Droits des enfants

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Introduction

Les droits de l'enfant visant la protection des mineurs évoluent au cours des décennies. Les prémices du XXe siècle les plus connues sont bien évidemment la Déclaration de Genève (1924), la déclaration des Droits de l'Enfant (1959) et enfin le texte de la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989. Ce dernier “ratifié d’une manière quasi universelle (193 États sur 195) en fait un texte hors norme de part sa portée dans l’espace et de par l’enthousiasme spontané qu’ [il] a suscité.”<ref>Zermatten, J., Stoecklin D. 2009. Le droit des enfants de participer. Norme juridique et réalité pratique: contribution à un nouveau contrat social. Suisse: Institut International des Droits de l'Enfant., p.7 </ref> Ce parcours historique est une partie importante de l’histoire qu’on écrit aujourd’hui.
On peut remarquer que le premier pas vers l'individualisation de l'enfant datant de 1924, pointe le bout de son nez quelques années après la fin de la première guerre mondiale. Le deuxième est marqué par la Déclaration de Droits de l'Enfant de 1959, donc à l’image de la précédente, elle date des années après la seconde guerre mais est également un point de départ menant vers la Convention de 1989.
Le long chemin vers une telle reconnaissance était en grande partie marqué par la création, un peu partout en Europe, des communautés d'enfants. Leur rôle n'est pas négligeable. La définition de ces communautés d'enfants est donné à Trogen en juillet 1948 et semble préciser un peu plus les besoins de l'enfant en tant que personne. Ce sont: "les organisations éducatives ou rééducatives à caractère permanent, fondées sur la participation active des enfants ou adolescents à la vie de la communauté, dans le cadre des méthodes d’éducation et d’instruction modernes – et dans lesquelles la vie de famille se combine de diverses façons aux modalités de la vie de collectivité".<ref>Cours de M.Ruchat: L’éducation spéciale du XVIIIe au XXe siècles: L’éducation, les normes et l’individu, Université de Genève, 2013</ref>
Dans l’esprit de la reconnaissance d’un enfant à part entière avec le respect de sa liberté, Alexander Sutherland Neill crée son école de Summerhill en 1921, une école qui encore de nos jours suscite beaucoup de discussions et polémiques. Dans le cadre de cet atelier d’intelligence collective nous avons procédé à une comparaison des idées de Neill décrites dans son livre "Libres enfants de Summerhill" (1960) avec la Convention relative aux Droits de l’Enfant de 1989 avec un constat tout à fait surprenant.

Historique des droits de l'enfant

« L’humanité doit donner à l’enfant ce qu’elle a de meilleur » Déclaration de Genève sur les Droits de l’Enfant, 1924

Il est important de signaler qu'avant même l'intérêt qui s'est peu à peu développé quant aux droits de l'enfant, il a d'abord fallu que la société prenne

Déclaration de Genève (1924)

conscience du statut particulier de l'enfant, avec ses spécificités, et bien plus encore d'être humain digne de droits propres : “L’adulte a longtemps cru que c’était lui-même qui devait animer l’enfant par ses soins et son assistance. Il pensait que son rôle était de façonner l’enfant, de construire sa vie psychique pour que l’enfant devienne peu à peu comme lui. L’enfant était un objet d’assistance, un adulte en devenir (certains disent même "en miniature") et non une personne humaine à part entière. Petit, faible, pauvre, dépendant, il n’était qu’un citoyen potentiel qui ne sera homme ou femme que demain. Il ne devenait une personne humaine, sujet de droits, qu’à partir du moment où il atteignait l’âge adulte. C’est à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, notamment après la Première Guerre mondiale, que le concept de droits de l’enfant apparaît.” <ref>Dhellemmes V. ,2010. La dignité et les droits de l'enfant : vingt ans d'avancées sur le plan international. In. Transversalités, 2010/3 N° 115, p. 99-110.</ref>

Quand on fait une recherche sur des droits de l’enfant à travers les documents écrits en l'espace de plus de cent ans, du début du XXème siècle jusqu’à aujourd’hui, on retrouve les noms de deux précurseurs qui ont marqué le cours de l’histoire. Il s’agit de Britannique Eglantyne Jebb (1876-1928) et du polonais Henryk Goldzmit (1878–1942) connu sous le nom de Janusz Korczak.
Ce dernier, pédiatre et éducateur qui a tant "aimé et défendu" les enfants, ne voulant pas les laisser seuls, s'est laissé emmener avec eux à Treblinka où il est mort dans une chambre à gaz.<ref>Korczak J. Le droit de l’enfant au respect. L’héritage de Janusz Korczak. Conférences sur les enjeux actuels pour l’enfance. In. http://www.coe.int/t/commissioner/Activities/themes/Children/PublicationKorczak_fr.pdf</ref>

Korczak, l'inspirateur des droits de l'enfant est bien, d'abord, un insurgé, comme toute son œuvre en témoigne. C'est un homme qui ne supporte pas la violence faite à l'enfance : la violence physique, bien sûr, la violence psychologique également, mais aussi la violence des institutions qui prétendent œuvrer pour "son bien".<ref>Meirieu P. 2002. Le pédagogue et les droits de l’enfant : histoire d’un malentendu ?. Editions du Tricorne et Association suisse des Amis du Dr Korczak. p.4</ref>

“Janusz Korczak, premier défenseur des droits de l’enfant et le plus radical, a été déçu en découvrant la Déclaration des droits de l’enfant adoptée par la Société des Nations en 1924, pas assez claire à son goût et plus implorante que contraignante. Il voulait des droits et non la charité, immédiatement et non dans un avenir lointain.” <ref>Korczak J. Le droit de l’enfant au respect. L’héritage de Janusz Korczak. Conférences sur les enjeux actuels pour l’enfance. In. http://www.coe.int/t/commissioner/Activities/themes/Children/PublicationKorczak_fr.pdf p.7). </ref>

Le travail d'Eglantyne Jebb qui a élaboré et rédigé la Déclaration de Genève a été important. Elle l’a présenté le 26 septembre 1923 et le 28 février 1924 le Ve Congrès général de la Société de Nations qui l'a alors ratifié. C'est le premier texte énonçant des droits fondamentaux des enfants ainsi que la responsabilité des adultes à leur égard. Il est constitué de cinq articles.

Déjà dans le préambule on peut lire que « L’humanité doit donner à l’enfant ce qu’elle a de meilleur.» On peut y voir également que c’est la protection physique qui est mise en avant en soutenant l'idée de venir en aide en cas de détresse ainsi que celle de combattre la faim et l'exploitation (articles 2, 3, 4). En parallèle la notion de développement spirituel n’est pas omis (article 1) de même que le fait que “l’enfant doit être élevé dans le sentiment que ses meilleures qualités devront être mises au service de ses frères”(article 5). Ce texte d'après première guerre mondiale est aussi une contribution à un monde de paix s'étayant sur les enfants qui forment l'avenir, un avenir que les promoteurs des droits de l'enfant voudraient dans la paix.

Déclaration des Droits de l’Enfant, 1959

Après la seconde guerre mondiale, l'ONU est créée. Elle va s'intéresser aux droits de l'enfant et révéler l'insuffisance de la Déclaration de Genève. En effet, suite à l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'Homme (1948) et à l'évolution du droit durant cette période, on pense nécessaire d'approfondir cette question des droits de l'enfant. Plusieurs pays membres de l'ONU réclament une convention, c'est-à-dire un instrument international contraignant qui engage les états qui l'ont ratifié. Mais cette proposition est refusée. Le choix se porte alors sur une seconde Déclaration des droits de l'enfant qui reprend l'idée selon laquelle l'humanité doit donner à l'enfant ce qu'elle a de meilleur. La déclaration des Droits de l'Enfant est adoptée par l'assemblée générale des Nations Unies à l'unanimité (70 pays membres), le 20 novembre 1959. Cette date est depuis lors officiellement la journée des droits de l'enfant. La déclaration contient 10 principes fondateurs (elle double donc ceux de 1924!) avec des droits concrets comme par exemple le droit à un nom, à une nationalité ou à un enseignement gratuit au niveau élémentaire.

Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant, 1989

Le 20 novembre 1989, la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (CIDE) a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies. Cette Convention a pour but de reconnaître et protéger les droits spécifiques de l'enfant. Elle est composée de 54 articles (elle quintuple le nombre de 1959!) autour des orientations principales suivantes:

la non - discrimination
l'intérêt supérieur de l'enfant
le droit à la vie, la survie et le développement
les droits participatifs.

Les Etats ayant ratifiés cette Convention se doivent de respecter ces articles et de mettre en place les mesures législatives pour protéger les droits de l'enfant.

La CIDE est une déclinaison des droits de l'homme exprimés dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (1948) et pose que l’enfant est sujet de droit. Elle accorde aux enfants des droits propres et expose leurs droits économiques, sociaux, civils, culturels et politiques.

En effet, cette Convention est le texte concernant les droits de l'homme qui a été le plus rapidement accepté au cours de l'histoire, et a été ratifié par le plus d'Etats. Seuls les Etats-Unis et la Somalie ne l'ont pas encore ratifiée aujourd'hui: Les Etats-Unis pratiquent encore la peine de mort pour les enfants dans certains Etats, or cela serait contraire au droit à la vie de l'enfant promulgué dans la CIDE, tandis que la Somalie ne possède pas de gouvernement reconnu pour la ratifier à cause des troubles politiques dans le pays.

Droits de l'enfant - droits de la personne

"L'humanité doit donner à l'enfant ce qu'elle a de meilleur, affirmer leurs devoirs, en dehors de toute considération de race, de nationalité et de croyance" - ce sont les prémices officielles de la reconnaissance de l'enfant de 1924. C'était un début, suivi, comme nous avons décrit plus haut, par la Déclaration des Droits de l'Enfant de 1959 et par La Convention relative aux Droits de l'Enfant de 1989.

Il faut ici souligner que “jusqu'à l’adoption de la Convention en 1989, les enfants ne vivaient pas dans les limbes juridiques internationales. Il était au contraire admis qu’ils jouissent de garanties offertes par les instruments internationaux précédents, tels que les pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme (que la Suisse a récemment ratifiés), à l'exclusion bien entendu des droits liés directement à la condition de l’adulte (droit de se marier, de fonder une famille, assurance-vieillesse ou maternité). L’année internationale de l’enfant a conduit la communauté internationale à préciser le statut des enfants en confirmant leur particularité en tant qu'êtres à la fois vulnérables (Préambules de la Convention, par exemple pp. 5, 6, 12) et appelés “à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre”.<ref>Lücker-Babel M-F, Droits de l'enfant: idéologies et réalités. In. Ratifier en Suisse. La Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant?. N° 26, Novembre 1992. p. 43</ref>

L'enfant est donc considéré peu à peu comme un être de droit au cours du XXe siècle, ce que l'on peut voir notamment à travers les différents textes codifiant les droits de l'enfant à cette époque. L'enfant est alors une personne a qui on confère des droits propres.

Tout d'abord, en 1924, le premier texte international au sujet des droits de l'enfant (Déclaration de Genève) attribut à celui-ci des droits primaires, comme lui permettre de se développer normalement sur le plan matériel et spirituel, de gagner sa vie sans être exploité, être nourri, soigné, recueilli et secouru, ainsi que d'être élever dans l'esprit que ses qualités devront pourvoir à la société. On voit dans ce texte que les droits dotés à l'enfant amorce une idée de soin et de protection de l'enfant dans l'évocation du secours qui doit lui être porté, et démontre aussi un intérêt pour son bon développement. Toutefois, ces articles restent assez pauvres quant aux droits qui leurs sont accordés et l'on voit que le travail de l'enfant reste de mise.

La Déclaration des Droits de l'Enfant de 1959 va plus loin. Ce texte insiste d'avantage sur la protection qui doit être accordée à l'enfant qui n'est plus seulement suggérée sous le terme "secours". Ici, son développement ne doit plus uniquement être normal, mais également sain sur le plan, cette fois-ci moral, spirituel, physique, intellectuel et social. On ajoute que l'enfant doit pouvoir se développer dans la liberté et la dignité. Il est important de voir que certains principes sont totalement nouveaux comme par exemple, le droit de posséder une nationalité et un nom. On y parle aussi de sécurité non seulement sociale pour l'enfant et sa mère, mais également de sécurité morale. Dans ce texte, on voit apparaître l'importance accordée à l'affection envers l'enfant, qui est pour lui un besoin. De plus, il est indiqué que la séparation du petit enfant et de sa mère doit être éviter autant que possible. Si l'enfant n'a pas de famille, il est déclaré que c'est alors aux pouvoirs publics et à la société d'en prendre soin, de même pour les enfants n'ayant pas les moyens nécessaires d’existence.
A noter également, l'entrée de l'éducation comme étant un droit pour l'enfant: "une éducation gratuite et obligatoire au moins au niveau élémentaire" (principe 7). Les loisirs sont incorporés dans ce principe comme éléments importants. Il est indiqué que l'enfant a en effet le droit de jouer. En 1959 est présente l'idée de l'apport des qualités de l'enfant pour les autres membres de la société. Cette idée est accompagnée de celle du devoir de le protéger contre la discrimination, et de l'élever dans un esprit de compréhension, de paix et de tolérance. De plus, on peut remarquer une évolution en ce qui concerne le travail des enfants. En effet, le principe 9 pose clairement des limites à son employabilité; outre la protection de son développement moral, physique ou mental, sa santé ou son éducation, on parle d'âge minimum approprié pour l'emploi. Toutefois, celui-ci n'est pas spécifié. La notion d'intérêt supérieur de l'enfant fait son apparition dans cet écrit.

La Convention relative aux Droits de l'Enfant de 1989 est le texte relevant des droits de l'enfant le plus abouti. En effet, on peut déjà noter la différence en termes de nombres d'articles de ces textes: 1924, La Déclaration de Genève compte 5 articles, on passe à 10 principes en 1959 et à 54 articles dans la Convention relative aux Droits de l'Enfant en 1989. Cette convention reprend les droits exprimés dans les textes précédents, notamment les fondamentaux: droit à l'identité, à la santé, à l'éducation et à la protection et ajoute également bons nombres d'autres considérations. Notamment, un nouveau droit fondamental est inclus dès lors: le droit à la participation.

Pour conclure, en suivant le parcours de l'enfant en tant que personne à part entière, on constate qu'il évolue au cours du XXe siècle. À partir des informations publiées sur le site de l'Unicef on peut retracer les éléments marquants de ce changement en vue de la reconnaissance internationale et de l’importance de l’enfance.

Les droits de l'enfant en Suisse

Le 24 février 1997, la Suisse a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux Droits de l’Enfant. Le conseil fédéral a constaté que dans l'ensemble l'ordre juridique suisse était en accord avec les principes de la convention. Néanmoins, il a émis des réserves dans plusieurs domaines où cet ordre juridique n'est pas encore en totale adéquation avec les dispositions de la convention: le droit de l'enfant à une nationalité, le regroupement familial, la séparation des jeunes et des adultes en cas de détention, les procédures pénales impliquant des mineurs.

Par ailleurs, il y a beaucoup de différences entre les divers cantons à propos de la mise en œuvre des droits. Tout ceci doit encore être amélioré.

La Convention est entrée en vigueur le 26 mars 1997 en Suisse.

Il faut ajouter que le pays a ratifié le protocole facultatif au sujet de l'implication des enfants dans les conflits armés le 26 juillet 2002. Ce protocole, afin d'augmenter la protection des enfants et adolescents, a élevé l'âge minimum requis prévu dans la convention sur l’engagement volontaire et l’enrôlement obligatoire dans les forces armées.

En Suisse, le deuxième protocole facultatif qui concerne la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants afin de mieux les protéger de l'exploitation sexuelle est entré en vigueur le 19 octobre 2006.

Une nouveauté visant la reconnaissance d'un mineur est son droit de vote. Il s'agit d'un sujet d'actualité qui prouve que celui des droits de l'enfant commencé le siècle dernier continue. Il faut savoir que les Constitutions et les législations en Suisse divergent en fonction du canton. D’une manière générale le droit de vote au niveau fédéral et cantonal est accordé aux ressortissants suisses ayant 18 ans révolus. Néanmoins certaines cantons suisses ont débuté une démarche visant à accorder le doit de vote au niveau cantonal dès l’âge de 16 ans.

Les citoyens ont pu s’exprimer sur l'abaissement de l'âge du droit de vote à 16 ans dans plusieurs cantons suisses tels que par exemple le canton de Berne, de Neuchâtel ou de Glaris. Celui-ci, en 2010, est le premier a avoir accepté d'accorder ce droit aux jeunes à partir de 16 ans. Comme on peut le lire dans l’article de RTS paru le 28 juin 2010 “beaucoup de jeunes entrent dans la vie active à 16 ans. Ils pourront désormais aussi s'exprimer sur des sujets qui les concernent directement, comme l'école ou l'apprentissage”.

Retour et analyse de l'entretien

Nous avons interviewé Monsieur Jean-Pierre Audéoud, accompagné de sa femme Colette, le 4 décembre 2013. Cet homme, au parcours professionnel d'une grande richesse a oscillé entre le droit et l'éducation. En effet, après des études de droit à l'université de Genève, il a fait une école d'éducateurs au sud de la France (1958-1960). Diplôme en poche, il est revenu en Suisse où lui et sa femme, éducatrice également, ont repris la direction de Serix, une maison d'éducation à Oron-Palézieux. Ils y ont travaillé 10 ans (1963-1973). Ensuite, Monsieur Audéoud a officié en tant que président du Tribunal des mineurs du canton de Vaud et ce jusqu'en 1995, date officielle de sa retraite. Il s'est ensuite engagé auprès des personnes handicapées en tant que président bénévole de la fondation Espérance.

Le Tribunal des mineurs

M. Jean-Pierre Audéoud, nous a expliqué durant l' interview que son expérience dans le domaine du social lui a permis de mieux appréhender les tâches auprès du Tribunal des mineurs. L’engagement tout à fait remarquable de cet homme est mis en avant durant l’entretien:
“en choisissant le droit j’avais déjà une arrière pensée, je ne pensais pas être juriste dans un bureau ou faire avocat, quelque chose comme ça. C’est… c’était… alors c’est déjà une orientation si vous voulez, c’est-à-dire que je me suis déjà engagé en commençant le droit mais pas d’une manière précise, pas un moment « tac » voilà. Alors bon je sais pas si c’est à prendre en considération. Mais ça c’est affiné si vous voulez… non puis alors l’engagement véritable c’est quand je suis parti à Montpellier, c’est le choix de cette école d’éducateurs où je voulais compléter ma formation de juriste pour pouvoir à l’occasion revenir dans la juridiction des mineurs.”
Il faut souligner ici que le Tribunal des mineurs, cette instance pour laquelle a travaillé Monsieur Jean-Pierre Audéoud, tient une place importante dans le champ des droits de l'enfant. En outre le rôle du juge des mineurs est primordial, car c'est lui qui va s'occuper d'instruire la cause, prendre les décisions quand un délit est commis par un enfant et s'occuper de son exécution.
Une recherche menée à ce sujet nous a permis de voir qu'il existe plusieurs types de sanctions:

  • Les "peines prévues par le droit des mineurs :

réprimande ; prestation personnelle (travail d’intérêt général ou séance de sensibilisation) ; amende ; privation de liberté".

  • Les "mesures de protection prévues par le droit des mineurs :

surveillance (droit de regard et d'information sur la prise en charge éducative ou thérapeutique du mineur par ses parents) ; assistance personnelle (désignation d’une personne pour seconder les parents et assister le mineur) ; traitement ambulatoire (en cas de troubles psychiques, du développement de la personnalité, de toxicodépendance ou d’autre addiction) ; placement (si l’éducation et le traitement de l’état du mineur ne peuvent être assurés autrement)." <ref>http://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/themes/etat_droit/justice/fichiers_pdf/Penal_7_web.pdf</ref>

La page web officielle de la République et du canton de Genève, indique que "le Tribunal des mineurs est l’autorité pénale compétente pour poursuivre et juger les infractions commises par les mineurs âgés de dix à dix-huit ans au moment de l'acte. Il est également l'autorité d'exécution des peines et mesures prononcées, ces dernières pouvant durer jusqu'à l'âge de 22 ans." <ref>https://ge.ch/justice/tribunal-des-mineurs</ref>

Les droits de l'enfant à travers le prisme de l'éducation

Il est important de souligner qu'avant de rencontrer notre témoin, nous n'avions que peu d'informations sur son parcours professionnel et de vie. Nous nous sommes rendues compte en menant l'entretien qu'il n'était pas dans des revendications, dans une lutte en faveur des droits de l'enfant au sens strict. Mais il a, de part son métier d'éducateur et ses actions concrètes, participé à l'évolution d'une individualisation de l'enfant; son but étant de faire grandir, évoluer des jeunes pour qu'ils reprennent le droit chemin, tout en respectant leurs besoins. Ainsi, il se trouve un certain décalage entre nos chapitres précédents concernant les droits de l'enfant au sens strict et celui-ci qui traite d'aspects éducatifs à travers une expérience de vie. Néanmoins, nous avons pu faire différents liens entre cette expérience et les droits en tant que tels.

L'entretien avec M. et Mme Audéoud nous a permis de mettre en avant divers aspects reliés aux changements quant au travail d'éducateur durant la période des années 60-80. Ils ont, comme énoncé plus haut, travaillé durant 10 ans (1963-1973) en tant que couple-directeur à la colonie de Serix. Cette maison d'éducation pour jeunes délinquants accueillait à l'époque 40 jeunes enfants et adolescents (uniquement des garçons) placés soit par une instance civile, soit par le service de protection de la jeunesse, ou encore par le tribunal des mineurs. Durant ces 10 années, ils ont initié et participé à de nombreux changements concrets au sein de leur institution. Ces changements reflètent grandement l'évolution du regard porté sur l'enfant à l'époque. Avec la mise en place de cultes le dimanche où les gens des villages alentours se réunissaient au sein même de l'institution ou encore la création d'un jardin d'enfants pour les enfants du personnel, la création d'un parc de jeux par de jeunes scouts, il y a cette volonté d'ouvrir l'institution pour que d'une part les jeunes puissent avoir des contacts avec l'extérieur, mais également pour que les gens de l'extérieur puissent avoir un regard différent sur ce lieu et ses résidents. Les Audéoud vont encore plus loin en créant un foyer d'habitation dépendant de Serix, en intégrant des jeunes dans les écoles des alentours, en leur organisant des vacances ou la possibilité de rentrer dans leur famille le week-end. Cette ouverture vers l'extérieur était vraiment quelque chose de nouveau car durant des années Serix était un lieu très fermé ou rien de filtrait.

Un élément marquant constaté par le couple Audéoud à travers leurs années à Serix est l'évolution du statut d'éducateur. En effet, ils voient se créer des associations professionnelles comme "la conférence romande de directeurs d'institution" ou "l'association romande des éducateurs spécialisés". Se crée aussi durant cette période les syndicats, les conventions collectives. On aspire également à ce que les éducateurs soient mieux formés, soient soutenus dans leur métier. On voit par exemple apparaître des séances de trainings de groupe, des supervisions collectives et individuelles, ce qui était totalement nouveau pour l'époque. Ainsi, dans ces années apparaît une valorisation de cette profession ainsi qu' une prise en compte de la parole des éducateurs et de leurs besoins et souhaits. Il est vrai qu'avant, ces gens se consacraient entièrement à leur métier, jour et nuit; ils ne comptaient pas leurs heures. Ils remplaçaient, comme le dit monsieur Audéoud, la famille de ces jeunes avec tout ce que ça implique. On voit alors petit à petit se créer un structure autour de ce métier, on met en place des horaires, des salaires, etc. On est attentif à leurs revendications, comme par exemple dans le cas de Serix, le fait de pouvoir habiter à l'extérieur de la colonie. Fort est de constater qu'à cette période, il semble y avoir une vraie évolution dans la prise en compte de la personne et de ses besoins. Cette reconnaissance de la profession d'éducateurs a sûrement eu des impacts positifs sur la prise en charge des enfants. On peut finalement dire que l'évolution des mentalités va dans le même sens pour ces deux catégories de personnes.

Cet entretien a mis également en lumière l'évolution de la reconnaissance de l'enfant et de ses droits. En effet, les droits de l'enfant sont des droits de la personne avant tout. L'entretien a par exemple souligné l'importance de l'écoute de l'enfant et son droit à la parole. Ainsi, M. Audéoud nous a expliqué qu'au Tribunal des mineurs le président se doit d'écouter le mineur accusé et ses responsables légaux. D'ailleurs, le but du juge pour enfant selon notre témoin est de choisir la sanction appropriée au mineur particulier, éduquer ou punir : travaux d'intérêts généraux, amande ou encore le placement dans un établissement d'éducation. Il se mêle alors des aspects juridiques à des aspects éducatifs et l'on tente de déterminer ce qui est le mieux pour le jeune et non réellement selon le délit commis.
Il s'agit là d'un changement conséquent, car dans les années 60, M. Audéoud nous a fait part que dans son poste de directeur à Serix, les besoins des jeunes étaient définis par les adultes, qui décidaient pour les jeunes par rapport à ce qu'ils pensaient être bien pour eux, mais sans leur demander leur avis. On n'était pas encore dans une réelle prise en compte de la parole de l'enfant à l'époque. Une évolution sur le plan de l'individualisation de l'enfant et de la prise en compte de ses besoins est visible. En effet, aujourd'hui on entend plus l'enfant, on tente de connaître ce qu'il désire et on regarde si on peut y accommoder. Avant, l'enfant se devait de s'accommoder lui à ce qu'on lui imposait. De même, à Serix les colloques concernant les enfants se déroulaient sans l'intéressé et ses parents, mais seulement avec les éducateurs et autres professionnels entourant le jeune. Petit à petit, les éducateurs ont changé de manière de faire, en imposant moins de choses supposées pour le bien des enfants et adolescents. Dans cet ordre d'idée, on retrouve les points fondamentaux de la Constitution de 1989, du droit à la participation ainsi que la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. Donc, entre les années 60 et 80, le domaine de l'éducation a évolué dans la place attribuée au mineur dans les choix et sujets le concernant, l'écoute qu'on lui accorde et le droit de parole de celui-ci. De plus, les changements sont aussi visibles dans la prise en compte plus aboutie des besoins de l'enfant, notamment par l'expression de ses désirs et ressentis. Mme Audéoud souligne également le recours progressif à l'individualisation de la démarche envers le jeune dans le milieu éducatif de Serix. Ainsi les jeunes ne sont plus approchés collectivement et on tient davantage compte de leur individualité dans les démarches entreprises à leur égard.

Par rapport à la question des valeurs portées par ces deux personnes, on retrouve celles de donner une structure à l'enfant de manière attentionnée, de donner de l'affection à ces jeunes qui souvent en manquait, ainsi que de la reconnaissance. Valoriser l'enfant, le protéger, lui manifester de l'intérêt, mais aussi l'aider à développer ses capacités d'un point de vue cognitif, social et affectif, voilà ce en quoi croyait ce couple. Leurs convictions et ils l'évoquent eux-mêmes répondent toutes aux différents besoins que l'enfant a pour se développer harmonieusement. En cela, on retrouve les fondements de base des droits internationaux des enfants, car on y parle également de protection de l'enfant ainsi que la nécessité de permettre son développement harmonieux.

Finalement, il semblerait légitime de penser que la promotion des droits de l'enfant dans les années 60-80 sont en lien avec les changements dans le travail éducatif de nos témoins et l'évolution de leur regard sur l'enfant.

Conclusions

Les droits de l’enfant, comme nous les avons présenté, ont évolué au cours de décennies du XXème siècle. L’histoire de cette période nous témoigne de leur importance, de leur rôle prépondérant dans la vie d’un être humain. Ceci ne signifie pas que l’on n’a rien de plus à accomplir, bien au contraire. Les préoccupations quant aux conditions de vie des enfants dans le monde sont encore d'actualité au XXIème sciècle. L'enfant est une personne à part entière ce qui ne fait aucune doute et la complexité du concept des droits de la personne abordée dans notre article renvoie justement à la liberté, à l'intégrité, à la sûreté. Mais surtout qu’importe d'où l’on vient et ce qu’on fait, nous avons le droit à la vie.
Les femmes, les prisonniers, les patients, les personnes en situation de handicap, chaque individu a ce droit pour lequel certains se battent encore aujourd'hui.

L’enfance lie les individus qu’importe leur appartenance. Cette période de la vie qui nous est commune prend une dimension à part tout simplement parce que dans chaque enfant émerge l’avenir, notre avenir. Les adultes ont pour but de comprendre les enfants, de les respecter en tant que personnes et de protéger leurs droits.
Avec le temps, l'enfant a peu à peu existé comme personne à part entière. Il n'est plus seulement un "homme en devenir", mais bien un enfant avec ses particularités et besoins spécifiques. De plus, l'intérêt qu'on lui a porté a amené à une prise de conscience de l'importance de lui donner la parole, de respecter ses désirs, intérêts, ainsi que de ses besoins, comme lui les définit. On a ainsi vu à travers notre entretien que d'une définition des besoins de l'enfant par l'adulte durant les années 60 dans les milieux éducatifs en Suisse, on est passé vers une prise en compte plus réelle des besoins de l'enfant en s'adressent directement à celui-ci et en l'écoutant davantage. La protection de l'enfant est une notion importante dans la construction de ses droits.

Comme nous l'avons écrit auparavant, son droit à la vie est signifié dans les textes internationaux. De prime abord, le droit à la vie de tout être humain ainsi que le droit à être protégé nous paraît naturel, mais on voit que cela ne va pas de soi. La reconnaissance du droit et besoin de protection de l'enfant est essentielle, car il s'agit d'un être vulnérable et dépendant, soumis au bon vouloir des parents. Cette relation dominant-dominé, où l'un possède un certain pouvoir sur l'autre se retrouve dans bien d'autres populations. Ainsi, d'autres droits développés à partir du milieu du XXe siècle, comme le droits des femmes, des patients psychiatriques, des patients hospitaliers, des personnes en situation de handicap ou encore des prisonniers vont dans ce sens. Ce sont toutes des populations sous la domination d'autrui pour lesquelles des luttes se sont développées afin de faire valoir leurs droits, en particulier de parole, écoute, autodétermination, etc. La préoccupation de l'enfant va sans doute de paire avec la conscience de la société de cet enfant comme devenir de cette société. En effet, en désirant une société de bons citoyens, épanouis et travailleurs, il faut avant tout s'occuper des conditions et favoriser au mieux le développement harmonieux des enfants. On peut ainsi rapprocher cette volonté d'améliorer la société par le soucis de l'enfant avec l'apparition de l'obligation scolaire pour tous. L'instauration des droits de l'enfant va cependant plus loin, car elle touche à bien d'autres domaines que l'instruction.

Pour finir, on peut voir que ces droits reconnus internationalement doivent tout de même continué à être l'objet d'un travail constant, car entre la théorie et la pratique, il y a de grandes différences, même dans nos pays développés. Ainsi, il importe de faire connaître leurs droits aux enfants, de les faire respecter, notamment à travers des instances et sanctions juridiques à cet égard.

Bibliographie / Webographie

Notes et références

<references/>

Auteurs du chapitre

  • Claire Bourgeois Dubois-Ferriere
  • Katarzyna Milena Fratczak
  • Victoria Salomon