« Droits des femmes » : différence entre les versions

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Actuellement le droit à l'avortement pour les femmes subit encore des contestations et même une offensive de remise en question: pouvons nous encore le qualifier comme  un droit de la femme s'interrogent certains ? Tout au long de cette page nous nous centrerons sur le droit à l'avortement pour les femmes depuis 1970. En effet, les mouvements féministes sont présents depuis longtemps dans l'histoire des droits des personnes. Dans la période de l'après guerre, les femmes se sont mobilisées plus fortement pour acquérir des droits identiques à ceux des hommes. C'est par la lutte pour le droit à un travail rémunéré que les mouvements prennent de l'ampleur  : "L'essort du féminisme dans cette période serait intimement lié à celui du travail salarié" <ref>Riot-Sarcey, M., 2008, ''Histoire du féminisme'', Paris, La Découvertes, Repères. p. 73 </ref>. La question de la procréation est aussi au cœur de leur mouvement, puisqu'il est question de "repeupler" des pays détruits : "Après l'hécatombe de la guerre, jusqu'alors la plus meurtrière, il est nécessaire, plus que jamais de "remplir les berceaux vides"" <ref>Riot-Sarcey, M., 2008, ''Histoire du féminisme'', Paris, La Découvertes, Repères. p. 73 </ref>. Il ne faut pas non plus oublier leurs luttes pour l'accès à la politique : plus précisément le droit de vote pour les femmes, qui prend de l'ampleur bien avant la guerre. C'est dans ce contexte d'après guerre, que les femmes resurgissent au front pour valoriser des droits égalitaires et propres à leur vie.
Actuellement, le droit à l'avortement pour les femmes est encore un sujet à contestations et même à une offensive de remise en question: pouvons nous encore le qualifier comme  un droit de la femme s'interrogent certains ? Tout au long de cette analyse, nous nous centrerons sur le droit à l'avortement pour les femmes depuis 1970. En effet, les mouvements féministes sont présents depuis longtemps dans l'histoire des droits des personnes. Dans la période de l'après guerre, les femmes se sont mobilisées plus fortement pour acquérir des droits identiques à ceux des hommes. C'est par la lutte pour le droit à un travail rémunéré que les mouvements prennent de l'ampleur  : "L'essort du féminisme dans cette période serait intimement lié à celui du travail salarié" <ref>Riot-Sarcey, M., 2008, ''Histoire du féminisme'', Paris, La Découvertes, Repères. p. 73 </ref>. La question de la procréation est aussi au cœur de leur mouvement, puisqu'il est question de "repeupler" des pays détruits : "Après l'hécatombe de la guerre, jusqu'alors la plus meurtrière, il est nécessaire, plus que jamais de "remplir les berceaux vides"" <ref>Riot-Sarcey, M., 2008, ''Histoire du féminisme'', Paris, La Découvertes, Repères. p. 73 </ref>. Il ne faut pas non plus oublier leur luttes pour l'accès à la politique : plus précisément le droit de vote pour les femmes, qui prend de l'ampleur bien avant la guerre. C'est dans ce contexte d'après guerre, que les femmes réapparaissent pour tenter de faire valoir des droits égalitaires et propres à leur vie.


La question de la maîtrise de la contraception comme droit de la personne a fait l'objet à la fois de lutte (manifestation, création de centres de santé des femmes notamment), d'études et d'écrits (voir ci-après).
Cet article est fondé à la fois sur une recherche documentaire et sur la récolte de témoignages de deux personnes pionnières dans l'avancée du droit des femmes à l'avortement. L'article présentera également les différents mouvements féministes conduits dans les années 1970 sur le droit à l'avortement.Ceci nous montrera que la Suisse n’a pas été la première à lutter pour le droit à l’avortement, mais que le phénomène est mondial. Les États-Unis ont sans aucun doute été les précurseurs, mais la lutte s'est largement diffusée et reproduite dans différents pays du monde amenant à des dates différentes sur l'accès à l’avortement.  L'article se construira à partir de la lutte des femmes en Suisse et des différentes lois qui en sont ressorties et cherchera à comprendre le rôle qu’ont joué les deux témoins interrogées dans cette récente histoire(1970 à aujourd'hui).  


Cet article est fondé à la fois sur une recherche documentaire et sur la récolte de témoignages de deux personnes pionnières dans l'avancée du droit des femmes à l'avortement. L'article présentera également les différents mouvements féministes réalisés dans les années 1970 sur le droit à l'avortement. Il expliquera la lutte des femmes en Suisse et les différentes lois qui en sont ressorties et cherchera à comprendre la part qu’ont joué les deux témoins interrogées dans cette histoire récente (1970 à aujourd'hui).


Pour ce faire, nous évoquerons dans un premier temps, le mouvement de départ de ces contestations des situations faites aux femmes. Cette approche globale, nous montrera que la Suisse n’a pas été la première à lutter pour le droit à l’avortement, mais que le phénomène est mondial. Les Etats-Unis ont été sans aucun doute les précurseurs, mais la lutte s'est diffusée et reproduite dans différents pays du monde amenant à des dates différentes à autoriser l’avortement.
Pour ce faire, nous avons constitué une bibliographie, à partir d’ouvrages sur les mouvements féministes en général, sur la chronologie des contestations. Nous avons lu des articles scientifiques qui présentent la situation en Suisse, épluché  les informations sur les deux témoins qui ont été interrogées et consulté les archives contestataires à Carouge.
Nous avons également pu rencontrer deux femmes militantes à Genève sur ce thème. Nous avons donc effectué deux entretiens audio avec Madame [[Amélia Christinat]] et Madame [[Rina Nissim]] pour obtenir leurs témoignages sur l’histoire des mouvements féministes des années 1960 à 1980, principalement sur la question de l’avortement.
Dans un second temps, nous étudierons les différents mouvements qui ont eu lieu entre les années 1960-1980, en Suisse. '''compléter sur les questions que l’on va se poser…ce que cela amène comme nouveauté…'''


Pour ce faire, nous avons constitué une bibliographie, à partir d’ouvrages sur les mouvements féministes en général, sur la chronologie des contestations. Nous avons lu des articles scientifiques qui présentent la situation en Suisse, épluché  des informations sur les deux témoins qui ont été interrogés et consulté les archives contestataires à Carouge.
== L'Histoire du droit des femmes ==  
 
Actuellement, des auteures telles que [http://fr.wikipedia.org/wiki/Marcela_Iacub Marcela Iacub] et [http://fr.wikipedia.org/wiki/Judith_Butler Judith Butler] font de la problématique féministe une occasion de débattre de la question du genre, des identités sexuelles et des limites entre les sexes (intersexe, queer, etc), celle-ci peut nous aider à repenser la lutte féministe. Or, la lutte des années 70 (en amont en Suisse de l'accession des femmes à la citoyenneté) est celle d'une longue marche marquée par des féministes de l'après guerre comme Simone de Beauvoir avec sa formule historique "On ne naît pas femme on le devient", soulignant le déterminisme social de la féminité et la "fabrication" culturelle.  
Dans un troisième temps, nous avons effectué deux entretiens audio avec Madame [[Amélia Christinat]] et Madame [[Rina Nissim]] pour obtenir leur témoignage sur l’histoire des mouvements féministes des années 1960 à 1980, principalement sur la question de l’avortement.
 
== Revue de la littérature ==  
Actuellement des auteures telles que Marcella Iacub et Judith Butler font de la problématique féministe une occasion de débattre la question du genre, des identités sexuelles et limites entre les sexes (intersexe, queer, etc), laquelle peut nous aider à repenser la lutte féministe. Or, celle des années 70 (en amont en Suisse de l'accession des femmes à la citoyenneté) est celle d'une longue marche marquée par des féministes de l'après guerre comme Simone de Beauvoir avec sa formule historique "On ne naît pas femme on le devient", soulignant le déterminisme social de la féminité et la "fabrication" culturelle.  
Pour tenter de comprendre ce qui s'est passé durant cette époque nous allons revenir sur les faits marquants. Pour la compréhension de ce qui va suivre nous vous conseillons de lire [[Frise Chronologique du droit à l'avortement|la frise chronologique]] des événements marquants pour le droit à l'avortement en Suisse.  
Pour tenter de comprendre ce qui s'est passé durant cette époque nous allons revenir sur les faits marquants. Pour la compréhension de ce qui va suivre nous vous conseillons de lire [[Frise Chronologique du droit à l'avortement|la frise chronologique]] des événements marquants pour le droit à l'avortement en Suisse.  
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=== Mouvements féministes : Buts et démarches ===
=== Mouvements féministes : Buts et démarches ===


Ce n'est que dans la deuxième moitié du XIXème siècle que le féminisme se démarque en tant que mouvement collectif de luttes de femmes. "Ces luttes reposent sur la reconnaissance des femmes comme spécifiquement et systématiquement opprimées, l'affirmation que les relations entre hommes et femmes ne sont pas inscrites dans la nature mais que la possibilité politique de leur transformation existe."[3] En effet, les femmes ont dû faire face à de nombreuses inégalités et cela dans de nombreux domaines: le travail, la santé, la politique... Nous constatons encore aujourd'hui que de nombreuses inégalités persistent sur le droit des femmes mais elles sont moindres ou de nature différentes que dans les années 1960-80. Pour pouvoir entrer dans un processus de revendication politique du féminisme, il faut qu'il y ait une "relation avec une conceptualisation de droits humains universels;elle s'ancre dans les théories des droits de la personne dontles premières formulations juridiques sont issues des révolutions américaines puis françaises." <ref>Hirata H, et al,2000, "Dictionnaire critique du féminisme", Paris : Presse Universitaires de France, p. 225</ref>
Ce n'est que dans la deuxième moitié du XIXème siècle que le féminisme se démarque en tant que mouvement collectif de luttes de femmes. "Ces luttes reposent sur la reconnaissance des femmes comme spécifiquement et systématiquement opprimées, l'affirmation que les relations entre hommes et femmes ne sont pas inscrites dans la nature mais que la possibilité politique de leur transformation existe." <ref>Hirata H, et al,2000, ''Dictionnaire critique du féminisme'', Paris : Presse Universitaires de France, p. 225</ref>. En effet, les femmes ont dû faire face à de nombreuses inégalités et cela dans de nombreux domaines: le travail, la santé, la politique... Nous constatons encore aujourd'hui que de nombreuses inégalités persistent concernant le droit des femmes, mais elles sont moindres ou de nature différentes que dans les années 1960-80. Pour pouvoir entrer dans un processus de revendication politique du féminisme, il faut qu'il y ait une "relation avec une conceptualisation de droits humains universels; elle s'ancre dans les théories des droits de la personne dont les premières formulations juridiques sont issues des révolutions américaines puis françaises." <ref>Hirata H, et al,2000, ''Dictionnaire critique du féminisme'', Paris : Presse Universitaires de France, p. 225</ref>
Il convient de faire une distinction entre les mouvements féministes et les mouvements populaires des femmes. En effet, les mouvements populaires des femmes ne mettent pas directement en avant l'exigence de droits spécifiques pour les femmes. C'est l'emploi du mot féministe qui va changer les représentations que l'on se fait à cette époque. Pour certains les féministes sont "trop bourgeoises au XIXème siècle et au début du XXème siècle trop radicales et ennemies des hommes après les années 1970"<ref>Hirata H, et al,2000, "Dictionnaire critique du féminisme", Paris : Presse Universitaires de France., p. 126</ref>. Quant à l'expression "mouvement des femmes", elle est plus souvent utilisée comme raccourci pour mouvement de libération des femmes. Voila pourquoi elle a pu être associée au féminisme le plus radical et explique la confusion entre les deux termes.  
Il convient de faire une distinction entre les mouvements féministes et les mouvements populaires des femmes. En effet, les mouvements populaires des femmes ne mettent pas directement en avant l'exigence de droits spécifiques pour les femmes. C'est l'emploi du mot féministe qui va changer les représentations que l'on se fait à cette époque. Pour certains, les féministes sont "trop bourgeoises au XIXème siècle et au début du XXème siècle trop radicales et ennemies des hommes après les années 1970"<ref>Hirata H, et al,2000, ''Dictionnaire critique du féminisme'', Paris : Presse Universitaires de France., p. 126</ref>. Quant à l'expression "mouvement des femmes", elle est plus souvent utilisée comme raccourci pour mouvement de libération des femmes. Voilà pourquoi elle a pu être associée au féminisme le plus radical et explique la confusion entre les deux termes.  


Lorsque nous parlons de "mouvements féministes" nous désignons sous une même dénomination "les diverses formes des mouvements de femmes, le féminisme libéral ou "bourgeois, le féminisme radical, les femmes marxistes ou socialistes, les femmes lesbiennes, les femmes noires et toutes les dimensions catégorielles des mouvements actuels"<ref>Hirata H, et al,2000, "Dictionnaire critique du féminisme", Paris : Presse Universitaires de France, p. 127</ref>. Dès lors, l'expression" mouvement des femmes " représente les mobilisations de femmes en Amérique Latine ou les mouvements pour la paix en Irlande ou au moyen-Orient"<ref>Hirata H, et al,2000, "Dictionnaire critique du féminisme", Paris : Presse Universitaires de France., p.126</ref> Dans la littérature, deux types de mouvements féministes se démarquent. Une première vague a émergé dans la seconde moitié du XIXème siècle. Elle est souvent présentée autour des revendications du droit de vote.  Au début du XXème siècle, ou les mouvements sont qualifiés de "néo féminisme", les exigences ne se fondent pas sur une seule exigence d'égalité mais sur une reconnaissance "de l'impossibilité sociale de fonder cette égalité dans un système patriarcal"<ref>Hirata H, et al,2000, "Dictionnaire critique du féminisme", Paris : Presse Universitaires de France, p. 126</ref>. Le féminisme des années 1970, se fait connaitre par des mouvements anti-autoritaires, par des groupes de parole, il met en avant les formes les plus spontanées de manifestation et refuse toute organisation hiérarchique. " L'appartenance au mouvement représente la mise en acte d'une nouvelle idéologie, la recherche de sens et de valeurs communs." <ref>Hirata H, et al,2000, "Dictionnaire critique du féminisme", Paris : Presse Universitaires de France, p.128</ref>. C'est entre la fin des années 1960 et le début des années 1970 que le féminisme connait une ampleur internationale. "L'onde de choc part des Etats-Unis et gagne très rapidement la Grande-Bretagne et l'Allemagne dans les années 60". Il faut ajouter qu'en "dépit de son caractère extra parlementaire, le mouvement de libération des femmes a la capacité de susciter de larges mobilisations auprès des femmes syndiquées, des femmes de partis de gauche et de droite ou des associations luttant pour les droits des femmes comme le planning familial. Ce sont d'abord les campagnes pour la liberté d'avorter qui constituent les événements les plus importants et les plus marquants <ref>Hirata H, et al,2000, "Dictionnaire critique du féminisme", Paris : Presse Universitaires de France, p. 128</ref>.
Lorsque nous parlons de "mouvements féministes" nous désignons sous une même dénomination "les diverses formes de mouvements de femmes, le féminisme libéral ou "bourgeois, le féminisme radical, les femmes marxistes ou socialistes, les femmes homosexuelles, les femmes noires et toutes les dimensions catégorielles des mouvements actuels"<ref>Hirata H, et al,2000, ''Dictionnaire critique du féminisme'', Paris : Presse Universitaires de France, p. 127</ref>. Dès lors, l'expression" mouvement des femmes " représente les mobilisations de femmes en Amérique Latine ou les mouvements pour la paix en Irlande ou au moyen-Orient"<ref>Hirata H, et al, 2000, ''Dictionnaire critique du féminisme'', Paris : Presse Universitaires de France., p.126</ref> Dans la littérature, deux types de mouvements féministes se démarquent. Une première vague a émergé dans la seconde moitié du XIXème siècle. Elle est souvent représentée autour des revendications du droit de vote.  Au début du XXème siècle, les mouvements sont qualifiés de "néo féminisme", les exigences ne se fondent pas sur une seule exigence d'égalité mais sur une reconnaissance "de l'impossibilité sociale de fondé cette égalité dans un système patriarcal"<ref>Hirata H, et al,2000, ''Dictionnaire critique du féminisme'', Paris : Presse Universitaires de France, p. 126</ref>. Le féminisme des années 1970, se fait connaître par des mouvements anti-autoritaires, par des groupes de parole, il met en avant les formes les plus spontanées de manifestation et refuse toute organisation hiérarchique. " L'appartenance au mouvement représente la mise en acte d'une nouvelle idéologie, la recherche de sens et de valeurs communs." <ref>Hirata H, et al,2000, ''Dictionnaire critique du féminisme'', Paris : Presse Universitaires de France, p.128</ref>. C'est entre la fin des années 1960 et le début des années 1970 que le féminisme connait une ampleur internationale. "L'onde de choc part des Etats-Unis et gagne très rapidement la Grande-Bretagne et l'Allemagne dans les années 60". Il faut ajouter qu'en "dépit de son caractère extra parlementaire, le mouvement de libération des femmes a la capacité de susciter de larges mobilisations auprès des femmes syndiquées, des femmes de partis de gauche et de droite ou des associations luttant pour les droits des femmes comme le planning familial. Ce sont d'abord les campagnes pour la liberté d'avorter qui constituent les événements les plus importants et les plus marquants <ref>Hirata H, et al,2000, ''Dictionnaire critique du féminisme'', Paris : Presse Universitaires de France, p. 128</ref>.


En ce qui concerne la Suisse, c’est dans la continuité du mouvement de la jeunesse estudiantine de 1968 que naît le nouveau mouvement féministe. C’est à Zurich que se sont réunies des femmes de gauche, que l’on appellera « Frauenbefreiungsbewegung » ou plus communément le FBB. Elles critiquent le fait que les femmes sont oppressées et qu’il s’agit d’une « contradiction sociale fondamentale ». Le MLF, pour la Suisse romande et le MFT au Tessin vont très rapidement suivre la création du FBB, avec comme objectif commun de « récuser l’organisation hiérarchique des associations et de la politique traditionnelle » <ref>Commission fédérale, ''Femmes Pouvoir Histoire'', 1.3, p. 1, consulté le 27 Novembre sur http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:UpvKGVSBak0J:www.ekf.admin.ch/dokumentation/00444/00517/index.html%3Flang%3Dfr%26download%3DNHzLpZeg7t,lnp6I0NTU042l2Z6ln1ae2IZn4Z2qZpnO2Yuq2Z6gpJCDdH58hGym162epYbg2c_JjKbNoKSn6A--+&cd=2&hl=fr&ct=clnk&gl=ch&client=firefox-a</ref> inspirés des mouvements français et américains préalablement abordés. Cependant, des divergences existent entre tous ces mouvements sur différentes questions telles que l’avortement ou encore la possibilité pour le sexe féminin de faire l’armée. Une chronologie a été rédigée dans l’article suivant : "Le nouveau mouvement féministe et les organisations féminines depuis 1968" de la Commission fédérale pour les questions féminines de la Confédération Suisse.
En ce qui concerne la Suisse, c’est dans la continuité du mouvement de la jeunesse estudiantine de 1968 que naît le nouveau mouvement féministe. C’est à Zurich que se sont réunies des femmes de gauche, que l’on appellera «Frauenbefreiungsbewegung » ou plus communément le FBB. Elles critiquent le fait que les femmes sont oppressées et qu’il s’agit d’une « contradiction sociale fondamentale ». Le [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]], pour la Suisse romande et le MFT au Tessin vont très rapidement suivre la création du FBB, avec comme objectif commun de « récuser l’organisation hiérarchique des associations et de la politique traditionnelle » <ref>Commission fédérale, ''Femmes Pouvoir Histoire'', 1.3, p. 1, consulté le 27 Novembre sur http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:UpvKGVSBak0J:www.ekf.admin.ch/dokumentation/00444/00517/index.html%3Flang%3Dfr%26download%3DNHzLpZeg7t,lnp6I0NTU042l2Z6ln1ae2IZn4Z2qZpnO2Yuq2Z6gpJCDdH58hGym162epYbg2c_JjKbNoKSn6A--+&cd=2&hl=fr&ct=clnk&gl=ch&client=firefox-a</ref> inspirés des mouvements français et américains préalablement abordés. Cependant, des divergences existent entre tous ces mouvements sur différentes questions telles que l’avortement ou encore la possibilité pour le sexe féminin de faire l’armée. Une chronologie a été rédigée dans l’article suivant : "Le nouveau mouvement féministe et les organisations féminines depuis 1968" de la Commission fédérale pour les questions féminines de [http://www.ekf.admin.ch/dokumentation/00444/00517/index.html?lang=fr la Confédération Suisse].


   
   
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=== La période  entre 1940-50 : une période restrictive ===
=== La période  entre 1940-50 : une période restrictive ===
La législation suisse sur l’avortement est l’une des plus restrictives d’Europe. Les premières dispositions du Code pénal suisse à ce sujet ont été définies en 1942 et prévoient, à cette époque, l’emprisonnement de la femme qui avorte, ainsi que de la personne qui l’aide à pratiquer cet acte. En revanche, une exception existe : si la grossesse comporte un danger pour la mère et que l’interruption de grossesse est pratiquée par un médecin, l'avis étant approuvé par un second médecin, l’avortement n’est alors pas punissable. On comprend alors que la conséquence a été un nombre considérable d’avortements illégaux. Cependant, la mise en place de dispositifs de préventions et d’une diffusion d’informations contribua à faire diminuer le nombre d’avortements autant illégaux, que légaux. Par ailleurs, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a étendu la notion de « santé » en y insérant les dimensions de bien-être psychique et social : « la santé ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ; elle est un état de complet bien-être physique, mental et social. »<ref>Rey, A.-M., 2013, ''Tendance à la libéralisation'', USPDA. Consulté le 7 Novembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/liberal.htm</ref>. Ceci légalise aussi la pratique d’interruption de grossesse et écarte la menace d’emprisonnement. <ref>Rey, A.-M., 2013, ''L'ancienne législation de 1942'', USPDA. Consulté le 7 Novembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/loi_1942.htm</ref>
Pour comprendre la lutte pour l'avortement comme droit de la personne, il nous faut revenir sur le contexte de l'après guerre. Tout comme il a été expliqué dans [[Droits des enfants|le chapitre précédent]], concernant les droits des enfants, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (1948) a influencée les mouvements des femmes. Nous allons, tout d'abord, revenir sur ce qui s'est passé avant cette date. En effet, nous savons que la législation Suisse sur l’avortement est l’une des plus restrictives d’Europe. Les premières dispositions du Code pénal suisse à ce sujet ont été définies en 1942 et prévoient, à cette époque, l’emprisonnement de la femme qui avorte, ainsi que de la personne qui l’aide à pratiquer cet acte. En revanche, une exception existe : si la grossesse comporte un danger pour la mère et que l’interruption de grossesse est pratiquée par un médecin, l'avis étant approuvé par un second médecin, l’avortement n’est alors pas punissable. On comprend alors que la conséquence a été un nombre considérable d’avortements illégaux. Cependant, la mise en place de dispositifs de préventions et d’une diffusion d’informations a contribué à faire diminuer le nombre d’avortements autant illégaux, que légaux. Par ailleurs, l’Organisation Mondiale de la Santé ([http://www.who.int/fr/ OMS]) a étendu la notion de « santé » en y insérant les dimensions de bien-être psychique et social : « la santé ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ; elle est un état de complet bien-être physique, mental et social. »<ref>Rey, A.-M., 2013, ''Tendance à la libéralisation'', USPDA. Consulté le 7 Novembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/liberal.htm</ref>. Ceci légalise aussi la pratique d’interruption de grossesse et écarte la menace d’emprisonnement. <ref>Rey, A.-M., 2013, ''L'ancienne législation de 1942'', USPDA. Consulté le 7 Novembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/loi_1942.htm</ref>
Cependant, cette législation attise la colère et la montée d’une révolte. Au début du XXème siècle, on voit s’élever des mouvements, tels que les organisations ouvrières, pour lutter en faveur de la décriminalisation de l’avortement.
Cependant, cette législation attise la colère et entraine la montée d’une révolte. Au début du XXème siècle, nous voyons s’élever des mouvements, tels que les organisations ouvrières, pour lutter en faveur de la décriminalisation de l’avortement.
De plus, dans cette période, il existe une différence entre les cantons au niveau de la législation sur l'avortement. Ceci met donc les professionnels dans l'embarras puisqu'ils n'ont pas une pratique généralisée au niveau de l'état, et cela soulève également une inégalité entre les femmes des différents cantons de la Suisse. Des mesures fédérales strictes ont donc été prises pour tenter de généraliser les pratiques et s'accorder sur la pratique de l'avortement : « l’institutionnalisation juridique d’une interruption de grossesse pouvant être légalement pratiquée par un médecin sous haute surveillance de l’Etat : consultation obligatoire d’un second médecin, qui doit être un spécialiste et en plus agréé par les autorités cantonales compétentes, et qui doit donner par écrit un « avis conforme ». Il faut également le consentement écrit de la femme enceinte. ».  
De plus, dans cette période, il existe une différence entre les législations cantonales sur l'avortement entrainant une inégalité entre les femmes. Ceci met donc les professionnels dans l'embarras puisqu'ils n'ont pas une pratique généralisée en Suisse. Des mesures fédérales strictes ont alors été prises pour tenter de généraliser les pratiques et s'accorder sur la pratique de l'avortement : « l’institutionnalisation juridique d’une interruption de grossesse pouvant être légalement pratiquée par un médecin sous haute surveillance de l’Etat : consultation obligatoire d’un second médecin, qui doit être un spécialiste et en plus agréé par les autorités cantonales compétentes, et qui doit donner par écrit un « avis conforme ». Il faut également le consentement écrit de la femme enceinte. ». Ainsi, à cette époque, nous constatons que les femmes n'ont pas la maîtrise de leur corps et par conséquent, la maternité ne peut se contrôler. Ce contexte illustre la réalité des femmes:  soit elles ont la chance de pouvoir trouver deux médecins qui l'estiment en danger, soit elles décident de pratiquer un avortement illégal ce qui comporte de grands risques pour leur santé (hémorragie et infection qui peuvent entraîner la mort de la femme).
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[[Fichier:Graphiquefemme.jpeg|vignette|gauche|Graphique représentant les condamnations des femmes]]
[[Fichier:Graphiquefemme.jpeg|vignette|gauche|Graphique représentant les condamnations des femmes]]
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Le graphique ci-contre nous montre la condamnation des femmes en ce qui concerne l'avortement.<ref>Rey, A.-M., 2013, ''Interruption de grossesse en Suisse : les faits et les données'', USPDA. Consulté le 18 Novembre sur http://www.svss-uspda.ch/pdf/faits-et-donnees.pdf </ref><br /> En effet, nous voyons que le pic le plus élevé se situe dans l'année 1950, avec 550 condamnées. Puis lors de la commercialisation de la pilule, l'emprisonnement des femmes diminue fortement l'année suivante, passant d'environ 400 condamnations à environ 260. De manière générale, ce graphique montre que les condamnations sur la période 1960-1980 n'ont cessé de baisser.  
Le graphique ci-contre nous montre la condamnation des femmes en ce qui concerne l'avortement.<ref>Rey, A.-M., 2013, ''Interruption de grossesse en Suisse : les faits et les données'', USPDA. Consulté le 18 Novembre sur http://www.svss-uspda.ch/pdf/faits-et-donnees.pdf </ref><br /> En effet, nous voyons que le pic le plus élevé se situe dans l'année 1950, avec 550 condamnées. Puis lors de la commercialisation de la pilule, l'emprisonnement des femmes diminue fortement. L'année suivante, passe d'environ 400 condamnations à 260 condamnations. De manière générale, ce graphique montre que les condamnations sur la période 1960-1980 n'ont cessé de baisser.  
Les années 60 sont donc marquées par l'arrivée de la pilule contraceptive en Suisse. En effet, en 1961, la commercialisation de celle-ci fait reculer le nombre d'avortement pratiqué en Suisse puisque les femmes ont un contrôle sur leur reproductibilité. Malgré tout, la pilule contraceptive circule à l'époque discrètement, puisque aucune loi ne précise son autorisation. En 1965, la création du premier planning familial en Suisse au HUG permettra de conseiller les familles. L'établissement ouvrira donc un pôle dédié à l'information familiale et aux régulations des naissances.<ref>Fert-Bek, D., (s.d.), ''Historique'', Le service du planning familial de Genève a 40 ans,Genève, HUG. Consulté le 18 Novembre 2013 sur http://planning-familial.hug-ge.ch/nous/historique.html</ref> Dans cet établissement les professionnels conseillent les parents sur la manière d'avoir un contrôle sur l'élargissement de leur famille. Ainsi, grâce à cette structure, la pilule contraceptive a pu circuler dans le territoire helvétique. La pilule était considéré pour certain comme un enjeux économique : elle permettait de contrôler les naissances et donc de préserver la richesse, et pour d'autres comme un moyen de débrider la sexualité des femmes<ref>L'illustré, (s.d.) ''La pilule qui a changé le monde'', Archives, Consulté le 18 Novembre 2013 sur http://www.illustre.ch/la_pilule_qui_a_change_le_monde_45372_.html</ref>.   
Les années 60 sont donc marquées par l'arrivée de la pilule contraceptive en Suisse. En effet, en 1961, la commercialisation de celle-ci fait reculer le nombre d'avortements pratiqués en Suisse puisque les femmes ont un contrôle sur leur reproductibilité. Malgré tout, la pilule contraceptive circule à l'époque discrètement, puisqu' aucune loi ne précise son autorisation. En 1965, la création du premier planning familial en Suisse au HUG permettra de conseiller les familles. L'établissement ouvrira donc un pôle dédié à l'information familiale et aux régulations des naissances.<ref>Fert-Bek, D., (s.d.), ''Historique'', Le service du planning familial de Genève a 40 ans,Genève, HUG. Consulté le 18 Novembre 2013 sur http://planning-familial.hug-ge.ch/nous/historique.html</ref> Dans cet établissement, les professionnels conseillent les parents sur la manière d'avoir un contrôle sur l'élargissement de leur famille. Ainsi, grâce à cette structure, la pilule contraceptive a pu circuler dans le territoire helvétique. La pilule était considérée pour certain comme un enjeux économique : elle permettait de contrôler les naissances et donc de préserver la richesse, et pour d'autres comme un moyen de débrider la sexualité des femmes<ref>L'illustré, (s.d.) ''La pilule qui a changé le monde'', Archives, Consulté le 18 Novembre 2013 sur http://www.illustre.ch/la_pilule_qui_a_change_le_monde_45372_.html</ref>.   


[[Fichier:Mlf.jpeg|vignette|gauche|Affiche du Front des Bonnes Femmes]][[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|Le Mouvement de Libération des Femmes (MLF)]] a démarré aux Etats-Unis, et a encouragé les militants des autres pays à lutter pour améliorer les conditions féminines. Le [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]] créé en 1969 à Zurich,que l'on retrouvait également dans d'autres cantons  (Genève et Tessin par exemple) se base "sur les mouvements de libération du Tiers monde pour encourager les femmes à se libérer des contraintes inhérentes à la famille nucléaire (Rôle des sexes)." <ref>Jorris, E., 2009, ''Mouvement de libération des femmes (MLF)''. Consulté le 19 Novembre 2013 sur http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F16504.php</ref>. Sur le canton de Genève plus précisément, des groupes de certains partis de gauche militaient en ces faveurs (ils étaient très hiérarchisés et ne plaisaient pas à toutes les femmes militantes). C'est donc principalement grâce à Madame Brodmann (qui a milité aux Etats-Unis) et Madame Gramoni qu'il y a eu dans un premier temps le front des Bonne-Femmes (où militait aussi Rina Nissim). Leur premier slogan a été "Femmes décolonisons-nous !" avec des affiches placardées sur les façades des grandes banques : les femmes insistaient donc pour la ré-appropriation de leur corps (avortement, pilule contraceptive, ...).
[[Fichier:Mlf.jpeg|vignette|gauche|Affiche du Front des Bonnes Femmes]][[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|Le Mouvement de Libération des Femmes (MLF)]] a démarré aux Etats-Unis, et a encouragé les militants des autres pays à lutter pour améliorer les conditions féminines. Le [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]] créé en 1969 à Zurich,que l'on retrouvait également dans d'autres cantons  (Genève et Tessin par exemple) se base "sur les mouvements de libération du Tiers monde pour encourager les femmes à se libérer des contraintes inhérentes à la famille nucléaire (Rôle des sexes)." <ref>Jorris, E., 2009, ''Mouvement de libération des femmes (MLF)''. Consulté le 19 Novembre 2013 sur http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F16504.php</ref>. Sur le canton de Genève plus précisément, des groupes de certains partis de gauche militaient en ces faveurs (ils étaient très hiérarchisés et ne plaisaient pas à toutes les femmes militantes). C'est donc principalement grâce à Madame Brodmann (qui a milité aux Etats-Unis) et Madame Gramoni qu'il y a eu dans un premier temps le front des Bonne-Femmes (où militait aussi Rina Nissim). Leur premier slogan a été "Femmes décolonisons-nous !" avec des affiches placardées sur les façades des grandes banques : les femmes insistaient donc pour la ré-appropriation de leur corps (avortement, pilule contraceptive, ...).<ref>Roussopoulos Carole, Debout ! Une histoire du mouvement des femmes 1970-80, 1999. Consulté le 19 Novembre 2013 sur http://ballonsonde.org/wikiSonde/videos/Femmes_Debout.htm</ref> <br />
Les femmes pensent donc vivre singulièrement des situations d'exclusions et d'injustices, cependant, en discutant ensemble, elles se rendent compte qu'elles vivent toutes ce genre de situation. Cette prise de conscience favorise donc la mobilisation des femmes pour combattre les injustices dont elles sont victimes. Les communautés ou ce que l'on pourrait appeler regroupements permettent donc aux femmes de prendre conscience mais aussi de prendre du pouvoir dans la société. L'effet de groupe a permis un rassemblement dans les rues de milliers de femmes pour manifester ensemble contre des inégalités entre sexe ([[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]]).


Dans le même temps, il ne faut pas oublier que les avortements illégaux continuent à être pratiqués à cette période. En effet, le nombre d'avortements, légaux et illégaux, est estimé à 50 000 en 1966. Les avortements légaux s'élevaient à environ 17 000 en 1966 (16 000 en 1978 et 1980, 14 000 en 1985, 13 000 en 1990, 12 000 en 1995, 13 000 en 1996 et 1998). Les avortements clandestins diminuèrent grâce :  
Dans le même temps, il ne faut pas oublier que les avortements illégaux continuent à être pratiqués à cette période. En effet, le nombre d'avortements, légaux et illégaux, est estimé à 50 000 en 1966. Les avortements légaux s'élevaient à environ 17 000 en 1966 (16 000 en 1978 et 1980, 14 000 en 1985, 13 000 en 1990, 12 000 en 1995, 13 000 en 1996 et 1998). Les avortements clandestins diminuèrent grâce :  
* à la raréfaction avec l'élargissement des indications médicales dans les cantons libéraux (Zurich, Bâle-Ville, Berne, Vaud, Neuchâtel, Genève) dès les années 1950
* à la raréfaction avec l'élargissement des indications médicales dans les cantons libéraux (Zurich, Bâle-Ville, Berne, Vaud, Neuchâtel, Genève) dès les années 1950
* la libéralisation progressive dans d'autres cantons(Tessin dès les années 1970; Argovie, Bâle-Campagne, Glaris, Schaffhouse, Soleure, Jura au cours des années 1990)
* la libéralisation progressive dans d'autres cantons(Tessin dès les années 1970; Argovie, Bâle-Campagne, Glaris, Schaffhouse, Soleure, Jura au cours des années 1990)
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* le remboursement de l'intervention par les caisses maladie).
* le remboursement de l'intervention par les caisses maladie).


On remarque que malgré les mesures juridiques fédérales restrictives, les cantons adoptent des pratiques très différentes les uns des autres. Ainsi, les dimensions d’ordre psychologique et social sont incluses dans les indications médicales des cantons libéraux, alors que la pratique est seulement tolérée dans les cantons conservateurs catholiques. Face à cette inégalité juridique, les cantons libéraux accueillent des femmes vivant dans ces cantons restrictifs pour se faire avorter. On assiste à une forme de tourisme « gynécologique ». Cela amène les cantons à réfléchir sur ces pratiques. Notamment le canton de Neuchâtel, où plusieurs affaires d'avortements sont jugées.  
On remarque également, que malgré les mesures juridiques fédérales restrictives, les cantons adoptent des pratiques très différentes les uns des autres. Ainsi, les dimensions d’ordre psychologiques et sociales sont incluses dans les indications médicales des cantons libéraux, alors que la pratique est seulement tolérée dans les cantons conservateurs catholiques. Face à cette inégalité juridique, les cantons libéraux accueillent des femmes vivant dans ces cantons restrictifs pour se faire avorter. On assiste à une forme de tourisme « gynécologique ». Cela amène les cantons à réfléchir sur ces pratiques. Notamment le canton de Neuchâtel, où plusieurs affaires d'avortements sont jugées.  


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A la suite de ces scandales, le député radical Maurice Favre dépose en mars 1971 une [http://www.amtsdruckschriften.bar.admin.ch/viewOrigDoc.do?id=10100953 motion] en faveur d'une initiative cantonale demandant la suppression des articles 118 à 121 du CP.   
A la suite de ces scandales, le député radical Maurice Favre dépose en mars 1971 une [http://www.amtsdruckschriften.bar.admin.ch/viewOrigDoc.do?id=10100953 motion] en faveur d'une initiative cantonale demandant la suppression des articles 118 à 121 du CP.   
Cette démarche est suivie du lancement, en juin de la même année, par un comité de cinq personnes, de l'initiative populaire fédérale pour la décriminalisation de l'avortement, largement soutenue notamment par le mouvement des femmes. En 1972, les milieux chrétiens conservateurs font circuler une pétition "Oui à la vie, non à l'avortement". A partir de ce moment-là, nous voyons apparaître les organisations et les mouvements féministes qui organisent des manifestations en faveur de l’interruption de grossesses libres et gratuites, ainsi que pour revendiquer [http://www.svss-uspda.ch/index.html la décriminalisation de l’avortement].   
Cette démarche est suivie du lancement, en juin de la même année, par un comité de cinq personnes, de l'initiative populaire fédérale pour la décriminalisation de l'avortement, largement soutenue notamment par le mouvement des femmes. En 1972, les milieux chrétiens conservateurs font circuler une pétition "Oui à la vie, non à l'avortement". A partir de ce moment-là, nous voyons apparaître les organisations et les mouvements féministes qui manifestent en faveur de l’interruption de grossesses libres et gratuites, ainsi que pour revendiquer [http://www.svss-uspda.ch/index.html la décriminalisation de l’avortement].  Deux propositions sont donc faites : accorder un délai pour l'avortement (par exemple : les avortements pourront être légaux pendant les 10 premières semaines de grossesse) ou élargir les motifs pour l'avortement (par exemple : souffrances psychiques, douleurs physiques, ...)
 
C'est une lutte qui s'engage contre des mentalités traditionnelles où l'homme est dominant dans la société. La prise de conscience des femmes et de leurs conditions se fait petit-à-petit, en prenant plus d'ampleur au milieu des années 70. C'est la réunion de plusieurs milliers de femmes qui implique que l'on puisse qualifier le [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]] de mouvement. Ce sont des femmes de tout âge qui se battent pour l'amélioration de leur conditions de vie. Ces mouvements veulent principalement lutter pour le droit du libre choix des femmes ou de manière générale à ce que l'on nomme "l'autonomie des femmes". A cette époque, il y a deux types de femmes :  celles qui font des études mais qui restent à la maison pour materner, ou bien celles qui font des études et qui travaillent. Ces dernières se trouvent confrontées à la réalité sociale : avec le même titre professionnel, les femmes obtiennent des salaires bien inférieurs à ceux des hommes. Suite à cette prise de conscience face au [http://www.scienceshumaines.com/peut-on-en-finir-avec-le-plafond-de-verre_fr_22408.html Plafond de Verre], les femmes se réunissent pour échanger leurs histoires. Elles se mobilisent donc afin de pouvoir avoir le contrôle sur leur vie, et sur leur corps. L'une des grandes luttes se concentrer autour du contrôle de leurs corps : ce qu'elles nomment la mobilisation pour la ré-appropriation du corps. Il s'agit de donner aux femmes la possibilité de choisir leur maternité, leur contraception, et leur médicamentation. En 1978, sur le canton de Genève, l'ouverture du Dispensaire des femmes (par [[Rina Nissim]]) leur permet d'être accueillies dans un lieu où on leur donne des conseils, des listes de gynécologues tolérants face aux choix d'avorter ainsi que différentes méthodes pour soigner les maladies génitales, ... De plus, les femmes peuvent, si elles le veulent, accéder au groupe action Self-Help du [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]] ; qui est un lieu où l'on échange sur son vécu, et où l'on pratique des examens concrets pour découvrir son corps. L'instruction, comme l'évoque [[Amélia Christinat|Mme Christinat]] permet aux femmes de comprendre les injustices auxquelles elles sont confrontées et de se mobiliser pour que toutes les sociétés reconnaissent les femmes comme des "personnes avec un cerveau".
 
Dans le même temps, une nouvelle réglementation sur l’avortement est considérée par le Conseil fédéral, et trois variantes sont discutées : la première, appelée "solutions des indications" autorise l’avortement dans les situations où la grossesse menace la vie ou la santé de la femme, en cas de viol, ou encore si l’enfant présente un trouble ou une déficience physique et/ou mentale. Une autre variante est celle des « indications sociales » qui prend en compte la situation sociale précaire de la femme. Finalement, la troisième, « solution des délais », permet l’avortement pendant les douze premières semaines de grossesse. Il va sans dire que les partis politiques, les organisations et les cantons conservateurs catholiques sont en faveur de la solution la plus restrictive, alors que leurs rivaux refusent les trois types de variantes et revendiquent l’avortement libre et gratuit. Le Conseil fédéral  rejette l’initiative pour la décriminalisation de l’avortement, mais opte finalement pour la solution des indications élargies, attisant ainsi le mécontentement des deux camps.
Face au rejet de l’initiative populaire pour la décriminalisation de l’avortement, [http://www.svss-uspda.ch/index.html l’Union Suisse pour la Décriminalisation de l’Avortement] (USPDA) (dont fait partie [[Amélia Christinat]]) propose un compromis et lance une initiative qui cette fois rejoint l’idée de la solution des délais. «L’initiative réclame la décriminalisation de l’avortement s’il est pratiqué par un  médecin avec le consentement de la femme pendant les douze semaines qui suivent les dernières règles ». Cependant, celle-ci essuie à nouveau un échec : elle est rejetée par la majorité des cantons.
Les années suivantes toutes les propositions d'initiatives, pour ou contre l'avortement, sont sans cesse rejetées. Mais les luttes féminines pour le droit à l'avortement s'amplifient durant cette période afin de faire changer les droits de la personne et principalement les droits de la femme. Ce n’est qu’en 1990, que l’idée d’une révision de la loi relative à l’avortement est remise sur le devant de la scène.


C'est une lutte qui se fait contre des mentalités traditionnelles où l'homme est dominant dans la société. La prise de conscience des femmes et de leurs conditions se fait petit-à-petit, en prenant plus d'ampleur au milieu des années 70. C'est la réunion de plusieurs milliers de femmes qui fait que l'on puisse qualifier le [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]] de mouvement. Ce sont des femmes de tout âge qui se battent pour l'amélioration de leurs conditions de vie. Ces mouvements veulent principalement lutter pour le droit du libre choix des femmes. A cette époque, il y a "deux types de femmes" :  celles qui font des études mais qui restent à la maison pour materner, ou bien celle qui font des études et qui travaillent. Ces dernières se trouvent confrontées à la réalité sociale : avec le même titre professionnel, les femmes obtiennent des salaires bien inférieurs à ceux des hommes. C'est suite à cette prise de conscience face au Plafond de Verre, que les femmes se réunissent pour échanger leurs histoires. Elles se mobilisent donc afin de pouvoir avoir le contrôle sur leur vie, et sur leur corps. L'une des grandes luttes se fait autour du contrôle de leur corps : ce qu'elles nomment la mobilisation pour la ré-appropriation du corps. Il s'agit de donner aux femmes la possibilité de choisir leur maternité, leur contraception, et leur médicamentation. En 1978, L'ouverture du Dispensaire des femmes (par [[Rina Nissim]]) leur permet d'être accueillies dans un lieu où on leur donne des conseils, des listes de gynécologues tolérants face aux choix d'avorter ainsi que différentes méthodes pour soigner les maladies génitales, ... Les femmes peuvent si elles le veulent accéder au groupe action Self-Help du [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]] ; qui est un lieu où l'on échange sur notre vécu, et où l'on pratique des examens concrets pour découvrir son corps. L'instruction, comme l'évoque [[Amélia Christinat|Mme Christinat]] permet aux femmes de comprendre les injustices auxquelles elles sont confrontées et de se mobiliser pour que toute les sociétés reconnaissent les femmes comme des personnes avec un cerveau.  
Nous constatons que cette période est riche pour la mobilisation des droits des femmes ; de multiples groupes se forment à l'intérieur du [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]], de nouveaux établissements pour les femmes se créent, [http://www.letempsarchives.ch/Default/Scripting/ArticleWin.asp?From=Archive&Source=Page&Skin=LeTempsFr&BaseHref=JDG/1997/09/03&PageLabelPrint=6&EntityId=Ar00600&ViewMode=HTML les partis politiques] se questionnent à nouveau, même [http://www.letempsarchives.ch/Default/Scripting/ArticleWin.asp?From=Search&Key=JDG/1997/09/05/11/Ar01104.xml&CollName=JDG_1990_1999&DOCID=47725&PageLabelPrint=11&Skin=LeTempsFr&enter=true&AW=1389277112258&sPublication=JDG&sScopeID=All&sSorting=IssueDateID%2cdesc&sQuery=%22avortement%20%22%20suisse&rEntityType=&sSearchInAll=false&RefineQueryView=%2552%2565%2563%2568%2565%2572%2563%2568%2565%2572%2520%2570%2561%2572%256d%2569%2520%256c%2565%2573%2520%2572%25u00e9%2573%2575%256c%2574%2561%2574%2573&StartFrom=5&ViewMode=HTML Le Conseil d'Etat Vaudois], etc. Des femmes se mobilisent également pour d'autres causes qui ne les touchent pas particulièrement puisque nous verrons, dans [[Accueil|le dernier chapitre]] de cet article, que plusieurs d'entres-elles se sont mobilisées pour le droit à l'autodétermination [[Droits des patients (à l'hôpital)|des patient des hôpitaux]].  


Dans le même temps, une nouvelle réglementation sur l’avortement est considérée par le Conseil fédéral, et trois variantes sont discutées : la première, appelée "solutions des indications" autorise l’avortement dans les situations où la grossesse menace la vie ou la santé de la femme, en cas de viol, ou encore si l’enfant présente un trouble ou une déficience physique et/ou mentale. Une autre variante est celle des « indications sociales » qui prend en compte la situation sociale précaire de la femme. Finalement, la troisième, « solution des délais », permet l’avortement pendant les douze premières semaines de grossesse. Il en va sans dire que les partis politiques, les organisations et les cantons conservateurs catholiques sont en faveur de la solution la plus restrictive, alors que leurs rivales refusent les trois types de variantes et revendiquent l’avortement libre et gratuit. Le Conseil fédéral  rejette l’initiative pour la décriminalisation de l’avortement, mais opte finalement pour la solution des indications élargies, attisant ainsi le mécontentement des deux camps.
De manière générale, c'est surtout l'envie de faire changer la mentalité de la société pour que les femmes aient les mêmes droits que les hommes, qui se fait ressentir. En 1791 en France, l'écrivaine http://fr.wikipedia.org/wiki/Olympe_de_Gouges propose la [http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_des_droits_de_la_femme_et_de_la_citoyenne Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne] se basant sur la [http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-fondamentaux-10086/droits-de-lhomme-et-libertes-fondamentales-10087/declaration-des-droits-de-lhomme-et-du-citoyen-de-1789-10116.html version originale] et dont le but était de montrer l'égalité juridique entre homme et femme.   <br />
Face au rejet de l’initiative populaire pour la décriminalisation de l’avortement, [http://www.svss-uspda.ch/index.html l’Union Suisse pour la Décriminalisation de l’Avortement] (USPDA) (dont fait partie [[Amélia Christinat]])propose un compromis et lance une initiative qui cette fois rejoint l’idée de la solution des délais. « L’initiative réclament la décriminalisation de l’avortement s’il est pratiqué par un  médecin avec le consentement de la femme pendant les douze semaines qui suivent les dernières règles ». Cependant, celle-ci essuie à nouveau un échec : elle est rejetée par la majorité des cantons.  
Les années suivantes toutes les propositions d'initiatives,pour ou contre l'avortement, sont sans cesse rejetées. Ce n’est qu’en 1990, que l’idée d’une révision de la loi relative à l’avortement est remise sur le devant de la scène.  
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=== Depuis 1990 ===
=== Depuis 1990 ===
   
   
En 1994, on constate un net recul du nombre d’avortements légaux. Ceci peut s’expliquer par une diffusion de l’information (éducation sexuelle) et la libre disposition de moyens contraceptifs. Ce phénomène vient appuyer l’idée que la libéralisation ne conduit pas à une augmentation des avortements, bien au contraire. A partir de là, les choses commencent à changer et vont en faveur de la décriminalisation de l’avortement. En effet, le Conseil national adopte en 1995 "la solution des délais". En 1996, la Commission des affaires juridiques du Conseil national ratifie un projet de loi qui prévoie la décriminalisation de l’avortement pendant les 14 premières semaines après les dernières règles. On voit mêmes les femmes du parti démocratique-chrétien (PDC) aller en faveur du droit de la femme à l’autodétermination et pour "la solution des délais". De nombreuses organisations telles que la Fédération suisse des Eglises protestantes, les groupes des femmes radicales de Suisse, accueillent cette solution des délais comme un compromis tolérable. Toutefois, le Conseil fédéral rejette une fois de plus la "solution du délai" en 1998.
Les différentes mobilisations des femmes soixanthuitardes ont permis la diminution d'une multitude d'inégalités pour lesquelles elles se mobilisaient.
Revenons tout d'abord, en 1994, où l'on constate un net recul du nombre d’avortements légaux. Ceci peut s’expliquer par une diffusion de l’information (éducation sexuelle) et la libre disposition de moyens contraceptifs. Ce phénomène vient appuyer l’idée que la libéralisation ne conduit pas à une augmentation des avortements, bien au contraire. Plusieurs services se sont donc installés suite aux manifestations des femmes dans les rues. A partir de là, les choses commencent à changer et vont en faveur de la décriminalisation de l’avortement. En effet, le Conseil National adopte en 1995 "la solution des délais". En 1996, la Commission des Affaires Juridiques du Conseil National ratifie un projet de loi qui prévoie la décriminalisation de l’avortement pendant les 14 premières semaines après les dernières règles. On voit même les femmes du parti démocratique-chrétien (PDC) aller en faveur du droit de la femme à l’autodétermination et pour "la solution des délais". De nombreuses organisations telles que la Fédération suisse des Eglises protestantes, les groupes des femmes radicales de Suisse, accueillent cette solution des délais comme un compromis tolérable. Toutefois, le Conseil Fédéral rejette une fois de plus la "solution du délai" en 1998. Nous constatons donc que les manifestations pendant plus de 15ans, ne suffisent pas pour que la Suisse autorise l'avortement. En France par exemple, la lutte des femmes a été moins longue en ce qui concerne le droit à l'avortement puisqu'il est autorisé depuis  la Loi Veil de [http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Veil_du_17_janvier_1975_sur_l'interruption_volontaire_de_grossesse 1975] et suite [http://fr.wikipedia.org/wiki/Manifeste_des_343 aux manifestes des 343] de 1971.  
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Par ailleurs, la pilule abortive Mifegyne (RU 486) est admise et commercialisée en Suisse dès 1999. Cette méthode médicamenteuse est soumise aux mêmes dispositions pénales que l’avortement et est prescrite uniquement par le corps médical.
Par ailleurs, la pilule abortive Mifegyne (RU 486) est admise et commercialisée en Suisse dès 1999. La [http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:aZM-IrETCowJ:bijsluiters.fagg-afmps.be/DownloadLeafletServlet%3Fid%3D109287+&cd=9&hl=fr&ct=clnk&gl=ch&client=firefox-a notice] d'utilisation explique son utilité : "Mifegyne est un médicament qui bloque l'action de la progestérone, une hormone nécessaire au maintien de la grossesse. Mifegyne peut donc provoquer une interruption de grossesse." Cependant cette méthode médicamenteuse est soumise aux mêmes dispositions pénales que l’avortement et est prescrite uniquement par le corps médical.




Finalement, le Parlement adopte la solution du délai en mars 2001 et est rentré en vigueur en 2002. « Ainsi l’avortement n’est pas punissable pendant les 12 premières semaines de la grossesse à condition que la femme fasse valoir une situation de détresse. Les cantons doivent décider quels cabinets et établissement peuvent pratiquer l’intervention. » <ref>Rey, A.-M., 2013, Régime du délais, USPDA. Consulté le 7 Décembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/loi.htm</ref> De plus, Rey (2013), illustre les modifications entre l'ancienne et la nouvelle loi de 2002, relatif à l'avortement. <ref>Rey, A.-M., 2013, Comparaison ancienne et nouvelle législation, USPDA. Consulté le 7 Décembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/comparaison.htm </ref> Depuis ce jour, la femme est la seule personne qui ait le droit de choisir ou non l'avortement. En aucun cas, une personne tierce (et même si celle-ci a une blouse blanche) ne pourra refuser l'avortement d'une femme dans les douze premières semaines de grossesse.
Finalement, le Parlement adopte la solution du délai en mars 2001 qui est rentré en vigueur en 2002. « Ainsi l’avortement n’est pas punissable pendant les 12 premières semaines de la grossesse à condition que la femme fasse valoir une situation de détresse. Les cantons doivent décider quels cabinets et établissement peuvent pratiquer l’intervention. » <ref>Rey, A.-M., 2013, Régime du délais, USPDA. Consulté le 7 Décembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/loi.htm</ref> De plus, Rey (2013), illustre les modifications entre l'ancienne et la nouvelle loi de 2002, relatif à l'avortement. <ref>Rey, A.-M., 2013, Comparaison ancienne et nouvelle législation, USPDA. Consulté le 7 Décembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/comparaison.htm </ref> Depuis ce jour, la femme est la seule personne qui ait le droit de choisir ou non l'avortement. En aucun cas, une personne tierce (et même si celle-ci a une blouse blanche) ne pourra refuser l'avortement d'une femme dans les douze premières semaines de grossesse.


Nous pouvons donc conclure que « les discussions provoquées en 1971 par l’initiative en faveur de la décriminalisation de l’avortement ont été à l’origine d’un changement des mentalités et d’une prise de conscience ».<ref>Rey, A.-M., 2013, Chronologie des événements dès 1970, USPDA. Consulté le 7 Décembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/chronologie.htm </ref> En effet, on assiste à une diminution du nombre de condamnations et à une libéralisation de la pratique de l’avortement. Par ailleurs, on se rend compte qu’à travers la mise en place de centres de plannings familiaux et des dispositifs d’informations, comme l’éducation sexuelle, on parvient à lutter contre l’avortement.  La prévention prévaut donc à la pénalisation.  
Nous pouvons donc conclure que « les discussions provoquées en 1971 par l’initiative en faveur de la décriminalisation de l’avortement ont été à l’origine d’un changement des mentalités et d’une prise de conscience ».<ref>Rey, A.-M., 2013, Chronologie des événements dès 1970, USPDA. Consulté le 7 Décembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/chronologie.htm </ref> En effet, nous assistons à une diminution du nombre de condamnations et à une libéralisation de la pratique de l’avortement. Par ailleurs, on se rend compte qu’à travers la mise en place de centres de plannings familiaux et des dispositifs d’informations, comme l’éducation sexuelle, on parvient à lutter contre l’avortement.  La prévention prévaut donc à la pénalisation.  


Cependant on constate que la réglementation à ce sujet peut encore être modifiée, car ce droit à l’avortement est sans cesse remis en question. En effet, en 2010, le mouvement anti-avortement « Mamma », qui s'intitulait auparavant "Pour la mère en l’enfant"  lance une initiative populaire : « Financer l’avortement est une affaire privée ». Il s’agit d’une initiative qui demande que l’IVG ne soit plus pris en compte par les prestations de l’assurance maladie de base, et ce en invoquant l’idée qu’il s’agit d’une décision d’ordre privé, et que de ce fait le financement public n’a pas de sens. Cependant, on remarque que le droit à donner la vie est également de l’ordre du privé, et pourtant celui-ci n’est pas contesté. [[Entretien Rina Nissim|Rina Nissim]], nous met en garde sur la tournure que prend les événements d'aujourd'hui (concernant le financement de l'avortement). En effet, selon elle, nous serions en pleine régression concernant le libre choix de la femme. A contrario des générations d'après 70, il faut que les générations d'aujourd'hui se mobilisent pour faire en sorte de garder un droit durement acquis par les femmes soixanthuitardes. La votation de Février 2014 qui se prépare pourrait modifier les droits que nous avons jusqu'à présent. Si les générations de maintenant et les suivantes veulent elles aussi avoir la possibilité de choisir leur grossesse, elles se doivent de s'impliquer pour faire en sorte de ne pas perdre les droits acquis.
Cependant on constate que la réglementation à ce sujet peut encore être modifiée, car ce droit à l’avortement est sans cesse remis en question. En effet, en 2010, le mouvement anti-avortement « Mamma », qui s'intitulait auparavant "Pour la mère en l’enfant"  lance une initiative populaire : « Financer l’avortement est une affaire privée». Il s’agit d’une initiative qui demande que l’IVG ne soit plus prise en compte par les prestations de l’assurance maladie de base, et ce en invoquant l’idée qu’il s’agit d’une décision d’ordre privé, et que de ce fait le financement public n’a pas de sens. Cependant, on remarque que le droit à donner la vie est également de l’ordre du privé, et pourtant celui-ci n’est pas contesté. [[Entretien Rina Nissim|Rina Nissim]], nous met en garde contre la tournure que prennent les événements d'aujourd'hui (concernant le financement de l'avortement). En effet, selon elle, nous serions en pleine régression concernant le libre choix de la femme. A contrario des générations d'après 70, il faut que les générations d'aujourd'hui se mobilisent pour faire en sorte de garder un droit durement acquis par les femmes soixanthuitardes. La votation de Février 2014 qui se prépare pourrait modifier les droits que nous avons jusqu'à présent, et pour lesquels les générations précédentes se sont battues. Si les générations actuelles et les suivantes veulent elles aussi avoir la possibilité de choisir si elles veulent devenir mère ou non, elles se doivent de s'impliquer pour faire en sorte de ne pas perdre les droits acquis.


== Les témoins ==
Le droit à l'avortement est également contesté dans [http://www.planning-familial.org/actualites/lavortement-en-europe-ou-sont-les-bonnes-nouvelles-0012490 les autres pays Européens].
En France par exemple, Marine Le Pen propose d’annuler le remboursement des IVG « de confort ». On remarque que cette terminologie n'est pas sans sous-entendu. En effet, celle-ci suggère que l’avortement soit bien devenu un moyen de contraception, tant sa pratique serait devenue répandue; et mettrait également en avant l’idée que cette pratique est une obligation et non un recours.
L'Irlande et l'Espagne seraient les deux pays Européens les plus réactionnaires au droit à l'avortement. En effet, le premier ministre devrait sous peu, mettre en place une nouvelle loi sur ce sujet. L'avortement ne  sera alors possible que dans l'une des trois conditions (viol, malformation du fœtus ou danger de la mère) et les personnes mineures devront avoir une autorisation des parents. <ref>Magnan, P., (2014) ''Avortement : le retour en arrière de l'Espagne, premier signe en Europe ?''. consulté le 6 Janvier 2014 sur http://geopolis.francetvinfo.fr/avortement-le-retour-en-arriere-de-lespagne-un-premier-signe-en-europe-28245 </ref> Dans le cas de l'Espagne, ce projet de loi fait un retour en arrière dans l'histoire de droits des femmes puisqu'il s'agit de la loi d'il y a 30 ans<ref>"L'Espagne veut revenir à la loi d'il y a trente ans".Tribune de Genève, Avortement, 21-22 décembre 2013, p. 7.</ref>. La crise économique, comme nous l'avait précisé [[Rina Nissim]], influencerait les multiples régressions concernant les droits des femmes ; dont celui de leur intégrité physique.
 
== Liens avec l'Actualité ==
En lien avec l'actualité, nous pouvons constater qu'aujourd'hui ce droit est à nouveau remis en question. Le 9 février 2014 nous voterons pour l'initiative " Financer l'avortement est une affaire privée". Ces votations ne remettent pas directement en cause la possibilité d'avorter mais c'est sans doute un pas pour y aboutir et remettre en cause ce droit fondamental.
Ce débat est d'une telle importance qu'il a fait l'objet de multiples débats ces dernières semaines.
On comprend alors le rôle des futurs générations dans ce combat qui avait mené nos ainées à manifester dans les rues afin qu'on ne les désapproprient pas de leur corps...
 
== Les témoins qui ont participé aux changements ==


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Nous avons décidé d'interroger des personnes qui se sont mobilisées en Suisse pour le droit à l'avortement. Elles pourront donc faire ressortir des éléments personnels sur le contexte de l'époque, et les problèmes qu'elles ont pu rencontré pour la mise en place de ce droit.  
Nous avons décidé d'interroger des personnes qui se sont mobilisées en Suisse pour le droit à l'avortement. Elles pourront donc partager des éléments personnels sur le contexte de l'époque, et les problèmes qu'elles ont pu rencontrer pour la mise en place de ce droit.  
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Nous avons dans un premier temps contacté Mme [[Amélia Christinat|Christinat Amélia]], avec qui l'une de nous avait déjà travaillé il y a quelques années. Cette personne a donc accepté de participer à notre recherche en répondant à nos questions lors d'un entretien.
Nous avons dans un premier temps contacté Mme [[Amélia Christinat|Christinat Amélia]], avec qui l'une de nous avait déjà interviewé il y a quelques années dans un cours du Prof. d'histoire au Collège Voltaire Philippe Herren. Cette personne a donc accepté de participer à notre recherche en répondant à nos questions lors d'un entretien.


 
Dans un second temps, nous avons contacté Mme [[Salika Wenger|Wenger Salika]], marraine de l'association "Ni pute, Ni soumise" qui est actuellement impliquée dans la politique sur Genèvepuisqu'elle fait partie du Conseil Administratif de la ville de Genève. Deux d'entre nous l'ont connue lors de sa venue à [http://www.infrarouge.ch/ir/1858-seins-nouvelle-arme-feministes l'émission télévisée Infrarouge (RTS)] dédiée aux mouvements des Femens (novembre 2011). Après discussion téléphonique, nous avons eu des éléments pertinents qui pourraient nous intéresser pour notre recherche, cependant [[Salika Wenger|Mme Wenger]], très occupée, n'a pas pu nous accorder un entretien avant Janvier 2014. C'est pourquoi après réflexion, nous avons décidé de contacter une troisième personne qui pourrait éventuellement être plus disponible : Mme [[Rina Nissim|Nissim Rina]]. Par l'intermédiaire de Mme Ruchat nous avons obtenu ses coordonnées téléphoniques et avons pu avoir un rendez vous rapidement.
Dans un second temps nous avons contacté Mme [[Salika Wenger|Wenger Salika]], marraine de l'association "Ni pute, Ni soumise" qui est actuellement impliquée dans la politique sur Genève puisqu'elle fait partie du Conseil Administratif de la ville de Genève. Deux d'entre nous l'ont connue lors de sa venue à [http://www.infrarouge.ch/ir/1858-seins-nouvelle-arme-feministes l'émission télévisée Infrarouge (RTS)] dédié aux mouvements des Femens (novembre 2011). Après discussion téléphonique, nous avons eu des éléments pertinents qui pourraient nous intéresser pour notre recherche, cependant [[Salika Wenger|Mme Wenger]] est très occupée et ne pourra pas nous accorder un entretien avant Janvier 2014. C'est pourquoi après réflexion, nous avons décidé de contacter une troisième personne qui pourrait éventuellement être plus disponible : Mme [[Rina Nissim|Nissim Rina]]. Par l'intermédiaire de Mme Ruchat nous avons obtenu ses coordonnées téléphoniques et avons pu avoir un rendez vous rapidement.
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Afin de leur éviter quelconque déplacement,nous avons rencontré ses personnes à leur domicile. De plus, pour des raisons pratiques et également afin de ne pas abuser de leur hospitalité, nous avons décidé de mener ces entretiens par groupes de trois.
Afin de leur éviter un quelconque déplacement,nous avons rencontré ces personnes à leur domicile. De plus, pour des raisons pratiques et également afin de ne pas abuser de leur hospitalité, nous avons décidé de mener ces entretiens par groupes de trois.
Nous proposerons aux différents acteurs de partager leurs souvenirs concernant les années 1970 à Genève afin que nous comprenions la situation actuelle du droit à l'avortement.
Nous proposerons aux différents acteurs de partager leurs souvenirs concernant les années 1970 à Genève, afin que nous comprenions la situation actuelle du droit à l'avortement.


==Retour sur les entretiens==
==Retour sur les entretiens==
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Notre premier entretien s'est déroulée le mercredi 27 Novembre. A trois étudiantes nous nous sommes rendues au cabinet de Rina Nissim. L'entretien qui en découle nous a projeter dans un univers très différent du notre : où la femme n'avaient que très peu de droits. C'est de part son discours, que la militante Rina Nissim, nous a partagé des informations sur l'ambiance, la mobilisation et la persévérances des actrices de cette époque. C'est par la réalisation de plusieurs injustices que les femmes se regroupent pour se mobiliser contre une société qui octroie peu de considération envers les femmes. Le [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]], lutte donc de manière générale pour plusieurs droits (droit à l'égalité salariale, droit à la contraception, droit à l'avortement, ...).  
Notre premier entretien s'est déroulé le mercredi 27 Novembre. Trois étudiantes se sont rendues au cabinet de [[Rina Nissim]]. L'entretien qui en découle nous a projeté dans un univers très différent du notre : où la femme n'avait que très peu de droits. C'est de par son discours, que la militante a partagé avec nous des informations sur l'ambiance, la mobilisation et la persévérance des actrices de cette époque. C'est par la prise de conscience de plusieurs injustices que les femmes se regroupent pour se mobiliser contre une société qui octroie peu de considération aux femmes. Le [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]], lutte donc de manière générale pour plusieurs droits (droit à l'égalité salariale, droit à la contraception, droit à l'avortement, ...).


=== [[Entretien Amélia Christinat|Entretien]] d'[[Amélia Christinat]] ===
=== [[Entretien Amélia Christinat|Entretien]] d'[[Amélia Christinat]] ===
'''Nedjma Tabani : Depuis quand et avec qui ou quel groupe vous êtes-vous engagé pour les droits à l’avortement. Et quel était votre fonction à ce moment-là ?'''
Le second entretien s'est déroulé le 5 décembre chez [[Amélia Christinat|Christinat Amélia]]. A notre arrivée, nous lui avons dit que nous avions déjà des questions précises à lui poser et que ces questions seraient les mêmes pour tous les groupes. En effet, sachant que c'est une femme très bavarde nous avons préféré poser le cadre dès le départ.
Nous avons pu constater en rentrant dans son salon qu'elle avait préparé différents articles concernant le droit à l'avortement - des articles qu'elle nous a présenté tout au long de l'interview -.
C'est avec beaucoup d'émotion qu'elle a répondu à nos questions et qu'elle a raconté son combat pour les différents droit de la femme - droit de vote, droit à l'avortement etc.-. A travers ses propos nous avons vraiment ressenti, l'importance que ces combats ont eu pour elle.


Amélia Christinat : Alors pour pouvoir faire des interventions sur un plan législatif il a fallu que je fasse un long parcours car comme c’était une modification fédérale, il a fallu que je passe par le national. Donc c’est d’abord législatif, la ville, ensuite le canton puis la nation donc conseil municipal, grand conseil…Est-ce que vous avez entendu parler d’un Monsieur Chavanne ? Il a fait 24 ans dans l’instruction publique et il a profité de ce long parcours pour changer beaucoup de choses et alors c’est au moment où lui m’a cédé la place…Il m’a d’ailleurs dédicacé un livre et il est sorti hier soir à la télé… et alors pour pouvoir intervenir sur le plan fédéral… sur le plan cantonal on ne pouvait pas faire grand-chose… Il y a des dates là-dessus ? C’est écrit quoi ? Mon mari il me classait tout… il était mal payé puisqu’il était pas payé du tout…
===Points communs entre les entretiens===
Il y avait tellement de choses avant : le droit de vote, l’avortement, les violences faites aux femmes, c’était impressionnant quand je suis arrivée, moi. Mais j’en avais entendu parler avant que je sois inscrite au parti quand on a obtenu le droit de vote.  Toute la partie droit de vote des femmes en Suisse je l’ai faite seule, c’est-à-dire que j’étais dans l’association qui s’appelait pour le suffrage féminin et je suis allée à ces réunions jusqu’à 59 quand les vaudoises ont réussi. Quand on posait la question du droit de vote, il fallait d’abord l’avoir sur le cantonal puis quand on la posait au niveau cantonal, on nous disait qu’il fallait d’abord l’avoir sur le plan fédéral…Et puis les vaudois mine de rien ils ont posé le même jour la même question pour les deux. Et le canton de Vaud était le premier à l’introduire sur le plan cantonal. Et à partir de là, Genève est arrivé tout de suite après. Et depuis 61 où je suis rentrée au parti… J’ai du reste trouvé mon carnet d’entrée…et où dans ma tête à moi comme j’ai compris qu’il fallait passer par la politique pour obtenir quelque chose, mes activités ont commencé en 61… Salaire égaux, droit de vote, interruption de grossesse.
Depuis que je suis arrivée à Berne, Monsieur Chavanne m’a laissé sa place en 78-79… Mais pendant toutes ces années précédentes, il y avait des groupes de femmes dont je pense Nissim, parce qu’elle, elle est sous la brèche depuis longtemps, qui revenaient avec des titres différents que je n’ai pas sous les yeux mais que vous pouvez trouver sur Internet… Nous on a échoué pour l’interruption de grossesse sous toutes formes de titre, il y avait les conservatrices religieuses qui avaient leurs principes, ce que nous on arrivait pas à faire comprendre…
Ce qui a été exceptionnel, c’est que le droit de vote ça me touche beaucoup, c’est inimaginable pour vous ce que les anciennes ont fait… c’est inimaginable… Moi j’ai vu toutes celles qui ont commencé le combat déjà en 1900, elles défilaient avec leur jupe… c’était incroyable…et alors ce combat je l’ai pris en cours de route et j’ai commencé à regarder tous les titres et en fait on changeait le titre mais avec le même objet. Et il y avait le parti démocrate-chrétien… Vous connaissez les partis hein ? Et eux c’était l’église… avec toutes ces valeurs et je considère que les femmes démocrates-chrétiennes ont eu un certain courage parce qu’elles se sont éloignées de l’Eglise parce qu’elles ont compris qu’il pouvait avoir des cas…
On a essayé de faire comprendre que l’on ne s’amusait pas nous de demander une interruption de grossesse, c’est jamais agréable pour une femme de demander un truc comme ça, sauf que quand il y avait un problème avec un couple hein… Le monsieur là… Bah j’m’excuse mais il remontait son pantalon, on le voyait on le voyait plus, mais la fille se retrouvait avec un éventuel bébé sous les bras et alors à partir du moment où il y a la fenêtre là avec les bébés… tout ça, n’est-ce pas ? Alors à mon avis, les femmes… Alors je dirais même en toute socialiste que je suis, peut-être plus que les femmes de gauche, parce qu’elles, elles avaient déjà cette vision de tout ce qu’il fallait faire dans tous les domaines. Mais, elles, elles ont évolué… Du reste, je crois que dans le canton du Valais qui est très catholique... J’avais imaginé que les cantons donc Genève qui a libéralisé, je pense Vaud, Zürich, les cantons les plus progressistes…
Mais au moment où il y en a eu quelques-uns et que ça a échoué dans le fédéral, moi j’ai eu l’idée un peu farfelue, l’initiative parlementaire… C’est que j’ai demandé une solution que j’ai appelé fédéraliste. C’est-à-dire qu’on autorise d’une façon légale dans le canton où il existait mais pas en cachette… et même chez moi dans le parti j’ai eu des problèmes parce que mon camarade m’avait dit « je ne suis pas contre ton idée, je suis contre l’interruption, mais pour moi le parti de l’électorat qui était contre, ils ont compris que c’était quelque chose qu’il ne fallait pas faire par tranche, par canton mais sur le plan fédéral. Jusqu’au jour où, en 81, on a réussi à avoir l’interruption de grossesse… Et à partir de là, c’était le gros foutoir. Il n’y avait ni gauche ni droite : il y avait celles qui étaient pour et celles qui étaient contre… Il y a celles qui avaient une idée conservatrice…
Si vous voulez, nous, les femmes, on a été obligé de revenir tout le temps car le droit de vote c’était une chose inadmissible. On ne pouvait pas continuer comme ça toute la nuit… J’étais dans une commission et un monsieur m’a dit : « vous, vous dites que votre pays est avancé mais vous n’avez même pas le droit de vote »… Nan mais vraiment c’était une honte donc il a bien fallu venir plusieurs fois. Mais quand ça touche la religion, je me suis rendue compte que Soleure a lancé l’initiative. Moi j’étais persuadée que c’était tellement rentré dans les mœurs qu’il n’y aurait jamais 100'000 personnes qui signeraient l’initiative mais en fait il y en a eu 100'000. Et donc ça va revenir devant le peuple.
Et donc nous on avait créé une association en Suisse Romande qui s’appelle l’USPDA : l’Union Suisse Pour Décriminalisation de l’Avortement, pi maintenant, on est en train de contacter les unes les autres. On est déçue parce qu’on était obligée de revenir jusqu’à presque au début… Parce qu’ils avaient trouvé la faille : c’était le payement. Mais nous, à Genève, on avait trouvé un professeur qui s’appelait Geseindorf, donc heu gynécologue responsable de la maternité, il y a du reste un parc qui s’appelle comme ça. C’est peut-être en lien… Je ne sais pas… Qui était très ouvert économiquement, mais qui nous a beaucoup aidé les femmes quand on voulait faire quelque chose à Genève. Et on est un peu au début de ce qui s’appelle le centre du Planning Familial. Il a fallu aller jusqu’à la pointe des pieds, établir un programme qui n’était pas pour l’interruption de grossesse mais pour prévenir la grossesse, donc pour renseigner. Alors je pense que ce bureau il doit fonctionner ?


Estefania Medina : Il fonctionne oui.
Plusieurs points communs ressortent de ces deux entretiens.


Amélia Christinat : Alors je revendique… Nous nous sommes regroupées des femmes un peu toutes tendances avec le professeur Geseindorf et une infirmière qui était assez disposée à… Disons à coordonner un peu tout ça. Donc, quand on a demandé sur le plan fédéral où il y avait le siège pour le Planning familial bah dans la Suisse, je les critique pas, je les aime bien les suisses allemandes, je suis suisse, les filles qui ont besoin de renseignements, ça c’est beaucoup calmé. Je pense être encore en vie au même combat… Gautier c’était un pédiatre qui nous a beaucoup aidé… Vous savez ce travail il faut avoir des hommes qui sont favorables hein… faut leur faire comprendre que c’est bien joli hein d’aller avec les filles chanter fleurette hein puis quand il y a des problèmes il faut avoir des hommes pour les résoudre.
Tout d'abord, nous constatons que le droit à la réappropriation du corps ou plutôt à l'autonomie des femmes, comme cité par [[Rina Nissim]], représente l'un des combats des années 1960-80. Si les femmes, par leur combats, manifestations ont réussi à faire valoir leur droit à l'avortement, elles ont aussi lutté pour la mise en place d'autres valeurs telles que le droit à la contraception, le droit de vote, le droit d'accès aux études. Toutes ces luttes sont évoquées par les deux femmes interrogées.


'''Estefania Medina : Excusez-moi vous avez dit qu’il s’appelait comment cet homme ?'''
Afin de parvenir à ces changements, il a fallu se réunir entre femmes. A partir du moment où nous souhaitons un changement important, il est nécessaire d'obtenir une mobilisation importante. Rina Nissim part d'un petit groupe, le [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]] qui finalement va prendre une grande ampleur et [[Amélia Christinat|Amélia Christianat]] s'impose dans la politique. Pour ces deux protagonistes, il paraît évident que pour espérer un changement, il faille se réunir en groupe. La notion de communauté prend donc toute son importance. La notion de communauté est définie comme étant un état de ce qui est commun à plusieurs personnes, similitudes, groupe constituant une société, mise en commun des biens entre époux. Au sens étymologique originel : cum munus. La communauté est donc un groupe de personnes (cum) qui partagent quelque chose ("munus")- un bien, une ressource, ou bien au contraire une obligation, une dette.


Amélia Christinat : Gautier… G-A-U-T…. oui sans H… ouuuuh… Il me disait qu’avec H c’était un Gauthier quelconque et sans H que c’était le Gautier distingué, genevois… il était dans la commission.
Même si le concept de communauté n'est pas cité explicitement dans nos entretiens, il apparaît tout au long, puisque chacune d'entre elles a rejoint un groupe dans lequel elle trouvait des intérêts communs. Chaque membre décide alors en quoi, comment et quand il contribuera à ce groupe. Dans ce cas, Rina Nissim et Amalia Cristinat en tant que féministe se sont engagées et ont lutté pour le droit des femmes.


'''Estefania Medina : Vous pouvez préciser en quoi il vous a aidé spécifiquement ?'''
Enfin, il est intéressant de constater que nos deux intervenantes tirent un bilan mitigé de ces luttes pour les droits des femmes. Amalia Cristinat dit :" Alors en fait tout changement, toute progression que l’on peut interpréter comme sociale n’est jamais définitivement acquise. Donc en fait, il faut veiller continuellement, défendre continuellement où que vous soyez et avec qui que vous soyez." Quant à Rina Nissim, elle dit :"Malheureusement dans la société c’est comme ça, il faut tout le temps se battre. Ça c’est un point sur lequel on est en recul." On est en plein recul. Donc y a un ou deux pays qui ont avancé, pour l’instant y en a douze qui ont régressé. Donc cela ne va pas du tout cette affaire, on a une très mauvaise posture." Ainsi, la question des droits pour la personne n'est jamais complètement acquise. Il faut sans arrêt se battre pour continuer à faire valoir ses droits en tant que personne."


Amélia Christinat : C’était un des hommes qui était d’accord avec nous… Il était dans la commission. Il y avait des hommes et des femmes. C’était important qu’il y ait des hommes d’accord avec nous. Parce que par exemple, pour la solution fédéraliste mon parti n’était pas d’accord au départ. Ils me l’ont laissé déposer… Mais à la commission, ils ont foutu un homme qui s’appelait M. Weber. Il était formidable, mais on l’avait mis dans la commission. Chaque parti avait droit à trois ou quatre membres. Mais ils l’avaient mis là pour me surveiller. J’avais une dame… Magnifique démocrate-chrétienne… J’ai sa tête mais son nom m’échappe. Je l’aimais beaucoup. Comme elle était avocate et qu’elle parlait bien français, dans les commissions, des fois, je me mettais côté d’elle parce que je pouvais la suivre un bout. Et quand on parlait de ça … Du reste elle a pas eu d’enfant, elle en a adopté. D’ailleurs, un de ces enfants a foutu des coups de couteau, donc c’est pour vous dire hein… Ça on ne sait pas quand on adopte. Et elle était… Elle souffrait elle-même, elle ne pouvait pas comprendre qu’une femme avec un bébé dans le ventre aille dans le sens de détruire une vie. Pour nous c’était la liberté de choix… Ce qui reste pour moi le fondement : si elle veut le garder elle le garde, si elle ne veut pas garder l’enfant, elle doit pouvoir le faire dans des conditions normales.
Il convient à présent de reprendre l'ensemble des questions posées et d'en ressortir les éléments importants :


'''Nedjma Tabani : D’accord et tout ce mouvement concernant le droit à l’avortement, c’était quoi le contexte ? C’était libérer la femme et permettre de faire ce qu’elle veut faire ou c’était simplement un moment où la femme, en plus d’avoir le droit de vote, devait être libre ?'''
- '''Depuis quand et avec qui vous vous êtes engagée dans la lutte pour les droits de la femme et quel était à ce moment votre statut (ou fonction)? Dans quel contexte s'est inséré cette démarche ?'''


Amélia Christinat : Oui, pour moi je dirais que tous les problèmes féminins c’est la liberté de la femme. Je suis contre la prostitution, ils appellent ça un métier mais moi je suis contre. Mais par contre s’il faut trouver une solution pour exercer dans de bonnes conditions… Le problème pour moi c’est de considérer les femmes comme une personne avec un cerveau… On a quelque chose là-dedans, ça fonctionne par moment… Mais chez les hommes aussi. Donc pour moi tout ce qui est la liberté de la femme, c’est elle qui doit décider. Ça c’est important.
Les deux personnes interrogées ont un parcours différent et leur action ne s'est pas faite au même niveau. [[Rina Nissim]], après son interruption de grossesse à 19 ans, trouve un tract dans un local d'anarchiste. C'est un tract du [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]] qui invite des femmes à rejoindre leur groupe. Elle est intéressée et entre alors au [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]]. Elle est alors la plus jeune de la "bande". Il n'y avait pas de statut en tant que tel mais chacune apportait ses connaissances et son envie de se battre pour obtenir plus de droit pour la femme. Quant à [[Amélia Christinat]], elle agit plutôt à un niveau politique et va faire un long parcours en passant par le législatif, le cantonal puis le niveau national afin d'apporter des changements reconnus dans toute la Suisse.  
Moi je suis de langue maternelle italienne, vous vous êtes quoi ?


Estefania Medina : Espagnole.
- '''Y a-t-il eu un événement originel? Pourriez vous nous raconter un ou des événements marquant que vous avez mené ou qui vous ont frappé dans cette période en faveur de ces droits ?'''


Amélia Christinat : Yo comprendo español poco… Le fait d’avoir cette ouverture m’a fait voir des émissions. Une gamine de 18ans a décidé et d’assumer de garder son enfant. Tant que c’est comme ça, pour moi c’est bon, c’est son problème. Mais par contre, il y a quand même encore des viols.
L'un des droits qui a frappé [[Rina Nissim]] dans cette période est l'accès à l'avortement libre et gratuit ainsi que l'accès à la contraception. Elle explique que c'est l’accessibilité à l'avortement qui était problématique. Le planning familial a été une grande innovation, mais n'était pas encore présent dans les mentalités de tous, et ce, notamment chez les gynécologues qui n'acceptaient pas tous de donner la pilule. Le [[Mouvement de Libération des Femmes (MLF)|MLF]] faisait des listes des médecins qui étaient d'accord de prescrire cette pilule et dirigeaient les femmes au bon endroit. Cependant, elle ne nous décrit pas un événement très précis, une action qu'elle a effectuée qui a pu entraîner ces changements. C'est néanmoins des manifestations importantes et à plusieurs reprises qui ont permis ces évolutions. [[Amélia Christinat]] considère aussi que le droit à l'avortement est un événement phare de cette époque et ajoute que le droit de vote pour la femme est aussi l'un des événements marquants. Elle donne comme exemple les luttes ouvrières françaises qui allaient en Belgique pour se faire avorter parce que c'était défendu en France et qu'elles n'avaient pas d'argent. C'est un événement particulièrement marquant et touchant selon elle.  
Moi j’ai fait un truc quand même assez important c’était structurer le viol en bande parce qu’à l’Epoque pour aller avec une fille c’était un peu plus difficile. Et, là, c’était une équipe qui a violé une fille dans les toilettes publiques, ça s’appelait le cas de Prénaville. Et quand on a fait le procès c’était : « c’est pas moi, c’est pas moi, c’est pas moi », c’est personne hein ! Alors comment voulez-vous… On l’avait ligoté… Et tout ça hein… Et donc le viol c’est une chose importante qui est dans la loi… Parce que des filles de Zürich qui m’ont demandé pourquoi j’avais fait ça. Et je leur ai dit que le viol en bande n’existait pas dans la loi. Du reste, la mère de cette fille m’a téléphoné très émue quand sa fille a gagné le procès.
Les femmes viennent de loin. Il a fallu en Suisse attendre pour avoir beaucoup de choses. Pour moi la liberté des gens c’est la base, pour tous les sexes, on est une personne quel que soit l’endroit et le sexe.


'''Estefania Medina : Oui… et comment vous décririez le contexte dans lequel cette démarche pour l’avortement s’est insérée ?'''
- '''Quels ont été les changements les plus importants auxquels vous ayez assistés ?'''


Amélia Christinat : C’était des réunions, c’était… moi j’étais déjà en politique à ce moment-là. Parce que mon combat a démarré avec la protection des consommateuristes hein donc j’suis dans les fondateurs de la société des cofondateurs, car il y avait de l’abus…
[[Rina Nissim]] évoque plusieurs changements auxquels elle a pu assister. Elle parle de la libération des femmes. C'est se considérer comme un individu à part entière, qui peut décider soi-même, d'être un vrai sujet dans leur vie, dans leur sexualité, dans leur contraception, dans leur choix professionnel. D'après elle, il y a donc eu plusieurs droits : celui de l'avortement avec pour commencer le remboursement par les caisses maladies en 81, le droit au divorce, le divorce. [[Amélia Christinat]] ajoute à l'ensemble de ces changements le droit de vote, en disant qu'à partir du moment où nous avons le bulletin, c'est quelque chose de très important puisque les femmes sont considérées comme une personne. Nous pouvons rattacher cela à l'ensemble de cette étude qui étudie le droit des personnes. Dans le cas des différentes luttes pour le droit des femmes, nous cherchons à mettre en avant qu'elles sont avant tout des personnes qui doivent avoir la liberté de choisir, de donner leur avis.  
Je ne peux pas être très claire, mais si vous voulez, il y a toujours eu des noyaux par-ci par-là… Comme Nina Nissim… Il y a toujours eu des noyaux de gens, de femmes, qui se sont rendues compte qu’il fallait gérer pas mal de problèmes… Je dirais que le droit à l’avortement était un peu au même niveau que le droit au vote pour la femme.


'''Nedjma Tabani : Pour vous, est-ce qu’il y a eu un événement personnel ou autre pour lequel vous vous êtes investi?'''
-''' Y a-t-il eu des valeurs que vous avez eu le sentiment d’avoir porter en avant et si oui lesquels  ?'''


Amélia Christinat : Oui, j’ai eu un problème pour lequel j’ai dû m’investir pour pouvoir défendre mon intégrité, moi. Alors mais de toute façon ça faisait déjà partie des problèmes à résoudre qui concernent les femmes. Je vais vous dire une imbécilité mais jusqu’au jour où les hommes ne feront pas d’enfant, nous les femmes on va être emmerdées.
Différentes idéologies sont mises en avant par les deux femmes interrogées. C'est le féminisme, l'humanisme, le socialisme, l'anarchisme. De manière générale, la valeur dominante est l'autonomie des femmes, marquée par la réappropriation de son corps. Dans leurs discours, les deux femmes montrent bien qu'auparavant nous étions considérées comme femme de.., fille de... que les femmes ont toujours dû être meilleures que les hommes. Elles devaient tout faire. De ce fait, les femmes n'étaient pas des sujets en tant que tels. Ce n'est qu'après de nombreuses luttes que les femmes ont été considérées comme des personnes à part entière. Elles ont maintenant le même statut, les mêmes droits que les hommes. Bien que comme elles le relèvent toutes deux, cela n'est pas quelque chose d'acquis et cette évolution à tendance à reculer.  


Nedjma Tabani : Vous me l’aviez déjà dit il y a 6 ans.
''' Mais qu’en est-il aujourd’hui de cette lutte et des acquis, et des risques de retour en arrière ?'''


Amélia Christinat : C’est resté gravé dans ma tête. J’essaye de trouver une solution pour établir l’équilibre mais tant que la science ne trouvera pas le spermatozoïde miracle, on sera toujours pour les études, pour les revendications… Le sexe qu’on dit fort… je me rends compte que n’importe où où je vais il y a 3 hommes et 30 femmes n’est-ce pas ?!
Le maître-mot de ces deux femmes est que rien n'est acquis et que la lutte est permanente. Il faut toujours se battre parce que les choses ont tendance à régresser. Aujourd'hui le droit de vote, le droit d'accès aux études est l'un des points acquis. Cependant, la question de l'avortement est remise en cause et fait l'objet de tensions, puisqu'il est question de supprimer le remboursement des avortements. C'est donc l'une des raisons pour lesquelles il faut continuer à se battre et faire valoir ses droits si l'on ne veut pas revenir en arrière.


'''Estefania Medina : Est-ce qu’il y a un événement pendant cette lutte qui vous a choqué ?
== Conclusion ==
'''


Amélia Christinat : Oui il y a eu des ouvrières françaises qui allaient en Belgique pour se faire avorter parce que c’était défendu en France et qu’elles n’avaient pas d’argent. Je comprends pas comment je fais de la politique, c’était pas fait pour moi…. Moi je voyais des ouvrières partir la nuit se faire avorter, rentrer le même soir et reprendre le travail le lendemain. Ça j’ai trouvé ça horrible ! Dans un film, une fille qui était enceinte… La fille était censée aller en prison… Gisèle Animi… J’l’ai rencontrée dans une réunion avec toutes les femmes du monde… C’est elle qui a pris la défense de la fille… Procurez-vous ce film, ça donne l’état d’esprit qu’il y avait chez nous… En Suisse, jamais on aura une majorité socialiste… Jamais, jamais, jamais ! Parce que l’esprit suisse vous le connaissez, vous avez vécu ici.
Dans ce chapitre, nous nous sommes focalisées sur les droits des femmes à l'avortement. En effet, nous avons vu que ce droit n' a été que difficilement acquis après une forte mobilisation des femmes, de la fin des années soixante jusqu'à la fin des années nonante. Les deux actrices que nous avons eu la chance de pouvoir interroger, nous ont communiqué leur passion et leur investissement dans cette lutte qui reste quotidienne. En effet, toutes deux nous ont précisé que le contexte économique engendrait une régression des droits qu'elles avaient acquis auparavant. La lutte, doit continuer avec les nouvelles générations, si elles ne veulent pas perdre leurs droits.
Nous avons vu que les femmes se sont impliquées pour revendiquer l'égalité avec les hommes. C'est une lutte pour le droit à l'autodétermination mais aussi à l'intégrité physique qui a été le plus revendiquée à travers le droit à l'avortement. La liberté de pouvoir choisir sa maternité était donc l'un des éléments pointés par nos actrices. Dans le chapitre suivant, concernant [[Droits des prisonniers|le droit des prisonniers]] nous verrons que les associations se sont également mobilisées pour donner ces droits aux prisonniers. De plus, nous voyons dans le cursus de notre formation que [[Droits des personnes en situation de handicap|les personnes en situation de handicap]] subissent également des inégalités fréquentes. En effet, nous sommes sensibilisées par le fait que toute personne a le droit de choisir ce qui la concerne ; c'est ce que l'on nomme l'autodétermination. Plus largement, l'autodétermination faisait également partie des revendications concernant [[Droits des patients (à l'hôpital)|les patients à l'hôpital]] (puisque nous verrons qu'ils ont lutté pour ne plus être des cobayes) et [[Droits des patients psychiatriques|les patients psychiatriques]] (puisque nous verrons que leurs luttes portaient sur des alternatives aux médicaments et de laisser le choix aux patients psychiatriques).


'''Estefania Medina : Et sinon, même si on en a déjà parlé un peu, mais quels ont été les changements les plus importants auxquels vous avez assisté ?'''
== Références bibliographiques ==
<references/>


Amélia Christinat: Le plus gros c’est le droit de vote, parce qu’à partir du moment où nous avons le bulletin, c’est quelque chose de très important, on nous considère comme une personne.
Ma sœur m’a téléphoné ce matin, et on a parlé de notre mère… Elle était formidable, elle avait déjà l’instinct. Je savais quand quelque chose était bien et quand quelque chose était pas bien sans pouvoir l’expliquer. Beaucoup de fois j’ai perdu devant des congrès du parti parce que j’ai pas su transmettre ce que je ressentais.
Et quand mon père partait voter, après la guerre, elle était à la fenêtre et elle disait : « lui parce qu’il a ce qu’il faut, il peut et moi je peux pas.
Et je pense que chez les jeunes, parce que vous allez surement être jeune plus tard, il faut faire attention parce qu’il y a des trucs qui se casent dans un coin et puis ça ressort.
Alors si vous voulez il y avait tellement de choses en retard dans le domaine qui concernait les femmes… Les hommes se cramponnent quand ils sont sur la chaise… Mais les femmes un peu moins, et on résiste quand même mieux aux coups hein.
Mais hier soir j’ai entendu le commentaire d’un ami d’André Chavanne qui a révolutionné l’instruction publique…. Il a précisé que lorsque Chavanne est arrivé… à la même année que moi j’suis rentrée au parti, c’était en 61… C’était une révolution parce que c’était difficile d’avoir un candidat de gauche au conseil d’état. Il y avait 7 radicaux donc il restait juste une ou deux places pour les autres.
Nous, les femmes socialistes, on a dit que c’est grâce aux femmes si nous on a avancé à Genève à un moment donné. Parce qu’il y a eu beaucoup de femmes qui ont réalisé qu’il y avait plus d’ouverture ou de compréhension. Ça s’est estompé au fil des ans ; d’abord parce qu’on a obtenu un certain nombre de choses. Mais les femmes à un moment donné, dans les premières années qu’elles ont eu le droit de vote, elles ont modifié un certain nombre de choses un peu partout. La syndic’ de Zürich c’est une homosexuelle… et elle l’a dit… Bah faut déjà avoir fait un sacré parcours…. Même moi je comprends pas… mais bon moi j’suis vieille hein il y a des trucs que je comprends pas.


'''Nedjma Tabani : Est-ce qu’il y a des valeurs que vous avez le sentiment d’avoir porté en avant''' ?


Amélia Christinat : On a toujours demandé que les femmes soient meilleures que les hommes… Comme si on était différente, avec d’autres neurones ou j’sais pas quoi. Donc maintenant si on peut reprocher aux femmes comme aux hommes de ne pas aller voter, de pas s’intéresser, de pas comprendre…
'''''<big>Vidéo :</big>'''''
Et moi je l’ai compris au cours de route… c’est que… On avait des femmes, des braves femmes mères de famille, qui s’entendaient bien avec le mari, il y avait moins de divorce… Les femmes sont devenues maintenant comme les hommes. D’être des femmes de droite, des femmes de gauche, mais moi j’m’en fous. Elles font ce qu’elles veulent si elles ont pas envie d’aller voter… La seule chose c’est que pour  femmes c’est un peu plus difficile par ce qu’elles le disent un peu moins, elles ne comprennent rien donc ça ne sert à rien, ils font ce qu’ils veulent. Il faut leur faire comprendre que ce n’est pas vrai. Si c’est vrai que des fois on change… mais bon j’suis un peu brutale c’est surtout les hommes qui changent mais bon… c’est la vie.
On est sur le même pied d’estale… On avance : certains à gauche, d’autres à droite. On est rentré dans le circuit de citoyen, de citoyenne un peu près du même niveau… Parce que bon en ce qui concerne les salaires… J’ai regardé l’émission, les salaires en dessous de 4'000 c’est plus les femmes hein…
Je vous dirai une chose avant de mourir un de ces quatre matins : je pense que le combat féminin il va être plus ou moins permanent. Parce que je me suis rendue compte que lorsque vous lâchez quelque chose… la femme ne doit pas lâcher… C’est immédiatement détérioré, repris, modifié. Donc, en fait, s’il y a un combat ou une situation qui est bien dans la logique de la vie de tous les jours… Parce que pour moi admettre…
Ça va vous faire rire… Quand on a commencé les premières années à se réunir autour de Jaqueline Berensteinbar [(?) 33 sec], qui vit toujours du reste, on allait chez elle, elle n’était pas mariée et elle était professeur au cycle ou je sais pas quoi. Alors, pendant plusieurs séances, c’était condition de la femme, horaire de la femme, gnagna de la femme gnagna et moi j’étais mère au foyer. Et c’est aussi un droit d’être mère au foyer, et c’est une très bonne chose, c’est très important les premières années. Alors j’ai dit à mon mari, si les bonnes femmes socialistes continuent avec leur truc où il y en avait que pour les conditions, les horaires, le travail et tout ça… Moi je vais arrêter parce que c’est pas mon domaine.
Et maintenant on arrive quand même à parler de la famille, des choix que les couples font, avec les congés pour le papa. Parce que le papa perdait beaucoup aussi hein. Parce que il y a une femme qui était tessinoise et elle était chez moi puis elle m’a dit : « elle s’agite votre fille ». Et je lui ai dit : « attends je vais regarder l’heure ». C’est drôle hein, mais c’était l’heure où son papa arrivait… Elle le savait hein, il était dans l’ascenseur. Elle a sûrement dû le faire d’autres fois mais comme c’était l’heure du diner et que moi j’étais en train de faire la compote hein je ne l’ai pas vu. C’est pour vous dire… Du reste il y en a qui revendique hein, ceux qui veulent avoir le contact avec leur enfant s’ils ne s’entendent plus avec leur mère.
Celui qui a été le plus fort avant c’était l’homme. Maintenant… Moi je me suis beaucoup battue pour que les femmes surtout celles de conditions modestes… Moi je voulais faire des études à l’Université… De vous à moi, par moment, je le regrette. Parce que ça a modifié d’une façon, pour moi, par forcément positive l’attitude de la femme. On a quelque chose qui nous est donné par la nature qui est typiquement féminin. Hein quand il y en a une qui a envie d’avoir un bébé et qui ne l’a pas, il va lui manquer quelque chose. Moi je suis restée pendant plusieurs années hein… Je faisais autre chose puis un jour j’ai dit à mon mari : « je veux un enfant ». Ah bah lui il en avait déjà un, ça ne l’intéressait pas beaucoup, il était divorcé. Mais j’ai senti que si je ne passais pas moi-même ce parcours, je ne serais pas complète. Une femme elle est complète si… Bon c’est aussi son droit de ne pas vouloir en avoir…. Est-ce que vous êtes au bout de vos questions ?


'''Nedjma Tabani : Non, mais vous venez de dire quelque chose qui m’a interpelée…Est-ce que quand vous avez voulu avoir un enfant c’était pendant cette période où l’on revendiquait l’avortement ?'''
* Roussopoulos Carole, ''Debout ! Une histoire du mouvement des femmes 1970-80'', 1999. Consulté le 19 Novembre 2013 sur http://ballonsonde.org/wikiSonde/videos/Femmes_Debout.htm


Amélia Christinat : Si vous parlez avec mes copains, ils diront que je suis une emmerdeuse… J’ai lu quelque part : « si Amélia est quelque part il faut toujours qu’elle prenne la parole »… C’est quelque part…


Estefania Medina : C’est écrit : « Amélia n’a jamais mis son mouchoir dans la poche ».
'''''<big>Documents scannés :</big>'''''


Amélia Christinat : Eh bah voilà !! Je dois dire que dans tous les pays, pas civilisés, mais peut être européens parce que je connais mieux, la femme assure toujours toujours… Et je vous dirai en toute honnêteté que la solution idéale elle n’existe pas. Les deux sexes étant différents, ils ont des missions différentes. La seule chose c’est qu’il faut respecter la volonté des femmes de la même façon : qu’elles puissent faire et décider comme les hommes…
Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90[[Fichier:MLF femme.pdf|vignette|Document des archives contestataires]]<br />
Les femmes battues c’est aussi un sacré problème, avant il y avait des cas… Mais aujourd’hui avec tout ce mélange… Les femmes qui viennent d’autres pays ne sont pas vues avec les mêmes yeux… Je vais peut-être vous choquer avec ce que je vais dire mais pour moi les femmes qui mettent ce truc sur la tête… Pour moi c’est une soumission. Même s’il y en a une qui me dit en face : « c’est moi qui l’ai décidé » je lui répondrais : « c’est pas crédible ». C’est pas crédible… Pour moi c’est une espèce de soumission…
Ecoutez il y a un hôtel là au bout… Qui s’appelle le Mandarin oriental… Où il y a des messieurs qui sortent avec des pépettes… Pour toutes sortes de raisons… Mais bon moi j’allais en ville à pied, quand je pouvais marcher… Et il y avait le papa qui était gentiment avec ses gamins et la femme elle était… Derrière… Il y a du reste une chanson qui fait (chante) : «  Elle est toujours derrière, derrière, elle a compris ce que le maire lui a dit, suis toujours son mari swa swa ».


'''Estefania Medina : Donc par rapport, maintenant, aux valeurs que vous défendiez, est-ce que vous êtes d’accord qu’on pourrait parler d’une réappropriation du corps ? Puisque vous dites que la femme c’est à ce moment-là, avec le droit de vote et le droit à l’avortement qu’elle a pu devenir maîtresse de son corps ?'''
Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90[[Fichier:MLF archives.pdf|vignette|Documents des archives contestataires]]<br />


Amélia Christinat : Il y a pas que ça hein, il y a pas que ça. Il y a eu le droit à l’instruction parce que à un moment donné, il y avait peu de personnes de classe moyenne ou pauvre qui pouvait envoyer leurs enfants à l’Université… Donc heu à mon avis… C’est comment ce que vous avez dit ?
Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90 [[Fichier:MLF assez.pdf|vignette|document des archives contestataires]]<br />


Estefania Medina : Une réappropriation de leur corps… Avoir le droit à l’avortement c’était comme pouvoir se réapproprier leur corps dans le sens où …
Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90 [[Fichier:MLF avorter.pdf|vignette|Document des archives contestataires]]<br />
Nedjma Tabani : Elles deviennent maîtresses de leur corps en fait…


Amélia Christinat : Oui alors ça c’est une partie importante parce qu’il y a eu la libéralisation de cette possibilité… Nous, avec Anne Marie… La première pilule qui est sortie il y a 20 ans, on a crié victoire. Moi je l’ai prise, mais elle ne m’a pas convenue du tout… Il y a eu des cas embêtants en France hein… Des filles qui ne supportent pas… Moi ma circulation ne l’a pas supportée…
Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90 [[Fichier:MLF personne.pdf|vignette|Document des archives contestataires ]]
C’est quand on a réussi à trouver la possibilité d’avoir comme vous l’avez dit la maîtrise de son corps mais avec pas trop de sacrifices hein… Parce que je pense que j’ai pas besoin de vous faire un dessin… Un homme sort avec une fille, il fait l’amour, il a un orgasme, il rentre chez lui et il part travailler. La fille des fois c’est pas toujours facile non plus. Puis elle peut se trouver avec un problème… Moi on m’a dit qu’il pouvait aussi y avoir des problèmes avec des préservatifs… Et puis les hommes eux hein ils aiment pas les préservatifs… Il y en a sûrement pas un qui vous dit qu’il est d’accord… Alors écoutez hein moi je ne l’ai jamais utilisé... Il faisait autrement le père Christinat…
Si vous voulez, il y avait tellement de choses importantes… Le droit à l’avortement c’était important, le droit de vote aussi hein… Vous devenez citoyenne… Le droit à l’instruction et à la formation est un gros droit, le droit au salaire égal est un gros droit… Il y a un gros stock… Alors ça dépend dans quel contexte vous vous mettez. On pourrait faire une échelle de valeurs et voir laquelle prime sur l’autre… Moi je n’aime pas trop faire cette échelle de valeurs…. Les femmes on peut faire les choses comme les hommes hein, ils ont une résistance physique…
Pour conclure… je dirais que chacun des sexes doit garder ses valeurs, ses envies, ses choix, ses prérogatives… tout ce que vous voulez… Et il faut que les lois lui en donne la possibilité. Pour la femme ça doit être la même chose.
Vous vous êtes dans quelle faculté ?
 
Nedjma Tabani : Sciences de l’Education
 
Amélia Christinat : Et vous ?
 
Estefania Medina : Pareil.
 
Amélia Christinat : Ah d’accord. Je pense que vous êtes une majorité de femmes dans cette faculté ?
 
Nedjma Tabani : Grande majorité.
 
Amélia Christinat : Eh bah voilà… Je dis ça comme ça… Je voulais faire des études… Bon moi je voulais être chanteuse mais bon… Et puis lorsque je suis allée à Lugano pour fonder la société des consommateurs de la Suisse italienne parce que moi j’étais du comité, on m’a fait faire une conférence au lycée, ici ça correspond au collège. Alors je passais tous les jours devant, et moi je mourrais d’envie d’aller là-dedans pour apprendre. Et quand l’association qui s’est créée m’a fait donner la conférence dans une salle du Lycée de Lugano, la première chose que je leur ai dit c’est : « ça fait 30 ans que j’attends de passer ce portail, je le passe en étant mariée et mère de famille. Ça me fait une sensation très bizarre ».
Vous savez, donner  la possibilité aux femmes de choisir un métier d’homme… Moi je suis d’accord qu’un homme s’il veut faire… Sage-femme sage-homme … Ca ne le fait pas… Moi quand j’étais à l’hôpital… Il y a un monsieur qui m’a dit : « madame je vais vous mettre la botte et vous changer la culotte ». Moi je lui ai dit : « nan mais attendez, vous aller faire quoi ? » J’ai dit : « ah, nan vous la botte nan. » J’avais tellement peur qu’il voit mon sexe… Et ça me choque. Parce que je suis d’une génération où on était très prudent… Maintenant les filles…
J’ai vu une émission télé en France avec les prostituées… On ne supprimera jamais cette besogne enfin bref… Parce que l’homme, lui, il est demandeur, il a besoin…Une femme elle avait fait fermer les maisons closes… Mais maintenant hein c’est ouvert partout… Alors moi je les plains mais c’est… C’est elles qui ont choisi hein…
La chose qui m’a beaucoup choqué, et alors là j’avais fait un papier dans la Tribune… C’est que la péripatéticienne qui s’appelait Griseli Gisreal qui avait des capacités pour faire des livres, qui était aux Pâquis, elle est décédée et quelqu’un a décidé de la transférer dans un cimetière où il y a des artistes et tout ça. Si elle venait de mourir ça passe encore mais là hein ! Moi je m’étais déchainée ! Il faut pas exagérer. J’entendais des gens dire qu’elle n’avait pas de formation et elle n’a donc pas eu le choix. Puis on m’a demandé ce que j’en pensais… Alors j’ai dit : « ah bah si toutes les jeunes filles qui viennent de l’étranger et qui n’ont pas d’argent, font le métier… Alors toutes les femmes de la ville… Ça va devenir le bordel »… Je suis peut-être trop sévère, c’est leur droit hein…. Et il y a beaucoup d’étudiantes hein… Moi je leur flanquerais des gifles hein !
Vous avez fini vos questions ?
 
'''Nedjma Tabani : Non, on en a encore une… Par rapport à aujourd’hui et par rapport à la lutte que vous avez faite dans le passé… On voit que le droit à l’avortement il est aujourd’hui remis en question. Alors qu’est-ce que vous en pensez ?'''
 
Amélia Christinat : Je vais vous dire une chose, jamais quelque chose dans la vie n’est acquis…. Gardez-le bien dans la tête ! Vous pouvez vous battre réussir une moitié, une partie ou j’sais pas quoi. Mais moi qui croyait que la Suisse était un pays qui quand il décidait quelque chose ça ne changeait plus bah maintenant c’est plus comme ça… Avant c’était un pays où quand quelque chose est décidé, c’est décidé et on le change plus… Eh bah La Suisse a changé par rapport à dans le temps. Parce que, effectivement, avant quand quelque chose était votée, c’était acquis.
Alors en fait tout changement, toute progression que l’on peut interpréter comme sociale n’est jamais définitivement acquise. Donc en fait, il faut veiller continuellement, défendre continuellement où que vous soyez et avec qui que vous soyez. Si votre idée c’est ça, il faut la défendre jusqu’au bout. C’est ce que j’ai ressenti à ma grande surprise… Parce que j’ai vraiment constaté que la bataille a été longue, difficile et dure… là du reste j’ai vu qu’il y a une lettre… c’est quoi ça ?
 
Nedjma Tabani : « L’avortement un droit non négociable », Christiane Pasteur…
 
Amélia Christinat : Connais pas…. Vous voyez, là-dedans il y a une lettre concernant la grossesse et… Govianni qui était un collègue tessinois du conseil national… Il a été du reste chef de groupe… C’est à ce titre là que je lui ai écrit… Lorsque j’étais dans la commission, moi je parlais pas l’allemand… C’était pas de la tarte.
J’avais contacté personnellement les conseillers fédéraux dont je pensais pouvoir compter dessus pour accepter l‘interruption de grossesse. Mais il y avait deux radicaux de Zürich, Mme Coop et Delavurat, un radical vaudois très ouvert, j’avais compté les deux socialistes… Ça fait 4, ils devaient être 7… A 23h, une journaliste me téléphone et me dit que mon truc c’était pas passer et en fait c’était un de chez nous, Otto Stich, qui s’était permis de ne pas voter comme les femmes socialistes. Ce n’était pas moi. Parce que moi j’aurais jamais pu aller de l’avant, si je n’avais pas les femmes socialistes derrière hein… Eh bah le bonhomme a voté contre le projet d’interruption de grossesse… Alors je lui ai écrit une lettre…
Mais quand c’est une pauvre petite femme tessinoise qui habite Genève, une ville perdue… Eh bah il m’a répondu après je ne sais pas combien de temps… Et puis excusez-moi, la formule elle est brutale hein mais c’est comme si j’avais pissé dans un violon hein… Oui je sais, j’ai un parler un peu spécial… C’est pour ça que dans le parti, les gens me connaissent… Je suis un peu déglinguée…
Et mon mari disais que j’écris de la main gauche parce que moi je traduisais en français ce que je pensais dans ma tête en italien… Alors moi je lui disais « bah maintenant tu me corriges ». Mais des fois on s’engueulait parce que quand lui il écrivait bah ca correspondait pas toujours à ce que moi je voulais dire.
Mais disons que c’est extraordinaire le destin des femmes, plus que celui, à l’Epoque, des hommes, parce qu’on part pour apprendre quelque chose, aller faire une formation…
Remarquez que ma mère, elle était pas contente que je reste à Genève… Ca elle a beaucoup beaucoup insisté. Mais Genève a un pôle d’attraction qui est énorme. La mentalité… Ils gueulent les genevois… Moi j’aime bien parce que ça me correspond… A Lugano c’est une petite ville où on chantait et on dansait… On pouvait pas rentrer tard, c’était très sévère. On allait tous les dimanches à la messe, c’était notre droit hein…
Alors voilà je pense que c’est bon… On a fini ?
 
Nedjma Tabani : Oui, on vous remercie beaucoup.
 
Estefania Medina : Merci.
 
== Références bibliographiques ==
<references/>
 
* Boutin, G., 2006, ''L'entretien de Recherche qualitatif'', Presses de l'Université du Québec.
 
* Roussopoulos Carole, ''Debout ! Une histoire du mouvement des femmes 1970-80'', 1999. Consulté le 19 Novembre 2013 sur http://ballonsonde.org/wikiSonde/videos/Femmes_Debout.htm


– Hirata H, et al,2000, "Dictionnaire critique du féminisme", Paris : Presse Universitaires de France.
== Auteurs du chapitre ==


* Julie Petot


Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90[[Fichier:MLF femme.pdf|vignette|Document des archives contestataires]]<br />
* Harmony Godin


Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90[[Fichier:MLF archives.pdf|vignette|Documents des archives contestataires]]<br />
* Nedjma Tabani


Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90 [[Fichier:MLF assez.pdf|vignette|document des archives contestataires]]<br />
* Tamara Cifo Parra


Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90 [[Fichier:MLF avorter.pdf|vignette|Document des archives contestataires]]<br />
* Estefania Medina Martinez


Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90 [[Fichier:MLF personne.pdf|vignette|Document des archives contestataires ]]
* Ramos Flores Véronique

Dernière version du 5 février 2014 à 17:31


Introduction


Actuellement, le droit à l'avortement pour les femmes est encore un sujet à contestations et même à une offensive de remise en question: pouvons nous encore le qualifier comme un droit de la femme s'interrogent certains ? Tout au long de cette analyse, nous nous centrerons sur le droit à l'avortement pour les femmes depuis 1970. En effet, les mouvements féministes sont présents depuis longtemps dans l'histoire des droits des personnes. Dans la période de l'après guerre, les femmes se sont mobilisées plus fortement pour acquérir des droits identiques à ceux des hommes. C'est par la lutte pour le droit à un travail rémunéré que les mouvements prennent de l'ampleur  : "L'essort du féminisme dans cette période serait intimement lié à celui du travail salarié" <ref>Riot-Sarcey, M., 2008, Histoire du féminisme, Paris, La Découvertes, Repères. p. 73 </ref>. La question de la procréation est aussi au cœur de leur mouvement, puisqu'il est question de "repeupler" des pays détruits : "Après l'hécatombe de la guerre, jusqu'alors la plus meurtrière, il est nécessaire, plus que jamais de "remplir les berceaux vides"" <ref>Riot-Sarcey, M., 2008, Histoire du féminisme, Paris, La Découvertes, Repères. p. 73 </ref>. Il ne faut pas non plus oublier leur luttes pour l'accès à la politique : plus précisément le droit de vote pour les femmes, qui prend de l'ampleur bien avant la guerre. C'est dans ce contexte d'après guerre, que les femmes réapparaissent pour tenter de faire valoir des droits égalitaires et propres à leur vie.

Cet article est fondé à la fois sur une recherche documentaire et sur la récolte de témoignages de deux personnes pionnières dans l'avancée du droit des femmes à l'avortement. L'article présentera également les différents mouvements féministes conduits dans les années 1970 sur le droit à l'avortement.Ceci nous montrera que la Suisse n’a pas été la première à lutter pour le droit à l’avortement, mais que le phénomène est mondial. Les États-Unis ont sans aucun doute été les précurseurs, mais la lutte s'est largement diffusée et reproduite dans différents pays du monde amenant à des dates différentes sur l'accès à l’avortement. L'article se construira à partir de la lutte des femmes en Suisse et des différentes lois qui en sont ressorties et cherchera à comprendre le rôle qu’ont joué les deux témoins interrogées dans cette récente histoire(1970 à aujourd'hui).


Pour ce faire, nous avons constitué une bibliographie, à partir d’ouvrages sur les mouvements féministes en général, sur la chronologie des contestations. Nous avons lu des articles scientifiques qui présentent la situation en Suisse, épluché les informations sur les deux témoins qui ont été interrogées et consulté les archives contestataires à Carouge. Nous avons également pu rencontrer deux femmes militantes à Genève sur ce thème. Nous avons donc effectué deux entretiens audio avec Madame Amélia Christinat et Madame Rina Nissim pour obtenir leurs témoignages sur l’histoire des mouvements féministes des années 1960 à 1980, principalement sur la question de l’avortement.

L'Histoire du droit des femmes

Actuellement, des auteures telles que Marcela Iacub et Judith Butler font de la problématique féministe une occasion de débattre de la question du genre, des identités sexuelles et des limites entre les sexes (intersexe, queer, etc), celle-ci peut nous aider à repenser la lutte féministe. Or, la lutte des années 70 (en amont en Suisse de l'accession des femmes à la citoyenneté) est celle d'une longue marche marquée par des féministes de l'après guerre comme Simone de Beauvoir avec sa formule historique "On ne naît pas femme on le devient", soulignant le déterminisme social de la féminité et la "fabrication" culturelle. Pour tenter de comprendre ce qui s'est passé durant cette époque nous allons revenir sur les faits marquants. Pour la compréhension de ce qui va suivre nous vous conseillons de lire la frise chronologique des événements marquants pour le droit à l'avortement en Suisse.

Mouvements féministes : Buts et démarches

Ce n'est que dans la deuxième moitié du XIXème siècle que le féminisme se démarque en tant que mouvement collectif de luttes de femmes. "Ces luttes reposent sur la reconnaissance des femmes comme spécifiquement et systématiquement opprimées, l'affirmation que les relations entre hommes et femmes ne sont pas inscrites dans la nature mais que la possibilité politique de leur transformation existe." <ref>Hirata H, et al,2000, Dictionnaire critique du féminisme, Paris : Presse Universitaires de France, p. 225</ref>. En effet, les femmes ont dû faire face à de nombreuses inégalités et cela dans de nombreux domaines: le travail, la santé, la politique... Nous constatons encore aujourd'hui que de nombreuses inégalités persistent concernant le droit des femmes, mais elles sont moindres ou de nature différentes que dans les années 1960-80. Pour pouvoir entrer dans un processus de revendication politique du féminisme, il faut qu'il y ait une "relation avec une conceptualisation de droits humains universels; elle s'ancre dans les théories des droits de la personne dont les premières formulations juridiques sont issues des révolutions américaines puis françaises." <ref>Hirata H, et al,2000, Dictionnaire critique du féminisme, Paris : Presse Universitaires de France, p. 225</ref> Il convient de faire une distinction entre les mouvements féministes et les mouvements populaires des femmes. En effet, les mouvements populaires des femmes ne mettent pas directement en avant l'exigence de droits spécifiques pour les femmes. C'est l'emploi du mot féministe qui va changer les représentations que l'on se fait à cette époque. Pour certains, les féministes sont "trop bourgeoises au XIXème siècle et au début du XXème siècle trop radicales et ennemies des hommes après les années 1970"<ref>Hirata H, et al,2000, Dictionnaire critique du féminisme, Paris : Presse Universitaires de France., p. 126</ref>. Quant à l'expression "mouvement des femmes", elle est plus souvent utilisée comme raccourci pour mouvement de libération des femmes. Voilà pourquoi elle a pu être associée au féminisme le plus radical et explique la confusion entre les deux termes.

Lorsque nous parlons de "mouvements féministes" nous désignons sous une même dénomination "les diverses formes de mouvements de femmes, le féminisme libéral ou "bourgeois, le féminisme radical, les femmes marxistes ou socialistes, les femmes homosexuelles, les femmes noires et toutes les dimensions catégorielles des mouvements actuels"<ref>Hirata H, et al,2000, Dictionnaire critique du féminisme, Paris : Presse Universitaires de France, p. 127</ref>. Dès lors, l'expression" mouvement des femmes " représente les mobilisations de femmes en Amérique Latine ou les mouvements pour la paix en Irlande ou au moyen-Orient"<ref>Hirata H, et al, 2000, Dictionnaire critique du féminisme, Paris : Presse Universitaires de France., p.126</ref> Dans la littérature, deux types de mouvements féministes se démarquent. Une première vague a émergé dans la seconde moitié du XIXème siècle. Elle est souvent représentée autour des revendications du droit de vote. Au début du XXème siècle, où les mouvements sont qualifiés de "néo féminisme", les exigences ne se fondent pas sur une seule exigence d'égalité mais sur une reconnaissance "de l'impossibilité sociale de fondé cette égalité dans un système patriarcal"<ref>Hirata H, et al,2000, Dictionnaire critique du féminisme, Paris : Presse Universitaires de France, p. 126</ref>. Le féminisme des années 1970, se fait connaître par des mouvements anti-autoritaires, par des groupes de parole, il met en avant les formes les plus spontanées de manifestation et refuse toute organisation hiérarchique. " L'appartenance au mouvement représente la mise en acte d'une nouvelle idéologie, la recherche de sens et de valeurs communs." <ref>Hirata H, et al,2000, Dictionnaire critique du féminisme, Paris : Presse Universitaires de France, p.128</ref>. C'est entre la fin des années 1960 et le début des années 1970 que le féminisme connait une ampleur internationale. "L'onde de choc part des Etats-Unis et gagne très rapidement la Grande-Bretagne et l'Allemagne dans les années 60". Il faut ajouter qu'en "dépit de son caractère extra parlementaire, le mouvement de libération des femmes a la capacité de susciter de larges mobilisations auprès des femmes syndiquées, des femmes de partis de gauche et de droite ou des associations luttant pour les droits des femmes comme le planning familial. Ce sont d'abord les campagnes pour la liberté d'avorter qui constituent les événements les plus importants et les plus marquants <ref>Hirata H, et al,2000, Dictionnaire critique du féminisme, Paris : Presse Universitaires de France, p. 128</ref>.

En ce qui concerne la Suisse, c’est dans la continuité du mouvement de la jeunesse estudiantine de 1968 que naît le nouveau mouvement féministe. C’est à Zurich que se sont réunies des femmes de gauche, que l’on appellera «Frauenbefreiungsbewegung » ou plus communément le FBB. Elles critiquent le fait que les femmes sont oppressées et qu’il s’agit d’une « contradiction sociale fondamentale ». Le MLF, pour la Suisse romande et le MFT au Tessin vont très rapidement suivre la création du FBB, avec comme objectif commun de « récuser l’organisation hiérarchique des associations et de la politique traditionnelle » <ref>Commission fédérale, Femmes Pouvoir Histoire, 1.3, p. 1, consulté le 27 Novembre sur http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:UpvKGVSBak0J:www.ekf.admin.ch/dokumentation/00444/00517/index.html%3Flang%3Dfr%26download%3DNHzLpZeg7t,lnp6I0NTU042l2Z6ln1ae2IZn4Z2qZpnO2Yuq2Z6gpJCDdH58hGym162epYbg2c_JjKbNoKSn6A--+&cd=2&hl=fr&ct=clnk&gl=ch&client=firefox-a</ref> inspirés des mouvements français et américains préalablement abordés. Cependant, des divergences existent entre tous ces mouvements sur différentes questions telles que l’avortement ou encore la possibilité pour le sexe féminin de faire l’armée. Une chronologie a été rédigée dans l’article suivant : "Le nouveau mouvement féministe et les organisations féminines depuis 1968" de la Commission fédérale pour les questions féminines de la Confédération Suisse.




La période entre 1940-50 : une période restrictive

Pour comprendre la lutte pour l'avortement comme droit de la personne, il nous faut revenir sur le contexte de l'après guerre. Tout comme il a été expliqué dans le chapitre précédent, concernant les droits des enfants, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (1948) a influencée les mouvements des femmes. Nous allons, tout d'abord, revenir sur ce qui s'est passé avant cette date. En effet, nous savons que la législation Suisse sur l’avortement est l’une des plus restrictives d’Europe. Les premières dispositions du Code pénal suisse à ce sujet ont été définies en 1942 et prévoient, à cette époque, l’emprisonnement de la femme qui avorte, ainsi que de la personne qui l’aide à pratiquer cet acte. En revanche, une exception existe : si la grossesse comporte un danger pour la mère et que l’interruption de grossesse est pratiquée par un médecin, l'avis étant approuvé par un second médecin, l’avortement n’est alors pas punissable. On comprend alors que la conséquence a été un nombre considérable d’avortements illégaux. Cependant, la mise en place de dispositifs de préventions et d’une diffusion d’informations a contribué à faire diminuer le nombre d’avortements autant illégaux, que légaux. Par ailleurs, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a étendu la notion de « santé » en y insérant les dimensions de bien-être psychique et social : « la santé ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ; elle est un état de complet bien-être physique, mental et social. »<ref>Rey, A.-M., 2013, Tendance à la libéralisation, USPDA. Consulté le 7 Novembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/liberal.htm</ref>. Ceci légalise aussi la pratique d’interruption de grossesse et écarte la menace d’emprisonnement. <ref>Rey, A.-M., 2013, L'ancienne législation de 1942, USPDA. Consulté le 7 Novembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/loi_1942.htm</ref> Cependant, cette législation attise la colère et entraine la montée d’une révolte. Au début du XXème siècle, nous voyons s’élever des mouvements, tels que les organisations ouvrières, pour lutter en faveur de la décriminalisation de l’avortement. De plus, dans cette période, il existe une différence entre les législations cantonales sur l'avortement entrainant une inégalité entre les femmes. Ceci met donc les professionnels dans l'embarras puisqu'ils n'ont pas une pratique généralisée en Suisse. Des mesures fédérales strictes ont alors été prises pour tenter de généraliser les pratiques et s'accorder sur la pratique de l'avortement : « l’institutionnalisation juridique d’une interruption de grossesse pouvant être légalement pratiquée par un médecin sous haute surveillance de l’Etat : consultation obligatoire d’un second médecin, qui doit être un spécialiste et en plus agréé par les autorités cantonales compétentes, et qui doit donner par écrit un « avis conforme ». Il faut également le consentement écrit de la femme enceinte. ». Ainsi, à cette époque, nous constatons que les femmes n'ont pas la maîtrise de leur corps et par conséquent, la maternité ne peut se contrôler. Ce contexte illustre la réalité des femmes: soit elles ont la chance de pouvoir trouver deux médecins qui l'estiment en danger, soit elles décident de pratiquer un avortement illégal ce qui comporte de grands risques pour leur santé (hémorragie et infection qui peuvent entraîner la mort de la femme).

La période 1960-70 : les premiers changements


Graphique représentant les condamnations des femmes


Le graphique ci-contre nous montre la condamnation des femmes en ce qui concerne l'avortement.<ref>Rey, A.-M., 2013, Interruption de grossesse en Suisse : les faits et les données, USPDA. Consulté le 18 Novembre sur http://www.svss-uspda.ch/pdf/faits-et-donnees.pdf </ref>
En effet, nous voyons que le pic le plus élevé se situe dans l'année 1950, avec 550 condamnées. Puis lors de la commercialisation de la pilule, l'emprisonnement des femmes diminue fortement. L'année suivante, passe d'environ 400 condamnations à 260 condamnations. De manière générale, ce graphique montre que les condamnations sur la période 1960-1980 n'ont cessé de baisser. Les années 60 sont donc marquées par l'arrivée de la pilule contraceptive en Suisse. En effet, en 1961, la commercialisation de celle-ci fait reculer le nombre d'avortements pratiqués en Suisse puisque les femmes ont un contrôle sur leur reproductibilité. Malgré tout, la pilule contraceptive circule à l'époque discrètement, puisqu' aucune loi ne précise son autorisation. En 1965, la création du premier planning familial en Suisse au HUG permettra de conseiller les familles. L'établissement ouvrira donc un pôle dédié à l'information familiale et aux régulations des naissances.<ref>Fert-Bek, D., (s.d.), Historique, Le service du planning familial de Genève a 40 ans,Genève, HUG. Consulté le 18 Novembre 2013 sur http://planning-familial.hug-ge.ch/nous/historique.html</ref> Dans cet établissement, les professionnels conseillent les parents sur la manière d'avoir un contrôle sur l'élargissement de leur famille. Ainsi, grâce à cette structure, la pilule contraceptive a pu circuler dans le territoire helvétique. La pilule était considérée pour certain comme un enjeux économique : elle permettait de contrôler les naissances et donc de préserver la richesse, et pour d'autres comme un moyen de débrider la sexualité des femmes<ref>L'illustré, (s.d.) La pilule qui a changé le monde, Archives, Consulté le 18 Novembre 2013 sur http://www.illustre.ch/la_pilule_qui_a_change_le_monde_45372_.html</ref>.

Affiche du Front des Bonnes Femmes

Le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) a démarré aux Etats-Unis, et a encouragé les militants des autres pays à lutter pour améliorer les conditions féminines. Le MLF créé en 1969 à Zurich,que l'on retrouvait également dans d'autres cantons (Genève et Tessin par exemple) se base "sur les mouvements de libération du Tiers monde pour encourager les femmes à se libérer des contraintes inhérentes à la famille nucléaire (Rôle des sexes)." <ref>Jorris, E., 2009, Mouvement de libération des femmes (MLF). Consulté le 19 Novembre 2013 sur http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F16504.php</ref>. Sur le canton de Genève plus précisément, des groupes de certains partis de gauche militaient en ces faveurs (ils étaient très hiérarchisés et ne plaisaient pas à toutes les femmes militantes). C'est donc principalement grâce à Madame Brodmann (qui a milité aux Etats-Unis) et Madame Gramoni qu'il y a eu dans un premier temps le front des Bonne-Femmes (où militait aussi Rina Nissim). Leur premier slogan a été "Femmes décolonisons-nous !" avec des affiches placardées sur les façades des grandes banques : les femmes insistaient donc pour la ré-appropriation de leur corps (avortement, pilule contraceptive, ...).<ref>Roussopoulos Carole, Debout ! Une histoire du mouvement des femmes 1970-80, 1999. Consulté le 19 Novembre 2013 sur http://ballonsonde.org/wikiSonde/videos/Femmes_Debout.htm</ref>

Les femmes pensent donc vivre singulièrement des situations d'exclusions et d'injustices, cependant, en discutant ensemble, elles se rendent compte qu'elles vivent toutes ce genre de situation. Cette prise de conscience favorise donc la mobilisation des femmes pour combattre les injustices dont elles sont victimes. Les communautés ou ce que l'on pourrait appeler regroupements permettent donc aux femmes de prendre conscience mais aussi de prendre du pouvoir dans la société. L'effet de groupe a permis un rassemblement dans les rues de milliers de femmes pour manifester ensemble contre des inégalités entre sexe (MLF).

Dans le même temps, il ne faut pas oublier que les avortements illégaux continuent à être pratiqués à cette période. En effet, le nombre d'avortements, légaux et illégaux, est estimé à 50 000 en 1966. Les avortements légaux s'élevaient à environ 17 000 en 1966 (16 000 en 1978 et 1980, 14 000 en 1985, 13 000 en 1990, 12 000 en 1995, 13 000 en 1996 et 1998). Les avortements clandestins diminuèrent grâce :

  • à la raréfaction avec l'élargissement des indications médicales dans les cantons libéraux (Zurich, Bâle-Ville, Berne, Vaud, Neuchâtel, Genève) dès les années 1950
  • la libéralisation progressive dans d'autres cantons(Tessin dès les années 1970; Argovie, Bâle-Campagne, Glaris, Schaffhouse, Soleure, Jura au cours des années 1990)
  • la généralisation des centres de planning familial, des cours d'éducation sexuelle, la diffusion de moyens de contraception sûrs dès les années 1960
  • le remboursement de l'intervention par les caisses maladie).

On remarque également, que malgré les mesures juridiques fédérales restrictives, les cantons adoptent des pratiques très différentes les uns des autres. Ainsi, les dimensions d’ordre psychologiques et sociales sont incluses dans les indications médicales des cantons libéraux, alors que la pratique est seulement tolérée dans les cantons conservateurs catholiques. Face à cette inégalité juridique, les cantons libéraux accueillent des femmes vivant dans ces cantons restrictifs pour se faire avorter. On assiste à une forme de tourisme « gynécologique ». Cela amène les cantons à réfléchir sur ces pratiques. Notamment le canton de Neuchâtel, où plusieurs affaires d'avortements sont jugées.



La période 1970-1980 : La période clé


A la suite de ces scandales, le député radical Maurice Favre dépose en mars 1971 une motion en faveur d'une initiative cantonale demandant la suppression des articles 118 à 121 du CP. Cette démarche est suivie du lancement, en juin de la même année, par un comité de cinq personnes, de l'initiative populaire fédérale pour la décriminalisation de l'avortement, largement soutenue notamment par le mouvement des femmes. En 1972, les milieux chrétiens conservateurs font circuler une pétition "Oui à la vie, non à l'avortement". A partir de ce moment-là, nous voyons apparaître les organisations et les mouvements féministes qui manifestent en faveur de l’interruption de grossesses libres et gratuites, ainsi que pour revendiquer la décriminalisation de l’avortement. Deux propositions sont donc faites : accorder un délai pour l'avortement (par exemple : les avortements pourront être légaux pendant les 10 premières semaines de grossesse) ou élargir les motifs pour l'avortement (par exemple : souffrances psychiques, douleurs physiques, ...)

C'est une lutte qui s'engage contre des mentalités traditionnelles où l'homme est dominant dans la société. La prise de conscience des femmes et de leurs conditions se fait petit-à-petit, en prenant plus d'ampleur au milieu des années 70. C'est la réunion de plusieurs milliers de femmes qui implique que l'on puisse qualifier le MLF de mouvement. Ce sont des femmes de tout âge qui se battent pour l'amélioration de leur conditions de vie. Ces mouvements veulent principalement lutter pour le droit du libre choix des femmes ou de manière générale à ce que l'on nomme "l'autonomie des femmes". A cette époque, il y a deux types de femmes : celles qui font des études mais qui restent à la maison pour materner, ou bien celles qui font des études et qui travaillent. Ces dernières se trouvent confrontées à la réalité sociale : avec le même titre professionnel, les femmes obtiennent des salaires bien inférieurs à ceux des hommes. Suite à cette prise de conscience face au Plafond de Verre, les femmes se réunissent pour échanger leurs histoires. Elles se mobilisent donc afin de pouvoir avoir le contrôle sur leur vie, et sur leur corps. L'une des grandes luttes se concentrer autour du contrôle de leurs corps : ce qu'elles nomment la mobilisation pour la ré-appropriation du corps. Il s'agit de donner aux femmes la possibilité de choisir leur maternité, leur contraception, et leur médicamentation. En 1978, sur le canton de Genève, l'ouverture du Dispensaire des femmes (par Rina Nissim) leur permet d'être accueillies dans un lieu où on leur donne des conseils, des listes de gynécologues tolérants face aux choix d'avorter ainsi que différentes méthodes pour soigner les maladies génitales, ... De plus, les femmes peuvent, si elles le veulent, accéder au groupe action Self-Help du MLF ; qui est un lieu où l'on échange sur son vécu, et où l'on pratique des examens concrets pour découvrir son corps. L'instruction, comme l'évoque Mme Christinat permet aux femmes de comprendre les injustices auxquelles elles sont confrontées et de se mobiliser pour que toutes les sociétés reconnaissent les femmes comme des "personnes avec un cerveau".

Dans le même temps, une nouvelle réglementation sur l’avortement est considérée par le Conseil fédéral, et trois variantes sont discutées : la première, appelée "solutions des indications" autorise l’avortement dans les situations où la grossesse menace la vie ou la santé de la femme, en cas de viol, ou encore si l’enfant présente un trouble ou une déficience physique et/ou mentale. Une autre variante est celle des « indications sociales » qui prend en compte la situation sociale précaire de la femme. Finalement, la troisième, « solution des délais », permet l’avortement pendant les douze premières semaines de grossesse. Il va sans dire que les partis politiques, les organisations et les cantons conservateurs catholiques sont en faveur de la solution la plus restrictive, alors que leurs rivaux refusent les trois types de variantes et revendiquent l’avortement libre et gratuit. Le Conseil fédéral rejette l’initiative pour la décriminalisation de l’avortement, mais opte finalement pour la solution des indications élargies, attisant ainsi le mécontentement des deux camps. Face au rejet de l’initiative populaire pour la décriminalisation de l’avortement, l’Union Suisse pour la Décriminalisation de l’Avortement (USPDA) (dont fait partie Amélia Christinat) propose un compromis et lance une initiative qui cette fois rejoint l’idée de la solution des délais. «L’initiative réclame la décriminalisation de l’avortement s’il est pratiqué par un médecin avec le consentement de la femme pendant les douze semaines qui suivent les dernières règles ». Cependant, celle-ci essuie à nouveau un échec : elle est rejetée par la majorité des cantons. Les années suivantes toutes les propositions d'initiatives, pour ou contre l'avortement, sont sans cesse rejetées. Mais les luttes féminines pour le droit à l'avortement s'amplifient durant cette période afin de faire changer les droits de la personne et principalement les droits de la femme. Ce n’est qu’en 1990, que l’idée d’une révision de la loi relative à l’avortement est remise sur le devant de la scène.

Nous constatons que cette période est riche pour la mobilisation des droits des femmes ; de multiples groupes se forment à l'intérieur du MLF, de nouveaux établissements pour les femmes se créent, les partis politiques se questionnent à nouveau, même Le Conseil d'Etat Vaudois, etc. Des femmes se mobilisent également pour d'autres causes qui ne les touchent pas particulièrement puisque nous verrons, dans le dernier chapitre de cet article, que plusieurs d'entres-elles se sont mobilisées pour le droit à l'autodétermination des patient des hôpitaux.

De manière générale, c'est surtout l'envie de faire changer la mentalité de la société pour que les femmes aient les mêmes droits que les hommes, qui se fait ressentir. En 1791 en France, l'écrivaine http://fr.wikipedia.org/wiki/Olympe_de_Gouges propose la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne se basant sur la version originale et dont le but était de montrer l'égalité juridique entre homme et femme.

Depuis 1990

Les différentes mobilisations des femmes soixanthuitardes ont permis la diminution d'une multitude d'inégalités pour lesquelles elles se mobilisaient. Revenons tout d'abord, en 1994, où l'on constate un net recul du nombre d’avortements légaux. Ceci peut s’expliquer par une diffusion de l’information (éducation sexuelle) et la libre disposition de moyens contraceptifs. Ce phénomène vient appuyer l’idée que la libéralisation ne conduit pas à une augmentation des avortements, bien au contraire. Plusieurs services se sont donc installés suite aux manifestations des femmes dans les rues. A partir de là, les choses commencent à changer et vont en faveur de la décriminalisation de l’avortement. En effet, le Conseil National adopte en 1995 "la solution des délais". En 1996, la Commission des Affaires Juridiques du Conseil National ratifie un projet de loi qui prévoie la décriminalisation de l’avortement pendant les 14 premières semaines après les dernières règles. On voit même les femmes du parti démocratique-chrétien (PDC) aller en faveur du droit de la femme à l’autodétermination et pour "la solution des délais". De nombreuses organisations telles que la Fédération suisse des Eglises protestantes, les groupes des femmes radicales de Suisse, accueillent cette solution des délais comme un compromis tolérable. Toutefois, le Conseil Fédéral rejette une fois de plus la "solution du délai" en 1998. Nous constatons donc que les manifestations pendant plus de 15ans, ne suffisent pas pour que la Suisse autorise l'avortement. En France par exemple, la lutte des femmes a été moins longue en ce qui concerne le droit à l'avortement puisqu'il est autorisé depuis la Loi Veil de 1975 et suite aux manifestes des 343 de 1971.

Par ailleurs, la pilule abortive Mifegyne (RU 486) est admise et commercialisée en Suisse dès 1999. La notice d'utilisation explique son utilité : "Mifegyne est un médicament qui bloque l'action de la progestérone, une hormone nécessaire au maintien de la grossesse. Mifegyne peut donc provoquer une interruption de grossesse." Cependant cette méthode médicamenteuse est soumise aux mêmes dispositions pénales que l’avortement et est prescrite uniquement par le corps médical.


Finalement, le Parlement adopte la solution du délai en mars 2001 qui est rentré en vigueur en 2002. « Ainsi l’avortement n’est pas punissable pendant les 12 premières semaines de la grossesse à condition que la femme fasse valoir une situation de détresse. Les cantons doivent décider quels cabinets et établissement peuvent pratiquer l’intervention. » <ref>Rey, A.-M., 2013, Régime du délais, USPDA. Consulté le 7 Décembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/loi.htm</ref> De plus, Rey (2013), illustre les modifications entre l'ancienne et la nouvelle loi de 2002, relatif à l'avortement. <ref>Rey, A.-M., 2013, Comparaison ancienne et nouvelle législation, USPDA. Consulté le 7 Décembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/comparaison.htm </ref> Depuis ce jour, la femme est la seule personne qui ait le droit de choisir ou non l'avortement. En aucun cas, une personne tierce (et même si celle-ci a une blouse blanche) ne pourra refuser l'avortement d'une femme dans les douze premières semaines de grossesse.

Nous pouvons donc conclure que « les discussions provoquées en 1971 par l’initiative en faveur de la décriminalisation de l’avortement ont été à l’origine d’un changement des mentalités et d’une prise de conscience ».<ref>Rey, A.-M., 2013, Chronologie des événements dès 1970, USPDA. Consulté le 7 Décembre sur http://www.svss-uspda.ch/fr/suisse/chronologie.htm </ref> En effet, nous assistons à une diminution du nombre de condamnations et à une libéralisation de la pratique de l’avortement. Par ailleurs, on se rend compte qu’à travers la mise en place de centres de plannings familiaux et des dispositifs d’informations, comme l’éducation sexuelle, on parvient à lutter contre l’avortement. La prévention prévaut donc à la pénalisation.

Cependant on constate que la réglementation à ce sujet peut encore être modifiée, car ce droit à l’avortement est sans cesse remis en question. En effet, en 2010, le mouvement anti-avortement « Mamma », qui s'intitulait auparavant "Pour la mère en l’enfant" lance une initiative populaire : « Financer l’avortement est une affaire privée». Il s’agit d’une initiative qui demande que l’IVG ne soit plus prise en compte par les prestations de l’assurance maladie de base, et ce en invoquant l’idée qu’il s’agit d’une décision d’ordre privé, et que de ce fait le financement public n’a pas de sens. Cependant, on remarque que le droit à donner la vie est également de l’ordre du privé, et pourtant celui-ci n’est pas contesté. Rina Nissim, nous met en garde contre la tournure que prennent les événements d'aujourd'hui (concernant le financement de l'avortement). En effet, selon elle, nous serions en pleine régression concernant le libre choix de la femme. A contrario des générations d'après 70, il faut que les générations d'aujourd'hui se mobilisent pour faire en sorte de garder un droit durement acquis par les femmes soixanthuitardes. La votation de Février 2014 qui se prépare pourrait modifier les droits que nous avons jusqu'à présent, et pour lesquels les générations précédentes se sont battues. Si les générations actuelles et les suivantes veulent elles aussi avoir la possibilité de choisir si elles veulent devenir mère ou non, elles se doivent de s'impliquer pour faire en sorte de ne pas perdre les droits acquis.

Le droit à l'avortement est également contesté dans les autres pays Européens. En France par exemple, Marine Le Pen propose d’annuler le remboursement des IVG « de confort ». On remarque que cette terminologie n'est pas sans sous-entendu. En effet, celle-ci suggère que l’avortement soit bien devenu un moyen de contraception, tant sa pratique serait devenue répandue; et mettrait également en avant l’idée que cette pratique est une obligation et non un recours. L'Irlande et l'Espagne seraient les deux pays Européens les plus réactionnaires au droit à l'avortement. En effet, le premier ministre devrait sous peu, mettre en place une nouvelle loi sur ce sujet. L'avortement ne sera alors possible que dans l'une des trois conditions (viol, malformation du fœtus ou danger de la mère) et les personnes mineures devront avoir une autorisation des parents. <ref>Magnan, P., (2014) Avortement : le retour en arrière de l'Espagne, premier signe en Europe ?. consulté le 6 Janvier 2014 sur http://geopolis.francetvinfo.fr/avortement-le-retour-en-arriere-de-lespagne-un-premier-signe-en-europe-28245 </ref> Dans le cas de l'Espagne, ce projet de loi fait un retour en arrière dans l'histoire de droits des femmes puisqu'il s'agit de la loi d'il y a 30 ans<ref>"L'Espagne veut revenir à la loi d'il y a trente ans".Tribune de Genève, Avortement, 21-22 décembre 2013, p. 7.</ref>. La crise économique, comme nous l'avait précisé Rina Nissim, influencerait les multiples régressions concernant les droits des femmes ; dont celui de leur intégrité physique.

Liens avec l'Actualité

En lien avec l'actualité, nous pouvons constater qu'aujourd'hui ce droit est à nouveau remis en question. Le 9 février 2014 nous voterons pour l'initiative " Financer l'avortement est une affaire privée". Ces votations ne remettent pas directement en cause la possibilité d'avorter mais c'est sans doute un pas pour y aboutir et remettre en cause ce droit fondamental. Ce débat est d'une telle importance qu'il a fait l'objet de multiples débats ces dernières semaines. On comprend alors le rôle des futurs générations dans ce combat qui avait mené nos ainées à manifester dans les rues afin qu'on ne les désapproprient pas de leur corps...

Les témoins qui ont participé aux changements


Nous avons décidé d'interroger des personnes qui se sont mobilisées en Suisse pour le droit à l'avortement. Elles pourront donc partager des éléments personnels sur le contexte de l'époque, et les problèmes qu'elles ont pu rencontrer pour la mise en place de ce droit.

Nous avons dans un premier temps contacté Mme Christinat Amélia, avec qui l'une de nous avait déjà interviewé il y a quelques années dans un cours du Prof. d'histoire au Collège Voltaire Philippe Herren. Cette personne a donc accepté de participer à notre recherche en répondant à nos questions lors d'un entretien.

Dans un second temps, nous avons contacté Mme Wenger Salika, marraine de l'association "Ni pute, Ni soumise" qui est actuellement impliquée dans la politique sur Genève, puisqu'elle fait partie du Conseil Administratif de la ville de Genève. Deux d'entre nous l'ont connue lors de sa venue à l'émission télévisée Infrarouge (RTS) dédiée aux mouvements des Femens (novembre 2011). Après discussion téléphonique, nous avons eu des éléments pertinents qui pourraient nous intéresser pour notre recherche, cependant Mme Wenger, très occupée, n'a pas pu nous accorder un entretien avant Janvier 2014. C'est pourquoi après réflexion, nous avons décidé de contacter une troisième personne qui pourrait éventuellement être plus disponible : Mme Nissim Rina. Par l'intermédiaire de Mme Ruchat nous avons obtenu ses coordonnées téléphoniques et avons pu avoir un rendez vous rapidement.

Afin de leur éviter un quelconque déplacement,nous avons rencontré ces personnes à leur domicile. De plus, pour des raisons pratiques et également afin de ne pas abuser de leur hospitalité, nous avons décidé de mener ces entretiens par groupes de trois. Nous proposerons aux différents acteurs de partager leurs souvenirs concernant les années 1970 à Genève, afin que nous comprenions la situation actuelle du droit à l'avortement.

Retour sur les entretiens

Entretien de Rina Nissim

Notre premier entretien s'est déroulé le mercredi 27 Novembre. Trois étudiantes se sont rendues au cabinet de Rina Nissim. L'entretien qui en découle nous a projeté dans un univers très différent du notre : où la femme n'avait que très peu de droits. C'est de par son discours, que la militante a partagé avec nous des informations sur l'ambiance, la mobilisation et la persévérance des actrices de cette époque. C'est par la prise de conscience de plusieurs injustices que les femmes se regroupent pour se mobiliser contre une société qui octroie peu de considération aux femmes. Le MLF, lutte donc de manière générale pour plusieurs droits (droit à l'égalité salariale, droit à la contraception, droit à l'avortement, ...).

Entretien d'Amélia Christinat

Le second entretien s'est déroulé le 5 décembre chez Christinat Amélia. A notre arrivée, nous lui avons dit que nous avions déjà des questions précises à lui poser et que ces questions seraient les mêmes pour tous les groupes. En effet, sachant que c'est une femme très bavarde nous avons préféré poser le cadre dès le départ. Nous avons pu constater en rentrant dans son salon qu'elle avait préparé différents articles concernant le droit à l'avortement - des articles qu'elle nous a présenté tout au long de l'interview -. C'est avec beaucoup d'émotion qu'elle a répondu à nos questions et qu'elle a raconté son combat pour les différents droit de la femme - droit de vote, droit à l'avortement etc.-. A travers ses propos nous avons vraiment ressenti, l'importance que ces combats ont eu pour elle.

Points communs entre les entretiens

Plusieurs points communs ressortent de ces deux entretiens.

Tout d'abord, nous constatons que le droit à la réappropriation du corps ou plutôt à l'autonomie des femmes, comme cité par Rina Nissim, représente l'un des combats des années 1960-80. Si les femmes, par leur combats, manifestations ont réussi à faire valoir leur droit à l'avortement, elles ont aussi lutté pour la mise en place d'autres valeurs telles que le droit à la contraception, le droit de vote, le droit d'accès aux études. Toutes ces luttes sont évoquées par les deux femmes interrogées.

Afin de parvenir à ces changements, il a fallu se réunir entre femmes. A partir du moment où nous souhaitons un changement important, il est nécessaire d'obtenir une mobilisation importante. Rina Nissim part d'un petit groupe, le MLF qui finalement va prendre une grande ampleur et Amélia Christianat s'impose dans la politique. Pour ces deux protagonistes, il paraît évident que pour espérer un changement, il faille se réunir en groupe. La notion de communauté prend donc toute son importance. La notion de communauté est définie comme étant un état de ce qui est commun à plusieurs personnes, similitudes, groupe constituant une société, mise en commun des biens entre époux. Au sens étymologique originel : cum munus. La communauté est donc un groupe de personnes (cum) qui partagent quelque chose ("munus")- un bien, une ressource, ou bien au contraire une obligation, une dette.

Même si le concept de communauté n'est pas cité explicitement dans nos entretiens, il apparaît tout au long, puisque chacune d'entre elles a rejoint un groupe dans lequel elle trouvait des intérêts communs. Chaque membre décide alors en quoi, comment et quand il contribuera à ce groupe. Dans ce cas, Rina Nissim et Amalia Cristinat en tant que féministe se sont engagées et ont lutté pour le droit des femmes.

Enfin, il est intéressant de constater que nos deux intervenantes tirent un bilan mitigé de ces luttes pour les droits des femmes. Amalia Cristinat dit :" Alors en fait tout changement, toute progression que l’on peut interpréter comme sociale n’est jamais définitivement acquise. Donc en fait, il faut veiller continuellement, défendre continuellement où que vous soyez et avec qui que vous soyez." Quant à Rina Nissim, elle dit :"Malheureusement dans la société c’est comme ça, il faut tout le temps se battre. Ça c’est un point sur lequel on est en recul." On est en plein recul. Donc y a un ou deux pays qui ont avancé, pour l’instant y en a douze qui ont régressé. Donc cela ne va pas du tout cette affaire, on a une très mauvaise posture." Ainsi, la question des droits pour la personne n'est jamais complètement acquise. Il faut sans arrêt se battre pour continuer à faire valoir ses droits en tant que personne."

Il convient à présent de reprendre l'ensemble des questions posées et d'en ressortir les éléments importants :

- Depuis quand et avec qui vous vous êtes engagée dans la lutte pour les droits de la femme et quel était à ce moment votre statut (ou fonction)? Dans quel contexte s'est inséré cette démarche ?

Les deux personnes interrogées ont un parcours différent et leur action ne s'est pas faite au même niveau. Rina Nissim, après son interruption de grossesse à 19 ans, trouve un tract dans un local d'anarchiste. C'est un tract du MLF qui invite des femmes à rejoindre leur groupe. Elle est intéressée et entre alors au MLF. Elle est alors la plus jeune de la "bande". Il n'y avait pas de statut en tant que tel mais chacune apportait ses connaissances et son envie de se battre pour obtenir plus de droit pour la femme. Quant à Amélia Christinat, elle agit plutôt à un niveau politique et va faire un long parcours en passant par le législatif, le cantonal puis le niveau national afin d'apporter des changements reconnus dans toute la Suisse.

- Y a-t-il eu un événement originel? Pourriez vous nous raconter un ou des événements marquant que vous avez mené ou qui vous ont frappé dans cette période en faveur de ces droits ?

L'un des droits qui a frappé Rina Nissim dans cette période est l'accès à l'avortement libre et gratuit ainsi que l'accès à la contraception. Elle explique que c'est l’accessibilité à l'avortement qui était problématique. Le planning familial a été une grande innovation, mais n'était pas encore présent dans les mentalités de tous, et ce, notamment chez les gynécologues qui n'acceptaient pas tous de donner la pilule. Le MLF faisait des listes des médecins qui étaient d'accord de prescrire cette pilule et dirigeaient les femmes au bon endroit. Cependant, elle ne nous décrit pas un événement très précis, une action qu'elle a effectuée qui a pu entraîner ces changements. C'est néanmoins des manifestations importantes et à plusieurs reprises qui ont permis ces évolutions. Amélia Christinat considère aussi que le droit à l'avortement est un événement phare de cette époque et ajoute que le droit de vote pour la femme est aussi l'un des événements marquants. Elle donne comme exemple les luttes ouvrières françaises qui allaient en Belgique pour se faire avorter parce que c'était défendu en France et qu'elles n'avaient pas d'argent. C'est un événement particulièrement marquant et touchant selon elle.

- Quels ont été les changements les plus importants auxquels vous ayez assistés ?

Rina Nissim évoque plusieurs changements auxquels elle a pu assister. Elle parle de la libération des femmes. C'est se considérer comme un individu à part entière, qui peut décider soi-même, d'être un vrai sujet dans leur vie, dans leur sexualité, dans leur contraception, dans leur choix professionnel. D'après elle, il y a donc eu plusieurs droits : celui de l'avortement avec pour commencer le remboursement par les caisses maladies en 81, le droit au divorce, le divorce. Amélia Christinat ajoute à l'ensemble de ces changements le droit de vote, en disant qu'à partir du moment où nous avons le bulletin, c'est quelque chose de très important puisque les femmes sont considérées comme une personne. Nous pouvons rattacher cela à l'ensemble de cette étude qui étudie le droit des personnes. Dans le cas des différentes luttes pour le droit des femmes, nous cherchons à mettre en avant qu'elles sont avant tout des personnes qui doivent avoir la liberté de choisir, de donner leur avis.

- Y a-t-il eu des valeurs que vous avez eu le sentiment d’avoir porter en avant et si oui lesquels  ?

Différentes idéologies sont mises en avant par les deux femmes interrogées. C'est le féminisme, l'humanisme, le socialisme, l'anarchisme. De manière générale, la valeur dominante est l'autonomie des femmes, marquée par la réappropriation de son corps. Dans leurs discours, les deux femmes montrent bien qu'auparavant nous étions considérées comme femme de.., fille de... que les femmes ont toujours dû être meilleures que les hommes. Elles devaient tout faire. De ce fait, les femmes n'étaient pas des sujets en tant que tels. Ce n'est qu'après de nombreuses luttes que les femmes ont été considérées comme des personnes à part entière. Elles ont maintenant le même statut, les mêmes droits que les hommes. Bien que comme elles le relèvent toutes deux, cela n'est pas quelque chose d'acquis et cette évolution à tendance à reculer.

Mais qu’en est-il aujourd’hui de cette lutte et des acquis, et des risques de retour en arrière ?

Le maître-mot de ces deux femmes est que rien n'est acquis et que la lutte est permanente. Il faut toujours se battre parce que les choses ont tendance à régresser. Aujourd'hui le droit de vote, le droit d'accès aux études est l'un des points acquis. Cependant, la question de l'avortement est remise en cause et fait l'objet de tensions, puisqu'il est question de supprimer le remboursement des avortements. C'est donc l'une des raisons pour lesquelles il faut continuer à se battre et faire valoir ses droits si l'on ne veut pas revenir en arrière.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous nous sommes focalisées sur les droits des femmes à l'avortement. En effet, nous avons vu que ce droit n' a été que difficilement acquis après une forte mobilisation des femmes, de la fin des années soixante jusqu'à la fin des années nonante. Les deux actrices que nous avons eu la chance de pouvoir interroger, nous ont communiqué leur passion et leur investissement dans cette lutte qui reste quotidienne. En effet, toutes deux nous ont précisé que le contexte économique engendrait une régression des droits qu'elles avaient acquis auparavant. La lutte, doit continuer avec les nouvelles générations, si elles ne veulent pas perdre leurs droits. Nous avons vu que les femmes se sont impliquées pour revendiquer l'égalité avec les hommes. C'est une lutte pour le droit à l'autodétermination mais aussi à l'intégrité physique qui a été le plus revendiquée à travers le droit à l'avortement. La liberté de pouvoir choisir sa maternité était donc l'un des éléments pointés par nos actrices. Dans le chapitre suivant, concernant le droit des prisonniers nous verrons que les associations se sont également mobilisées pour donner ces droits aux prisonniers. De plus, nous voyons dans le cursus de notre formation que les personnes en situation de handicap subissent également des inégalités fréquentes. En effet, nous sommes sensibilisées par le fait que toute personne a le droit de choisir ce qui la concerne ; c'est ce que l'on nomme l'autodétermination. Plus largement, l'autodétermination faisait également partie des revendications concernant les patients à l'hôpital (puisque nous verrons qu'ils ont lutté pour ne plus être des cobayes) et les patients psychiatriques (puisque nous verrons que leurs luttes portaient sur des alternatives aux médicaments et de laisser le choix aux patients psychiatriques).

Références bibliographiques

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Vidéo :


Documents scannés :

Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90Fichier:MLF femme.pdf

Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90Fichier:MLF archives.pdf

Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90 Fichier:MLF assez.pdf

Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90 Fichier:MLF avorter.pdf

Archives contestataires de Genève, Mouvements de Liberté des Femmes : 1970-90 Fichier:MLF personne.pdf

Auteurs du chapitre

  • Julie Petot
  • Harmony Godin
  • Nedjma Tabani
  • Tamara Cifo Parra
  • Estefania Medina Martinez
  • Ramos Flores Véronique