Libres enfants de Summerhill (Neill)

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Libres enfants de Summerhill (1960), Alexander S. Neill

Alexander Sutherland Neill (1883-1973)

Alexander S. Neill est un psychanalyste et pédagogue écossais. Il fonde en 1921 l'école de Summerhill, une école à la campagne basée sur la liberté des enfants qui la fréquentent : les cours ainsi que toutes les autres activités proposées (sport, théâtre, ateliers de bricolage) y sont facultatifs. Il est le directeur de cette école jusqu'à sa mort, ensuite il est remplacé par sa femme jusqu'en 1985, et puis par sa fille Zoe Readhead, encore à ce poste actuellement. On peut noter chez Neill l'influence d’Homer Lane, fondateur du Little Commonwealth, un établissement collectif pour jeunes délinquants dominé par le principe d’autonomie dont il s’est inspiré pour son école. Mais également celle de Freud et de Wilhelm Reich, qui ont notamment travaillé sur la sexualité et sa répression. Dans les années 1920, il participe à la Ligue internationale pour l'éducation nouvelle. Cette ligue regroupe des pédagogues de l’époque tels que Decroly, Ferrière, ou encore Montessori. Neill ne s'attarde pas sur les méthodes pédagogiques et didactiques à proprement parlé, mais bien plus sur la liberté de l'enfant, dont celle de choisir ou non de s'instruire.

L'idée générale de Neill (voir vidéo)

Neill à travers sa communauté d’enfants cherche à permettre à ceux-ci de s’émanciper et s’épanouir, grâce notamment à la place qu’il donne à leur autonomie et autogestion. Le fondement de son discours est que l'enfant est bon en soi, et qu'il faut le laisser faire ses propres expériences et ses propres choix, pourvu qu'il puisse s'épanouir dans la direction qui lui semblera la bonne : c’est donc qu’il faut lui faire confiance. En lui imposant des choses, des actes ou une morale, on crée chez l'enfant des frustrations, qui pourront alors être la source d'agressivités, de forces destructrices, de violences, de complexes ou même de névroses. En le laissant au contraire expérimenter le monde, sans limites autres que ne pas empiéter sur la liberté d'autrui, on lui permet d’extérioriser sa violence ou ses pulsions diverses et d'apprendre de lui-même à les contrôler. Neill va même plus loin en exposant que selon lui, l'enfant n'aura de lui-même pas envie de recourir à la violence ou à la destruction, s’il n'a pas été brimé et frustré dans ses premiers moments de découverte. De même, un enfant autonome dès son plus jeune âge, c’est-à-dire qui a vécu selon un principe de liberté, ne restera généralement pas fixé sur des intérêts primitifs. Il aura alors pu épuiser ses complexes et ses désirs premiers, et pourra ainsi se construire avec une valeur positive de lui-même. Dans cette même idée, la non-répression de la sexualité est fondamentale pour l’auteur. En effet, il décrète que l’enfant doit être libre de découvrir et d’expérimenter la sexualité sans répression d’ordre moral de la part de l’adulte, sous peine de développer de la culpabilité, des complexes ou des intérêts quasi-obsessionnels. En effet, la sexualité n’est pas un tabou dans l’école de Summerhill. La masturbation, la nudité et la sexualité font partie de sa vision du monde comme quelque chose de naturel. Aucun enfant n’est puni en abordant un tel sujet, car c’est la liberté qui prône à tous les niveaux dans cette école novatrice.

La comparaison des idées de Neill (1960) avec la Convention relative aux droits de l’enfant (1989)

Pour Neill, comme dit précédemment, c’est avant tout la liberté qui prime dans sa conception de l’éducation, liberté aussi bien de parole, que de choix, de croyance, de pensée, de jeu ou d’instruction. Dans son écrit, l’auteur utilise uniquement le terme de liberté et pas encore celui de droit. Pourtant nous avons tenté de mettre en exergue les idées novatrices et le côté précurseur de Neill, en proposant une comparaison entre quelques uns de ses préceptes et certains articles de la Conventions des droits de l'enfant de 1989.

  • Convention

"Préambule: Reconnaissant que l'enfant, pour l'épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d'amour et de compréhension."

  • Neill

Cela rejoint l’intention de l’auteur quant à l’éducation : de l’amour, de la tolérance et de l’attention donnée à l’enfant. Ainsi selon Neill, l’enfant pour être libre, autonome et donc sain, doit pouvoir bénéficier: • d'approbation • d'amour • de liberté • de confiance • de tolérance • de respect Toute réprimande ou punition à caractère moral est bannie.


  • Convention

"Article 13: L'enfant a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l'enfant."

  • Neill

Une expression sous formes diverses que l’on peut rapprocher à la pratique de la danse, du théâtre, aux séances hebdomadaires de cinéma, à l’encouragement des lectures ainsi qu’aux nombreuses fêtes qui ont lieu dans cette école. Il y a également la notion de liberté de parole, d’expression que l’on retrouve. En effet, la communauté de Summerhill possède une assemblée générale hebdomadaire, dans laquelle toutes les paroles sont égales (égalité de droit totale entre les enfants de tous âges et les adultes).


  • Convention

"Article 14: La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut être soumise qu'aux seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires pour préserver la sûreté publique, l'ordre public, la santé et la moralité publiques, ou les libertés et droits fondamentaux d'autrui."

  • Neill

Dans l’école, il n'y a pas d’instruction religieuse. Pour Neill on ne doit rien imposer à l’enfant, ni enseignement, ni croyance. Quand à la liberté des autres, la conception dominante de la liberté à Summerhill est: « Chacun est libre de faire ce qu’il veut aussi longtemps qu’il n’empiète pas sur la liberté des autres ». Cela rejoint l’expression connue : "la liberté des uns s’arrête où commence celles des autres".


  • Convention

"Article 15: Les Etats parties reconnaissent les droits de l'enfant à la liberté d'association et à la liberté de réunion pacifique."

  • Neill

On peut faire un lien entre cet article et l’assemblée générale adoptée dans l’école : durant cette réunion présidée par un élève élu, les enfants expriment les problèmes rencontrés et on les met en débat. Ils élaborent également leurs lois. Il faut noter que lors de ces réunions, le poids de la voix de l’enfant vaut aussi bien que celle de l’adulte.


  • Convention

"Article 29: d) Préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d'origine autochtone;"

  • Neill

Même si l’auteur ne parle pas réellement de cet aspect dans son livre, il y a des enfants de divers pays qui viennent à Summerhill. L’importance des notions de tolérance, d'acceptation et de liberté y est très présente.

La liberté et l'anarchie

Il faut bien noter que Neill prête une importance fondamentale à la distinction entre la liberté et l'anarchie. L'enfant est égal en droit à l'adulte, il doit être libre en tous points, mais cela ne signifie pas que tout est autorisé. L'enfant est en effet responsabilisé face à ses actes, en faisant par exemple des réparations, s’il casse quelque chose, ou encore en payant des amendes pour ce qu'il a détruit. Mais Neill souligne que la différence se situe dans le fait qu'il n'y a aucune morale dans ces réparations ou amendes. Cela constitue une simple conséquence des actes. Ainsi l’auteur attendra patiemment que le comportement destructeur s'arrête de lui-même, par épuisement des pulsions.

Limite du système

Comme nous avons pu le voir, Neill prône une liberté absolue pour les enfants dont il a la responsabilité. Néanmoins, il faut souligner que, et Neill lui-même l'admet très honnêtement et humblement dans son ouvrage, il s'agit d'une école privée, non subventionnée par l'Etat. Ainsi, les seuls revenus de l'école viennent des familles qui confient leur enfant. Neill a une conception de la liberté qui s'étend largement au cercle familial. Pour lui ce sont les parents qui vont créer cette base saine d'égalité et de liberté. Or, certaines familles n'ont pas su élever leur enfant selon ces préceptes et cela donne, toujours selon notre auteur, des enfants frustrés, qui peuvent alors déranger à outrance le système proposé à Summerhill. Ces enfants, lors de "rares exceptions" ont été rendus à leur famille. Neill suggère aussi qu'il refuse parfois des enfants car il s’aperçoit que les parents n'adhèrent pas totalement à sa pédagogie. En cela, il semble savoir que le travail avec ces enfants sera difficile, voire impossible car trop contradictoire avec les pratiques familiales.

Ainsi, le système qui prône la tolérance, l’inclusion et la liberté, a lui-même ses propres critères d'exclusion.

Extrait du film de Bernard Kleindienst, “Les enfants de Summerhill”

14mn30 à 15mn17 http://www.dailymotion.com/video/xc3pwx_les-enfants-de-summerhill-1-film-do_lifestyle