Droits des patients psychiatriques

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Introduction

Cet article s’inscrit dans le cadre général des droits de la personne et des droits des patient en psychiatrie en particulier. Il s'agit dans ce chapitre de mieux comprendre comment les revendications des droits des patients psychiatriques relèvent des droits de la personne et d'arriver à expliquer ce que cela recouvre concrètement dans le quotidien en termes de pratiques, mais aussi de désignation.

Le paysage psychiatrique, au fil des années, a été modifié par l’influence et l’interaction de différents mouvements sociaux et des changements de lois. Cette recherche est une opportunité qui nous permet d’élaborer une réflexion autour de ces interactions et de mieux comprendre l’évolution de la terminologie et l’utilisation des divers moyens thérapeutiques, la mise en place d’un cadre légal préservant les droits des patients psychiatriques et les apports amenés à la société. Il semble que la critique des classifications nosographiques (les DSM) qui existe depuis les années 20 – lesquelles classifications n'ont été qu'en augmentation (en 1990, 400 classifications) ont visé à la fois le pouvoir qui désigne, mais aussi peut-être plus fondamentalement une manière de "donner sens" à un individu porteur de signes définis essentiellement par les médecins psychiatres. L'alternative serait de considérer la personne, sa parole, sa propre perception, sa conception aussi de la santé (et donc de la folie) dans une remise en question de la relation soignant-soigné. C'est aussi évidemment une remise en question de rapport norme/déviance, mais aussi plus fondamentalement de cette réalité "faussement" ou "artificiellement" construite (symboliquement) par ceux qui détiennent le pouvoir de nommer. Ainsi la critique sociale et politique des année 60-80 se double d'une critique de l'épistémologie du sujet pour mettre à la place une relation plus égalitaire et un respect de la personne.

Nous avons commencé par une brève présentation sur la maladie mental et le courant de l’antipsychiatrie, présentation qui nous aide à nous faire une image de ce que représentait pour la société une personne qui manifestait une maladie mentale, un hôpital psychiatrique et surtout ce qui voulait dire pour une personne d'être quelqu’un avec un trouble psychique au début du XXème siècle. La deuxième partie de l’article nous amène dans "la réalité des patients psychiatriques" contemporaine et nous découvrons les changements des lois et des droits pour ces patients. Pour pointer notre recherche, nous avons effectué un entretien avec M. Alain Riesen, militant de l’antipsychiatrie à Genève, entretien qui nous a permis de voir plus en détail et plus concrètement l’évolution des droits des patients en psychiatrie. Peut-être que cette évolution continuera dans ce vaste domaine, mais il faut souligner le fait que jusqu’au maintenant toutes les personnes qui présentent des troubles psychiques ont le droit aux meilleurs services médicaux et qu'aucune discrimination n’est admise, donc la santé est un segment d’insertion sociale qui place le patient dans la dimension d'être un citoyen.

Historique

Historique de la maladie mentale

Toute société se trouve confronté à des personnes qui sortent du fonctionnement ordinaire, qui ne vivent pas selon les normes en vigueur, allant jusqu'à perturber l’équilibre d'un groupe social (famille, classe, atelier, entreprise, institution, etc.).

En traversant les âges et les cultures, la maladie mentale a connu les définitions et les explications les plus variées. En effet, « puisque la folie plonge ses racines aux sources de la culture, être fous est différent selon le pays ou la région dont on est originaire » <ref> Lesage De La Haye, J. (2010). La morte de l'asile. Histoire de l'antipsychiatrie. Paris: Editions Libertaires,(p.13) </ref>.

En ce qui concerne l’Europe, Lesage De La Haye met en évidence comment à partir de l’Antiquité on s’est occupé du problème des personnes déviantes en les bannissant et en les excluant de la société. Durant le Moyen Âge, en particulier en France, l’exclusion de la société se faisait par exemple en mettant les personnes qui dérangeaient sur une barque et en les abandonnant sur une rivière. Au tour de l’année 1000, de l’exclusion et du bannissement en dehors des villes, il y a la mise en place d’un premier système d’enfermement. Dans les maladreries et les hostelleries (préludes des hôpitaux généraux), on commence à enfermer les malades mentaux avec tout sortes des personnes "marginales". La promiscuité, l'insalubrité, la surpopulation, ainsi que les maladies transformaient ces lieux en lieux d’extermination.

La religion avait une très grande influence durant toute cette période. La maladie mentale était interprétée comme la punition de Dieu en réponse à un péché. Le personne déviante était donc aussi enfermée pour protéger la société et pour qu’elle puisse faire amende honorable. Progressivement, mais surtout pendant le XIX, le pouvoir sur la maladie mentale passe entre les mains des médecins. En effet, ces derniers, écrit Lesage de la Haye « […] vont devenir les responsables du traitement des malades mentaux et mêmes les directeurs des asiles d’aliénés »<ref>Lesage De La Haye, J. (2010). La morte de l'asile. Histoire de l'antipsychiatrie. Paris: Editions Libertaires,(p.22)</ref>

L’intérêt pour les problèmes liés à la santé mentale surgit dans les années d’après-guerre à cause d’une forte augmentation des cas pris en charge. À partir des années 1970, sur la voie des protestations anticonformistes de Mai 1968 et sous l’influence et la pression des familles, on commence à dénoncer les conditions précaires des malades mentaux.

Mouvement de l'antipsychiatrie

Pendant les années 1960 apparaissait un nouveau courant qui a explosé dans plusieurs pays, l'Antipsychiatrie, qui prend le contre-pied de la psychiatrie. La critique vise à remettre en question non seulement la psychiatrie et la prise en charge des malades mentaux, mais aussi la société au sens large. Ce mouvement qui s'exprime sous différentes formes dans plusieurs pays, offre une nouvelle conception de la liberté aux patients psychiatriques en leur donnant la voix et le pouvoir de choisir leur parcours de soins, condamne la société capitaliste qui rejet tout individu non rentable et qui ne se conforme pas au règles de fonctionnement de la société. Les prisons et les hôpitaux psychiatriques sont l'expression de la mise à l'écart de toute personne qui affiche une différence trop importante face à la norme. Ce courant de pensé est très révolutionnaire et prône la liberté des individus.<ref>Lesage De La Haye, J. (2010). La morte de l'asile. Histoire de l'antipsychiatrie. Paris: Editions Libertaires</ref>

Selon, Lesage de la Haye, l'antipsychiatrie n'est pas un courant de pensée, c'est un vaste mouvement qui ne trouve pas une véritable unité concernant les théories et les pratiques des différents représentant.

Le terme «Antipsychiatrie» est utilisée pour la première fois par Cooper David Cooper en 1967 dans son ouvrage «Psychiatrie et antipsychiatrie»<ref>Cooper, D. (1970). Psychiatry et anti-Psychiatry. Paris: Edition du Seuil.</ref> et à travers ses expériences dans le "pavillon 21" à Kingsley Hall (Londres), il s'oppose au système hiérarchique et aliénant qui conduit à l’internement des personnes et en les rendant des malades chroniques. Ainsi, il propose d'étudier la personne dans son contexte de vie, en relativisant le diagnostic et l'étiquetage. Il est suivi par d’autres militants de ce courant idéologique, notamment par Aaron Esterson et Ronald David Laing. Tous les trois travaillent en Grande-Bretagne et offrent une réponse plus sociale et communautaire en s'opposant à la psychiatrie ordinaire, au diagnostic, à la pratique et à la politique en vigueur.<ref>Cooper, D. (1970). Psychiatry et anti-Psychiatry. Paris: Edition du Seuil</ref> Un exemple intéressant est le livre qui raconte le parcours d’une patiente, Mary Barnes, qui avait suivi une thérapie à Kingsley Hall avec le psychiatre Joseph Berke et sous la direction de Ronald David Laing. Le livre « Un voyage à travers la folie »<ref>Barnes, M.(1976). Un voyage à travers la folie. Paris: Editions du Seuil</ref>, écrit en 1976 par Mary Barnes avec la collaboration de Joseph Berke est un exemple du passage à travers la folie qui donne un point de vue différent: il valorise la personne et ses droits en tant que patient, l’importance de l'autodétermination personnelle et de l’intégration sociale. Le professionnel est vu comme témoin dans le parcours du patient. Il représente aussi un soutient au mouvement de l'antipsychiatrie.<ref>Barnes, M.(1976). Un voyage à travers la folie. Paris: Editions du Seuil. </ref>

Parallèlement, aux Etats-Unis, Erving Goffman publie en 1961 un ouvrage qui influencera aussi le courant de l'antipsychiatrie "Asiles, études sur la condition des malades mentales". L’auteur commence par donner une définition des « institutions totalitaires » qui se caractérisent par le niveau d’exclusion et de contrôle dans lequel se trouve le reclus. La vie dans de ce genre d’institution est décrite en négatif par comparaison avec le déroulement de la vie à l’extérieur. Une fois admis au sein de l'institution l'individu est mis sous tutelle et perd tous les droits dont il jouissait en tant que membre de la société et se trouve sous l'emprise du pouvoir du médecin <ref>Goffman, E. (1975). Stigmates. Les usages sociaux des handicaps. Paris: Les Editions de Minuit. </ref>. En 1963, avec son livre «Stigmate". Les usages sociaux des handicaps»<ref> Goffman, E. (1975). Stigmates. Les usages sociaux des handicaps. Paris: Les Editions de Minuit. </ref>, il continue à exprimer ses idées, selon lesquelles d'une manière indirecte, influenceront les droits de l’homme. Goffman donne une définition plus élargie du stigmate en mettant en évidence un ensemble des concepts sur «l'image social» des individus et ce qu'ils peuvent transmettre d'eux-mêmes aux autres en situations de confrontation.<ref>Goffman, E. (1975). Stigmates. Les usages sociaux des handicaps. Paris: Les Editions de Minuit. </ref> Aux Etats Unis, Thomas Szas, professeur en psychiatrie, ne préconisait pas les mêmes solutions. Szasz défend vivement les droits des malades mentaux et fait une double critique à la psychiatrie: la maladie mental n’est pas une vrais maladie, mais une justification légitimant, avec l’appui de médecins et des avocats, l’intervention du pouvoir pour protéger les gens contre eux mêmes. La psychiatrie est ainsi utilisée comme un outil de contrôle social à grande échelle, au nom du bien-être des « normaux ». Szasz décrit et dénonce dans son célèbre livre "Le mythe de la maladie mentale"<ref>Szasz, T. (1975). Le mythe de la maladie mentale. Paris: Payot.</ref>, paru en 1961, l’utilisation de la psychiatrie comme moyen du contrôle social, d'esclavage déguisé en thérapie.

En Italie, dans la même période, le mouvement trouve un autre représentant. Franco Basaglia, mène au niveau politique une lutte dans laquelle il revendique à haut voix les droits des patients ainsi que la fermeture des asiles (L'auteur de "L'institution en négation"<ref>Basaglia, F. (1970). L'institution en négation. Paris: Edition du Seuil. </ref>) - Basaglia critique l'enferment des malades mentaux comme n'étant pas une solution)<ref>Lesage De La Haye, J. (2010). La morte de l'asile. Histoire de l'antipsychiatrie. Paris: Editions Libertaires</ref>. Finalement la solution arrive en 1978, avec la Loi-180. La création de nombreux lieux alternatif, tels que de centres de jour, des foyer et d'autres formes innovatrices, ainsi qu'une participation nationale des syndicats, la partie communiste et le monde du travail, ont permis aux malades mentaux de réintégrer la vie en société.<ref> Lesage De La Haye, J. (2010). La morte de l'asile. Histoire de l'antipsychiatrie. Paris: Editions Libertaires </ref>. À noter, malgré ça, il y a des différences très importantes entre les régions les plus développées et d'autres régions italiennes. Cela a influencé la réintégration des patients psychiatriques.<ref>Basaglia, F. (1970). L'institution en négation. Paris: Edition du Seuil</ref><ref>Le sage De La Haye, J. (2010). La morte de l'asile. Histoire de l'antipsychiatrie. Paris: Editions Libertaires</ref>

En ce qui concerne la France, plusieurs représentants ont pris parti au mouvement de l’antipsychiatrie. On y retrouve Roger Gentis, Félix Guattari, Robert Castel, ainsi que Michel Foucault.<ref>Le sage De La Haye, J. (2010). La morte de l'asile. Histoire de l'antipsychiatrie. Paris: Editions Libertaires</ref>. Ce dernier, tout en étant en retrait par rapport aux autres praticiens, il offre dans son ouvrage « Histoire de la folie à l’âge classique », une représentation de comment la notion de folie, d’aliénation, de maladie mentale sont en relation très étroite avec le contexte. À travers une lecture historique de la folie, l’auteur met en évidence l’influence des normes, des valeurs et des croyances en rapport aux explications des causes de celle-ci. Le rôle social du « fou » dépend également de la vision que la société a sur la folie.<ref>Foucault, M. (1972/2013). Histoire de la folie à l’âge classique. Paris : Gallimard</ref>. Déjà en 1954, dans l'ouvrage « Maladie mentale et psychologie », Foucault met en évidence le fait que en Occident la folie a acquis le statut de maladie mentale très récemment, en devenant ainsi objet d’étude de la part de la psychiatrie. Les explications que l’on donnait auparavant à ce type de phénomène étaient du domaine de la magie et de la religion. Le contexte influence le regard que l’on pose sur une problématique.<ref>Foucault, M. (1954/2011). Maladie mentale et psychologie. Paris : PUF</ref>

Au niveau général, le mouvement essaye de se centrer dans l'application d'une thérapie dans le contexte du sujet (soit familial ou communautaire) et non pas dans le contexte clinique. Les trois thèses de l’antipsychiatrie (antinosographique, anti-institutionnelle, anti-thérapeutique) se manifestent comme une prise de conscience collective. La thèse antinosographique conteste l’appartenance des troubles psychiques au concept de maladie et la nécessité à n’importe quel type d’assistance psychiatrique et soutien que la classification des maladies mentales et le diagnostic donné constituent une forme d’étiqueter et de stigmatiser une personne. La thèse anti-thérapeutique est une réaction contre les mesures dures des traitements appliques aux malades psychiques (l’électrochoc, la médicamentation abusive et obligatoire, la privation de liberté) et encourage le traitement sans médicamentation, basé sur une communauté thérapeutique. La thèse anti-institutionnelle condamne les institutions en les nommant totalitaires car tout est enfermé, contrôle et obligatoire et propose de modifier la relation entre les psychiatres et les patients. Le mouvement de l’antipsychiatrie a contribué pour : la sensibilisation des autorités et l’opinion publique, le fait de non-être stigmatise pour les personnes avec de trouble psychique, l’influence et l’aide de mouvement pour les droits des patients, la reformation du système par l’introduction des lois qui ont comme but de protéger les droits et d’améliorer les conditions d’assistance psychiatrique.

Réalité des patients psychiatriques

Lois sur la psychiatrie

Le mouvement antipsychiatrique, comme mentionné au paravent, a été le premier à se battre pour la fermeture des asiles en s’opposant à la psychiatrie traditionnelle avec des idées, des interprétations de la maladie mentale et surtout des actions subversives. Au niveau législatif, cela s'est traduit par la Loi 180, qui a été la première et seule loi qui ordonne la fermeture des hôpitaux psychiatriques en Italie. Approuvé grâce au soutien de Franco Basaglia le 13 mai 1978 (elle est parfois appelée "loi Basaglia"), elle règle tous contrôles et traitements sanitaires volontaires et obligatoires pour des personnes avec une maladie mentale. Elle se base sur des principes tels que le respect de la dignité de la personne, des ses droits civils et politiques. Le droit de choisir librement son médecin et son lieu soin, ou encore le droit de communiquer avec qui ils désirent. Tous les traitements doivent être assurer par consensus et la participation de la personne. La "loi Basaglia" vise aussi à une "réforme sémiotique" des termes utilisés pour définir les patients psychiatriques. Elle supprime tout définition dans le code pénal comme "aliéné mental" ou "infirme mental". Il s’agit d’une loi qui agit sur plusieurs niveaux, que ça soit sur les droits de la personne, sur les institutions soignantes ou encore à niveau pénal. Elle représente une réforme sociale et politique.<ref>http://www.salute.gov.it/imgs/C_17_normativa_888_allegato.pdf</ref>

Droits des patients psychiatriques

Les droits des patients psychiatriques s'inscrivent dans les droits des patients en général, avec quelques différences qui est propre à cette population. Comme nous le verrons dans ce sous-chapitre, la nature de la maladie mentale peut impliquer des limitations au niveau juridique dans l’exercice de certains droits.

Les préoccupations concernant la protections des droits des patients psychiatriques est un fait relativement récent qui débute dans les années 1960 et qui prend plus d'ampleur dans les années 1970 au niveau national ainsi qu'international. Dans plusieurs pays on assiste à des modifications législatives, mais les questionnements concernant le traitement des maladies mentales s'opère aussi au niveau des droits internationales et de la liberté de la personne. <ref>Gendreau,C. (2005). Le droit du patient psychiatrique de consentir à un traitement : élaboration d'une norme internationale. Montréal: Les Editions Thémis </ref>

En 1978, des personnes qui avaient connu l’expérience de l’institution psychiatrique s’adressent au réseau international d’alternative à la psychiatrie, qui avait organisé une rencontre à Genève, dans le but de créer un organisme capable de défendre les droits des usagers de la psychiatrie. Cette démarche s’inscrit dans un processus de médiatisation qui, depuis les années 1976-1977, avait porté au grand jour le fonctionnement du système psychiatrique genevois et les internements qualifiés comme abusifs.<ref>Desmonts, M. (1982). Torture psychiatrique à Genève. Lausanne : Editions d’en bas </ref>

C'est ainsi que, en 1979 à Genève, des personnes tels que médecins, psychiatres, psychologues, assistants sociaux, juristes et usagers de la psychiatrie fondent l’ADUPSY, l’association pour les droits des usagers de la psychiatrie. Une association dont le but est de lutter contre toutes discriminations en défendant les droits démocratiques fondamentaux des personnes psychiatriques.<ref>* http://www.rolfhimmelberger.ch/wp-content/uploads/2012/03/Adupsy-face-a-Revision-Loi-pers-atteintes-aff-mentales_1936_79.09.pdf</ref>

Face à la révision de la Loi sur le régime des personnes atteintes d’affections mentales du 1936, ils lancent des propositions qui viseront à combler les lacunes pratiques dont cette loi n’a pas su changer dans la pratique quotidienne de la prise en charge et de la reconnaissance de la personne psychiatrique. Comme par exemple recourir à l’internement lorsqu’il est réellement nécessaire, tandis qu’il s’agit encore d’une pratique naturelle, ordinaire à laquelle on recourt presque toujours, ou l’impossibilité du malade à faire recours lors de son internement ou au moment de la sortie, ou encore l’action faite par le Conseil de surveillance psychiatrique qui protège la société du malade mental en le stigmatisant encore plus ou lieu de protéger ce dernier. Ce sont tous des exemples de comment la loi ne s’est pas traduite en pratique selon ses principes.

L'Adupsy lance ses propositions en essayant de modifier la réalité psychiatrique. Elle revendique la suppression totales des internements visant une modification de toutes pratiques psychiatriques. Elle croit dans une nouvelle législation qui tiendrait en compte des modifications du Code Civile Suisse, des recommandations de l’Assemblée parlementaire du Conseil d’Europe inhérent la situation des malades mentaux et des recommandations de l’OMS. Leurs propositions visent trois aspects principaux liés aux droits de la personne : l’admission, le droit de recours et les droits liés au traitement et à la participation à la recherche clinique.<ref>* http://www.rolfhimmelberger.ch/wp-content/uploads/2012/03/Adupsy-face-a-Revision-Loi-pers-atteintes-aff-mentales_1936_79.09.pdf</ref>

Il faut supprimer l’internement, l’admission doit être volontaire du début la fin du traitement, dans le sens que toute prise en charge ou action thérapeutique ne peut pas être efficace si le patient n’est pas d’accord. Le libre arbitre, le droit de choix ou de refus, une participation active sont des aspects nécessaires lors qu’on vise une prise en charge efficace, dans le respect de la personne.

Le droit de recours doit être une instance judiciaire. Dans ce sens là le Conseil de surveillance psychiatrique doit être remplacé par la Chambre de révision psychiatrique. La personne psychiatrique ne devrait plus être stigmatisée au tant que malade, elle n’est pas dangereuse et donc la société ne doit pas être protégée par ce dernier.<ref>* http://www.rolfhimmelberger.ch/wp-content/uploads/2012/03/Adupsy-face-a-Revision-Loi-pers-atteintes-aff-mentales_1936_79.09.pdf</ref>

Le troisième objectif concernant les droits liés au traitement et à la participation à la recherche médicale implique l’abolition de tout traitement médical sans le consensus du patient, il faut présenter au patient les implications du traitement, les alternatives et s’il veut il peut consulter un autre médecin de son choix. Ces trois aspects visent, comme écrit au paravent, une modification des conditions de prise en charge, des droits des patients en tant que personnes et du tout le système psychiatrique<ref>* http://www.rolfhimmelberger.ch/wp-content/uploads/2012/03/Adupsy-face-a-Revision-Loi-pers-atteintes-aff-mentales_1936_79.09.pdf</ref>.

La période comprise entre les années ’60 et ’80 est témoin d’une grand révolution vis à vis des droits des patients psychiatriques. Même si elle reste une révolution idéologique, car tous principes, toutes actions ne sont pas traduites en pratique pour l’instant, elle représente le précurseur pour un nouvelle réalité où on envisage une meilleure considération des droits de la personne au tant que tel et pas en tant que malade mentale, où on reconsidère la pratique psychiatrie à fin d’améliorer la prise en charge et les réponses aux besoins de ces personnes… À modifier, continuer….

La loi K 1 25 de 1979

Suite à deux cas d’internement qui avaient touché profondément l’opinion publique genevoise, ainsi que grâce aux mouvements militant pour une remise en question des traitements des patients psychiatriques, deux projet de révision ont été proposés au Grand Conseil concernant la loi du 14 mars 1936 sur le régime des personnes atteintes d’affection mentale. Selon la commission parlementaire la difficulté majeure est liée au fait qu’il faut renforcer les droits des malades mentaux tout en continuant de protéger le reste de la population de ces personnes. Un difficulté supplémentaire été due à la récente ratification (1974) de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) qui interdisait toute forme d’internement administratif sans recours judiciaire. La loi du 1979 apporte des changements sur plusieurs niveaux. Tout d’abord l’application de la loi se limite aux personnes atteinte de maladie mentale dont l’état nécessite une prise en charge en hôpital psychiatrique. Avant la révision, la loi s’appliquait à toute personne atteinte de maladie mentale qui aurait pu compromettre la sécurité et la tranquillité publique, ainsi que leur propre sécurité. Deuxièmement elle impose aux établissements privé et publique un régime de surveillance des registres des entrées et de sorties. En outre cette loi renforce les droits des patients psychiatriques. Le patient acquiert l’accès à son dossier médical et ce dernier et sa famille doivent être informés de tous les droits dont ils disposent. De plus, la loi fixe les conditions d’admission des malades mentaux en faisant la distinction entre admission volontaire et involontaire. L’admission volontaire nécessite un certificat médical qui justifie l’admission du patient en raison de son état mentale. Etant donné que l’admission involontaire comporte une atteinte à la liberté de l’individu, elle peut être demandé seulement si ces trois conditions sont réunies :

  • « Le malade présente des troubles mentaux
  • Son état constitue un danger grave pour lui-même ou pour autrui
  • Un traitement et des soins dans un établissement psychiatrique s’avèrent nécessaires. » (p.8)

Un examen ultérieur concernant les symptômes du malade, les motifs de l’hospitalisation et le dégrée d’urgence de la situation est nécessaire afin de confirmer ou annuler l’hospitalisation.<ref>Guillod, O., & Hänni, C. (2001). Les droits des personnes en psychiatrie. Les cahiers de l’action sociale et de la santé, 15</ref>

La capacité de discernement

Le discernement est définit dans l’article 16 du code civil et implique la capacité de pouvoir agir de façon raisonnable. On estime capable de discernement toute personne qui agit en connaissance de cause. Le code civil prévoit certaines situations dans lesquelles cette capacité peut être limitée dans l’intérêt de la personne concernée, notamment dans le cas de « maladie mentale » et de « faiblesse d’esprit ». La reconnaissance de cette capacité est la condition indispensable sans laquelle l’individu n’est pas en mesure d’exercer ses droits personnels. L’évaluation de la capacité de discernement se prête à controverse, notamment entre psychiatre et juriste, car il est impossible de poser un jugement objectif. Ceci est encore de nos jours source de malentendus et il semble très difficile qu’une réforme juridique puisse parvenir à éclaircir cette situation compliquée. Afin de limiter l’imposition d’une étiquette trop lourde, l’évaluation de la capacité de discernement s’opère toujours en relation à une situation précise. Une réévaluation s’impose donc face à toute nouvelle situation.<ref>Guillod, O., & Hänni, C. (2001). Les droits des personnes en psychiatrie. Les cahiers de l’action sociale et de la santé, 15</ref>

Privation de liberté à des fins d’assistance

En 1978, le Parlement fédéral a modifié le Code civil suisse en matière de privation de liberté à des fins d’assistance afin de rendre compatible le droit suisse avec la Convention européenne des droits de l’homme (ratifiée par la Suisse en 1974). Les causes permettant la privation de la liberté d’un individu prévues dans l’article 397a CC sont :

  • La maladie mentale
  • La faiblesse d’esprit
  • La toxicomanie
  • Le grave état d’abandon

Afin de limiter les abus, cette première condition doit s’accompagner de deux autres conditions. La privation de liberté est la seul solution possible afin d’assurer l’assistance nécessaire à la personne. Tous les autres possibles prises en charges (traitement ambulatoire, assistance de l’entourage,…) doivent être considérées comme des solutions inefficaces. En outre, la prise en charge doit être assurée par un établissement apte à fournir les prestations spécifiques dont l’individu a besoin.

Le droit fédéral impose des garanties minimales dans le but de protéger la personne privée de liberté à des fins d’assistance. Parmi les droit dont dispose l’individu on trouve :

  • Le droit à l’information concernant le pourquoi de sa privation de liberté
  • La demande de libération. Cette demande peut être également formulée par les proches.
  • Le droit à l’assistance juridique
  • Le droit d’être inétendue devant le juge
  • … <ref>Guillod, O., & Hänni, C. (2001). Les droits des personnes en psychiatrie. Les cahiers de l’action sociale et de la santé, 15</ref>

La déclaration de Hawaï 1977

En 1977, L’association mondiale des psychiatres rédige une charte éthique concernant les pratiques, ainsi que les buts de la psychiatrie. Parmi les recommandations que l’on prône, on y trouve que le rapport entre le psychiatre et le patient doit être basé sur la confiance et le respect. Le psychiatre es au service du patient et ce dernier doit être considéré comme un partenaire. Le soignant doit privilégier les interventions thérapeutiques qui limitent le moins possibles la liberté du patient. Dans le cas d’incapacité de discernement, toute action thérapeutique doit être discuté avec la famille ou avec un représentant légal. Ce disposition vise le respect de la dignité humaine et les droits fondamentaux de l’homme.<ref>http://www.codex.vr.se/texts/hawaii.html</ref>

Méthodologie

Les méthodes d'entretien se distinguent par la mise en oeuvre des processus fondamentaux de communication et d'interaction humaine. Ces processus permettent au chercheur de retirer de ses entretien des informations et éléments de réflexion riches en nuances. Nous avons utilisé la variante entretien centré, avec une petite liste de questions-guides ouvertes afin que l'interviewé puisse parler ouvertement d'un événement ou d'une expérience précise à laquelle il a participé. En ce cas Alain Riesen, militant de l’antipsychiatrie à Genève.

L'entretien: la lutte contre les abus de la psychiatrie

Questions pour l'entretien

Entretien avec M. Alain Riesen

Retour sur l'entretien

L’entretien avec M. Riesen nous a permis de prendre conscience de la réalité genevoise et internationale concernant les droits des usagers de la psychiatrie. Entre les année 1960-1980. En effet, il a participé en tant que militant à un moment de critique et changement très fort du fonctionnement de la prise en charge des patients psychiatriques. Ce changement s’inscrit dans un processus dynamique et globale de contestation des pouvoirs institutionnels qui a commencé avec mai 1968.

Son engagement débute après avoir terminé sa formation en ergothérapie, lors de ses stages à Belle-Idée il contribue à créer le CAS (Comité d’Action de Santé). Une année après il s’engage en psychiatrie institutionnelle et c’est là que la question qu’il s’interroge concernant les droits des usagers de la psychiatrie. Les conditions de vie des patients, l’internement non volontaire, la question de la sortie, les traitements imposés et la contention physique l’ont poussé à se questionner sur le fonctionnement de l’hôpital psychiatrique. En outre, la création du réseau d’alternative à la psychiatrie (dont M. Riesen faisait partie) permet la confrontation de plusieurs expériences provenant de différents pays. La variété des approches et des idées avait un point commun : la collaboration entre patients et professionnels de la psychiatrie visant une autre manière de pratiquer le soin. L’engagement plus spécifique dans la lutte pour les droits des patients se met en place lors des évènements concrets qui ont mis à la lumière l’ « arme psychiatrique » dans la ville de Genève, en particulier lors d’une tentative d’internement échouée d’une commerçante. Ces faits ont été très fortement médiatisés et l’opinion publique a commencé à s’intéresser à la problématique de la psychiatrie et le respect de la personne. Lors d’une dernière réunion du réseau d’alternative à la psychiatrie, sur demande d’un groupe de patients, on assiste à la création de l’ADUPSY. Cette association a été le fruit d’une alliance entre professionnels, avocats et patients et elle s’occupe de recueillir les demandes, les plaintes et les critiques des patients.

Suite à un nouveau drame, (la mort d’une patiente due à une cure de sommeils forcée), et sous le poids de l’opinion publique, des changements ont commencé à se produire à Genève : on commence à développer la sectorisation, on assiste à la naissance de groupes d’accompagnement et de soutien des patients psychiatriques, ainsi que de groupes autonomes de patients. Ce modifications ont été accompagné par des révisions au niveau juridique des droits des patients psychiatriques.

Au niveau des droits, M. Riesen met en évidence l’importance dominante de l’autodétermination de la personne, de la liberté, et de l’autonomie. L’idée sous-jacente a toujours été celle d’accompagner la personne dans un processus de vie qui puisse lui permettre de vivre aux mieux en améliorant constamment sa qualité de vie. M. Riesen nous fait remarque comme ces concepts d’autodétermination, d’autonomie et de liberté sont toujours à concevoir en interaction entre la personne, la société et le contexte.

En ce qui concerne la situation d’aujourd’hui, M. Riesen souligne que la lutte s’est un peu institutionnalisée et que le mouvement de contestation des formes traditionnelles de la psychiatrie est un peu diminué. Au niveau des régressions, on assiste à une stigmatisation, de la part des mouvements populistes et de l’extrême droite, des personnes qui sont handicapés psychiques et qui bénéficient de l’assistance. Le discours budgétaire se traduit aussi par rapport aux diminutions des subventions aux hôpitaux psychiatriques. De plus, au niveau de la population, il y moins de tolérance, moins d’acceptation des personnes ayant des troubles psychiques. Ceci est dû aussi à des évènements récents qui font resurgir le discours sécuritaire de protection de la population.

Conclusion et discussion

La période des années ’60-’80 constitue une époque de grands changements. Elle a été témoin d’une révolution idéologique, politiques, législative. Il s’agit principalement d’un mouvement général de contestation du pouvoir et des normes institutionnelles. Le mouvement de l’antipsychiatrie avant et du réseau d’alternative à la psychiatrie après, contribuent fortement à la lutte et aux débats contre l’institution totalitaire (Goffman), la violence institutionnelle. Spécifiquement au territoire de Genève, l’association de l’ADUPSY a contribué de façon important à tous ces changements. La cohésion entre les professionnels et les patients permet une action et une réflexion autour de la manière de pratiquer le soin, tout en considérant la question des droits des patients psychiatriques.

Avant les années ’60 les patients psychiatriques étaient, pour la plus parte, reclus, isolés, stigmatisés. La pratique du soin se faisait sous obligation, constriction où le pouvoir décisionnel était exclusivement dans les mains des médecins. Le patient n’avait aucune possibilité d’expression ou contestation, il subissait toute décision du corps médical, il était considéré comme une personne incurable, dangereuse, qui devait être hospitalisé à vie. Le patient vivait donc dans des conditions de vie précaires, où son identité était limité à une personne sans aucun droits.

Après les années ‘60 cette réalité voit un tournant important. Premièrement grâce au CAS, le Comité d’Action de Santé qui a mené une réflexion autour de la politique institutionnelle. Une politique de santé mentale se base sur l’institution, le dispositif institutionnel ; la théorie, la psychopathologie, dont dépend la manière de définir l’identité de la personne ; le corps des professionnels et la législation. Il y a eu une prise de conscience par rapport à la manière de considérer l’autre, on commence à se soucier des conditions de vie de ses personnes, on arrive à une nécessité de changer l’institution, de changer les lois, et les pratiques. Petit à petit on enlève les barreaux dans le dispositif institutionnel, on considère les professionnels comme des soignant et non plus comme des gardiens, progressivement on élimine les traitements de choc. Toute la question sur les droits des patients se révèle, la pratique du soin, la prise en charge des patients, la considération, reconnaissance de la personne voient une évolution importante. L’ADUPSY, l’Association pour les droits des usagers de la psychiatrie, contribue aussi à cette grande évolution, pendant plusieurs années elle a mené un travail pour accueillir les plaintes, les demandes ou encore les critiques des patients à fin de modifier la réalité qui les concernaient.

Les conquêtes, comme mentionné au paravent, ont étaient multiples. Néanmoins la question des droits des patients psychiatriques est toujours d’actualité. L’hospitalisation non volontaire et le type de traitement, liés au pouvoir médical ont encore une très forte influence dans la société de nos jours.

Notes et références

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Bibliographie / Webographie