amélioration. Dans un deuxième temps, il pourra se baser sur ce recueil pour construire son portfolio d’apprentissage. Il disposera d’évènement factuel et pourra démontrer sa progression.

Comme l’un des piliers de la formation est le travail par équipe, ces données pourraient aussi être utilisées par le groupe avec de permettre à l’étudiant d’évoluer. En effet, tout le monde pourrait analyser les traces du même apprenant pour lui donner des feedbacks et lui amener des pistes de développement auxquelles il n’aurait pas pensé. Chacun prendrait donc le rôle de coach et pourrait démontrer ses connaissances en guidant les autres. Il s’agit par ailleurs du palier maximum atteignable dans la plupart des compétences (HEVs, s. d.). Les expériences de chacun seraient alors utilisées pour développer les connaissances et compétences de tous (ATIEF : Ressources sur les EIAH, 2018).

Pour finir, ces traces pourront être utilisées lors de l’évaluation. L’étudiant pourra dans un premier temps les utiliser pour actualiser une progression et rédiger son portfolio d’apprentissage, mais aussi pour le défendre et démontrer ses acquis face au jury présent. Ceux-ci pourront par ailleurs se baser sur ces traces pour assurer un feedback neutre et factuel.

L’intégration des traces dans la formation

La difficulté concernant l’intégration des traces est due à la formation en elle-même. En effet, les traces sont principalement recueillies dans les EIAH. Or la formation n’a pas le format d’une EIAH. Ce qui veut dire que tout ne peut pas être automatiquement enregistré et analysé. Je fais une distinction entre les deux modules :

Parcours d’apprentissage :

Comme expliqué ci-dessus, le parcours d’apprentissage représente les aspects plus quantitatifs de la formation. Il peut s’agir du nombre de lectures effectuées, du nombre d’heures de projet effectués ou encore de si le voyage apprenant a été fait ou non. L’implémentation de traces ne serait pas un problème pour cette partie. Effectivement vu que tous les rapports se font sur Cyberlearn, la plateforme Moodle de la HES, il serait assez facile d’y intégrer des traces pour analyser si l’étudiant a fait ce qui lui est demandé ou non.

Mais d’un point de vue étudiant, ce n’est pas ce module qui est difficile à défendre. Si je prends par exemple les heures de projet, s’il faut en faire 120 sur le semestre, je n’ai pas forcément besoin de traces pour savoir si elles sont faites ou non. Cela pourrait me permettre d’automatiser le calcul et de plus rapidement savoir où j’en suis dans le semestre, mais ça ne m’apporterait rien de plus pour les évaluations.

Portfolio de compétences :

Les traces pourraient être très utiles pour ce module. En effet, comme il s’agit d’un module plus qualitatif avec des paliers de compétences à démontrer, je pourrais organiser mon portfolio en fonction des traces. Si je prends par exemple la compétence marketing, je pourrais trier les traces pour faire ressortir tout ce qui correspond à ce thème. Ainsi j’aurais une vue d’ensemble sur mon avancée et mes expériences.

Cependant, la plupart de ses compétences s’acquièrent sur le terrain, en situation réelle. La formation n’est pas un EIAH. Lorsqu’un apprenant réalise un entretien avec un client, il n’est pas toujours possible d’obtenir automatiquement des traces. Il faudrait donc que l’étudiant construise tout seul son recueil de données.

Conclusion

En résumé, je ne pense pas que la formation soit adaptée pour un recueil automatique de traces comme sur un EIAH. L’étudiant à la possibilité de créer son propre recueil de données manuellement en notant et triant ce qu’il fait au quotidien. Dans le module du parcours d’apprentissage, il pourrait gagner du temps en automatisant la centralisation des données mais cela ne lui permettrait pas réellement de faire autre chose. Dans le module du portfolio de compétences, je ne vois actuellement pas comment intégrer un système de traces car il s’agit d’action avec des participants externes.

Pour répondre à ma question de base, je pense qu’en ayant accès à des traces sur tout ce que l’étudiant fait lors de son semestre, il pourrait rédiger un portfolio beaucoup plus complet et profond qu’actuellement. Il a d’ailleurs la capacité de le faire en étant très rigoureux et en notant quotidiennement ce qu’il a fait. D’une certaine manière, il a la capacité de créer son recueil de données de traces tout seul.

Hélas, malgré ce recueil fait personnellement, je pense qu’il sera toujours compliqué de communiquer autour de sa progression et les données pourront être discutées par le jury car il ne s’agit pas de traces recueillies automatiquement par un ordinateur. Je ne pense donc pas que dans sa forme actuelle, la formation soit apte à intégrer les traces, ni que celles-ci m’auraient aidé durant ma formation. À la fin de ce travail, une question me vient à l’esprit. Est-ce que la Team Academy pourrait être digitalisée pour permettre ce recueil de traces et quels seraient les avantages à le faire pour les étudiants et le programme?

Bibliographie

ATIEF : Ressources sur les EIAH (Réalisateur). (2018, décembre 18). Analyse de Traces : Objectifs de traçage. https://www.youtube.com/watch?v=aQMnhcq4HBM

Bonwell, C. C. (1991). Active Learning : Creating Excitement in the Classroom. 21.

Cosnefroy, L. (2011). L’apprentissage autorégulé : Perspectives en formation d’adultes: Savoirs, n° 23(2), 9‑50. https://doi.org/10.3917/savo.023.0009

George, S., Michel, C., & Ollagnier-Beldame, M. (2013). Usages réflexifs des traces dans les environnements informatiques pour l’apprentissage humain. Intellectica. Revue de l’Association pour la Recherche Cognitive, 59(1), 205‑241. https://doi.org/10.3406/intel.2013.1091

HEVs. (s. d.). Team Academy : Comment évaluer sans... | HES-SO Valais-Wallis. La HES-SO Valais-Wallis propose 10 filières de formation dans 5 Hautes Ecoles: Ingénierie, Gestion, Santé, Travail Social et Art. Consulté 23 décembre 2022, à l’adresse https://www.hevs.ch/fr/actualites/team-academy--comment-evaluer-sans-examen--20153

Kolb, D. A. (1984). Experiential learning : Experience as the source of learning and development. Prentice-Hall.

Mayer, R. E. (2010). Apprentissage et technologie. In H. Dumont, D. Istance, & F. Benavides (Éds.), Comment apprend-on ? (p. 191‑211). OECD. https://doi.org/10.1787/9789264086944-10-fr

Vayre, J.-S. (2018). André TRICOT, Julie LEMARIÉ et Gilles SAHUT (2016), Le document : Communication et mémoire. Communication. Information médias théories pratiques, vol. 35/1, Art. 35/1. https://journals.openedition.org/communication/7525