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Parfois, nous avons pu nous confronter à la difficulté de recentrer la discussion vers les sujets qui nous intéressent. Comme tout un chacun, les acteurs peuvent certes parler du passé, mais en tant que militants ils auront, si leur combat est toujours vivant, tendance à parler plus du présent, et de ce qu'il reste à faire. Pour que nous soyons aussi amenés à prendre la relève. Il faut alors savoir "lire entre les paroles", pour récolter des informations sur la période qui nous intéresse.
Parfois, nous avons pu nous confronter à la difficulté de recentrer la discussion vers les sujets qui nous intéressent. Comme tout un chacun, les acteurs peuvent certes parler du passé, mais en tant que militants ils auront, si leur combat est toujours vivant, tendance à parler plus du présent, et de ce qu'il reste à faire. Pour que nous soyons aussi amenés à prendre la relève. Il faut alors savoir "lire entre les paroles", pour récolter des informations sur la période qui nous intéresse.
Il aurait peut-être été profitable de mettre à disposition de tous les acteurs les questions de l'entretien à l'avance. Cela aurait permis de recentrer le débat, de rappeler plus facilement les questions de recherche.
Peut-être peut-on reprocher aussi le manque de temps pour chaque entretien. Au vu de la méthodologie d'entretien semi-directif et biographique, des entretiens d'1h30 ne permettent pas toujours les digressions chronophages. Des entretiens plus longs, dont on aurait pu ressortir la quintessence auraient pu être bénéfiques.


Enfin, la relation biographique n'a pas toujours permis que les questions soient posées comme souhaitée et pris dans l'échange l'entretien a pu prendre la forme d'une discussion à bâtons rompues en un dialogue qui finalement a échappé aux récolteurs/teuses de récits.
Enfin, la relation biographique n'a pas toujours permis que les questions soient posées comme souhaitée et pris dans l'échange l'entretien a pu prendre la forme d'une discussion à bâtons rompues en un dialogue qui finalement a échappé aux récolteurs/teuses de récits.

Version du 18 décembre 2013 à 11:53

Histoire des droits de la personne: entre luttes des usagers et politiques institutionnelles 1960-1980

Introduction

Les années 1960-1980 sont des années de grandes transformations culturelles et sociales avec 1968, une année charnière qui deviendra l'emblème de la contestation portant les valeurs d'une génération, celle du baby-boom. Aujourd'hui l'histoire de cette contestation demande à être comprise dans un temps plus vaste d'un avant, pendant et après Mai 68. Certes, on peut faire remonter la question des droits de la personne à la Déclaration des droits de l'hommes et du citoyen comme une matrice générative d'autres conventions, déclarations et droits. Or, il semblerait que le mouvement de contestation des années 1960-1980 ait poussé plus loin l'exigence démocratique en partant de revendication de populations, elles-mêmes, se sentant non respectées comme personnes, notamment les femmes, les détenus et les patients psychiatriques (la Loi 180 de 1978 en Italie concernant les usagers de la psychiatrie).

D'autres courants historiques (trends) ont aussi été traversé par cette exigence: l'éducation des enfants, dont les premiers textes de "protection" date de 1924 (Convention dite de Genève en 1924, à la Convention internationale des droits de l'enfant en 1989), et qui relève d'une histoire ancienne reliée notamment aux expériences pédagogiques dès les années 1940. Il en va ainsi de celles qui relève de l'éducation nouvelle incarnées dans des communautés d'enfants (école nouvelle à la campagne, république d'enfants, Cité d'enfant, village d'enfants). Summerhill incontestablement sera LE modèle de la seconde moitié du 20e siècle, mais aussi l'expérience de Fernand Deligny et de communauté thérapeutique comme celle de Boulens en Suisse romande [[1]], et les femmes qui revendiquent le droit de votre depuis le 19e siècle (les suffragettes) . D'autres champs ont bénéficié d'un mouvement général: c'est le cas du champ du handicap mental avec la charte de l'ONU datant de 1975. De nouveaux droits liés à l'éthique se sont développé dès les années 1970 autour du respect de la volonté des mourants, avec la pratique des directives anticipées, et plus largement des droits des patients à être traités dans la dignité.

La question des droits de la personne s'incarne ainsi autant dans des valeurs philosophiques comme celle de la liberté, l'autodétermination, l'autonomie qu'incarnée dans le corps même de la personne qui doit être respecté dans son intégrité. Souvent les revendications portent sur des micro-éléments ou micro-événemnts de la vie quotidienne dans les institutions, mais la contestation a aussi pu se développer en réaction à des événements rendant compte de la violence (cure de sommeil et électrochoc imposé, évasion, viol, avortement clandestin, etc.).

Les articles qui suivent cherchent à mieux saisir les acteurs/trices (intégrés dans un mouvement de revendication ou un courant idéologique contestataire), leurs actions, dans l'expérience quotidienne de leurs luttes pour les droits de l'individu et/ou de la personne, les valeurs prônées, les objectifs atteints ou non pour faire valoir les droits de personnes placées dans des institutions dites alors "totalitaires", tout en cherchant à mieux définir de que signifient ces droits dans le quotidien institutionnel et personnel.

Le travail de la communauté de recherche vise aussi à repérer les ouvrages de références qui ont marqué les acteurs/trices de cette période, des intellectuels (Basaglia, Foucault, Illitch, Goffman entre autres penseurs, parfois utopistes voir visionnaires, ainsi que, suivant la méthode prônée par Michel Foucault dans son ouvrage Histoire de la clinique notamment, à questionner les faits, à interroger le système, autrement dit à "déconstruire" la réalité pour comprendre les enjeux de pouvoir qui ont traversé les luttes de promotion des droits de la personne dans des champs différents, mais relevant tous d'un rapport entre un pouvoir qui désigne et un individu-objet dont on attend la soumission. Ainsi que ce soit le pédagogue et l'élève "difficile", déviant, handicapé, le médecin et le patient désigné, le juge qui désigne les degrés de culpabilité d'un "coupable" ou l'Etat qui décide de la responsabilité civique ou non des femmes (et des jeunes), partout se modèle et se module des relations différentes à l'intérieur d'une structure hiérarchique.

C'est dans cette relation que se construit la réalité de la maladie, de la déviance, de la différence, ce que les travaux de Goffman ont montré avec finesse. Ces travaux ont en particulier déconstruit cette réalité de l'institution totalitaire qui fait de la personne un objet, et en particulier un objet déviant prônant un droit de devenir sujet. L'institution réifie l'individu et lui fait perdre ses droits et c'est donc bien une volonté de récupérer une place d'acteur, de prendre la parole, de donner haut et fort son avis qui va mobiliser les acteurs des luttes en particulier dans l'après 68. L'approche constructionniste de Kenneth Gergen, aujourd'hui, poursuit cette tradition voyant dans la relation la matrice de cette construction de la réalité allant jusqu'à affirmer que l'individu n'existe pas en dehors de la relation qui le "produit" [[2]]. Une autre manière de montrer, comme l'a fait Foucault, que l'individu est aussi une construction sociale.

Fondamentalement la critique est politique, sociale, mais aussi épistémologique: on s'attaque à la réalité qui est un "construit" social. Ce qui explique aussi l'attention mise à la vie quotidienne (voire Goffman, mais aussi Lucien Lefebvre notamment). Le quotidien devenant matrice de la relation créative autant que de la subversion, dans une tradition qui s'inspire d'ailleurs des surréalistes des années 20 (voire notamment Georges Perec).

Des acteurs/actrices seront interrogés afin de mieux saisir leur engagement, les valeurs qu'ils ont prôné, la conscience qu'ils ont eu de déstabiliser le pouvoir médical, l'institution totalitaire, pour des alternatives dont on interrogera leur devenir subversif: communautés d'enfants, communautés thérapeutiques en milieu psychiatrique, en milieu carcéral (notamment la Pâquerette à Genève) et plus généralement dans l'éducation spécialisée. Mais c'est fondamentalement la question de la revendication des droits de la personne qui sera l'objet de ce questionnement. Il s'agira dans un premier temps de mieux comprendre ce qui différencie les droits de la personne des droits de l'homme érigé au 18e siècle, et de comprendre les enjeux des luttes pour voir émerger ses "nouveaux" droits et les formes qu'ils ont prises: droit à la parole, droit de sortie, droit à l'avortement, droit à consulter son dossier médical, etc...

Au moyen de cinq questions ouvertes, il s'agit de récolter leur témoignages afin mieux comprendre les ressorts de leur engagement (politique, idéologique, éthique), les événements qui ont marqué cette période 1960-1980, les mobiles des acteurs/trices. [[3]]

Revue de la littérature

La "matrice générative" des droits de la personne est bien la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen: une "matrice" juridique à partir de laquelle vont se développer d'autres droits, règlementations et conventions. Pour couvrir les différents champs de la réalité sociale qui ont été touchés par la créativité des acteur/trice/s (qu'ils aient été des militant/e/s ou des réformateur/trice/s) particulièrement active dans les années 1960-1980 et les changements opérés, il est nécessaire de se référer aux auteur/e/s qui, autant dans le champ du handicap, des patients de l'hôpital, des usagers de la psychiatrie, des détenus, des enfants et des femmes, ont proposé des approches nouvelles, des concepts voire des pratiques novatrices.

Certes, il n'y a pas un moment particulier où commencerait une lutte pour les droits de la personne. Cette question s'inscrit dans une histoire longue de la constitution des droits, de la "fabrication" de l'individu, de la conception de la personne comme être sensible, conscient d'elle-même. Il en va de même pour des pratiques qui certes ont été promues pendant cette période comme par exemple les communautés de vie, mais il existe des traditions qui peuvent remonter bien avant les années 60. C'est le cas avec la communauté d'enfants de Summerhill en Angleterre créée par Alexander S. Neill et qui relève d'une tradition de l'éducation nouvelle enracinée depuis la fin du 19ème siècle dans les "écoles nouvelles à la campagne". Dans son livre Libres enfants de Summerhill (Neill), on peut déceler la place centrale de la notion de liberté dans sa conception de l'éducation et de l'instruction des enfants. Selon cet auteur, on ne peut construire de collectif cohérent qu'en respectant la liberté des individus. Les violences, les incivilités ne sont pour lui que le produit des incohérences de la société, qui frustre l'individu et qui, à vouloir trop l'uniformiser, en brise les richesses. CONTINUER...

Un certain nombre de notions et de valeurs semblent parcourir l'histoire longue (18-21e siècle) avec des incarnation plus ou moins dense selon les période. Celle envisagée, caractérisée par une forte créativité notamment dans la contestation, mais pas seulement – dans la pensée sociale, dans l'innovation institutionnelle aussi – porte sur un souci démocratique, mais aussi libertaire, une valorisation de l'individu et de son autonomie, mais aussi du collectif comme matrice créatrice, un souci de respect de la différence (une reconnaissance) mais aussi du groupe comme porteur de revendications, un ancrage dans la vie quotidienne et une volonté d'universalisme, etc. La culture contestataire est-elle monolithique ou multiple? Est-elle aussi traversée par des contradictions, des paradoxes: on prône une liberté individuelle dans un carcan idéologique, la lutte est collective pour des droits individuels?

Les droits de la personne: un concept complexe

La thématique des droits de la personne oblige à réfléchir sur le concept et à le relier ou détacher d'autres concepts: celui de l'individu, celui du sujet (de droit) et celui de l'humain.

La plupart des revendications peuvent être reliées aux "droits de la personnes". Or ceux-ci sont rarement explicités. Lorsqu'ils le sont c'est en références à la "liberté individuelle", au droit à la parole, au choix (de traitement notamment) et à la dignité. Souvent, ce sont des valeurs individualistes qui sont prônées même si elle le sont par un collectif (association, comité, mouvement contestataire manifestant collectivement dans la rue) et qui fondent un certain "esprit" du droit de la personne. C'est par le regroupement de plusieurs personnes qui ont des valeurs communes (telles que le libre choix,l'intégrité physique) que le changement peut s'opérer. En effet, à travers notre recherche nous avons pu voir que qu'il s'agit des droits des prisonniers, des droits des patients à l'hôpital, des droits des patients psychiatriques ou des droits des femmes les changements constatés se sont fait par l'intermédiaire de mouvement, d'association, fondation... On peut noter la particularité du champ des droits des personnes en situation en handicap, ou des droits des patients en psychiatrie, par le fait que ces personnes ne disposent elles-mêmes pas des facultés à défendre leurs propres droits. Il en revient alors à leur entourage, aux professionnels, et enfin à la société toute entière, de se porter garante du respect de ces droits. La société en protégeant ces personnes, en les considérant comme faisant partie intégrante des individus qui la composent, effectue alors un grand pas dans les valeurs qu'elle véhicule. L'idéologie en effet, doit être collective, pour prendre du sens pour tous. Mais les actes permettant cette évolution, restent bien souvent le fait d'individus, qui plus que d'autres, poussés par un idéal, portent des actions progressistes.

Le terme personne est à distinguer d'individu (voire de "cas") en ce qui laisse entendre une capacité de droit et une place comme partenaire dans la relation (éducative, thérapeutique notamment) et les échanges de communication. Ceci peut s'incarner dans des pratiques sociales élémentaires comme de désigner la personne par son nom, la vouvoyer (en langue française en particulier!), jusqu'à la fermeture des hôpitaux psychiatriques par exemple. Mais c'est surtout sur le plan juridique, des ses droits civils et politiques, que les luttes ont été menées: de l'admission volontaire au droit de sortie pour les patients psychiatrique par exemple. Du côté des prisons, les revendications touchent aussi l'individu dans son corps et son esprit: droit à l'intégrité physique et morale, le droit à des conditions de vie appropriées, ou encore le droit à la santé. Du côté des enfants, le droit s'est surtout construit à partir de la considération de l'enfant en tant qu'individu ayant des droits propres, notamment liés à la protection, à la parole et l'écoute, mais également aux autres besoins fondamentaux qu'il peut présenter. En fait, la reconnaissance des droits de l'enfant lui ont conféré peu à peu un rôle plus actif dans sa propre existence, comme par exemple par une considération plus importante de ses opinions dans les choix qui le concerne. Du coté des femmes, les contestations se font sur plusieurs plans, mais ce qui est surtout recherché c'est l'égalité avec les hommes. Cette égalité passe donc par la ré-appropriation de leur corps, la liberté de choisir une contraception et la liberté de penser différemment. Nous pouvons donc rapprocher ces faits au droit du consentement de la personne et de l'intégrité physique. Ces droits et les droits d'être informé touche d'ailleurs le quotidien médical et la lutte pour les droits des patients. Les droits des patients touchent la sphère politique et juridique où une bataille s'est générée contre la liberté thérapeutique des médecins considérée comme subordonnée au droit d'autodétermination du patient. Valoriser le rôle des patients en tant que partenaires critiques de médecins, du personnel médical ou encore de les responsabiliser pour éviter des difficultés lors de son traitement permettraient d'améliorer la qualité des soins dans le domaine de la santé du patient.

Paradoxalement ce sont des luttes (collectives, pour la communauté) qui ont ainsi contribué à construire la notion de personne comme corps, identité physique, morale, psychologique.

Méthode

La récolte d'un récit personnel, afin d'approcher l'histoire d'une période et de constituer une archive orale a une tradition en sciences humaine et sociale. L'ouvrage "Le cheval d'orgueil" de Pierre Jakez Hélias paru en 1975 est souvent présenté comme un détonateur de l'usage des récits de vie pour décrire la réalité sociale et culturelle.

Diverses disciplines ont intégré la narration comme un moyen d'approcher la réalité vue à travers un individu ou un groupe que cela soit en sociologie, en histoire, en médecine, en science de l'éducation, en ethnologie et même en littérature.

Les travaux de Philippe Lejeune ont contribué à collecter des récits sous formes notamment autobiographiques qui sont déposés à l'Association pour l'autobiographie près de Lyon.

La démarche effectuée dans le cadre de cette recherche d'intelligence collective relève de la collecte de récits. La personne interviewée est considérée comme un témoin de son temps. L'histoire se construit dans l'échange grâce aux questions posées Questions_pour_les_entretiens lesquelles doivent donner lieu à une narration libre relier aux souvenirs de la personne. Il s'agit d'être dans une écoute bienveillante d'un récit narré afin de venir combler l'intérêt des étudiant/e/s qui sont les récepteur/trice/s respectueux et curieux de cette histoire. Même si pour certains étudiants, relancer ces questions a permis à l'interviewé de se recentrer sur le sujet. L'introduction de ces questions par l'explication d'un travail collectif fait par les étudiants a fait comprendre à certains interviewés l'importance de leurs témoignages

La démarche de "biographies narratives", telle qu'elle devrait être développée dans cette démarche citoyenne relève de compétence relationnelle, humaine particulièrement formatrice aux métiers de l'humain. Elle demande du tact, de l'écoute, de la curiosité intelligente (capacité de s'adapter dans le cadre de l'entretien). Il s'agit de laisser de l'espace et de la liberté aux personnes interviewées. Par conséquent, seules des questions générales et ouvertes assureront la liberté de narrer. Nous accorderons un long temps de réponse afin de laisser à la personne la possibilité de se souvenir et de raconter l'histoire et son histoire tout en restant attentive qu'elle ne se perde pas dans des chemins par trop éloignés. Elle ne relève pas d'une "conduite d'entretien" particulière comme l'a développée par exemple Boutin (2006), mais elle relève sans aucun doute d'une approche qualitative.

Dans la plupart des cas, les étudiants n'ont pas transmis aux préalable les questions qui allaient être abordées dans l'entretien à leur témoin. Pourtant, il est possible que cette démarche donne la possibilité aux personnes interviewées de prendre du temps pour récupérer leurs souvenirs en mémoire et ainsi construire un récit plus riche que lors d'une réponse spontanée. Toutefois, cette démarche peut également faire perdre quelque peu aux intervieweurs/euses le contrôle de l'entretien, avec un témoin qui se raconte, sans un réel cadre établi, puisqu'il sait sur quels chemins on va l'amener. Ainsi, le cadrage de l'entretien est d'autant moins aisé, car l’intervieweur perd un peu son contrôle sur celui-ci, qu'il aurait pu exercer notamment par la succession des questions.

Pour d'autres étudiants, la transmission des questions préalablement a permis aux interviewés d'affiner sa mémoire en développant ses réponses pour que son récit soit accompagné par des souvenirs marquants. Ils sont d'ailleurs fait appel aux gestes pour appuyer leurs témoignage en laissant entendre à ses interlocuteurs que sa lutte ne cessait pas.

Les réactions (y compris non verbales) encouragent un récit qui se construit dans la relation. Celui-ci devrait être par définition original (même si certain/e témoins racontent pour la Xème fois leur "histoire", leur "légende", puisqu'il est raconté à de nouvelles personnes. L'attitude du/des collecteur/trice/s de récits favorisent (ou non) l'expression (et ce jusqu'à la confidence) et permette qui sait au témoin d'innover, de se déplacer dans sa narration, de raconter une histoire nouvelle, vraiment originale.

Critique de la méthode

A travers cette expérience, nous avons en tant "qu'apprentis chercheurs" appris à mener un entretien semi-directif. Malgré le fait que nous avions beau imaginé le déroulement de notre entretien, nous avons rencontré quelques difficultés lors de la passation de ceux-ci. Tout d'abord, il a fallut faire face au personnage que nous avions en face de nous. En effet, comme nous l'avons expliqué ces personnes ont, la plupart, tous été des militants en faveur des droits de la personne. Parfois, leur engagement a tellement été fort qu'elles sont devenues des "icônes" dans le combat de ces droits. Nous avons donc du faire face à leur agacement et leur lassitude face à nos questions qui pouvaient certes être considérées comme trop larges. Ceci nous amène donc à penser que le choix de faire des questions ouvertes pour que chacun puisse raconter ce dont il a envie, n'était peut-être pas judicieux pour toutes les personnes que nous avons interviewées. De plus, il s'est avéré que pour certains témoins, les questions étaient peu adéquates puisqu'elle positionnait cette personne en tant que "militante" peut-être trop directement. De même, le mot "droit" se trouvait être un peu fort pour parler de certains engagements, qui ont probablement contribué ou du moins retracent les changements de ces droits, certes, mais ne se positionnaient pas à la base comme des engagements pour les droits d'une population. Cependant le fait de faire des questions différentes et précises pour chacun des acteurs nous aurait fortement contraint pour l'analyse transversale des entretiens.
De plus, lors de certains entretiens, les acteurs se sont laissées emporter par leurs émotions. Il n'était donc pas évident de gérer les pleurs rencontrés. ...

Parfois, nous avons pu nous confronter à la difficulté de recentrer la discussion vers les sujets qui nous intéressent. Comme tout un chacun, les acteurs peuvent certes parler du passé, mais en tant que militants ils auront, si leur combat est toujours vivant, tendance à parler plus du présent, et de ce qu'il reste à faire. Pour que nous soyons aussi amenés à prendre la relève. Il faut alors savoir "lire entre les paroles", pour récolter des informations sur la période qui nous intéresse.

Il aurait peut-être été profitable de mettre à disposition de tous les acteurs les questions de l'entretien à l'avance. Cela aurait permis de recentrer le débat, de rappeler plus facilement les questions de recherche.

Peut-être peut-on reprocher aussi le manque de temps pour chaque entretien. Au vu de la méthodologie d'entretien semi-directif et biographique, des entretiens d'1h30 ne permettent pas toujours les digressions chronophages. Des entretiens plus longs, dont on aurait pu ressortir la quintessence auraient pu être bénéfiques.

Enfin, la relation biographique n'a pas toujours permis que les questions soient posées comme souhaitée et pris dans l'échange l'entretien a pu prendre la forme d'une discussion à bâtons rompues en un dialogue qui finalement a échappé aux récolteurs/teuses de récits.



Quoi qu'il en soit sept entretiens ont été effectué, lesquels ont permis de construire une histoire qui s'est étendue entre les années 1960 (engagement de Mme Amalia Cristinat) et aujourd'hui (engagement de Mme Margrit Kessler).

Des thématiques (problématiques) plus fines ont pu être définies à partir des récits récoltés. Soit:

– le droit à l'intégrité physique et morale des détenus en Suisse.

– la prise en compte des personnes en situation de handicap dans ce champ

– le droit à la liberté de son corps, à l'intégrité physique, à l'autonomie de la femme.

– le droit des enfants à travers le prisme de l'éducation

– le droit à être informé pour que les patients ne devient pas les cobayes des expériences scientifiques

L'analyse sera alors traversante permettant de mieux comprendre ce temps de l'innovation, de la contestation, de la réforme des grandes institutions qui structures le social et la culturel occidentale depuis le 19e siècle: l'hôpital, l'hôpital psychiatrique, l'école, le tribunal, la prison, le code civil, les institutions spécialisées: qui sont ces acteur/trice/s engagés, quelles ont été leurs idées et leurs valeurs, quelles ont été leurs actions et leurs victoires, leurs échecs aussi?