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Nous avons jugé opportun d'analyser des numéros de Thérapie de Famille, une revue trimestrielle  d'orientation systémique. Cette source représente en effet le point de vue théorique et le constat des pratiques des thérapeutes de famille. Il est pertinent de se demander à quel point le discours de ces professionnels de la famille influence la société et est en retour influencé par elle. Les catégories  victime-agresseur y sont-elles aussi clairement définies que dans le sens commun et certains discours? Fait-on une différenciation au niveau de l'étiologie de la violence et de ses conséquences selon le genre? Le contact avec les patients remet-il en question certaines pratiques thérapeutiques et fait-il avancer les models conceptuels? Pour répondre à ces interrogations, nous avions à disposition tous les numéros parus depuis de nombreuses années afin d'observer à quelle fréquence et sous quelle forme la thématique des violences conjugales était abordée. Nous avons porté notre choix sur la période allant de 1995 à 2001, pendant laquelle quatre numéros contiennent des articles dédiés à notre sujet.
Nous avons jugé opportun d'analyser des numéros de Thérapie de Famille, une revue trimestrielle  d'orientation systémique. Cette source représente en effet le point de vue théorique et le constat des pratiques des thérapeutes de famille. Il est pertinent de se demander à quel point le discours de ces professionnels de la famille influence la société et est en retour influencé par elle. Les catégories  victime-agresseur y sont-elles aussi clairement définies que dans le sens commun et certains discours? Fait-on une différenciation au niveau de l'étiologie de la violence et de ses conséquences selon le genre? Le contact avec les patients remet-il en question certaines pratiques thérapeutiques et fait-il avancer les models conceptuels? Pour répondre à ces interrogations, nous avions à disposition tous les numéros parus depuis de nombreuses années afin d'observer à quelle fréquence et sous quelle forme la thématique des violences conjugales était abordée. Nous avons porté notre choix sur la période allant de 1995 à 2001, pendant laquelle quatre numéros contiennent des articles dédiés à notre sujet.
Les deux premiers numéros analysés, datant de 1995 et de 2000 sont riches d'informations car rédigés par les mêmes auteurs, qui font part de l'évolution de leur réflexion durant les cinq ans écoulés. Le numéro de 2000 a été écrit par des thérapeutes colombiens, ce qui nous montre la préoccupation internationale des thérapeutes de famille autour de la violence conjugale et leur désir d'échanger à ce sujet. Quant au dernier numéro pris en compte, celui de 2001, il présente la synthèse des théories les plus utilisées à propos de la violence domestique.


(à suivre...)
(à suivre...)

Version du 13 juin 2006 à 21:10

Membres du groupe

  • Chantal Cornut
  • Céline Pittet
  • Jean-Christophe Contini
  • Miguel Maneira

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Introduction

La violence conjugale semble être de prime abord un phénomène bien connu de nos jours. Les médias rendent régulièrement compte de ses conséquences, bon nombre d’associations ont été créées pour répondre à l’appel des victimes, une loi sur la protection des victimes a été instaurée, beaucoup de thérapeutes œuvrent également dans ce domaine. Il est question, la plupart du temps, des violences subies par des femmes et exercées par des hommes, il est dans une moindre mesure, question de la violence exercée par des femmes contre des hommes. Ce dernier phénomène reste minoritaire cependant, et fait l’objet de nombreuses critiques. Bien souvent, les discours opposent des mouvements " féministes" à des groupes " masculinistes ", les uns dénonçant sans cesse l’ineffable violence des hommes envers les femmes, les autres dénonçant cette vision de l’homme éternellement " agresseur ", allant jusqu’à affirmer que des hommes sont aussi des " victimes " et que la violence peut aussi être l’apanage des femmes. Ici apparaît le concept " d’hommes battus " que nous interrogerons et qui est apparu dès les années septante. Afin de prendre de la distance vis-à-vis de ces deux positions antagonistes, nous proposons d’étudier ce que disent certains auteurs sur la violence conjugale, à la fois sur la violence subie par les femmes et par les hommes. Nous proposons aussi une recherche axée sur des entretiens avec des hommes " victimes " et des professionnels de la violence conjugale. Nous étudierons également des sources statistiques issues de la Loi Fédérale sur l’aide aux victimes et de Amnesty internationale tout comme des revues spécialisées dans le domaine de la thérapie familiale et plus particulièrement les articles concernant la violence domestique. La thèse générale de notre article est de démontrer par notre étude que les discours qui circulent sur la violence conjugale sont une construction qui circonscrit la violence dans des stéréotypes caricaturaux stigmatisant à la fois les femmes en tant que victimes et les hommes comme agresseurs. De cette restriction découle la difficulté d’envisager l’existence d’hommes victimes de violence conjugale, et d’égale manière celle de femmes violentes. Cela a comme conséquence pour les personnes concernées une non-reconnaissance sociale, se manifestant par de forts préjugés à leur encontre, et de grandes lacunes institutionnelles. Nous montrerons aussi que les professionnels de la violence conjugale (médecins, thérapeutes) ont dépassé cette opposition et qu’ils désignent plus les acteurs de la violence conjugale à un niveau de co-responsabilité qui ne distingue pas le sexe des protagonistes pour rendre compte de ce phénomène. Il y a ainsi un écart entre les discours dominants et les discours des professionnels, écart perceptible dans l’étude de la littérature et dans l’examen des sources que constituent les revues " thérapie familiale ". Enfin, nous proposons la thèse selon laquelle la violence conjugale reste un phénomène qui bien que connu de tous, reste difficile à appréhender dans notre société. En effet, nous montrerons qu’il existe des définitions similaires mais superficielles qui varient dans leur développement en fonction des positionnements et des valeurs de ceux qui les proposent. Les statistiques qui rendent compte de la violence conjugale proposent d’autre part des modalités qui ne permettent pas de distinguer précisément les victimes des agresseurs de manière précise et approfondie. Elles ne permettent pas d’affirmer avec précision que les hommes sont aussi victimes de violences, les modalités de genre n’étant pas assez développées dans la prise en compte statistique. Les hommes victimes existent, mais leur visibilité est très faible du fait que c’est un phénomène qui est en train d’émerger comme problème social. Nous montrerons ainsi que la violence conjugale reste un phénomène complexe et confus dans ses définitions. Enfin, nous verrons que la violence conjugale reste un concept en mouvement sur le plan des institutions, qui proposent des possibilités de prise en charge nombreuses, mais néanmoins insuffisantes si l’on considère la prise en compte de la violence faite aux hommes.

Revue de littérature

Nous aborderons cette revue de littérature en suivant la chronologie même de notre questionnement et de notre cheminement, qui nous a conduit, en commençant part la découverte du concept de " l’homme battu ", à approfondir nos recherches au concept de la femme battue et à appréhender dès lors le problème social que constitue la violence conjugale, qui englobe les deux autres concepts. Nous avons ainsi privilégié dans nos recherches les ouvrages qui traiteraient spécifiquement de l’existence du concept même de " l’homme battu ", dans une actualité la plus récente possible. Nous nous sommes vite aperçus, que peu de littérature existait à ce sujet. Cependant, les ouvrages les plus récents (Torrent et Dallaire) font tous les deux référence à l’inscription du concept de l’homme battu dans celui de la violence conjugale. Nous avons dès lors élargi nos recherches dans ce domaine, toujours à la recherche du moindre élément concernant la violence faite aux hommes. D’autre part, nous avons voulu mettre en question les propositions faites par Dallaire et Torrent, en nous référant à d’autres auteurs qui portent un regard différent sur les acteurs, hommes ou femmes, de la violence conjugale. Notre attention s’est ainsi portée sur des notions concernant la désignation des acteurs en termes de victime et d’agresseur, et la désignation de ces mêmes termes de catégorie homme-femme. Enfin, nous avons cherché à contextualiser le phénomène de l’homme battu, en recherchant dans l’histoire de la violence conjugale, le moment où est apparu le concept de " l’homme battu ".

Sophie Torrent, dans son ouvrage sur l’homme battu (2001) met directement en question le fait qu’il existe au sein de la vie de couple une violence faite aux hommes, une violence souvent difficile à accepter, celle-ci allant à l’encontre de stéréotypes tels que celui qui considère que la femme est l’élément faible du couple et que l’homme en est le dominant. Dans la première partie de son livre, l’auteur tente tout d’abord d’expliquer ce phénomène atypique de l’homme battu, cet " impensable social " dit-elle. Elle analyse les différents types de violences (physique, sexuelle, psychologique, verbale et économique) pour ensuite orienter son analyse vers la notion de " rôles sociaux ". Elle montre comment l’homme violenté est agressé jusque dans les " facettes " qui font son identité . Pour elle " être battu invalide l’homme dans son appartenance à la catégorie sociale homme ". Dans la deuxième partie de son ouvrage, Torrent réfléchit sur les différentes stratégies élaborées par l’homme pour gérer des situations difficiles. Elle s’appuie notamment dans son travail de recherche sur des interviews réalisées avec des " hommes battus ".

C’est dans une considération assez proche qu’Yvon Dallaire (2002), thérapeute au Québec, aborde le phénomène de la violence faite aux hommes (La violence faite aux hommes. Une réalité taboue et complexe). Il nous rappelle le constat de l’existence ineffable de la violence dans l’humanité, violence souvent fortement médiatisée, mais selon lui, de manière incomplète. En effet, dit-il, notre attention ne serait attirée que vers une forme de violence, soit celle faite par les hommes contre les autres hommes (guerres, voies de fait, suicides), contre les femmes (violence conjugale, viol, meurtre, tueurs en série) et contre les enfants (violence infanticide, meurtre suivi de suicide). Pour Dallaire, une forme de violence a été occultée : la violence des femmes faite envers les femmes, les hommes et les enfants. Le propos de son texte est de démontrer d’une part que des femmes peuvent être tout autant violentes que des hommes, et que d’autre part, l’analyse de la violence conjugale s’inscrit dans un paradigme teinté de sexisme et de discrimination. Pour cet auteur, la violence conjugale ne se décline pas simplement sur le mode victime-agresseur, mais plutôt sur celui de victime-victime, de deux individus qui sont les co-créateurs d’une escalade débouchant sur l’explosion physique. Afin d’alimenter son propos, Yvon Dallaire met en lumière les stéréotypes et les préjugés qui circulent dans le discours commun : l’homme est un être violent, un abuseur d’enfants, un irresponsable, les hommes sont tous des obsédés sexuels, il sont tous infidèles, menteurs et manipulateurs. Dès lors, toute violence féminine est considérée comme relevant de la légitime défense, l’homme est ainsi rendu coupable de toute la violence conjugale. Précisons ici que l’auteur dénonce le discours d’influence féministe qui se déploie dans le contexte québécois. Son objectif est de connaître les réelles dimensions de la violence conjugale, plutôt que de rechercher un coupable à punir, toujours le même : l’homme.

L’ouvrage de Bretonnière-Fraysse et al. (2001), incontournable pour notre sujet, propose quant à lui un autre regard qui positionne clairement les femmes en tant que victimes et les hommes comme agresseurs, sans nuances : " on le sait, la violence conjugale a toujours existé ; on le sait aussi : les victimes en sont les femmes et les auteurs, les hommes. Mais elle demeure encore cachée, honteuse, secrète ". Cet ouvrage prend un biais anthropologique et historique pour nous montrer la condition de victime de la femme à travers les époques passées et jusqu’à nos jours. Gillioz, De Puy et Ducret quant à elles (2000), font état des connaissances qui ont fait de la violence familiale et de la violence contre les femmes, un champ d’étude relativement nouveau dans les sciences sociales. Elles nous rappellent que jusque dans les années soixante, la société et avec elle les scientifiques vivent sur le mythe de la famille non violente. Cette dernière étant considérée comme rare et comme étant le fait d’individus déséquilibrés. Dans les années septante, sous l’influence de militantes féministes anglo-saxonnes qui ouvrent des refuges pour femmes battues et portent la question de la violence conjugale sur la place publique, ce phénomène jusque-là occulté est posé comme problème socio-politique. C’est dès lors que les sciences sociales vont s’y intéresser, à travers deux grands courants de recherche : des études portant sur la violence subie par les femmes au sein de la famille qui postulent, en se fondant sur les prémisses théoriques féministes, que cette violence est spécifique et qu’il est nécessaire de l’étudier indépendamment des autres types de violence familiale qui relèvent d’autres logiques. Le deuxième courant de recherche, issu de la sociologie de la famille, a pour objet la violence familiale et considère la société et ses institutions comme des systèmes consensuels qui embrassent dans la même problématique l’ensemble de la violence qui se déroule dans le cadre familial. Cet ouvrage mentionne également les travaux de Strauss, Gelles et Steinmetz (1977), à partir desquels a été tiré l'affirmation que les femmes sont aussi violentes que les hommes. C’est à ce moment qu’apparaît le concept du " mari battu ", des résultats tirés des statistiques de cette recherche, ont permis à l'un des chercheurs de conclure que ce qui était le plus sous-estimé n’est pas la femme battue, mais le mari battu. La validité scientifique reste toutefois fortement contestée, nous en trouvons les arguments dans l’ouvrage de Gillioz, De Puy et Ducret.

Notre revue de littérature se conclut par l’approche systémique de Perrone et Nannini (1995) qui proposent leur livre comme un manuel à l’usage des professionnels appelés à intervenir auprès des familles. Leurs présupposés considèrent que la violence n’est pas un phénomène individuel, mais la manifestation d’un phénomène interactionnel. La violence est ainsi un mode particulier de communication entre partenaires qui sont tous impliqués et par là même responsables au sens interactionnel du terme. Comme Yvon Dallaire, les auteurs ne considèrent pas les acteurs de la violence conjugale en termes de " victime-agresseur ", ni en termes " hommes-femmes ". Les objectifs et les enjeux que ces deux auteurs proposent s’appuient sur l’idée que chacun doit devenir et se penser responsable de ses propres comportements. C’est également selon cette optique que certains " cliniciens " abordent en partie la question dans leur article (Rey, H et al. 2006). Contini 6 mai 2006 à 16:28 (MEST)

Problématique

Le questionnement qui est à l’origine de notre travail prend source dans la rencontre que nous avons faite d’un concept qui semble nouveau de prime abord : " l’homme battu ". Nous avons découvert ce concept dans l’ouvrage récemment publié de Sophie Torrent qui s’intitule " les hommes battus ". Ce livre met en lumière l’existence d’hommes victimes de violences exercées par des femmes à leur encontre, il interroge également les questions identitaires vécues par ces " nouvelles victimes " à travers la conduite de multiples entretiens. Ces propos nous ont intrigués, parfois rendus perplexes et ont ainsi attisé notre curiosité. Nous avons dès lors entrepris des recherches bibliographiques qui nous permettraient de découvrir des discours proches des propos de Torrent. Nous avons ainsi constaté que ce " phénomène " des hommes battus était, dans une moindre mesure, relayé dans d’autres ouvrages qui l’inscrivaient dans le cadre plus large de la violence conjugale. Nos recherches livresques nous ont ainsi conduits à investiguer le corpus que nous avons constitué afin de tenter de répondre à la question principale qui guide notre recherche : comment le phénomène de " l’homme battu " s’inscrit-il dans le paradigme de la violence conjugale ? Les questions secondaires qui en découlent sont multiples : quand est-ce que ce concept est apparu ? Par qui a-t-il été développé ? Quels sont les discours qui relaient ce concept ou qui s’y opposent ? Les éléments qui composent notre revue de littérature nous ont permis d’entrevoir certains points qui semblent être récurrents. Nous nous sommes ainsi aperçus que le concept d’ " hommes battus " se trouvait à chaque fois en tension avec celui de " femmes battues " dans le cadre de la violence conjugale que nous avons aussi essayé de définir. Nous nous sommes dès lors trouvés confrontés à deux discours contraires entre des groupes de pressions constitués autour de la " souffrance masculine " et les propos issus de certains discours féministes. Nous avons également constaté que cette opposition - que nous caractérisons grossièrement entre les deux discours – se dédouble d’une autre opposition dans la désignation des acteurs de la violence conjugale en termes de victime et d’agresseur. Nous constatons que les acteurs sont ainsi stigmatisés, avec des stéréotypes qui désignent de manière massive l’homme comme étant un agresseur et la femme une victime.

Méthodologie

En fonction des éléments de la problématique, l’objectif de notre recherche a consisté pour nous à y voir plus clair en tentant de répondre aux questions que nous nous posons. Afin de prendre une nécessaire distance vis-à-vis du regard que propose notre revue de littérature, nous avons choisi d’orienter nos recherches sur diverses sources d’informations différentes. Nous avons trouvé intéressant d’examiner si des statistiques existaient sur les " hommes battus " et sur les " femmes battues " et dès lors de voir si celles-ci pouvaient éclaircir notre questionnement. Nous avons aussi choisi de chercher des éléments dans une série de revue spécialisées dans la thérapie familiale, dès lors que le phénomène des " hommes battus " s’inscrit dans le cadre de la violence conjugale. De plus, pour avoir une vision plus globale nous avons aussi décidé de faire une revue d’articles de presse étudiant quelques articles récents. Enfin, nous avons opté pour une recherche mettant en œuvre la conduite de plusieurs entretiens auprès de professionnels de la prise en charge de la violence conjugale, ainsi qu’auprès de " victimes " qui accepteraient de nous apporter leur témoignage. Ces éléments correspondent à ce que l’on pourrait appeler la " recherche sur le terrain ". Nous avons aussi élargi notre revue de littérature en laissant une place pour l’étude des discours qui proviennent des divers professionnels spécialisés dans la thématique de la violence conjugale. Nos sources seront ainsi multiples : entretiens ; revue de presse ; statistiques ; revues spécialisées. Notre analyse consistera à analyser les contenus du matériel récolté, en prenant pour point d’appui la désignation des acteurs de la violence conjugale, en termes de stéréotypes (stigmatisation) et dans une approche de " genre " étudiant les rapports sociaux hommes-femmes par rapport à cette thématique, ainsi que les rapports victimes-agresseurs qui s’y rattachent. L’analyse devrait ainsi nous permettre de réunir des points de vue différents et ainsi de confirmer ou d’infirmer, voir de " tempérer " ce que nous avons développé dans la revue de littérature en fonction des auteurs choisis.

Résultats

Aborder le problème social de la violence conjugale nous incite à faire un retour vers les années 1970. C’est à cette époque que l’on peut situer les premières recherches sur ce thème mettant en question le mythe de la famille non violente. Les militantes féministes amènent la question de violence conjugale sur la place publique et le posent comme un problème socio-politique. La question de la violence est abordée comme conséquence des rapports de domination, c'est-à-dire des effets de l’exercice d’une influence déterminante d’un groupe, les hommes, sur un autre, les femmes. Tout rapport de domination suppose, en effet, en dehors du rapport de pure violence, un système de justification visant à obtenir un minimum de "volonté d'obéir" de la part des assujettis, note le Petit Robert.

Les sciences humaines vont s’y intéresser à partir de là, et de nombreuses études sont entreprises dans les années 1970 et 1980 dans le but de décrire la violence domestique, de pouvoir la chiffrer, de chercher à l’expliquer, d’étudier ses conséquences sur les victimes, et d’examiner les réponses sociétales à ce problème. Pourtant une des conclusions de la première étude de Straus et al.(1977) permet de dire que femmes et hommes admettent recourir à des tactiques de violence dans des situations de conflits. Et l’une des auteur-e-s, Steinmetz, ira jusqu’à tirer la conclusion de l’existence du « syndrome de l’homme battu ». Contesté dès sa sortie pour des insuffisances méthodologiques, la plupart de chercheurs et chercheuses renoncèrent à utiliser ce concept.

En Suisse une loi sur l’aide aux victimes permettra aux femmes victimes de violence conjugale d'être reconnues, visibilées et aidés.

Cette loi fédérale du 4 octobre 1991, entrée en vigueur le 1er janvier 1993, a pour but de fournir une aide efficace (conseils, la protection de la victime, la défense de ses droits dans la procédure pénale et l’indemnisation et la réparation morale) aux victimes d’infractions ou d’une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique et à renforcer leurs droits.

Parmi les atteintes retenues par la loi nous pouvons retenir pour notre sujet d’analyse les violences domestiques, lésions corporelles, viol, contrainte sexuelle, séquestration.

Les centres de consultation « Lavi » sont instaurés dans chaque canton. La police est tenue d’informer les victimes de l’existence de ces centres et de leur transmettre les coordonnées de celle-ci (sur la base de son accord). L’aide immédiate et les prestations fournies directement par les centres sont gratuites. Lorsque la situation personnelle de la personne qui consulte le justifie, les centres de consultation prennent en charge d’autres frais (comme par exemple les frais médicaux, les frais d’avocat ou les frais de procédure).

S’il est difficile de faire parler les statistiques, ici nous nous basons sur l’année 2004, ils donne toute de même une idée intéressante sur la question qui nous occupe, à savoir la violence féminine et masculine : une nette prédominance des femmes dans la consultation (75%), avec des auteurs présumés de sexe masculin (83.5), et l’existence d’une relation familiale, victime – agresseur (52,9%).

Résultats et analyse partielle des entretiens

Il est souvent question dans les chiffres, de comparer, voire d’opposer, hommes et femmes face à la violence conjugale. En d’autres termes de démontrer que le premier est le bourreau et la deuxième la victime. Pour certains, la question des hommes battus ne recouvrirait pas la même problématique que celle des femmes battues. Pour certains auteurs, tel Yvon Dallaire, il semble que les stéréotypes de femme-victime et homme-agresseur affiliés aux rôles des acteurs, n’aident en rien à reconnaître la problématique. Alors que la femme est souvent vue comme une personne douce, fragile et protectrice. Les hommes, eux, sont reconnus comme des êtres forts, virils et courageux.

L’homme battu existe, nous l’avons rencontré

Pour confronter les stéréotypes affiliés aux genres, nous avons cherché à interviewer des hommes battus. Paul et Luc (prénoms d’empreint) ont un point commun : leur passé d’homme maltraité. Ils ont été, tous les deux, physiquement battus par leur conjointe. Toutefois, il semblerait que la problématique de l’homme violenté intègre, dans sa forme globale, une autre forme de violence, une violence psychologique. Il ressort des entretiens que la forme physique ne semble pas être la forme de violence qui marque le plus. Pour essayer de comprendre au mieux le vécu violenté de ces hommes et plus généralement de toute personne impliquée dans des relations violentes, nous avons questionné la littérature ainsi que des professionnels de terrain.

Pour la travailleuse sociale, Sophie Torrent (2001), « la nature de la violence [à l’égard de la gente masculine] et ses modes d’expression traduisent, dirait-on, une violence spécifiquement féminine, subtile, qui atteint l’intégrité psychique de l’homme.» (p.33). L’homme victime de violence psychologique semble atteint surtout dans sa masculinité, plus précisément dans la représentation de la masculinité qui lui a permis de construire son identité.

« Le harcèlement que j’ai vécu par cette femme tyran m’a amené à perdre, pendant quelques temps, mon identité masculine… C’était quoi être un homme ? Je ne savais plus faire l’amour comme il faut en quittant ma femme. J’ai du réapprendre à accepter de prendre du plaisir. » Luc

La violence ; une histoire d’homme ?

Alors que nous venons de découvrir avec stupéfaction certaines réalités d’hommes maltraités par leur conjointe, comment traiter ces vérités face à notre idéal féminin construit ? Comment même penser à la violence des femmes, alors que celle que l’on exerce à leur égard est de loin la plus établie, la plus reconnue et de ce fait la plus portée par les médias ? De nos jours, la société reconnaît et prend en charge la femme violentée, qu'en est-il de la femme violente ? Il est commun d’entendre qu’une femme violente est une femme malade psychologiquement ou encore que cette dernière n’agresserait que pour se défendre. Pour la psychothérapeute Diane Chayer, ( citée par Ruel & Guéricolas, 1998), il semblerait qu’il n’y ait tout simplement pas de permission sociale à la violence des femmes. « La société dit qu’il est presque normal pour un homme d’être violent. Mais une femme violente, c’est une extraterrestre. »

Pour Yvon Dallaire, « la femme violente peut ressentir de la fierté pour avoir battu plus fort qu’elle. Et la société ne la dénigre pas, elle cherche plutôt à la comprendre et à l’excuser, compatissant souvent à son sort. » (p26) A contrario, pour la responsable d’une structure acceuillant des femmes violentes, « celles et ceux qui passent de la parole aux actes souffrent, ils ont besoin d'aide et y ont droit. Toutefois, la femme violente souffre de discrimination ; on ne veut pas lui reconnaître sa violence. » Il semblerait alors que, paradoxalement, la femme violente souffre des mêmes maux sociaux que l’homme maltraité. Une nouvelle fois, il semblerait que les stéréotypes, affiliés aux genres, décident de ce qui peut être acceptable ou pas.

Le statut de victime/agresseur

La responsable d’un établissement prenant en charge des femmes violentes nous apprend qu’il est difficile de tenir le fil rouge concernant les rôles de victime-agresseur. « On est là pour travailler sur la violence des femmes, en tant qu’auteures de violence et non en tant que victimes. Très souvent, ça dérape en justification des actes qui déplace la position d’agresseuse à celui de victime. » Il semble que souvent, l’agresseur se voit comme victime. Responsabiliser les acteurs(trices) de violence, c’est les aider à prendre conscience de leur violence.

Responsabilité dans la violence

La question est partagée. Alors que pour beaucoup, la responsabilité de la violence doit être assumée par son auteur(e), pour d’autres, elle doit être partagée. En effet, pour Denis Châtelain, co-fondateur d’une association prenant en charge des auteur(e)s de violence, « il faut prendre en compte le potentiel de violence de la victime dans la compréhension de la dynamique ». Pour la responsable d’une association accueillant des femmes violentes, « il est impossible de faire un tel travail si l’on part du principe d’une co-responsabilité dans la réalisation de la violence. En effet, on ne peut pas se permettre de déraper sur l’aspect empathique et comprendre voir d’excuser l’acte de violence au nom d’un statut de victime reconnu. Pour nous, l’acte violent n’est pas excusable, il est inadmissible quelque soit sa source ou sa justification. Ce qui nous paraît important c’est de faire en sorte de ne plus jamais en avoir à arriver là. »

La prise en charge de la violence

Comment aborder la problématique de la violence conjugale et plus particulièrement celle des hommes maltraités et des femmes violentes ? Alors qu’Yvon Dallaire se demande si l’on « ne pourrait pas exploiter l’expertise des centres d’accueil pour femmes au profit des hommes battus et l’expertise des groupes d’entraide pour homme violents au profit des femmes violentes ? » (p29), la responsable d’une structure accueillant des femmes actrices de violence répond que « pour aider les femmes actrices de violence, il faut appliquer un traitement différencié. Les raisons étant parce qu’on n’éduque pas de la même façon une petite fille et un petit garçon, le rapport au féminin n’est pas le même. La violence masculine est légitimée. Par contre, on ne reconnaît pas ce droit à la femme. Cela étant dû aux stéréotypes de mère protectrice d’une part. »


(Le législateur prend en compte la situation des victimes, il estime qu’elles doivent être soutenues dans la procédure pénale, et également qu’elles ont droit à une indemnisation ou à une réparation morale (en fonction des revenus de la victime). )

On peut constater également la reconnaissance par la société du statut de victime, puisque les demandes, au nombre de 196 pour l’indemnisation et de 728 pour la réparation morale, ont été traitées positivement.

La formation du personnel des centres Lavi : la loi mentionne des aides financières à la formation. Une formation spécifique « Lavi » a été instaurée et des formations complémentaires complètent la spécialisation de ces professionnels.

Violence domestique, une protection particulière : l’expulsion immédiate du domicile des personnes violentes, lesquelles ne peuvent plus réintégrer leur logement pendant une période déterminée.

Le 14 juin 2000, la Conseillère Ruth-Gaby Vermot-Mangold dépose une initiative parlementaire. Le Conseil fédéral propose, en novembre 2005, un nouvel article 28b dans le code civil visant à protéger la victime de violence ou de harcèlement en lui donnant le droit de requérir le juge d’instruction d’interdire à l’auteur de l’atteinte de l’approcher, de fréquenter certains lieux ou de prendre contact avec elle. Ce nouvel article 28b prévoit également l’institution par les cantons de centres d’informations et de consultation dans le but d’agir préventivement pour éviter la violence domestique et sa récidive.

Violence entre conjoint ou partenaire : poursuivie d’office depuis le 1 avril 2004

Le Conseil Fédéral modifie le Code pénal en ce sens que les actes de violence domestique seront poursuivis d’office et non plus sur plainte de la victime. Le communiqué de presse est intéressant et nous donne un aperçu des changements sociaux intervenus : « il n’est plus question de tolérer la violence physique ou sexuelle exercée contre un conjoint ou un partenaire – dans un couple hétérosexuel ou homosexuel – sous prétexte qu’elle ne serait que de peu de gravité ou qu’elle relèverait de la sphère privée ». La contrainte sexuelle et le viol commis au sein du couple sont élevés au rang de délits poursuivis d’office.

Evolution des lois et violence conjugale. Votée en 1991, la LAVI démontre que «  victime de violence » constitue maintenant une déviance secondaire. Les plaignants sont identifiés, l’état institutionnalise leur prise en charge, les centres Lavi sont créés et les consultations augmentent au fil des années.

Néanmoins la notion de "violence conjugale" se fait discrète, le terme de violence domestique n’apparaît qu’avec le dépôt en 2002 de l’initiative parlementaire de Vermot-Mangold. En juin 2001 le Conseil Fédéral met en consultation le « projet élaboré par la Commission des affaires juridiques du Conseil national » et la notion de violence domestique fait partie des préoccupations reconnues officiellement.

Nous pouvons relever que les documents officiels font référence à une notion de victime qui n’est pas sexuée, le mot « femme » n’y est pas accolé. Les termes utilisés « violence physique ou sexuelle exercée contre un conjoint ou un partenaire (…) dans un couple hétérosexuel ou homosexuel », « ordonner à une personne violente de quitter le domicile conjugal », « prévenir la récidive des agresseurs ». Dans les documents que j’ai parcouru sur le site de l’office fédéral de la justice sous la mention « aide aux victimes », je n’ai trouvé qu’une seule fois la mention spécifique « femme » : «  la violence domestique est aujourd’hui quotidienne dans notre société. Les femmes en sont souvent les victimes ». Dans tous les autres documents la violence domestique paraît neutre. Si le mot victime est féminin, les textes l’utilisent comme un élément générique. On peut en partie le comprendre par le fait que la Lavi ne reçoit pas que des victimes de violences conjugales, mais également des victimes d’accidents de la route, d’attentats, d’enlèvement, de prise d’otage ou de brigandage.


Résultats de la revue de presse

Nous avons également utilisé comme source des articles de journaux et périodiques récents, constatant que la thématique de la violence conjugale apparaît régulièrement dans les médias.

Tout d'abord, Amnesty affiche une grande visibilité grâce à son magazine pour les droits humains(février 2006), son journal d'action (janvier 2006) et son site internet, qui tous trois évoquent récemment la violence domestique. En effet, Amnesty a commencé en mars 2006 sa campagne suisse « En route contre la violence domestique », dont l'action principale consiste en un tour de plusieurs cantons du mobile home "sweet home" afin de briser le tabou qui entoure la violence dans le couple, d’améliorer les interventions de l’Etat contre la violence domestique, et de sensibiliser le grand public, en particulier les jeunes et les hommes, notamment dans les régions rurales. Les revendications d’Amnesty International en matière de violence domestique repose sur l’obligation de l’Etat d’agir contre cette forme de violation des droits humains. Car aujourd’hui si la visibilité du débat public sur la violence domestique s’est améliorée, les menaces, coups, contraintes, viols et meurtres auxquels les femmes sont souvent exposées dans leurs quatre murs constituent un sujet rarement perçu comme relevant des droits humains. De la sensibilisation est encore nécessaire pour considérer que l’empêcher ne relève pas de la sphère privée des couples et des familles concernées, et ne pas l’assimiler à un « problème de femmes », mais à une mission publique, qui touche tout le monde. Pourtant il s’agit bien de droit à l’intégrité physique et psychique : droit à la liberté et à la sécurité, droit à la santé, droit à l’absence de torture ou d’autres traitements dégradants et même souvent le plus, droit à la vie. La position d'Amnesty International quant à la violence domestique consiste à considérer sa cause dans les rapports inégalitaires de sexe. L'accent est mis sur les représentations sociales qui ne cessent de faire le lien entre violence et masculinité.

Le numéro du journal Repère Social de février 2006 s'intitule « Quand le sexe faible est violent » et à travers le prétexte de l'ouverture récente à Lausanne d'un accueil pour femmes violentes, aborde ce sujet trop rarement médiatisé de la violence des femmes. L'auteur, Geneviève Praplan, présente les associations Vires et Face à Face à Genève, et Violence et famille à Lausanne. Cette dernière institution travaille depuis sept ans avec des hommes violents, mais accueille depuis novembre 2005 également des femmes violentes. Le Coordinateur et plusieurs intervenants ont été formés au Québec, auprès d'OPTION, institution pionnière fondée par le psychothérapeute Jacques Broué en 1985. A Violence et Famille, c'est ainsi sous forme de thérapie de groupe que se déroule l'accompagnement, après quelques entretiens individuels. Le processus de réflexion engagé avec les auteurEs est le même pour les hommes que pour les femmes. Néanmoins, il est spécifié qu'il faut être spécialement vigilant avec les femmes, en vérifiant qu'elles ne sont pas "davantage des victimes que des agresseurs". De plus, rapidement le lien entre passé et présent doit se faire. "Hommes et femmes ne sont pas forcément égaux devant leur violence": dans l'inconscient collectif masculin, il est nécessaire d'affirmer sa virilité, la violence masculine est ainsi plus facilement excusée. Au contraire, les rôles sociaux attribués aux femmes font qu'on la juge plus sévèrement si elle fait usage de violence, mais leur permet de reconnaître moins difficilement que les hommes leurs actes violents. L'auteur met en avant que les chiffres manquent quant à l'ampleur de la violence féminine, surtout exercée envers ses enfants. Par ailleurs les préjugés quant aux données socio-économiques des auteurs de violence perdurent. Cela est en partie dû au fait que les familles en situation précaire sont plus aisément repérées par les services sociaux, vu l'étendue de leurs besoins.


Résultats de la revue Thérapie de famille

Nous avons jugé opportun d'analyser des numéros de Thérapie de Famille, une revue trimestrielle d'orientation systémique. Cette source représente en effet le point de vue théorique et le constat des pratiques des thérapeutes de famille. Il est pertinent de se demander à quel point le discours de ces professionnels de la famille influence la société et est en retour influencé par elle. Les catégories victime-agresseur y sont-elles aussi clairement définies que dans le sens commun et certains discours? Fait-on une différenciation au niveau de l'étiologie de la violence et de ses conséquences selon le genre? Le contact avec les patients remet-il en question certaines pratiques thérapeutiques et fait-il avancer les models conceptuels? Pour répondre à ces interrogations, nous avions à disposition tous les numéros parus depuis de nombreuses années afin d'observer à quelle fréquence et sous quelle forme la thématique des violences conjugales était abordée. Nous avons porté notre choix sur la période allant de 1995 à 2001, pendant laquelle quatre numéros contiennent des articles dédiés à notre sujet.

Les deux premiers numéros analysés, datant de 1995 et de 2000 sont riches d'informations car rédigés par les mêmes auteurs, qui font part de l'évolution de leur réflexion durant les cinq ans écoulés. Le numéro de 2000 a été écrit par des thérapeutes colombiens, ce qui nous montre la préoccupation internationale des thérapeutes de famille autour de la violence conjugale et leur désir d'échanger à ce sujet. Quant au dernier numéro pris en compte, celui de 2001, il présente la synthèse des théories les plus utilisées à propos de la violence domestique.

(à suivre...)

Analyse

Analyse des résultats


Pour résumer, nous voici arrivés à un premier constat. Nous pouvons dire que la découverte de la violence conjugale et de ses effets a pour origine le questionnement du mouvement féministe, repris par des chercheur-e-s, qui ont confirmé et précisé le phénomène de la violence conjugale.

Autre découverte, la notion d’homme battu, que nous avions posé comme une construction récente, date des premières recherches sur ce domaine. Le syndrome de l’homme battu, développé par une chercheuse du l’équipe de Straus et al. a été un concept rapidement abandonné. Les défauts dans l’opérationnalisation du concept de violence, dans la méthode et dans l’interprétation des données de l’enquête effectuée à l’aide du Conflict Tactics Scales ont été largement reconnus.

Comment se fait-il alors que des auteurs récents se saisissent du vocable « homme battu », partent à sa recherche, et le trouve ?

Pour cela nous devons revenir à nouveau aux années 1970 et aux changements intervenus dans les places des hommes et des femmes. Ces dernières acquièrent un statut différent, elles deviennent citoyennes, accèdent au marché du travail et peuvent maîtriser leur fécondité. L’égalité homme – femme advient. A partir de là, le féminisme devient un mouvement social et politique pour l'émancipation des femmes. Mais il va désigner aussi un corpus théorique qui va permettre aux sociologues de revisiter leurs différents champs d’études à travers la problématique des rapports sociaux de sexe. Sous cet angle là, la violence conjugale prend un autre sens, elle est rendue possible parce que les femmes ont moins de moyens, par conséquent moins de pouvoir, et parce que le genre féminin est dévalorisé par rapport au masculin. Pierre Bourdieu a largement développé le fonctionnement des dominés et démontré comment ceux-ci ayant intégré le discours dominant « construisent ces relations de pouvoir du point de vue même de ceux qui y affirment leur domination… ».

En Suisse, les statistiques 2004 issues des centres Lavi apportent des précisions chiffrées à cette forme de violence. Le taux de victimes de sexe féminins est important (75%), le sexe masculin de l’auteur présumé révèle un pourcentage très élevé (83.5%) et pour 52.9% des consultants une relation familiale victime - agresseur existe. Bien que la violence conjugale soit maintenant reconnue, des groupes sociaux la mettent en question.

Dans les années 1980 une tension s’avive entre hommes et femmes. Certains hommes pro féministes tiennent un discours optimiste concernant la constitution d'une société nouvelle et égalitaire et reconnaissent la domination masculine comme clé d'un changement possible. D'autres hommes tiennent un discours alarmiste et insistent sur le malaise identitaire engendré par cette modification des rapports sociaux source de perte de repères.

A partir de là, des groupes d’hommes se forment autour, par exemple d’auteurs tels que Guy Cornaux au Canada, Jacques Salomé en France, ou plus récemment Y. Dallaire qui avec John Goetelen a organisé le premier Congrès international de la condition masculine à Genève en 2003. Des mouvements pour la condition paternelle se créent afin de s’opposer à la garde des enfants accordée systématiquement à la mère en cas de divorce. Le film récent « Le souffle du désert » de François Kohler, illustre ce phénomène de la recherche d’une identité masculine vécue comme problématique.

C'est dans cette mouvance que nous trouvons aujourd'hui les protagonistes d'un détournement de la violence masculine au profit d'une violence exercée contre les hommes par les femmes. ces détracteurs pourront s'appuyer probablement dans les années à venir sur les modifications des images féminines, les stéréotypes de la femme douce et soumise ont tendance à s'estomper. Et l'on peut se demander si les jeunes femmes ne se permettront pas plus que par le passé d'exprimer leurs sentiments de colère et violence, là où s'exprimaient auparavant peut-être impuissance, tristesse et dépression.


Cornut piller 1 jun 2006 à 09:15 (MEST) ~~


Difficultés (à mettre à la fin de l'article ou dans la conclusion)Celine

Le sujet que nous avons abordé tout au long de ce travail est délicat. Nous avons relevé le peu de neutralité émanant des sources existantes sur ce thème, chaque écrit représentant une certaine prise de position, quant à la causalité de la violence conjugale par exemple, ou les convictions cachées derrière l'attribution de statuts victime-agresseur ou victime-victime.

Cette subjectivité rentre en interrelation avec notre sensibilité propre, individuelle, qui n'est donc pas la même entre les personnes de notre groupe. Le fait que celui-ci soit constitué de deux femmes et deux hommes est très enrichissant, et même primordial quand l'on s'attèle à ce type de problématique. Néanmoins, cela implique un investissement conséquent en termes de discussion, explicitation des attentes et valeurs de chacun, en redéfinition continuelle de la problématique.

Dans notre tentative d'objectiver notre problématique, nous ne sommes que très peu aidés par les statistiques. Elles aussi disent ce qu'elles ont envie de dire, et sont sans cesse remises en cause par des détracteurs. La conséquence en est qu'aucune statistique ne sert vraiment de référence consensuelle dans la compréhension de la violence conjugale.Dans les statistiques policières, souvent la violence conjugale n'est pas comptabilisée de manière séparée des autres délits de violence; dans d'autres types de statistiques c'est le genre qui n'est pas retenu comme variable pertinente. En effet, derrière les chiffres, on découvre des définitions très variables de la violence: certains ne prennent en compte que la violence physique; d'autres considèrent que de nombreux petits signes de nature verbale ou psychologique sont un pas dans l'escalade de la violence, et les jugent donc de même poids que des coups. Entre ces deux extrêmes, toutes les variations sont présentes...

Il est intéressant de relever à quel point certains chiffres sont médiatisés, afin d'avoir un impact sur la population, alors que ces mêmes chiffres sont discutables au niveau statistique. Pour conclure, nous nous sommes rendus compte que malgré une certaine médiatisation, qui n'est pas si récente, de la violence conjugale, nous ne savons pas tellement de choses à ce sujet, ou plutôt il existe peu de consensus, voire la co-existence d'approches inconciliables.

Conclusion

  1. Retour sur la problématiques, les questions de recherche
  2. Rappel des principaux résultats de recherche
  3. Autocritiques et perspectives

Références bibliographiques

Les lectures citées dans le travail final

  • Dallaire Y. (2002). La violence faite aux hommes. Une réalité tabou et complexe. Québéc: Options santé. Résumé du livre
  • Gillioz L., De Puy J., Ducret V. (1997). Domination et violence envers la femme dans le couple. Lausanne : éditions Payot. Résumé de l'article
  • Ruel S. & Guéricolas P. (1998). La violence des femmes : derrière le masque. In Gazette des femmes Vol. 20. (no 4). (Novembre-Décembre 1998).[Version électronique]. Accès le 20 novembre 2005 :

http://www.gazettedesfemmes.com/recherche/?F=recherche&idt=10075&affart=2866

  • Torrent S. (2001). L’homme battu, un tabou au cœur du tabou. Québec: Option Santé. Résumé du livre
  • Amnistie: Le magazine pour les droits humains, Dossier Combattre la violence domestique No 44, février 2006.
  • Amnistie, Journal d'action pour les droits humains, janvier 2006.
  • Praplan G., Quand le sexe faible est violent in Repère Social, No 73, février 2006.

Bibliographie

Les lectures utilisées mais pas citées dans le travail final

  • Bretonnière-Fraysse et al. (2001). De la violence conjugale à la violence parentale. Eres Résumé du livre
  • Jackson D., Welzer-Lang D. (1998). Violence et masculinité. Toulouse : imprimerie 34.
  • Rey, H. et al. (2006). Les violences conjugales: pour une clinique du réel. Journal International de Victimologie. Année 4, No 1. Résumé de l'article