« Déscolarisation/décrochage scolaire: mythes, réalités, enjeux » : différence entre les versions

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La notion de « déscolarisation » est ainsi érigée en nouvelle catégorie de classement, regroupant sous une seule étiquette nominale un phénomène d'antan: à la fois celui des sorties du système scolaire avant la fin de la scolarité obligatoire et celui des élèves qui n'y sont jamais rentrés, bien qu'encore en âge de scolarisation obligatoire. Se pose dès lors la question de l'identification concrète du « déscolarisé ». En France, l'institution scolaire emploie un critère juridique pour la désigner puisque par là, elle regroupe les jeunes âgés de 6 à 16 ans qui ont interrompu la scolarité pour différentes raisons et ont donc contrevenu à la législation sur l'obligation scolaire. Mais comment résoudre la question des limites séparant la légalité de l'illégalité? Du point de vue juridique, la « déscolarisation » est considérée en regard d'une norme légale et l'un de ses indicateurs est l'absentéisme scolaire. Ce dernier phénomène, comme le précédent, soulève à son tour la question des frontières délimitant la norme en la matière puisqu'un jeune peut ne pas aller à l'école parce que les parents ont obtenu l'autorisation de l'instruire en famille ou, comme dans le cas des familles « du voyage », les démarches bureaucratiques contribuent parfois à la déscolarisation et/ou à la non-scolarisation des jeunes. La législation française prévoit donc qu'au-delà de quatre demie-journées non justifiées un signalement doit être opéré. Mais là encore, les études menées (dont une partie dans le cadre de l'appel d'offre) mettent en lumière l'hétérogénéité des pratiques institutionnelles de signalement. L'on observe donc que ce qui caractérise cette notion est qu'elle est mal identifiée – englobant dans une même catégorie nominale des situations diverses. Mais demeure la question de fond: pourquoi un si « récent » et soudain succès de cette notion?  À cette première interrogation j'ai essayé d'apporter une réponse dans la première partie de l'article consacrée à la revue de la littérature que j'ai employé à la fois pour les informations qu'elle m'a fourni et que j'ai aussi utilisé comme une des sources me permettant de restituer l'engouement autour de la thématique de la « déscolarisation » dont atteste une partie de la recherche en éducation menée en France depuis une dizaine d'années.
La notion de « déscolarisation » est ainsi érigée en nouvelle catégorie de classement, regroupant sous une seule étiquette nominale un phénomène d'antan: à la fois celui des sorties du système scolaire avant la fin de la scolarité obligatoire et celui des élèves qui n'y sont jamais rentrés, bien qu'encore en âge de scolarisation obligatoire. Se pose dès lors la question de l'identification concrète du « déscolarisé ». En France, l'institution scolaire emploie un critère juridique pour la désigner puisque par là, elle regroupe les jeunes âgés de 6 à 16 ans qui ont interrompu la scolarité pour différentes raisons et ont donc contrevenu à la législation sur l'obligation scolaire. Mais comment résoudre la question des limites séparant la légalité de l'illégalité? Du point de vue juridique, la « déscolarisation » est considérée en regard d'une norme légale et l'un de ses indicateurs est l'absentéisme scolaire. Ce dernier phénomène, comme le précédent, soulève à son tour la question des frontières délimitant la norme en la matière puisqu'un jeune peut ne pas aller à l'école parce que les parents ont obtenu l'autorisation de l'instruire en famille ou, comme dans le cas des familles « du voyage », les démarches bureaucratiques contribuent parfois à la déscolarisation et/ou à la non-scolarisation des jeunes. La législation française prévoit donc qu'au-delà de quatre demie-journées non justifiées un signalement doit être opéré. Mais là encore, les études menées (dont une partie dans le cadre de l'appel d'offre) mettent en lumière l'hétérogénéité des pratiques institutionnelles de signalement. L'on observe donc que ce qui caractérise cette notion est qu'elle est mal identifiée – englobant dans une même catégorie nominale des situations diverses. Mais demeure la question de fond: pourquoi un si « récent » et soudain succès de cette notion?  À cette première interrogation j'ai essayé d'apporter une réponse dans la première partie de l'article consacrée à la revue de la littérature que j'ai employé à la fois pour les informations qu'elle m'a fourni et que j'ai aussi utilisé comme une des sources me permettant de restituer l'engouement autour de la thématique de la « déscolarisation » dont atteste une partie de la recherche en éducation menée en France depuis une dizaine d'années.


La lecture de l'étude publiée par Philippe ARIÈS en 1983 sur les conditions de vie de l'enfant et sur l'éducation dans l'Europe médiévale et moderne, suggère que l'histoire de l'école est indissociable de l'évolution de trois concepts qui permet en outre de caractériser la naissance de la forme scolaire (METTRE LIEN HYPERTEXTE) jusqu'à nos jours: la '''discipline''', l''''éducation scolaire''' et l''''image sociale et culturelle de l'enfance et de l'adolescence'''. Comme toute notion, celles de discipline, d'éducation scolaire et d'image sociale et culturelle sont des constructions sociales. Par là j'entends qu'elles sont intimement liée à la genèse historique des sociétés humaines et que comme telles doivent être soumises à une analyser à la fois diachronique et synchronique. Cela permet d'en relativiser l'impact historique et de mettre en évidence les permanences et les changements des significations qu'elles peuvent revêtir au cours du temps. Loin d'attribuer à ces mots le caractère universel et immuable que l'emploi quotidien et le discours politique contribuent à naturaliser (i.e. en objectivent l'arbitraire de leur constitution), il n'est dès lors pas inutile de les prendre comme objet d'étude et les considérer comme un fait social – au sens que l'entendait DURKHEIM (1895). Cette déconstruction d'un phénomène historique d'objectivation amène à considérer à la fois la part de normativité que toute notion revêt et leurs répercussions sur l'organisation et le fonctionnement des sociétés. C'est ce que j'ai essayé de faire dans la deuxième partie de mon travail au travers de l'étude du Cycle d'Orientation (ci-après CO) de Genève (Suisse) depuis 1987 à l'égard de la trilogie suggérée par Ariès et des interrogations soulevées entourant la notion de « déscolarisation » et de « décrochage scolaire ».
La lecture de l'étude publiée par Philippe ARIÈS en 1983 sur les conditions de vie de l'enfant et sur l'éducation dans l'Europe médiévale et moderne, suggère que l'histoire de l'école est indissociable de l'évolution de trois concepts qui permet en outre de caractériser la naissance de la [[Forme scolaire | forme scolaire]] jusqu'à nos jours: la '''discipline''', l''''éducation scolaire''' et l''''image sociale et culturelle de l'enfance et de l'adolescence'''. Comme toute notion, celles de discipline, d'éducation scolaire et d'image sociale et culturelle sont des constructions sociales. Par là j'entends qu'elles sont intimement liée à la genèse historique des sociétés humaines et que comme telles doivent être soumises à une analyser à la fois diachronique et synchronique. Cela permet d'en relativiser l'impact historique et de mettre en évidence les permanences et les changements des significations qu'elles peuvent revêtir au cours du temps. Loin d'attribuer à ces mots le caractère universel et immuable que l'emploi quotidien et le discours politique contribuent à naturaliser (i.e. en objectivent l'arbitraire de leur constitution), il n'est dès lors pas inutile de les prendre comme objet d'étude et les considérer comme un fait social – au sens que l'entendait DURKHEIM (1895). Cette déconstruction d'un phénomène historique d'objectivation amène à considérer à la fois la part de normativité que toute notion revêt et leurs répercussions sur l'organisation et le fonctionnement des sociétés. C'est ce que j'ai essayé de faire dans la deuxième partie de mon travail au travers de l'étude du Cycle d'Orientation (ci-après CO) de Genève (Suisse) depuis 1987 à l'égard de la trilogie suggérée par Ariès et des interrogations soulevées entourant la notion de « déscolarisation » et de « décrochage scolaire ».


Après coup, ce qui rapproche les exemples locaux – toute proportion gardé – de la situation française et du canton de Genève ce ne sont pas tant les termes employés pour désigner la reconfiguration des réalités sociales à l'ère de la globalisation et les rythmes avec lesquels se manifestent ces transformations, que – comme voudrait le laisser entendre le titre de mon travail[[Notes|[1] ]] les problématiques sociales elles-mêmes et les « solutions » - provisoires ou non – qui leurs sont apportées.
Après coup, ce qui rapproche les exemples locaux – toute proportion gardé – de la situation française et du canton de Genève ce ne sont pas tant les termes employés pour désigner la reconfiguration des réalités sociales à l'ère de la globalisation et les rythmes avec lesquels se manifestent ces transformations, que – comme voudrait le laisser entendre le titre de mon travail[[Notes|[1] ]] les problématiques sociales elles-mêmes et les « solutions » - provisoires ou non – qui leurs sont apportées.

Version du 4 septembre 2007 à 01:05



INVENTER LA « DÉSCOLARISATION » / LE « DÉCROCHAGE SCOLAIRE » POUR CRÉER LA RESPONSABILITÉ. Hisotire d'une catégorie et d'une idée nouvelle juridico-administrative. 1987-2006


par


Omar Pagnamenta - mailto:pagname0@etu.unige.ch






« L'enfant déscolarisé »: un phénomène nouveau?

Le questionnement à la base du présent article m'a été inspiré par l'engouement relativement récent et soudain, observable en France depuis une dizaine d'années environ, autour d'un nouveau concept: la/le « déscolarisation/décrochage scolaire ». Ce concept a fait l'objet, en 1999, d'un rite d'institution puisqu'à cette date, conjointement, les Ministères s'occupant respectivement de l'éducation national, de la justice et de la socialité ont lancé l'Appel à projets sur les « processus de déscolarisarion ». Dès lors, la « déscolarisation »/le « décrochage scolaire » ont été intégré parmi les problématiques dont il est légitime de discuter, voir la nouvelle et seule manière pertinente de parler des problèmes de l'école (Glasman, 2004). Preuve en est le fait que depuis cette date, les publications, les colloques, les émissions, etc. sur le sujet ont connu en France une augmentation exponentielle (cf. Bibliographie). Paradoxalement, comme l'atteste l'Appel à projets – lancé par les Ministères – à cette réalité est désormais attribuée un statut qui dépasse l'enceinte scolaire; les interrogations autour et sur la déscolarisation et le décrochage scolaire ne semblent pas être initialement et principalement associées à des problématiques scolaires, mais bien plus traduire des inquiétudes reconductibles au souci historique du maintien de « l'ordre publique » (i.e. la discipline). En ce sens, nous assistons au prolongement des transformations du discours commun (i.e. de tous les jours) sur l'école contemporaine dont parlent Millet et Thin (2003) dans leur article consacré au Traitement institutionnel du « désordre scolaire » dans les dispositifs relais.

La notion de « déscolarisation » est ainsi érigée en nouvelle catégorie de classement, regroupant sous une seule étiquette nominale un phénomène d'antan: à la fois celui des sorties du système scolaire avant la fin de la scolarité obligatoire et celui des élèves qui n'y sont jamais rentrés, bien qu'encore en âge de scolarisation obligatoire. Se pose dès lors la question de l'identification concrète du « déscolarisé ». En France, l'institution scolaire emploie un critère juridique pour la désigner puisque par là, elle regroupe les jeunes âgés de 6 à 16 ans qui ont interrompu la scolarité pour différentes raisons et ont donc contrevenu à la législation sur l'obligation scolaire. Mais comment résoudre la question des limites séparant la légalité de l'illégalité? Du point de vue juridique, la « déscolarisation » est considérée en regard d'une norme légale et l'un de ses indicateurs est l'absentéisme scolaire. Ce dernier phénomène, comme le précédent, soulève à son tour la question des frontières délimitant la norme en la matière puisqu'un jeune peut ne pas aller à l'école parce que les parents ont obtenu l'autorisation de l'instruire en famille ou, comme dans le cas des familles « du voyage », les démarches bureaucratiques contribuent parfois à la déscolarisation et/ou à la non-scolarisation des jeunes. La législation française prévoit donc qu'au-delà de quatre demie-journées non justifiées un signalement doit être opéré. Mais là encore, les études menées (dont une partie dans le cadre de l'appel d'offre) mettent en lumière l'hétérogénéité des pratiques institutionnelles de signalement. L'on observe donc que ce qui caractérise cette notion est qu'elle est mal identifiée – englobant dans une même catégorie nominale des situations diverses. Mais demeure la question de fond: pourquoi un si « récent » et soudain succès de cette notion? À cette première interrogation j'ai essayé d'apporter une réponse dans la première partie de l'article consacrée à la revue de la littérature que j'ai employé à la fois pour les informations qu'elle m'a fourni et que j'ai aussi utilisé comme une des sources me permettant de restituer l'engouement autour de la thématique de la « déscolarisation » dont atteste une partie de la recherche en éducation menée en France depuis une dizaine d'années.

La lecture de l'étude publiée par Philippe ARIÈS en 1983 sur les conditions de vie de l'enfant et sur l'éducation dans l'Europe médiévale et moderne, suggère que l'histoire de l'école est indissociable de l'évolution de trois concepts qui permet en outre de caractériser la naissance de la forme scolaire jusqu'à nos jours: la discipline, l'éducation scolaire et l'image sociale et culturelle de l'enfance et de l'adolescence. Comme toute notion, celles de discipline, d'éducation scolaire et d'image sociale et culturelle sont des constructions sociales. Par là j'entends qu'elles sont intimement liée à la genèse historique des sociétés humaines et que comme telles doivent être soumises à une analyser à la fois diachronique et synchronique. Cela permet d'en relativiser l'impact historique et de mettre en évidence les permanences et les changements des significations qu'elles peuvent revêtir au cours du temps. Loin d'attribuer à ces mots le caractère universel et immuable que l'emploi quotidien et le discours politique contribuent à naturaliser (i.e. en objectivent l'arbitraire de leur constitution), il n'est dès lors pas inutile de les prendre comme objet d'étude et les considérer comme un fait social – au sens que l'entendait DURKHEIM (1895). Cette déconstruction d'un phénomène historique d'objectivation amène à considérer à la fois la part de normativité que toute notion revêt et leurs répercussions sur l'organisation et le fonctionnement des sociétés. C'est ce que j'ai essayé de faire dans la deuxième partie de mon travail au travers de l'étude du Cycle d'Orientation (ci-après CO) de Genève (Suisse) depuis 1987 à l'égard de la trilogie suggérée par Ariès et des interrogations soulevées entourant la notion de « déscolarisation » et de « décrochage scolaire ».

Après coup, ce qui rapproche les exemples locaux – toute proportion gardé – de la situation française et du canton de Genève ce ne sont pas tant les termes employés pour désigner la reconfiguration des réalités sociales à l'ère de la globalisation et les rythmes avec lesquels se manifestent ces transformations, que – comme voudrait le laisser entendre le titre de mon travail[1] les problématiques sociales elles-mêmes et les « solutions » - provisoires ou non – qui leurs sont apportées.

Méthodologie, types d'analyse et limites

Comme mentionné en introduction, dans la première partie je m'intéresse à comprendre les raisons du succès soudain et « récent » de la notion de « déscolarisation » en France et plus particulièrement dans le domaine de la recherche en éducation. Pour ce faire j'ai effectué une première recherche bibliographique au ravers de deux moteurs de recherche: celui du Réseau romand des bibliothèques publiques et celui spécialisé plus particulièrement dans l'indexation de documents en lien avec l'école (google scholar). Comme mots-clé j'ai employé ceux de « déscolarisation », « décrochage » et « décrochage scolaire », abandon scolaire, absentéisme, obligation scolaire, « démocratisation » et massification de l'école. Dans un deuxième temps, au fur-et-à-mesure que j'avançais dans les lectures, les références s'étendaient et la multiplicité la « déscolarisation » émergeait comme une notion décrivant des phénomènes et des pratiques descriptives multiples; je me suis alors imposé une définition minimale de ce que j'entends par « décsolarisation » afin de limiter le terrain de recherche et structurer mes pensées. À l'instar de la démarche proposé par Émile Durkheim dans Le suicide (1897), je me suis retrouvé en accord avec la définition proposée par Geay (2003, p.23) pour qui est considéré comme « déscolarisé »:

« [...] tout jeune qui interrompt ponctuellement ou durablement sa scolarité, dans la période de l'obligation légale, de façon volontaire ou involontaire, mais dont la situation découle ou constitue en elle-même une position jugée irrégulière par les institutions scolaire et judiciaire ».

Concernant cette première partie de l'analyse, la limite et la frustration majeure réside dans le fait de ne pas avoir pu approfondir l'impact du discours scientifique sur la redéfinition de la question sociale à l'ère de la globalisation et des changements que cela a engendré (i.e. réorganisation de la division du travail, redéfinition du temps, redéfinition des espaces de socialisation, amplification de l'insécurité sociale, etc.) dont la « décsolarisation » est une composante.

Dans la deuxième partie j'ai exploité les instruments conçus dans la première partie afin d'analyser la trilogie éducation discipline-éducation scolaire-image sociale et culturelle de l'adolescent à Genève depuis 1987. Cette date coïncide avec la publication du Projet Ferme-École au service du Cycle d'orientation de Genève rédigé par le groupe des conseillers sociaux du CO où il est question de mettre en oeuvre un dispositif externe pour accueillir les élèves en grande difficulté. Il est à mon sens l'une des sources attestant du changement de regard et de pratiques sur l'adolescence à Genève. Parallèlement j'ai analysé une partie du mémorial du Grand Conseil afin de mettre en lumière la vision du le champ politique sur le sujet, surtout le regard élaboré autour des jeunes qui, de part leurs attitudes, questionnent la socialisation scolaire. Enfin, j'ai dépouillé les annuaires statistiques de Genève depuis 1970 en guise de piste de réflexion complémentaire à la constitution du regard sur la jeunesse.

Les limites principales de cette partie résident dans le peu de temps que j'ai pu consacrer à la recherche d'archives d'une part, à l'impossibilité d'élaborer de longues série statistiques en raison des changements méthodologiques et de l'étendue de la production scientifique sur la situation genevoise, la plupart du temps émanant des instances officielles. De plus, contrairement ce que je m'étais proposé de faire, il ne m'a pas été possible d'associer au regard politique-institutionnel, celui des familles et de la vie de quartier.

Revue de la littérature

Les perspectives en Amérique du Nord: la rationalisation et la prévention des « conséquences » du « décrochage scolaire »

Après une première revue de la littérature, j'ai constaté que les thématiques de la « déscolarisation » et du « décrochage scolaire » étaient déjà abordées dans les pays anglo-saxons depuis le début des années 1960. Pour l'essentiel ces recherches s'intéressaient à définir et développer des modèles théoriques permettant d'expliquer les processus qui amenaient un certain nombre d'individu à quitter – to dropout – les institutions d'enseignement supérieur[2] . Ces études se sont poursuivies au cours des années 1970 et la population concernée a progressivement été élargie aux adolescents. Michel Janosz, nous en fournit une synthèse dans L'abandon scolaire chez les adolescents: perspective Nord-Américaine, article qui a été publié dans la revue française Ville-École-Intégration à titre de contribution internationale pour le dossier exclusivement consacré au « décrochage scolaire » (VEI, n°122, 2000). Outre l'important apport informationnel, Janosz livre une piste de réflexion permettant d'éclaircir dans les grandes lignes pourquoi l'abandon scolaire précoce et la non-scolarisation ont progressivement émergé sur le devant de la scène publique:

« L'absence de diplôme ou de formation spécialisée n'entravait pas [au cours de la première moitié du XXe siècle] la capacité des individus à s'intégrer à la société adulte. La vision du décrochage comme un problème social ou individuel est fortement influencée par les contextes sociaux, économiques, industriels et politiques qui prévalent à une époque donnée. L'engorgement progressif du marché de l'emploi pour les jeunes, la disparition de milieux de vie légitimes en dehors de l'école, l'évolution exponentielle de la place de la technologie dans la vie quotidienne, la domination grandissante d'une économie fondée sur la maîtrise du savoir et de l'information, le désengagement de l'État en matière de soutien social et sanitaire, autant de changements historiques qui incitent à concevoir le décrochage scolaire comme une menace sérieuse à la qualité de vie des individus et au potentiel d'adaptation de la société » (p.106).

Pour appuyer ses propos il expose toute une série de recherches menées depuis le début des années 1970 et qui se sont intéressées aux « conséquences » sociales et économiques du « décrochage scolaire. L'on peut voir que la terminologie employée – le « décrochage scolaire » - est ici synonyme des préoccupations politiques à la base de la problématisation sociale des « processus de déscolarisation ».

Plus récemment, en 2003, Bertrand Geay publie, dans la revue Cahiers de la recherche sur l'éducation et les savoirs[3] , un texte articulant à la fois une synthèse critique des références anglo-saxones et canadiennes et une réflexion épistémologique sur la constitution de la « déscolarisation » comme objet de recherche en France. Il classe les travaux Nord-Américains en fonction de l'axe de recherche avancé dans le décryptage de ce « nouveau » phénomène (i.e. l'absentéisme et l'abandon scolaire). Il identifie six catégories de recherches, selon qu'elles étudient les:

  • facteurs institutionnels;
  • perceptions et la motivation des acteurs en jeu;
  • facteurs familiaux;
  • facteurs cognitifs et psychologiques;
  • effets du « décrochage »;
  • typologies de « décrocheurs ».

Tout en reconnaissant l'intérêt majeur de ces contributions qui permettent en outre de mettre en lumière l'existence d'élèves présents physiquement en classe, mais totalement « décrochés des apprentissage », Geay relève que ces travaux soulèvent néanmoins trois types de questions d'ordre épistémologique et méthodologique auxquelles essayer d'apporter une réponse profiterait au développement de la recherche en éducation.

  1. l'identification de sous-formes de typologie conduit paradoxalement à réifier la catégorie des « décrocheurs »;
  2. le caractère peu systématique de certaines distinctions proposées;
  3. les processus conduisant au « décrochage » sont parfois pratiquement absents de l'analyse.

L'approche franco-belge: les « processus de déscolarisation » encadrés et encadrant...

Dans la lignée de la classification proposée par Geay, j'ai procédé à la même analyse sur la littérature scientifique publiée en France depuis le lancement de l'appel d'offre dont les rapports finaux m'ont fourni l'essentiel de mes sources. Avec la demande explicite de l'appel à projets de 1999 de concentrer les enquêtes sur les « processus de déscolarisation », l'on remarque que tous les comptes-rendus répondent directement à la troisième question soulevée par Geay. Ainsi, ce qui permet de discriminer les recherches ce n'est pas tant l'absence de la dimension diachronique des phénomènes analysés que, comme l'affirme Glasman (2004), les angles d'attaque de la question et les méthodes d'investigation.

Ainsi, en réponse(?) au caractère peu systématique de certaines catégories proposées dans les études nord-américaines, certains chercheurs ont décidé d'en faire (un de) leur(s) objet(s) d'étude. Ropé, Geay et collaborateurs (2002) ont par exemple analysé la construction des statistiques du signalement de l'absentéisme scolaire et leurs démarches attestent de l'hétérogénéité des pratiques institutionnelles d'une part et de l'impact de cette activité dans l'émergence de la « déscolarisation » comme nouvelle catégorie, d'autre part, à la fois scolaire et sociale. Dans la même lignée, Hugues Lagrange, Suzanne Cagliero et Florence Maillochon (2001) ont procédé à la systématisation des indicateurs de la statistique de la « déscolarisation » ainsi que l'équipe dirigé par Jacqueline Costa-Lascoux (2002) dans la première partie de leur rapport.

D'autres recherches encore analysent la « déscolarisation » à l'aune de l'évolution des contextes socio-économiques et politiques (en particulier Glasman, 2000 et 2003; Mabilon-Bonfils et Saadoun, 2002). Mathias Millet et Daniel Thin (2003 et 2005), quant à eux, étudient le triangle école-famille-quartier dont seule l'articulation des logiques respectives permet de rendre compte des parcours de ruptures scolaires de jeunes collégiens de milieux populaires. La même approche est aussi proposée par Maryse Esterle-Hedibel (2003), par Pierre Coslin et collaborateurs (200?) et par Daniel Frandji et Pierrette Vergès (2002). D'autres, comme Élisabeth Bautier, Stéphane Bonnery, Jean-Pierre Terrail, et collaborateurs (2002) approfondissent d'avantage les difficultés d'apprentissage. Lagrange et collaborateurs (2001) dans leur analyse statistique citée plus haut, ont étudié les corrélations entre les réseaux de sociabilité juvénile et la réussite scolaire. Hasnia et Limia Missaui et Alain Tarrius (2002) se penchent sur les interactions famille-institution scolaire et s'intéressent plus particulièrement aux enfants gitans et maghrebins. Claire Schiff, Marie Lazaridis et collaborateurs (2003) pointent le fonctionnement administratif de l'école, comme d'ailleurs la recherche dirigée par François Sicot (2002).

Comme déjà mentionné, ces recherches se caractérisent – et par là se différencient des Nord-Américaines – par l'accent mis sur la dimension temporelle des processus. Cette approche a par exemple permis de mettre en évidence – confirmant par ailleurs les résultats de Langevin (1994, cité par Asdih, 2003) au Québec – que les élèves « déscolarisés » ou en voie de l'être présentent des difficultés scolaires depuis l'école primaire. Cela ne signifie pas que le rendement scolaire à lui tout seul rend compte de la variance et de la variabilité des « trajectoires de déscolarisation », mais qu'il n'est pas inutile de considérer ce résultat lorsqu'il est question d'effectuer des choix en matière d'éducation; mais cela est une question éminemment politique. Comme cela a été le cas lors de l'émergence de « l'échec scolaire », le modèle analytique considérant le triangle famille-école-quartier permet de mieux décrire et expliquer ce qui est étudié que l'analyse univariée qui reconduit hâtivement les causes de la déscolarisation dans la seule famille.

De manière générale, les résultats empiriques des recherches françaises que j'ai consultées amènent à considérer avec prudence les affirmations alarmistes telles que par exemple, l'existence d'un lien de causalité entre « déscolarisation » et « délinquance »; la thèse de la « démission parentale » (cf. par exemple Parents démissionnaires: une réalité de la délinquance juvénile?); la « crise » de l'école; l'émergence d'une « nouvelle » problématique scolaire... Sur ces fantasmes, relisons à ce propos le bilan que trace Glasman des recherches menées dans le cadre de l'appel interministériel (2004, p.69):

« En somme, on aurait relevé dans cet ensemble de recherches des processus dont l'origine et le moment d'apparition sont divers, certains étant longtemps restés cachés ou non nommés, tandis que d'autres sont plus neufs. Ce qui fait leur importance aujourd'hui, c'est leur superposition, et c'est plus encore leur sens ainsi que leurs conséquences, sans commune mesure avec ce qu'elles étaient naguèrent ».

Il reste encore à savoir dans quelle mesure, ce qui sont de toute évidence des mythes, ne sont pas en train de devenir réalité... sous l'impulsion des médias et du discours politique entre autre... mais une telle analyse mériterait qu'on lui consacre un article à lui tout seul.

Deux dernières considérations, mais non pas en ordre d'importance: les études françaises se sont concentrées quasi exclusivement aux classes défavorisées (à l'exception de l'étude de Catherine Blaya), les plus éloignées de la culture scolaire, non pas parce qu'il n'y aurait pas de « déscolarisés » bourgeois, mais parce que l'émotion sociale sur et autour du « décrochage » trouve son terrain d'émergence dans ses répercussions supposées ou proclamées dans les quartiers populaires. De plus, en accord avec Glasman (2004), ce choix s'explique par l'hypothèse sous-jacente selon laquelle les enfants les plus dotés en capital économique, social ou culturel, peuvent plus facilement et plus rapidement bénéficier de mesures de « rappel à l'ordre » comme par exemple l'engagement d'un professionnel, l'attention accrue des parents, l'inscription dans une école privée, etc. Ces stratégies familiales contribueraient en outre à rendre moins visible leur « déscolarisation ». bien qu'étudier la « déscolarisation » représente une voix éminemment légitime pour aborder la question sociale – ce qui par ailleurs rend intelligible les interactions entre recherche scientifique et ses modalités de financement (i.e. les conditions matérielles de la production scientifique) – il n'en reste pas moins vrai que cette démarche contribue à la polarisation du regard sur les élèves en rupture.


Genève et sa « déscolarisation »

Du Projet Ferme-École...

En 1987, le groupe des conseillers sociaux du CO publie le Projet Ferme-École au service du Cycle d'orientation de Genève. Il s'agissait de mettre en oeuvre un dispositif externe pour accueillir les élèves en grande difficulté au Cycle d'orientation, mais dont la situation n'était pas compromise à tel point « [...] qu'ils ne pouvaient plus désirer quelque chose » (Jornod[3] , 2003, p.1). La durée du séjour ne pouvait excéder un mois et la décision de placement devait être prise par une commission d'admission composée de 3 conseillers sociaux, 2 conseillers en orientation, d'un directeur de CO, d'un enseignant du CO et du responsable de la ferme. Dans le cas d'une décision de placement, cela se concrétisait par la signature d'un contrat entre élève-famille-école-ferme.

Plusieurs aspects sont ici relevant:

  • l'on retrouve le questionnement médico-pédagogique autour de l'éducabilité qui a soutenu l'émergence de l'éducation spécialisée[4] ;
  • l'étroite collaboration école-conseillers sociaux;
  • la contractualisation de la prise en charge;
  • l'éloignement géographique du milieu urbain.

Cette nouvelle catégorie (i.e. une sous-population de la population scolaire) regroupait et identifiait les élèves qui « [...] rencontraient des problèmes scolaires, avaient un comportement négatif en classe, et échappaient aux méthodes de travail habituelles pour ces situations (dispositif de sanction, perches tendues par les adultes, suivi assuré par le psychologue scolaire ou le conseiller social, etc.) » (Jornod, 2003, p.1). Les élèves concernés par cette définition sont donc distingués des autres sur la base de critères reconductibles à deux ordres: l'un cognitivo-motivationnel (i.e. lié aux difficultés d'apprentissage) et l'autre comportemental. Au-delà de la description formelle, il est possible dégager le contenu/le sens que de telles représentations recèlent. En effet, en regard de l'organisation et du déroulement des activités prévus pour cette structure ainsi que sa localisation (dans une ferme à la campagne), deux principes moteur émergent: celui de l'(a) (ré)éducation (i.e. scolaire et morale) par le travail et celui de la confrontation avec la nature.

La préoccupation centrale alimentant la réflexion du groupe des conseillers sociaux du CO semble donc bien « s'inspirer » de la trilogie arièsanne puisqu'il y est question « [...] d'accueillir ces élèves pour leur redonner goût et désir d'apprendre, leur montrer qu'ils sont capables de réussir, les rendre conscients de leurs responsabilités face aux autres et à eux-mêmes, leur permettre de réintégrer le cursus scolaire » (Jarnod, 2003, p.1).

En conclusion, on observe donc qu'en 1987 déjà, des assistants sociaux réfléchissaient à la constitution d'une structure annexe de prise en charge des élèves qui semblaient se soustraire au mode de socialisation scolaire. De plus, ce n'est pas sur initiative d'enseignants que ce projet a été conçu, mais bien de la part d'assistants sociaux. Ce projet a été actualisé en 1996 par une conseillère sociale qui a ainsi relancé l'idée. Jornod (2003) relève une seule différence entre la version de 1987 et celle de 1996: l'idée d'une structure externe a été abandonnée.


... aux structures relais...

Au cours de l'année scolaire 2000-2001, les préoccupations exprimées par le groupe des conseillers sociaux du CO en 1987 trouve le relais politique attendu puisque les deux premières structures relais sont créées aux CO des Colombières (commune de Versoix) et des Grandes-Communes (commune du Petit-Lancy). De 2001 à 2002, trois autres structures relais sont introduites: l'une à Sécheron (ville de Genève), une deuxième à Vuillonex (commune de Confignon) et la troisième aux Voirets (commune du Grand-Lancy). Dans le cadre de l'évaluation des mesures prises au CO à l'intention des élèves en grande difficulté, le Service de la recherche en éducation (ci-après SRED) procède, en octobre 2003, à la demande du directeur général de l'Office de la Jeunesse, au bilan des dispositifs relais existants. Ce rapport est utile pour plusieurs raisons: il fournit un bon aperçu des éléments permettant de retracer la genèse politique de la constitution de ces structures annexes au CO[5] – et par là, la problématisation que le champ politique fait des élèves qui remettent en question la forme scolaire, une bonne description des dispositifs ainsi que des indications sur les caractéristiques socio-démographiques des communes dans lesquelles elles s'insèrent.

Inspirée du modèle français mis en place à partir de 1998 en France, ce n'est qu'à la rentrée scolaire 2005 que l'idée avancée déjà en 1987 d'une structure externe trouve sa concrétisation, à la différence près qu'elle ne se situe pas dans une ferme à la campagne, mais en plein centre ville. En cinq ans, le CO de Genève a connu deux réformes structurelles: la première concerne le remaniement des filières et des degrés ainsi que les conditions de promotion au secondaire II (en 2000), la seconde, la création des classes relais (internes aux établissements scolaires) et l'introduction d'une structure externe. À la lumière des actuels débats sur le CO (hétérogénéité VS homogénéité des classes) il est plausible d'affirmer – bien que les éléments que j'avance meriterait d'être augmentés – que l'école genevoise est confrontée à la redéfinition des classements des élèves et à leur repositionnement, dont la constitution des classes et dispositifs relais en sont une modalité. En ce sens, la description du dispositif relais externe exposée par la Tribune de Genève du 21 mai 2007 me semble symptomatique de ce mouvement, puisqu'elle regroupe une bonne dose de clichés, stéréotypes et stigmates:

« C'est la sobriété des lieux qui marque d'abord le visiteur. Puis son regard est attiré par les posters d'Eminemm de rappeurs, mais aussi de lieux touristiques de rêve. [...] Située en plein centre-ville, à deux pas des principales lignes de transport publics, la classe relais accueille, depuis le début de l'année, des élèves en grande difficulté comportementale dans leur Cycle d'orientation » (p.23)

Parallèlement et en soutien à ma dernière affirmation, il n'est pas inutile de souligner qu'en juin 2005 les Départements de l'Instruction publique et celui de justice, police et sécurité ont signé un Protocole de collaboration et d'intervention entre les établissements scolaires publics genevois et la police cantonale.


... en passant par l'évolution du regard statistique sur la scolarisation des adolescents

Avant de conclure, j'aimerais présenter l'évolution du regard statistique sur la scolarisation des adolescents qui ont suivis le CO à Genève depuis 1970 à nos jours. En lisant le premier rapport du SRED sur La nouvelle organisation du cycle d'orientation publié en 2004, les annexes ont particulièrement attiré mon attention. En effet dans celles-ci, le SRED a procédé à la mesure de l'égalité relative des chances d'être scolarisé dans une filière à exigences étendues (littéraire, scientifique ou regroupement A) au Cycle d'orientation selon l'origine sociale (dont l'indicateur sélectionné est la catégorie socio-professionnelle parentale, ci-après CSP). Cette mesure m'a intrigué puisqu'elle met en lumière que globalement, le rapport entre les enfants des différentes CSP reste constant au cours du temps. Autrement dit, en reprenant à mon compte une des conclusions de Bourdieu sur l'analyse du système scolaire (1994), en dépit de la précaution avec laquelle doivent être considérées les indicateurs permettant de rendre compte de la complexité de l'origine sociale[6] , cette mesure tend à montrer que l'école:

« [...] maintient l'ordre préexistant, c'est-à-dire l'écart entre les élèves dotés de quantités inégales de capital culturel. Plus précisément, par toute une série d'opérations de sélection, il sépare les détenteurs de capital culturel hérité de ceux qui en sont dépourvus. Les différences d'aptitude étant inséparables de différences scolaires selon le capital hérité, il tend à maintenir les différences sociales préexistantes. [...] Ainsi, l'institution scolaire dont on a pu croire, en d'autres temps, qu'elle pourrait introduire une forme de méritocratie en privilégiant les aptitudes individuelles par rapport aux privilèges héréditaires tend à instaurer, à travers la liaison cachée entre l'aptitude scolaire et l'héritage culturel, une véritable noblesse d'État, dont l'autorité et la légitimité sont garanties par le titre scolaire. »

Pour ma part, dans un premier temps j'ai vérifié la base de données du SRED (2004) en comparaison avec les chiffres publiées annuellement par l'Office cantonale de la statistique (ci-après OCST) dans l'Annuaire statistique[7] . Ensuite, à la différence de la mesure du SRED, j'ai analysé l'évolution de la dispersion des élèves du CO inscrits dans les filières plus valorisées en 7e et 9e année à l'égard la CSP, dont voici les résultats:

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Comme la mesure du SRED, celle-ci tend aussi à mettre en lumière que les écarts restent plutôt stables en 7e et 9e année entre enfants de cadres supérieurs et ouvriers, tandis qu'ils se réduiraient progressivement entre les cadres supérieurs et les enfants d'employés. Ce qui est frappant dans ce genre de graphique est le constat que 82% des enfants de cadres supérieurs sont dans une filière LS/A en 7e année en 1970 et ce pourcentage s'élève progressivement pour atteindre plus de 94% en 2006. Dans le cas des enfants d'ouvriers, l'on passe d'environ 40% en 1970 à presque 70% en 2006. En regardant les graphique un ami m'a fait remrquer que si la CSP ouvriers et employés souffre d'une variance considérable au cours du temps, cela n'est pas le cas pour les cadres supérieurs. Un peu en souriant, un peu sérieusement, on pourrait formuler l'hypothèse que l'évolution de la statistique attesterait de la difficulté que les corps sociaux ont à se constituer comme tels, mais cela est une autre histoire...


Conclusion

Dans l'élaboration de ma problématique (cf. « L'enfant déscolarisé »: un phénomène nouveau?), je me proposait d'étudier les causes de l'émergence soudaine et relativement récente de la notion de « déscolarisation ». Intuitivement je pensais et je persiste de le faire, que ce terme, comme pour beaucoup d'autres d'ailleurs, est une construction sociale historiquement située. Dans mon analyse cela implique que l'analyse de tout phénomène social – dont l'émergence d'un concept en est un – s'inscrit dans l'évolution des contextes socio-économiques et politiques. Si mon intuition n'est confirmée dans le cas nord-américain que par l'analyse de Janosz (2000), dans le cas de la situation française, l'appel interministériel à projets en est un indicateur. L'accueil des chercheurs en éducation de l'appel à projets nous renseigne indirectement sur les changements caractérisant les modalités de financement de la recherche scientifique à l'ère de « l'espace européen de la connaissance ». À partir de là, il est possible de formuler l'hypothèse que des thématiques de recherches sont progressivement exclues du circuit de la reconnaissance institutionnelle (i.e. financière) et que parallèlement d'autres sujets y seraient intégrés.

Concernant cette première question, la limite principale de mon travail dépend du temps qu'il m'a fallu pour préciser ma recherche et passer en revue le plus grand nombres d'ouvrages pouvant contribuer à expliciter et délimiter mon objet d'étude. Autrement dit, en essayant de limiter au maximum la frustration que tout travail délimité dans le temps engendre, j'ai dû me résigner à l'exploitation du materiel jusque là recueilli sans pour autant en tirer toutes les conclusions auxquelles celui-ci pouvait se prêter. Cette considération s'applique aussi bien pour la deuxième question.

Conformément à mes attentes initiales, les quelques éléments apportés pour délimiter les contours de l'étude de la trilogie discipline-éducation scolaire-images sociale et culturelle de l'adolescent à Genève, plus qu'apporter des réponses définitives, ouvrent un certain nombre de pistes de réflexion qui restent maintenant à parcourir. Par exmple, en dépit de la différente organisation politique en matière d'éducation qui distingue la situation genevoise du contexte français, des traits communs semblent néanmoins se dessiner: à Genève comme en France, bien qu'à des rythmes différents, la forme scolaire tend à se reconfigurer en opérant un reclassement et un repositionnement des élèves dans le système d'enseignement. L'introduction de structures telles que les dispositifs et les classe relais en sont une manifestation. De plus, de telles mesures formelles sont politiquement exploitées puisqu'elles permettent de justifier et d'objectiver des changements plus profonds (Mabilon-Bonfils et Saadoun, 2002).

La création de structures parallèles exclut de facto du cursus « traditionnel » de scolarisation les élèves qu'elles accueillent d'une part et tendent à s'autoreproduire en raison de l'émergence de leur « nécessité sociale ». Autrement dit, les études menées en France suggèrent que potentiellement, la question politique de la « déscolarisation » tend à supplenter les problématiques de « l'échec scolaire » des fractions les plus démunies des classes populaire, en introduisant un encadrement étendu des populations auxquelles serait appliquée cette étiquette, dont la vertu politique majeure réside probablement dans le flou de sa définition institutionnelle. Comme on l'a vu pour Genève, la création de structures relais se justifient de part le public qu'elles peuvent accueillir. L'on retrouve par ailleurs ici l'idée caricaturale de l'invention du « déscolarisé/décrocheur » du titre. La restabilisation de la forme scolaire semble se traduire par une amplification de la reproduction sociale d'une part et de l' autoreproduction scolaire d'autre part. À Genève comme en France on observe l'émergence d'une nouvelle spécialisation professionnelle au croisement de l'enseignement et du judiciaire dont attestent les partenariats police-école.

Comme j'espère l'avoir suffisamment mis en lumière, plusieurs pistes de réflexions sont ouvertes et si je dois définir la limite de mon travail je dirais qu'elle réside dans ce que je n'ai malheureusement pas pu étudié plus en profondeur d'une part, et dans l'étendue des sources à partir dequelles je me suis adonné à analyser de la situation genevoise.

BIBLIOGRAPHIE


Ouvrages

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Articles

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Auteurs de référence: à lire

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