« Conclusion sur les droits des personnes » : différence entre les versions

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Mais, aujourd'hui, en pleine crise économique, les mentalités se transforment. Passant d'un "je vais bien, il faut que j'aide l'autre" à un "je vais mal, c'est la faute de l'autre". Néanmoins, d'autres militants partent au combat et modifie le cap. On considère de plus en plus que le lésé est le citoyen lambda, celui qui a été objet des considérations offertes aux minorités. Par conséquence, certains considèrent qu'ils ont assez obtenu. Nous avons pu l'observer lors des débats autour du mariage gay en France. La forte opposition observée démontre bien d'un "battement d'aile" du combat pour les droits des minorités. Finalement, tous les courants de l'époque que nous avons étudiés, ceux qui se battaient pour l'égalité des droits pour tous, sont bousculés aujourd'hui. Concernant le mariage gay, les arguments de l'opposition illustre ce propos : les personnes homosexuelles ont déjà le PACS. Le mariage c'est sacré. Le premier point parle du fait que le peuple a déjà "offert" des droits à cette population minoritaire et que c'est suffisant. Le deuxième point avance le fait que les homosexuels ne peuvent pas disposer des mêmes droits : le mariage est réservé aux hétérosexuels.  
Mais, aujourd'hui, en pleine crise économique, les mentalités se transforment. Passant d'un "je vais bien, il faut que j'aide l'autre" à un "je vais mal, c'est la faute de l'autre". Néanmoins, d'autres militants partent au combat et modifie le cap. On considère de plus en plus que le lésé est le citoyen lambda, celui qui a été objet des considérations offertes aux minorités. Par conséquence, certains considèrent qu'ils ont assez obtenu. Nous avons pu l'observer lors des débats autour du mariage gay en France. La forte opposition observée démontre bien d'un "battement d'aile" du combat pour les droits des minorités. Finalement, tous les courants de l'époque que nous avons étudiés, ceux qui se battaient pour l'égalité des droits pour tous, sont bousculés aujourd'hui. Concernant le mariage gay, les arguments de l'opposition illustre ce propos : les personnes homosexuelles ont déjà le PACS. Le mariage c'est sacré. Le premier point parle du fait que le peuple a déjà "offert" des droits à cette population minoritaire et que c'est suffisant. Le deuxième point avance le fait que les homosexuels ne peuvent pas disposer des mêmes droits : le mariage est réservé aux hétérosexuels.  


Comme il a été remarqué avec les droits des patients à l'hôpital ou le droit des prisonniers, une régression est toujours possible, généralement marquée par une stigmatisation de ces minorités ou une volonté d'en contrôler la dynamique. Le droit des femmes pour l'avortement est lui actuellement en train de faire débat, puisqu'une votation aura lieu d'ici quelque mois sur le non-remboursement par les caisses maladies de celui-ci. Nous revenons donc vers un statut des opprimés dans une société qui a guère de révolutionnaires des droits de la personne mais plutôt des opprimés, des persécutés.
Comme il a été remarqué avec les droits des patients à l'hôpital ou le droit des prisonniers, une régression est toujours possible, généralement marquée par une stigmatisation de ces minorités ou une volonté d'en contrôler la dynamique. En effet, il y a quelques mois, après l'affaire du meurtre d'Adeline M. à [http://www.hug-ge.ch/tags/la-paquerette la pâquerette], u terme de la recherche sur les droits des prisonniers, nous pouvons également noter que défendre de tels droits n’est toujours pas chose facile puisque l’importance de cette lutte n’est pas encore très démocratisée et comprise par l’ensemble de la population. Ainsi, la prison demeure encore un lieu où l’on considère les êtres humains comme des individus morcelés et éclatés. Ils ont donc beaucoup de mal à exister en tant que personne à part entière. En effet, l’humiliation et le non respect de la dignité semble toujours très présents en prison. De ce fait, nous pouvons alors nous demander quelle est la véritable place pour le droit de l'être humain dans un contexte si difficile.
 
 
 
 
Notre conclusion nous amène à réfléchir sur l'avenir : que faut-il faire maintenant pour améliorer le respect des droits des détenus? Les différents textes que nous avons avons lu ainsi que nos deux entretiens se rejoignent tous sur un point : il faut rendre la prison visible. Comment agir pour les détenus si personne ne sait exactement comment ils sont traités? Foucault, au travers de ses réflexions sur le système carcéral, parle de ce changement : «Le passage des supplices, avec leurs rituels éclatants, leur art art mêlé de la cérémonie de la souffrance, à des peines de prisons enfouies dans des architectures massives et gardées par le secret des administrations, n'est pas le passage à une pénalité indifférenciée, abstraite et confuse; c'est le passage d'un art de punir à un autre, non moins savant que lui. Mutation technique. De ce passage, un symptôme et un résumé : le remplacement, en 1837, de la chaîne des forçats par la voiture cellulaire.»<ref>Foucault, M. (1975). Surveiller et punir. Paris : Gallimard. Page 300</ref>. On est passé d'un régime de peines publiques, visibles et comme faisant partie intégrante de la société, à une logique du silence, de l'inconnu. La prison s'éloigne de plus en plus de la société. Muriel Testuz va aussi dans ce sens lorsqu'elle préconise qu'il faut continuer à lutter «[[Entretien Muriel Testuz|pour que la prison ne se renferme pas sur elle-même]]».
 
[http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Combessie Philippe Combessie], dans son livre<ref>Combessie, P. (2001). Sociologie de la prison. Editions La Découverte & Syros, Paris : 2001.</ref>, en parle lui aussi. Il énonce même deux pistes d'actions afin de rendre la prison visible. Dans un premier temps, il faut diminuer le plus possible le recours à la prison afin de limiter ses dégâts collatéraux. Il faut en faire usage uniquement lorsque c'est indispensable à la sécurité publique. Ensuite, il faut diminuer la pénibilité de la prison.«Tout ce qui abaisse la dignité d'un homme rejaillit sur les individus qui y coopèrent, sur l'institution qui le tolère, et sur la société qui l'accepte et qui, pour ce faire, l'occulte.» (p. 109)
 
Mais la questionnement qui demeure est : avons-nous réellement envie de rendre la prison visible? Dans une démocratie, il revient au peuple de faire des choix quant aux droits et devoirs des citoyens qui la composent. Sommes-nous alors prêts à assumer notre responsabilité dans le traitement des personnes déviantes? Ou préférons-nous occulter cette zone d'ombre de la société et l'enterrer au plus profond de nos esprits?
 
 
 
 
 
Le droit des femmes pour l'avortement est lui actuellement en train de faire débat, puisqu'une votation aura lieu d'ici quelque mois sur le non-remboursement par les caisses maladies de celui-ci. Nous revenons donc vers un statut des opprimés dans une société qui a guère de révolutionnaires des droits de la personne mais plutôt des opprimés, des persécutés.


Le cas récent de l'Espagne illustre parfaitement la possibilité de régression. Dans la majorité des pays de l'Union Européenne, l'avortement est autorisé. L'Espagne vient tout juste de sortir de cette majorité en modifiant la loi sur l'avortement. Désormais, l'avortement est interdit sauf dans quelques cas :  
Le cas récent de l'Espagne illustre parfaitement la possibilité de régression. Dans la majorité des pays de l'Union Européenne, l'avortement est autorisé. L'Espagne vient tout juste de sortir de cette majorité en modifiant la loi sur l'avortement. Désormais, l'avortement est interdit sauf dans quelques cas :  

Version du 13 janvier 2014 à 11:36

Que sont les droits de la personne entre 1960-1980?

Nous pouvons constater que ces droits se sont construits socialement et historiquement à partir de revendications égalitaires de minorités, souffrantes généralement :

  • les enfants
  • les femmes (paradoxalement)
  • les prisonniers.
  • les patients psychiatriques
  • les personnes en situation de handicap
  • Les patients dans les hôpitaux (victimes d'abus d'expérimentation).

Des acteurs se sont donc mobilisés pour que ces personnes puissent acquérir les mêmes droits qui sont proclamés dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. En effet, nous avons relevé à travers nos différents chapitres que les personnes militantes se mobilisaient pour le droit à l'intégrité physique (femmes, prisonniers, patients) mais aussi pour le droit à l'autodétermination (personne en situation de handicap) ou également pour le droit à la parole, à l'écoute ou à une place reconnue dans la société (enfants). Globalement c'est une atteinte à l'égalité que souhaite chacune de ces minorités. L'émancipation de ces populations et la reconnaissance de leurs droits, en tant que personnes, en tant qu'êtres humains, se sont souvent faites suite à une remise en question des institutions ou plus globalement de la société.
Les années 60-80, faisant la base de notre recherche, témoignent des changements importants. Bien évidement leurs prémices remontent au delà de ce période. Nous avons pu mettre un accent sur l’importance des droits de l’enfant en tant qu’une personne. Le chemin vers son individualisation était une devise dans le travail éducative et juridique de Jean-Pierre Audéoud qui, avec une participation active de sa femme, a pu l’appliquer durant son parcours professionnel. Mais l’histoire retrace également la construction des droits aussi des femmes, qui encore aujourd'hui revendiquent leur droit à l’avortement ou aux salaires de même niveau que les hommes. Ce rôle social loin déjà du stéréotype de la mère au foyer prend sa place mais la lutte pour l’égalité des femmes est en perpétuelle évolution même au XXIème siècle. L’entretien fait par les étudiantes participant à notre atelier d’intelligence collective avec Amélia Christianat, en est une preuve. Son parcours militant en faveur des droits des femmes impressionne. Nous avons pu voir à quel point ce combat est important car il vise, comme dans le cas des droits de l’enfant, une reconnaissance tout à fait méritée.

La reconnaissance en matière des droits d’une personne est un processus longue et très complexe. Notre société accepte certains changements et s’oppose aux autres. Cela était le cas durant les deux décennies prises en compte où aussi les droits des patients ou patients hospitaliers, des prisonniers et des personnes en situation de handicap sont revendiqués. Homme, une identité à part entière doit se battre afin d’être accepté par la société dont il fait partie, avec ses forces, ses faiblesses, ses différences.

Nous avons constaté, durant notre recherche, qu'un certain nombre de constats peuvent être relevés:

  • Pour avoir des droits il faut se battre pour les avoir; c'est une lutte permanente ce n'est jamais acquis.
  • Le temps de la construction des droits est un temps long pour les promoteurs, mais un temps court dans l'histoire de la démocratie et de l'humanité (1789).
  • Sur la question des droits, le risque est toujours présent de régression.
  • La prise de conscience de l'égalité des individus quelques soient leur situation comme personne (droit à la parole, droit à l'intégrité physique, droit de vote, dignité, consentement, participation, etc.).
  • Un changement de "posture" par rapport à la revendication de droits pour des populations "marginalisées" (patients psychiatriques, handicapés, prisonniers).
  • Une articulation entre droits de l'homme et du citoyens et les droits envers une population spécifique (handicapés, prisonniers, patients psychiatrique, etc.): les droits de la personne? les droits de l'être humain?
  • L'importance de faire valoir ses droits (les connaître, les faire respecter, participer à leur application)

Le contexte: climat économique, contingence sociale et politique, "esprit du temps" de l'après-guerre. Quid d'aujourd'hui

A travers nos différents chapitres sur les droits des personnes, nous avons constaté que toutes les mobilisations ont émergé à la suite de la seconde guerre mondiale. En effet, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, a permis de lutter contre les injustices qui se faisaient à l'encontre des populations marginalisées (enfants, femmes, prisonniers, personne en situation de handicap, patients psychiatrique et patient à l'hôpital). Plus particulièrement, nous avons vu que le jugement de Nuremberg, où des médecins nazis sont condamnés pour causer la mort et l'humiliation d'une minorité de la population, la population juive, a été déterminant dans la promotion des droits humains. Cette population était séquestrée pour faire des expériences en médecine sur eux. L'émergence des revendications de l'après guerre en matière d'égalités des femmes, de protection de l'enfant, de droit des patients en psychiatrie, ainsi que de droits des prisonniers prennent pour cible la société de type capitaliste, inégalitaire – et dans laquelle les écarts socio-économiques tendent à se creuser – et ses institutions dites alors "totalitaires".

Le contexte de l'époque était favorable à des revendications, manifestations et soulèvements de populations pour les droits des opprimés. D'ailleurs, la bonne croissance économique y a beaucoup contribué. Lorsque tout va bien pour eux, les gens ne sont-ils pas prêts à aider les plus démunis ? Certains acteurs précisent que lorsque la société est en période de crise, les droits des personnes acquis durant cette période (1960-1980) tendent à régresser.

Nous avons pu constaté que la lutte pour le droit des personnes (enfants, femmes, prisonniers, patients ...) a duré pour la plupart plus de trente ans. Parfois les acteurs se sont investis du début jusqu'à l'acquisition de ce droit ; dédiant une grande partie de leur vie à ce projet. C'est pourquoi, marquée de luttes, la construction des droits de l'homme est un temps long pour ces promoteurs, mais si nous le plaçons sur un axe temporel plus large, ces luttes ne constituent qu'une courte période dans l'histoire de l'humanité.

C'est en fait la lutte d'associations de minorités qui va être à l'origine de la reconnaissance de ces droits. Sans cette lutte point de progression pour l'humanité. Nous remarquons, plus que jamais, aujourd'hui, que cette lutte est permanente et n'est jamais acquise. Plusieurs acteurs, que nous avons eu la chance d'écouter, nous ont rappelé l'importance de se mobiliser pour que ces droits restent actuels. Pour eux, la lutte ne doit cesser puisque sans une mobilisation de notre part, les droits qu'ils ont acquis durement, vont rapidement régresser.

Les populations dites « marginalisées », dont les femmes, sont à tout égard celles qui allaient contribuer à la fondation de la première association des droits de patients en Suisse. Ce fut donc justement ces femmes qui s’uniront pour être écoutées. Ce sont elles qui se sont questionnées et qui ont de près vécu une situation d’injustice. Une situation où les droits des patients ne s’exerçait pas. Pour la parenté d’un proche, voir que le médecin décidait à sa place sur la santé de leur proche n’était pas anodin mais injuste.

Nous voyons toutefois que l'homme lutte pour la reconnaissance d'être traité de manière égalitaire à tout un chacun qui passe par des ordonnances ou des chartes mais qui peuvent être contournées si la propre personne ne connait pas les conséquences graves de la transgression de ses droits. C'est seulement lorsqu’une affaire se fait publique que les autorités réagissent pour calmer le scandale.

Mais, aujourd'hui, en pleine crise économique, les mentalités se transforment. Passant d'un "je vais bien, il faut que j'aide l'autre" à un "je vais mal, c'est la faute de l'autre". Néanmoins, d'autres militants partent au combat et modifie le cap. On considère de plus en plus que le lésé est le citoyen lambda, celui qui a été objet des considérations offertes aux minorités. Par conséquence, certains considèrent qu'ils ont assez obtenu. Nous avons pu l'observer lors des débats autour du mariage gay en France. La forte opposition observée démontre bien d'un "battement d'aile" du combat pour les droits des minorités. Finalement, tous les courants de l'époque que nous avons étudiés, ceux qui se battaient pour l'égalité des droits pour tous, sont bousculés aujourd'hui. Concernant le mariage gay, les arguments de l'opposition illustre ce propos : les personnes homosexuelles ont déjà le PACS. Le mariage c'est sacré. Le premier point parle du fait que le peuple a déjà "offert" des droits à cette population minoritaire et que c'est suffisant. Le deuxième point avance le fait que les homosexuels ne peuvent pas disposer des mêmes droits : le mariage est réservé aux hétérosexuels.

Comme il a été remarqué avec les droits des patients à l'hôpital ou le droit des prisonniers, une régression est toujours possible, généralement marquée par une stigmatisation de ces minorités ou une volonté d'en contrôler la dynamique. En effet, il y a quelques mois, après l'affaire du meurtre d'Adeline M. à la pâquerette, u terme de la recherche sur les droits des prisonniers, nous pouvons également noter que défendre de tels droits n’est toujours pas chose facile puisque l’importance de cette lutte n’est pas encore très démocratisée et comprise par l’ensemble de la population. Ainsi, la prison demeure encore un lieu où l’on considère les êtres humains comme des individus morcelés et éclatés. Ils ont donc beaucoup de mal à exister en tant que personne à part entière. En effet, l’humiliation et le non respect de la dignité semble toujours très présents en prison. De ce fait, nous pouvons alors nous demander quelle est la véritable place pour le droit de l'être humain dans un contexte si difficile.



Notre conclusion nous amène à réfléchir sur l'avenir : que faut-il faire maintenant pour améliorer le respect des droits des détenus? Les différents textes que nous avons avons lu ainsi que nos deux entretiens se rejoignent tous sur un point : il faut rendre la prison visible. Comment agir pour les détenus si personne ne sait exactement comment ils sont traités? Foucault, au travers de ses réflexions sur le système carcéral, parle de ce changement : «Le passage des supplices, avec leurs rituels éclatants, leur art art mêlé de la cérémonie de la souffrance, à des peines de prisons enfouies dans des architectures massives et gardées par le secret des administrations, n'est pas le passage à une pénalité indifférenciée, abstraite et confuse; c'est le passage d'un art de punir à un autre, non moins savant que lui. Mutation technique. De ce passage, un symptôme et un résumé : le remplacement, en 1837, de la chaîne des forçats par la voiture cellulaire.»<ref>Foucault, M. (1975). Surveiller et punir. Paris : Gallimard. Page 300</ref>. On est passé d'un régime de peines publiques, visibles et comme faisant partie intégrante de la société, à une logique du silence, de l'inconnu. La prison s'éloigne de plus en plus de la société. Muriel Testuz va aussi dans ce sens lorsqu'elle préconise qu'il faut continuer à lutter «pour que la prison ne se renferme pas sur elle-même».

Philippe Combessie, dans son livre<ref>Combessie, P. (2001). Sociologie de la prison. Editions La Découverte & Syros, Paris : 2001.</ref>, en parle lui aussi. Il énonce même deux pistes d'actions afin de rendre la prison visible. Dans un premier temps, il faut diminuer le plus possible le recours à la prison afin de limiter ses dégâts collatéraux. Il faut en faire usage uniquement lorsque c'est indispensable à la sécurité publique. Ensuite, il faut diminuer la pénibilité de la prison.«Tout ce qui abaisse la dignité d'un homme rejaillit sur les individus qui y coopèrent, sur l'institution qui le tolère, et sur la société qui l'accepte et qui, pour ce faire, l'occulte.» (p. 109)

Mais la questionnement qui demeure est : avons-nous réellement envie de rendre la prison visible? Dans une démocratie, il revient au peuple de faire des choix quant aux droits et devoirs des citoyens qui la composent. Sommes-nous alors prêts à assumer notre responsabilité dans le traitement des personnes déviantes? Ou préférons-nous occulter cette zone d'ombre de la société et l'enterrer au plus profond de nos esprits?



Le droit des femmes pour l'avortement est lui actuellement en train de faire débat, puisqu'une votation aura lieu d'ici quelque mois sur le non-remboursement par les caisses maladies de celui-ci. Nous revenons donc vers un statut des opprimés dans une société qui a guère de révolutionnaires des droits de la personne mais plutôt des opprimés, des persécutés.

Le cas récent de l'Espagne illustre parfaitement la possibilité de régression. Dans la majorité des pays de l'Union Européenne, l'avortement est autorisé. L'Espagne vient tout juste de sortir de cette majorité en modifiant la loi sur l'avortement. Désormais, l'avortement est interdit sauf dans quelques cas :

  • en cas de danger physique encourus par la femme. Ce point devra avoir été vérifié par deux médecins différents et étrangers à l'établissement où prendra place l'avortement.
  • en cas de viol mais à condition que la femme ait porté plainte.
  • en cas de malformation fœtale.

Enfin, pour qu'une mineure puisse avorter, l'accord des parents sera nécessaire.

Il est certain que, malheureusement, toutes les revendications finissent par s’essouffler. Les gens ne peuvent se battre pour une cause indéfiniment. Au bout d'un certain temps, on se convainc que ce que l'on a obtenu est suffisant et on arrête de se battre. Ou on arrête parce qu'on est fatigué. Et la relève n'est pas toujours là. Par contre, du moment qu'un mouvement militant s'essouffle, il y a des chances pour que le parti opposé se relève et effectue le combat inverse.

Ce sont justement ces minorités de personnes qui en s'associant, ont fait valoir leurs droits et les ont revendiqués. Ils font, d'ailleurs, réfléchir, les faire connaître à une partie de la société qui guette de loin la réalité de l'application de leurs droits.

En ce qui concerne les personnes en situation de handicap, si l'on en croit le discours des acteurs des années 1960-1980, le combat est loin d'être achevé. A l'heure où l'école s'ouvre à l'intégration, où l'on parle d'inclusion de tous les élèves, des institutions ségrégatives continuent de se développer, et la réalité du terrain est encore très éloignée des lois (loi sur l'intégration LIJBEP, 2008). Le temps où l'on cachait les enfants porteurs d'un handicap semble révolu, et pourtant, quand on travaille dans ce milieu, les regards réprobateurs ne sont pas rares, et rappellent le chemin qu'il reste à parcourir. A l'Université, nombre de cours nous forment à considérer ces personnes en tant que "personnes" justement, comme si cela n'était pas une évidence. C'est donc que l'on peut encore douter du statut de cette population. En bref, la question aujourd'hui pourrait se résumer ainsi, en termes politiquement incorrects: la société, en temps de crise, peut-elle s'offrir le luxe de se préoccuper des plus démunis?

Quant est-il des droits de l'enfant aujourd'hui? Bien que la quasi totalité des Etats reconnus pas l'ONU aient ratifié la Convention internationale relative aux droits de l'enfant de 1989, son application fait encore largement défaut dans certains pays. L'UNICEF met en lumière quelques chiffres mondiaux très parlants quant aux principes fondamentaux de la CIDE (droit à la santé, à l'éducation, à une identité, à la protection et à la participation) dans un dossier de 2008. Par exemple, en ce qui concerne le droit à l'identité de l'enfant, "51 millions de naissances ne sont pas enregistrées", tandis que "24'000 enfants âgés de moins de cinq ans meurent chaque jour de malnutrition et de maladies qui, dans la plupart des cas, pourraient être évitées" alors que le CIDE accorde à l'enfant le droit essentiel à la santé. Bien que la nécessité et le droit de l'enfant à l'éducation soient inscrite dans ce texte, "101 millions d’enfants ne sont pas scolarisés" dans le monde et "158 millions d’enfants âgés de 5 à 14 ans travaillent" malgré la reconnaissance des Etats de leur droit à la protection. Pour ce qui est du droit à la participation des enfants, il n'est pas évident d'y associé un chiffre, mais on peut tout de même aisément penser que bon nombre d'enfants n'ont guère possibilité d'expression et sont certainement peu, voir pas écoutés. Il y a donc encore bien du chemin à parcourir encore pour faire valoir et respecter les droits des enfants, avenir de notre société, dans le monde.

Et les sciences de l'éducation dans tout ça?

Les rencontres que nous avons faites avec ces militants d'une autre époque nous ont permis d'alimenter nos réflexion sur le domaine des droits de la personne entre 1960 et 1980. Nous avons surtout relevé la fougue et la passion de ces militants en faveur d'autrui. C'est une belle leçon d'humanité que nous avons eu, puisque par leur mobilisation ils ont pu faire changer les conditions des personnes marginalisées. Nous qui avons choisi une filière sociale et qui souhaitons plus tard intervenir auprès de personnes fragilisées, cette expérience nous a appris qu'il faut s'engager "à fond" pour la cause que nous défendons si nous voulons qu'il y ait du changement. Nous avons également pu comprendre que le droit à l'autodétermination des personnes en situation de handicap - que nous voyons dans le cadre de notre formation - est un droit qui a été avant cela revendiqué par d'autres personnes ; les enfants, les femmes, les prisonniers, les patients psychiatriques et les patients à l'hôpital. Tout ceci nous a donc expliqué que l'acquisition des droits de la personne prend du temps puisque pour la plus part, il a fallu se mobiliser pendant vingt ans pour voir des changements dans la société.

Des auteurs, comme Illich, préconisaient une société sans école, où l'on apprendrait, directement d'autrui, inséré dans un réseau, au gré de nos besoins éducatifs. La personne irait trouver les connaissances dont elle a besoin dans un réseau de connaissances et d'individus, pédagogues, comme elle, en puissance. Nous constatons, également, que dans une même revendication d'égalité et de remise en question des institutions, des auteurs comme Foucault dénoncent l'autoritarisme d'institutions comme la médecine qui en fait exerce un vrai pouvoir policier sur les personnes. Toute institution se construit socialement. Il en est de même pour la médecine qui s'éloigne volontairement du patient, en adoptant une posture d'expertise. Ce dernier ne construit pas le savoir médical avec le médecin, il ne connait souvent pas les méthodes de recherches concernant cet art. Or il pourrait, en aller autrement, notamment en permettant aux hommes d'apprendre davantage sur la médecine et ses méthodes de construction du savoir. Le patient est avant tout une personne, comme l'est d'ailleurs le médecin. C'est pourquoi cette dyade doit s'évertuer à construire ensemble un savoir médical compréhensible par tout-un-chacun. Telle est la condition, telle que visionnée par Illich, pour que l'homme se connaisse davantage lui-même, c'est-à-dire se réapproprie ce regard sur lui-même.