Une société sans école

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Pourquoi en finir avec l’institution scolaire ? (voir vidéo)

Selon Illich le système scolaire obligatoire est une entrave au droit de l’instruction. Ce n’est pas l’école qui conduit à l’éducation universelle. Il faut donc déscolariser la société.

On confond valeur (éducation, santé, sécurité) et service institutionnalisé (école, hôpital, police) du coup on assimile éducation et temps passé à l’école ou compétence et diplôme. Cette institutionnalisation des valeurs conduit à une ségrégation sociale et à un sentiment d’impuissance. Les besoins non-matériels sont maintenant perçus comme une demande accrue de biens de consommation et d’institutions. Illich parle alors de pauvreté modernisée = chaque besoin auquel on trouve une réponse institutionnelle permet l’invention d’une nouvelle catégorie de déshérités et introduit une nouvelle définition de la pauvreté. Actuellement est pauvre celui qui ne parvient pas à satisfaire à certains normes de la consommation obligatoire : au Mexique les déshérités sont ceux à qui il manque 3 ans de scolarité, à NY, ceux à qui il en manque 12 etc.

L’école disqualifie famille, loisirs, politiques comme moyens d’apprentissage, et crée une séparation artificielle entre ce qui est scolaire et non, qui est classé comme dénué de tout intérêt éducatif. à l’ école nuit à l’éducation parce qu’on la considère comme seule capable de s’en charger !

Ces dernières années : coût de l’enseignement par élève augmente en flèche tandis que résultats obtenus diminuent de façon régulière. Aux USA, il faudrait plus que doubler le budget pour assurer des conditions convenables d’enseignement primaire et secondaire, selon les éducateurs (le supérieur c’est pire). L’idéal de scolarité obligatoire et égalitaire est irréalisable, ne serait-ce que par manque de fonds. De plus, l’Etat donne plus (10 fois aux USA, plus dans PVD) aux plus riches qu’aux pauvres (car les impôts des pauvres servent à financer une partie des études longues des riches, partiellement subventionnées par l’Etat). Une scolarité égale pour tous est irréalisable! Le vrai but, réalisable, c’est de donner à tous des possibilités éducatives égales. A ne pas confondre avec scolarité obligatoire (ce serait comme confondre salut et Eglise).

L’école pousse à faire de la discrimination = demander des diplômes préalables à l’entrée d’un centre d’enseignement par exemple. Embauche et ascension sociale ne se font plus sur compétences (vraie instruction), mais de plus en plus uniquement sur la durée des études. Il ne faut pas fonder une décision sur la scolarité tout comme on ne le fait pas pour la race, le sexe et les idées politiques. Le vrai critère de décision devrait être la compétence réelle. Autre illusion sur laquelle s’appuie institution scolaire : croire que l’éducation se fonde en grande partie sur l’enseignement. Oui, il contribue à acquisitions de certaines connaissances mais le savoir de la plupart des gens leur vient d’expériences faites en dehors de l’école ! Certains apprentissages importants comme parler, apprendre une langue étrangère ou le goût de la lecture proviennent de circonstances aléatoires (famille, changement de domicile…) ou extra-scolaires.

Illich souhaite une éducation libérale : encourager la libre expérimentation des connaissances acquises et la découverte personnelle. Mais les conditions propres à encourager cela ne se rencontrent pas dans l’établissement scolaire parce que l’élève est contraint d’y être et parce que la doctrine c’est « l’enseignement pour l’enseignement ». Il y a deux aspects de l’éducation qui sont de nature différente et souvent opposée : l’apprentissage d’un métier/acquisition d’une compétence professionnelle et l’activité créatrice/éducation culturelle. A l’école on n’apprend assurément pas un métier, mais on ne bénéficie pas non plus pas d’une éducation de l’esprit. Pour apprendre l’exercice d’un métier, la pratique peut suffire et la formation peut se fonder sur la simulation des conditions de travail. Par contre ça ne convient pas au développement de l’esprit créateur, de celui qui cherche à utiliser les connaissances déjà acquises dans une perspective de recherche et de découverte. La nature de la formation doit donc être différente !!!

Droit à l’instruction = droit de tout homme de s’instruire ou de transmettre des compétences. Ce droit se voit retirer toute signification par la présence des enseignants diplômés. Et en retour ces derniers sont frappés puisqu’ils ne peuvent exercer leur compétence que dans le cadre de l’école.

Pour changer une société scolarisée, il faut trouver d’autres moyens d’apprendre et d’instruire et que toutes les institutions soient appelées à participer à cet effort en faisant réapparaitre leurs qualités éducatives. Faut que les hommes arrêtent de s’abriter derrière leurs diplômes et aient le courage d’élever leur voix et d’apporter leurs propres réponses et ainsi de s’assurer le contrôle des institutions auxquelles ils participent. Pour cela il faut que l’on apprenne à se rendre compte de la valeur sociale du travail et du loisir par les échanges éducatifs qu’ils permettent. « Notre imagination ne sait que se tourner vers l’école » : on laisse l’état juge de nos insuffisances en matière d’éducation et permettons qu’il délègue ses pouvoirs à un organisme chargé des soins à leur prodiguer.

L’éducation a tout à gagner de la déscolarisation de la société!

Phénoménologie de l’école

Quel est le sens que l’on donne à ce mot école ? Faut arrêter de penser école et éducation comme un tout ! Phénoménologie de l’école : école comme lieu où on rassemble des êtres humains d’un âge donné autour d’enseignants. Ils y sont soumis à une présence obligatoire et à la nécessité de suivre certains programmes.

Age scolaire

Les êtres humains se trouvant dans établissements scolaires sont regroupés par catégories d’âge. Répartition reposant sur trois principes : les enfants doivent être à l’école ; ils apprennent à l’école ; l’école est le seul endroit où ils puissent apprendre.

Or la notion d’"enfant" est une idée nouvelle (datant de la bourgeoisie et du capitalisme ; L’Église considérait qu’à 7 ans on a liberté et raison). Problème : la majorité des être humains ne veulent pas du droit à l’enfance ou ne peuvent l’obtenir pour leur progéniture (auquel cas ils en sont frustrés).

Cette notion d’enfance est fixée par la loi, avec l’âge spécifique de la scolarité (sans quoi, il n’y aurait plus d’"enfance"). Pourquoi faut-il consacrer la plus grande part des ressources scolaires à cet âge spécifique, en excluant les 4 ans avant, et surtout la période après ?

Dans les pays non industrialisés, ce concept n’existe pas : beaucoup « travaillent » en famille vers 10 ans. Cela suppose que la société soit vivable pour les jeunes. Dans les pays développés, on ne peut échapper à la scolarisation : en effet, il n’y a pas de place pour les jeunes dans la société hors l’école. De 4 à 18 ans , c’est une tranche d’âge qui monopolise les ressources éducatives au détriment des 0 – 4 ans et des > 18 ans ( ou > 25 ans). Tout cela, pour soumettre les «enfants » à l’autorité du « maître ».

C’est l’école et elle seule qui nous apprend que les enfants sont les seuls à pouvoir y être éduqué. Au nom de quoi on met des êtres humains dans une catégorie à part : les enfants, et cette ségrégation nous permet de les faire se soumettre à l’autorité d’un maître.

Si l’institution scolaire disparaît il sera possible de ne plus favoriser un âge aux dépens des autres.

Des maîtres et des élèves

On a appris la plus grande partie de ce que nous savons en dehors de l’école. Le plus souvent, les élèves font leur éducation sans l’aide de leur maître et parfois malgré lui. Axiome : « L’éducation est le résultat d’un enseignement ». Or c’est sorti de l’école ou en dehors que tout le monde apprend à vivre, penser, aimer, parler, penser, jurer, se débrouiller, travailler. Aussi, les pauvres (comme les riches) veulent y aller pour le diplôme.

La moitié des êtres humains n’entrent jamais dans une école et n’ont aucun contact avec des enseignants. Pourtant ils apprennent le message que transmet l’école : le salut n’est possible que par l’école. Ils sont ainsi instruits de leur propre infériorité, ou leurs enfants s’en chargent une fois que ces derniers en ont absorbé le poison. On vole aux pauvres le respect d’eux-mêmes. L’école ne leur laisse que le maigre espoir que leurs petits-enfants entreront en son sein, que par son entremise, non par celle des maîtres, ils bénéficieront d’un savoir plus étendu.

Les élèves n’ont pas coutume d’attribuer la plus grande part de leurs connaissances à des maîtres. Qu’ils soient brillants ou médiocres ils auront tous recours au par cœur, aux lecture hâtives et à la débrouillardise pour réussir leurs examens tandis qu’on fait miroiter à leurs yeux l’espoir d’une carrière ou qu’on les menace du bâton.

Une présence à plein temps

L’école exige de ses adeptes leur présence à plein temps, et les confie à un maître qui joue à la fois les rôles de gardien de l’institution (en transmettant les règles), censeur des moeurs (définit les bonnes et mauvaises façons de se comporter) et thérapeute (se croit autorisé à examiner et connaître la vie personnelle de chacun). Il a donc à la fois le pouvoir de juge, d’idéologue et de médecin des âmes (que les constitutions veillent normalement à séparer), alors même que les élèves lui sont confiés à plein temps.

L’école veille à ses règles en instituant une morale et une culpabilité pour ceux qui les enfreignent, elle maintient l’enfant à l’écart de la réalité quotidienne en l’enfermant dans un milieu primitif, magique, et d’un sérieux mortel.

Mais attention, réformer l’école, ce n’est pas seulement réformer l’institution, c’est surtout aller à l’encontre du "programme occulte", la formation de l’élèves aux préjugés, au sentiment de culpabilité et à la ségrégation que définissent les critères scolaires (supériorité de certains, infériorité des autres).

Le cérémonial ou le rituel de l’école constitue en lui-même un véritable programme de formation : programme occulte d’entrée dans une société de consommation toute entière tendue vers la croissance.

Le rite du progrès

La consommation du diplômé fixe le niveau à atteindre pour tous les citoyens. S’ils veulent être des civilisés, dans leur travail ou au-dehors, il leur faut aspirer aux mêmes honneurs. → l’université à le pouvoir d’imposer des niveaux de consommation, et elle en use partout dans le monde. Moins il y a de diplômés dans un pays et plus on considère leurs demandes de biens (que leur éducation leur a fait considérer comme nécessaires) comme un idéal à atteindre par le reste de la population. → il y a des fossés en matière de communication entre un diplômé de l’université et un citoyen moyen. On est alors dans un monde où c’est le diplôme et non l’argent qui donnent accès à toutes sortes de biens et services ⇒ l’uni fixe les objectifs à atteindre en matière de consommation.

L’université initie les gens à la société de consommation et à la nécessité d’un enseignement public et obligatoire.

Pour pouvoir entreprendre une réforme de l’éducation faut avoir compris que le rite de la scolarité (=fonder la croyance sur la raison) ne sert ni l’acquisition individuelle de connaissances, ni l’égalité sociale. Et il ne suffit pas de réformer l’université uniquement car ce serait oublier qu’elle fait partie d’un tout. Seule une génération qui aura grandi sans école obligatoire pourra recréer l’université.

Après 68, les « hippies » essaient de sortir de la logique actuelle, de créer une contre- culture.

Mythe des valeurs institutionnalisées

L’école nous enseigne à croire que l’éducation est le produit de l’enseignement. Le seul fait que les écoles existent fait naître la demande d’une formation scolaire. Une fois instruits de la nécessité de l’école, la même logique nous conduit à nous en remettre ensuite aux autres institutions. l’école nous fait croire que l’apprentissage est le fruit de l’assiduité, d’une présence régulière etc. alors qu’en réalité on ne tient pas notre savoir de l’instruction imposée mais plutôt du rapport avec un milieu qui fait sens pour nous.

Le mythe du progrès éternel

L’augmentation du coût de l’éducation par élève a beau s’accompagner de résultats moins convaincants il n’en accroît pas moins la valeur de l’élève sur le marché et à ses propres yeux. Peu importe les dépenses faut pousser l’élève à consommer toujours plus. C’est le progrès qu’il doit accomplir et c’est ce qui l’incite à ne pas quitter l’école. S’il parvient aux niveaux supérieurs de la pyramide il bénéficiera de stimulations toujours plus grandes et rien ne sera trop beau pour lui. La croissance est conçue comme une consommations sans fin = progrès éternel

Le jeu rituel

la moyenne d’âge à laquelle on quitte l’école ne cesse de s’élever. Personne n’en a jamais finit avec l’école: elle ne ferme jamais ses portes à quiconque sans lui offrir une chance de rachat (cours de rattrapage, éducation des adultes, formation permanente).

La nouvelle aliénation

l’école ne représente pas seulement la nouvelle religion planétaire, c’est aussi le marché de l’emploi qui se développe le plus vite. Au cours de la dernière décennie, les investissements dans l’industrie de l’éducation se sont élevés de manière importante. Si on additionne le nombre d’enseignants et d’élèves on peut s’apercevoir que cette prétendue superstructure est devenue le principal employeur de notre société. L’école est une industrie.

Les jeunes sont pré-aliénés par une école qui les tient à l’écart du monde, tandis qu’ils jouent à être à la fois les producteurs et les consommateurs de leur propre savoir défini comme une marchandise sur le marché de l’école. L’enseignement fait de l’aliénation la préparation à la vie, séparant ainsi l’éducation de la réalité, et le travail de la créativité. Il prépare à l’institutionnalisation aliénatrice de la vie en enseignant le besoin d’être enseigné. Une fois cette leçon apprise, l’homme ne trouve plus le courage de grandir dans l’indépendance, ne trouve plus d’enrichissement dans ses rapports avec autrui. L’école emploie la majeure partie de la population : soit les garde à vie, soit s’assure qu’ils s’insèreront dans une institution quelconque. ⇒ Pour libérer l’homme seule solution maintenant : déscolarisation!

Le potentiel révolutionnaire de la déscolarisation

L’école est l’une des institutions modernes (bien que pas la seule) ayant pour but essentiel d’imposer à l’homme une vision particulière de la réalité. Mais plus que ça, elle rend l’esprit plus esclave. Seule l’école est censée former le jugement critique. On est tous prisonniers du système scolaire avec cette croyance selon laquelle le savoir n’aurait de valeur que s’il nous est imposé. Puis nous l’imposerons ensuite à d’autres = production et reproduction de savoirs. L’école est le plus important et le plus anonyme des patrons. Elle sait présenter ses services de telle sorte que nous nous sentons tous tenus d’avoir recours à elle.

On a deux choix: - continuer à croire que l’éducation institutionnalisée est un produit qui justifie des investissements illimités (le savoir est une marchandise vendue de force au consommateur) - reconnaître que la législation, l'investissement et la planification doivent être utilisés pour abattre les barrières qui font obstacle aux chances de s’instruire car l’instruction ne peut être qu’une activité personnelle.

→ il faut prendre conscience du rite par lequel l’école forme l’homme condamné à la consommation du progrès afin de faire apparaître une nouvelle économie.

Analyse spectrale des institutions

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Les institutions dites manipulatrices caractérisent et définissent l’époque d’Illich contrairement aux institutions qui facilitent les activités humaines qui sont plus modestes et passent donc plus inaperçues, elles sont plus ouvertes et moins contraignantes. Ces dernières se trouvent chacune à l’extrémité du spectre des institutions. Les institutions modernes dominantes se retrouvent toutes dans la catégorie de droite comme l’armée, le FBI ou les services publiques. Elles sont contre productives en obtenant des résultats contraire à leur but prioritaire. Par exemple, les prisons étaient à l’époque des lieux de détention jusqu’à une exécution, or aujourd'hui elles se réclament d’une fonction plus noble = enfermer des gens a un effet bénéfique sur leur caractère et cpt alors qu’en réalité, elles produisent des criminels. De même pour les hôpitaux psychiatriques, asiles de vieillards ou orphelinats qui présentent à leurs clients une image négative d’eux mêmes = malades mentaux, vieillards impotents, épaves de la société etc. Les institutions de droites ont des règles qui nous contraignent à consommer ou participer activement en nous soumettant aux publicités, à l’agression, l’endoctrinement comme si nous ne pouvions pas nous en passer...

En revanche les institutions facilitant les activités humaines ne nous contraignent pas à avoir recours à leurs services et nous ne sommes pas obligés de nous convaincre de leur nécessité. Le client reste indépendant. Ce genre d’institutions (parcs, trottoir) sont faites pour être utilisées et non pour produire. Nous choisissons nous même de les utiliser ou non. Elles ont toutefois aussi des règles, par exemple il ne faut pas encombrer les voies publiques, il y a des emplacements réservés aux jeux de balle dans les parcs etc.

Il existe aussi des services contraires à l’intérêt du public comme les autoroutes qui sont en réalité, pas un service public, mais au service des constructeurs automobile car ils justifient les voitures rapides par exemple. Un service dit public consisterait dans les pays « sous-développés » en petites voies pour des véhicules simples, faciles à entretenir, peu rapides, utilisés 24h / 24.

Plus proches du centre, on a des entreprises ou activités qui sont certes déjà en concurrence avec d’autres mais sans exploiter la publicité de façon intensive ex. petits commerces, artisans, membres de professions libérales tels que avocats professeurs de piano etc.

L’école se place à l’extrême droite du spectre des institution, tout à côté de l’asile prison dont les producteurs ne tuent après tout que les corps. Prisonnier de l’idéologie scolaire, l’être humain renonce à la responsabilité de sa propre croissance et, par cette abdication, l’école le conduit à une sorte de suicide intellectuel.

⇒ nous avons un choix à faire entre ces deux types d’institutions: tout homme doit savoir s’il veut la richesse matérielle et posséder encore plus de choses, ou s’il entend être libre de les utiliser. → différence entre fabriquer et agir

De même, l’école crée une demande de scolarité pour « une maturité » fabriquée de toute pièce. On renonce à l’initiative personnelle qui génère une passivité équivalente à un suicide intellectuel. De plus, nous pouvons voir que l’école est financée par tous alors qu’elle est réservée et sert essentiellement aux privilégiés comme le dit le sociologue Bourdieu.

Logique de l’absurde

Toutes les tendances éducatives ont un seul et même but : conduire les enfants grâce à des spécialistes à s’intégrer à la société, qui elle réclame une spécialisation disciplinée et une fidélité inconditionnelle à l’idéologie de la croissance économique.

On considère très souvent les enseignants comme des thérapeutes et on croit que leurs ordonnances sont nécessaires à tous les hommes qui souhaitent jouir de liberté et égalité. Tous sont d’accord sur un point : il faut reculer sans cesse plus loin les murs de l’école jusqu’à ce qu’elle enferme toute la société.

Nos institutions éducatives d’aujourd’hui ne servent que les objectifs de l’éducateur. Il nous faut des structures qui mettent les hommes en rapport les uns avec les autres permettant ainsi à chacun de se définir en apprenant et en contribuant é l’apprentissage d’autrui.

Les réseaux du savoir

Dans ce chapitre, Illich nous parle du public qui “en vient alors à se demander s’il ne serait pas possible de concevoir l’enseignement différemment.” Ceux mêmes qui défendent une telle idée, ont acquis leurs connaissances, leurs convictions, le plus souvent en dehors d’un établissement scolaire → au travers d’amitiés, de programmes de télévision, de lectures, l’exemple de leurs égaux, une rencontre fortuite.. (p.123)

“Si l’on veut cesser de dépendre des écoles, ce n’est pas en investissant les ressources budgétaires dans un nouveau système destiné à « faire » apprendre que l’on y parviendra. Ce qu’il faut plutôt, c’est créer de nouveaux rapports entre l’homme et ce qui l’entoure qui soient sources d’éducation. Pour parvenir à ce résultat, nous devrons modifier simultanément nos réactions, l’idée que nous nous faisons de la croissance, les outils nécessaires à l’éducation et le style de la vie quotidienne.” (p.124)

Illich propose de donner “à celui qui veut apprendre des moyens nouveaux d’entrer en contact avec le monde autour de lui, au lieu de continuer à avoir recours aux canaux de distributions traditionnels des programmes d’enseignement.” (p.124-125)

Une objection : à qui peuvent servir ces points jetés vers l’inconnu ?

Pour I’auteur, “la nature de l’école dépend de la structure économique et politique.” (p.125) Or, les institutions éducatives qu’il voudrait esquisser appartiennent, au contraire, à une société qui n’existe pas encore, elles contribueraient à la créer. Il faut alors “se consacrer à modifier tout d’abord le système politique et économique” (p.125)

“L’’école façonne un consommateur qui n’accordera bientôt plus de valeur qu’aux services rendus par les institutions.” (p.126) De ce fait, “cette identité nous révèle combien il est illusoire de prétendre que les écoles puissent être différentes. Illusion encore, et qui permet à l’institution scolaire de jouir d’une immunité quasi entière, bien qu’elle ne soit que l’agent reproducteur d’une société de consommation.” (p.127)

Caractéristiques générales de nouvelles institutions éducatives

Selon Illich, un véritable système éducatif devrait se proposer trois objectifs. “A tous ceux qui veulent apprendre, il faut donner accès aux ressources existantes. Il faut ensuite que ceux qui désirent partager leurs connaissances puissent rencontrer toute autre personne qui souhaite les acquérir. Enfin, il s’agit de permettre aux porteurs d’idées nouvelles, à ceux qui veulent affronter l’opinion publique, de se faire entendre.” (p.128)

Pour Illich, “c’est la liberté universelle de parole, de réunion, d’information, qui a vertu éducative.”(p.129) “Ce sont ces objets, ces choses saisies, tenues en main, regardées, ce sont les modèles proposés, l’aide des aînés, les rencontres avec des êtres égaux” qui se révèlent être des sources d’apprentissage. (p.130) Et non pas la soumission à un programme obligatoire.

Il y a quatre types de ressources sur lesquelles l’éducation se fonde.

Quatre réseaux :

Des services chargés de donner accès aux objets éducatifs

Pour Illich, “les objets matériels représentent une ressource fondamentale. L’apprentissage formel passe d’abord par la possibilité de manipuler, d’utiliser les objets de la vie quotidienne, de même que par l’examen, l’étude de ceux qui sont conçus dans une perspective purement éducative.” (p.134) Pour lui, déscolariser se ferait par un renversement des ces méthodes, “en rendant accessible l’environnement physique et les ressources matérielles propres à l’éducation que l’on a avilies pour les mettre au service de l’enseignement. L’instruction doit partir d’un choix personnel.” (p.137)

Évidemment, ce réseau d’information ne peut se faire sans un financement. Illich envisage que celui-ci peut se fasse de deux façon différentes. Premièrement, “directement dans chaque communauté qui établirait, par exemple, un budget d’ensemble, donnant à tout visiteur accès à n’importe quel point du réseau, tout en fixant des horaires de visite raisonnables.” Deuxièmement d’une manière plus indirecte, “chaque citoyen bénéficierait de subventions définie par la communauté et attribuées aux divers groupes d’âges : ils auraient ainsi accès aux équipements les plus coûteux et les plus rares, tandis que les autres objets et choses plus ordinaires seraient mis à la disposition de tous.” (p.143)

L’échange des connaissances

Illich donne en deuxième réseau l’échange des connaissances. Il affirme qu’”Il va de soi que ceux qui sont capables d’enseigner un savoir n’appartiennent pas à la même catégorie de ressources éducatives que les choses dont nous parlions précédemment. Ce n’est pas pour autant qu’ils sont toujours indispensables.” (p.147)

L'échange qu’il envisage se fonde en premier lieu sur la démonstration : celui qui possède un talent sert en quelque sort de modèle. “Lorsque l’on veut vraiment apprendre, à moins que l’on ne souffre d’un handicap particulier, la seule aide nécessaire est finalement de voir démontrer ce que l’on voudrait acquérir.” il en découle alors que “Les diplômes représentent un obstacle à la liberté de l’éducation, faisant du droit de partager ses connaissances un privilège réservé aux employés des écoles.” (p.149)

“Si bien que pour garantir le développement de l’échange de compétences, il nous faudrait une législation qui garantisse cette liberté d’enseigner. Mais comment convaincre les personnes compétentes de transmettre leur savoir et comment disposer des capitaux nécessaires ? On pourrait, par exemple, institutionnaliser l’échange des compétences en créant des centres ouverts au public, en particulier dans les zones industrielles. Il serait possible de concevoir une solution plus révolutionnaire en créant une sorte de « banque », ainsi, on donnerait à chaque citoyen un premier crédit lui permettant d’acquérir des connaissances de base. Ensuite, pour bénéficier de nouveaux crédits, il lui faudrait lui-même enseigner, soit dans les centres organisés, soit chez lui, voire sur les terrains de jeu.”(p.151)

L’appariement des égaux

Pour Illich, “L’école se contente souvent de rassembler des élèves dans une même salle et de les soumettre au même programme de mathématiques, d’orthographe, d’instruction civique, etc.” Dès lors, “les écoles permettent à de nombreux enfants de se libérer du cadre trop étroit de leur familles, de nouer de nouvelles amitiés. Mais, en même temps, elles les convainquent que leur choix doit se porter sur leurs condisciples.” (p.154)

Il en relève alors que “La rencontre entre pairs représente une première étape de la libération nécessaire des citoyens qui en sont venus à dépendre entièrement des administrations publiques. Ce serait également une étape décisive face à la nécessité de trouver de nouveaux moyens de fonder la confiance du public.” (p.160)

L’auteur affirme donc, que “dans une société déscolarisée, les gens de métier ne seraient plus dissimulés derrière leurs diplômes, assurées que l’on ne mettra pas en doute leur compétence, puisqu’ils possèdent leur pedigree universitaire.” (p.160)

Des éducateurs professionnels

Illich dit que “Déscolariser l’éducation devrait développer l’effort pour rechercher des êtres humains possédant une sagesse pratique, prêts à aider le nouveau venu au seuil de son aventure éducative.” (p.161) Ainsi, “La disparition du maître d’école devra éclore des vocations d’éducateurs indépendants. Leur présence serait même indispensable, car les parents, les instructeurs ont eux aussi besoin de conseils, les étudiants doivent souvent être guidés et les réseaux ne fonctionneront pas sans un personnel compétent.” (p161-162)

“On pourrait, en fait, distinguer trois types de compétences éducatives : celle requise pour créer et faire fonctionner les réseaux dont nous avons parle ; la seconde consisterait à guider étudiants et parents dans l’utilisation des ces réseaux ; la troisième serait celle propre à aider les difficiles voyages d’exploration intellectuelle. Les deux premières fonctions seulement peuvent être conçues comme des métiers véritables : nous aurions des administrateurs éducatifs et des conseillers en pédagogie.” (p.162)

“Alors que les administrateurs de réseaux se chargeraient d’assurer la mise en place et la permanence des voies d’accès aux ressources éducatives, le pédagogue aiderait surtout l’étudiant à trouver le chemin le plus propre à le conduire au but recherché.”8p.164) “Comme l’administrateur de réseaux, le conseiller pédagogique se définirait comme un éducateur professionnel.” (p.165)

Pour Illich, il est primordial, de “ d’abord bâtir une société, ou l’acte personnel retrouve une valeur plus grande que la fabrication des choses et la manipulation des êtres.” (p.167)

”Une des conséquences les plus importantes de la déscolarisation et des facilités données aux rencontres entre paris serait l’initiative que les « maîtres » pourraient alors prendre de rassembler des disciples.”(p.167-168)

⇒ “La disparition de l’école pourrait conduire au triomphe du pédagogue, à qui l’on donnerait mandat d’agir en dehors de l’école sur la société toute entière.” (p.169). Et ajoute à ces propos que la révolution éducative devrait être guidée par certains principes qui sont les suivants :

  1. Libérer l’accès aux choses en abolissant le contrôle que des personnes privées et les institutions exercent sur leur valeur éducatives
  2. Libérer le partage des compétences en garantissant le droit d’enseigner celles-ci ou de les démontrer à la demande
  3. Libérer les ressources créatrices et criquets des êtres humains en redonnant à la personne individuelle le pouvoir d’appeler à des réunions ou à les tenir
  4. Libérer l’individu de l’obligation de modeler ses espérances conformément aux services que peuvent lui offrir les professions établies

La déscolarisation de la société fera inévitablement s’effacer les distinctions entre l’économie, l’éducation et la politique, sur lesquelles reposent la stabilité du monde actuel et celle des nations.” (p.170)

Renaissance de l’homme épiméthéen

“L’espoir, dans son sens fort, signifie une foi confiante dans la bonté de la nature, tandis que les espérances, dans le sens où nous utiliserons ici ce terme, veulent dire que nous nous fions à des résultats voulus et projetés par l’homme.” (p. 173)

Dans ce dernier chapitre, Illich définit les différences entre l’espoir et les espérances. Pour cela, il s'appuie sur le mythe de la boite de Pandore ainsi que sur l’histoire de deux frères célèbres de la mythologie grecque : Prométhée et Epiméthée. La première, déesse de la terre, responsable d’avoir laisser tous les maux s’échapper de sa boîte et se répandre sur la terre. Elle parvint néanmoins à refermer sa boite avant que l’espoir ne s’enfuie. Epiméthée, représentant l’homme sot et primitif, choisit de l’épouser, allant à l’encontre des conseils de son frère. Ce dernier, représentant l’homme civilisé, fut celui qui déroba le feu aux dieux et, par là, donna le pouvoir à l’homme de créer un décor à sa mesure et de prendre son destin en main. C’est la naissance de l’institution. “L’initiation primitive, par l’entremise de la terre maternelle, à la vie mythique s’était changée en éducation (paidea) du citoyen qui, sur le forum, se sentirait à l’aise.” (p. 175)

Illich en arrive rapidement à la société moderne où, pour lui, tout a été conçu et déterminé par des institutions : “Un enfant des rues n’y touche jamais rien qui n’ait été scientifiquement conçu, réalisé et vendu à quelqu’un. [...] Tout les biens sont le produit de quelque institution spécialisée”. (p. 176)

“L’homme peut dorénavant tout demander puisqu’il n’imagine rien qu’une institution en soit pas capable de lui fournir. Ce pouvoir n’est pourtant qu’une source de frustrations sans cesse renouvelées. Il s’est armé d’outils tout puissant mais ce sont ces outils qui le dirigent. Toutes les institutions, par lesquelles il entendait exorciser les maux originels, sont devenus des cercueils dont le couvercle se referme sur lui. Les êtres humains sont pris au piège: prisonniers des boîtes qu’ils fabriquent pour enfermer les maux que Pandore avait laissé échapper” (p. 178)

Illich énonce le fait que les institutions concourent à leur propre perte et à la perte de l’humanité. L’exemple qu’il donne est celui de la bombe atomique. “Cette nouvelle puissance, qui [permettrait à l’homme] de faire éclater la terre, devrait nous rappeler constamment que les institutions non seulement créent leurs propres fins, mais qu’elles possèdent également le pouvoir de se détruire et nous avec.” (pp. 178-179). Cette absurdité se retrouve aussi dans les autres institutions.

Illich énonce ensuite différentes dérives de la société: les dangers de l’économie telle qu’elle est pratiquée, les progrès scientifiques qui ne font plus l’unanimité, les limites des ressources naturelles, l’institutionnalisation des valeurs.

“La valeur correspondante de l’homme se mesure par son aptitude à consommer et à dégrader les produits institutionnels, créant ainsi une demande plus forte que la précédente. Quelle est la valeur de l’homme institutionnalisé? On ne lui demande que d’être un bon incinérateur! Il est devenu, en quelque sorte, l’idole de ses oeuvres. Il est la chaudière qui brûle les valeurs produites par ses outils. Et il n’existe aucune limite à sa voracité. Il vit dans la démesure, dans un idéal prométhéen porté à l’extrême.” (p. 185)

Illich termine en revenant sur le mythe de son début de chapitre. “Il nous faudrait maintenant un nom pour ceux qui croient à l’espoir plus qu’aux espérance, un nom pour ceux qui aiment leur prochain plutôt que les biens, [...] un nom pour ceux qui aiment la terre sur laquelle nous pouvons nous rencontrer, [...] un nom pour ceux qui aident leur frère Prométhée à allumer le feu et à forger le fer mais qui le font pour développer leur aptitude à soigner, à aider, à s’occuper d’autrui [...]. Pourquoi ne pas appeler ces frères et soeurs, porteurs de notre espoir, les Epiméthéens?” (pp. 187-188)

⇒ Selon Illich “L’homme est maintenant le jouet des savants, des ingénieurs et des planificateurs”.


Résumé rédigé par Alix Daubord, Elodie Grosjean, Diana Pinto et Sébastien Toninato