« Objets frontière » : différence entre les versions

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==Historique et contexte==
==Historique et contexte==

Version du 24 octobre 2009 à 11:48


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Resumé - Abstract

Les objets frontières, qu’ils soient matériels ou conceptuels, sont des espaces permettant la communication entre mondes très différents, afin de servir un objectif commun. Cet article se propose d’explorer plus en profondeur cette notion, à travers sa genèse, son évolution, son actualité et d’examiner cette notion dans un contexte plus précis : celui de l’échange de connaissances entre générations.

Boundary objects, whether material or conceptional, allow communication between different worlds, to serve as a common objective. This article invites you to explore the notion in depth, with its genesis, its evolution, with its capacity to examine the idea in a more precise context for which we can exchange knowledge between generations.

mots clé : objet-frontière, boundary object


Historique et contexte

Le terme d’objet-frontière est apparu pour la première fois dans une étude de Suzan Leigh Star et de James Griesemer, publiée en 1989, qui traitait des mécanismes de coordination du travail scientifique. Dans cette recherche ils montrèrent comment un chercheur, en l’occurrence Joseph Grinnel, avait pu faire coopérer des acteurs d’horizons disparates autour de la création du Musée de Zoologie Vertébrée de l'Université de Californie à Berkeley. Les acteurs impliqués étaient les administrateurs de l'université voulant un musée de portée nationale, les collectionneurs amateurs soucieux de la flore et faune de Californie, les trappeurs à la recherche de fourrures et chargés de capturer des animaux dans des conditions déterminées, les fermiers chargés de recueillir dans des formulaires préétablis les informations sur le milieu de vie des animaux, Annie Alexander intéressée dans l'éducation et la conservation du patrimoine et bien sûr Joseph Grinnell voulant démontrer sa théorie sur la sélection naturelle. Il était parvenu à intéresser tous ces différents acteurs à ses travaux, et ceux-ci contribuèrent à ses recherches tout en servant leurs propres intérêts. Pour les convaincre il a su respecter et intégrer leurs représentations.

Les auteurs de l’étude, en observant comment ces différents mondes sociaux hétérogènes collaboraient et communiquaient, ont montré que cette coopération se réalisait autour d’ « objets » communs, qu’ils ont appelé les « objets frontière ». Elle n’a pu être efficiente qu’au prix d’une « réconciliation » autour de la signification d’une même chose dans des mondes différents. Star et Griesemer distingueront dans ce travail quatre types d'objets- frontière : les dépôts d'objets standardisés (bibliothèques, musées), les idéaux-type (une espèce animale ou un diagramme schématisé par exemple), les frontières coïncidentes (ce qui permet de partager un réfèrent commun pour un travail réparti sur un espace géographique sans que le contenu soit nécessairement identique pour tous - l'exemple de la carte par rapport au territoire illustre un tel travail de symbolisation utilisable par tous) et enfin les formes standardisées.

Ainsi, ce que démontre cette étude, c’est que le travail scientifique mobilisant des acteurs ayant des intérêts divergents requiert une importante, inévitable et indispensable coopération qui sera l’objet d’une « tension centrale entre les points de vue divergents et le besoin de découvertes généralisables » et que cette coopération n’existera que si un travail de « traduction » des divergences est réalisé. Ce travail s’effectuera à travers une standardisation des méthodes (une sorte de langage commun minimal) et le développement d’objets frontière.

L’étude de Star et Griesemer, s’inscrit dans le courant interactionniste symbolique, fondé par Mead et Simmel puis développé par Bateson et Goffman. Ce courant postule que l’interaction est au centre des phénomènes sociaux et que le langage et les représentations symboliques en sont les outils. Ainsi lorsque nous sommes en interaction avec quelqu’un nous orientons notre conversation en fonction de ce que nous nous représentons de cette personne et non en fonction de ce que les choses sont réellement. On comprend donc à la lumière de cette théorie, l’importance, notamment dans le champ d’études ou de projets interdisciplimaires, d’avoir des objets ayant des significations stables et partagées, servant de base à la poursuite d’un objectif commun.

Ce concept d’objets-frontière est à replacer dans un contexte théorique plus large faisant référence à la théorie des acteurs réseaux (ANT) qui prend en compte dans son analyse, au-delà des humains, les objets (« non-humains ») et les discours, permettant ainsi de sortir d’un dichotomie social/technique ou humain/non humain. Dans cette proposition, le « réseau » est pensé comme une « méta-organisation » rassemblant des humains et des « non-humains » lesquels agissent comme médiateurs ou intermédiaires les uns avec les autres.

Définition et enjeux

L’objet-frontière revêt des caractéristiques diverses, il peut être abstrait ou concret, matériel ou conceptuel, général ou spécifique. Même s’il est très spécifique à une discipline, il aura suffisamment de caractéristiques reconnaissables par d’autres groupes, ce qui présuppose que les différents groupes l’utilisant auront un socle minimum de connaissances communes, de manière à donner la même interprétation à l’objet. Il est à la fois suffisamment « plastique » pour s’adapter aux besoins et aux contraintes des acteurs qui les emploient et suffisamment « robuste » pour maintenir une signification commune de l’objet pour tous les acteurs.

L’objet-frontière devient alors un outil d’intercompréhension et de coopération permettant d’éviter ou de minimiser les conflits étant donné qu’il pose un socle commun irréductible entre les différentes parties. En France, c’est P.Flichy qui a fait connaître cette notion dans le cadre de sa théorie de l’innovation où il explore la diversité des relations entre technique et social. Flichy a élaboré l’idée d’un passage de l’objet-valise à l’objet-frontière : « L’objet-valise correspond à une phase d’indétermination dans les choix technologiques. Une large gamme de possibles reste ouverte, tant au niveau du cadre de fonctionnement qu’à celui du cadre d’usage. Il s’agit alors de lever les ambiguïtés, de dissiper les confusions, de définir un objet au contour plus précis, de passer de l’utopie à la réalité, de l’abstraction à la concrétisation, de construire un objet frontière (…). Les objets frontières replacent la décision dans des mondes réduits, simplifiés, ils listent les points sur lesquels la décision peut porter ou s’appuyer ». Ce passage d’objet valise à objet frontière se fait, selon lui, sur un mode imaginaire dont témoigne un discours idéologique l’accompagnant (exemple les "autoroutes" de l’information ) alors que l’objet n’est encore qu’en construction.

Recherches récentes

La sociologue et critique d'art, Kathryn Henderson, fût a première à travailler cette notion, en anthropologie de l’activité de conception, en 1991. Dans cette étude elle examine la place des représentations visuelles (schémas et dessins) dans les discussions entre les concepteurs.[1]

Depuis la notion d’objet-frontière est utilisée dans bien des domaines et se décline en multiples sous-concepts : boundary work, boundary spanning, boundary spanning individual, boundary organisation. Dans un article pour la Revue d'anthropologie des connaissances, Pascale Trompette établit une longue liste (non exhaustive) des recherches autour de ce concept. Les domaines étudiés vont de l’urbanisme au secteur médical en passant par le management en entreprise.

Citons quelques exemples représentatifs du large spectre que couvre cette notion dans les recherches récentes :

Jensen (2008), à propos des liens entre économie de marché et économie de don [2]

Ebeling (2008), à propos de la communication sur les potentiels et les risques financiers liés aux nanotechnologies [3]

Hunter (2008), sur l’analyse des relations sociales multiples (notamment de résistance et de domination)[4]

Barnett (2008), à propos de l’articulation entre paix et développement[5]

Marie (2008), sur la recherche dans le domaine de l’amélioration des espèces (poules et lapins)[6]

Mondada (2007), sur la pratique de transcription des discours [7]

Sundberg (2007), sur les relations entre chercheurs expérimentalistes et modélisateurs dans le paramétrage des modèles météorologiques [8]

Damarin (2006), à propos de la flexibilité et de la structure de l’emploi dans la production de sites Web[9]

Mehalik et Gorman (2006), à propos du maintien d’une stabilité adaptative des réseaux sociotechniques dans le cas de la conception d’une usine [10]

Glasner (2005), sur la chaîne logistique allant des cellules souches jusqu’à leur usage thérapeutique [11]

Bourrier (2001), sur la maintenance aéronautique [12]

Citons aussi quelques unes des recherches qui relèvent plus spécifiquement du domaine de l’enseignement :

Anagnostopoulos et al. (2007), à propos de l’écart entre l’apprentissage de l’enseignement à l’université et les pratiques d’enseignement au contact des élèves [13]

Kazemi et Hubbard (2008), sur le rôle des artefacts dans l’apprentissage des mathématiques [14]

Ribeiro (2007), sur le travail d’interprète (japonais-portugais) en milieu industriel [15]

Handley et al. (2007), sur l’apprentissage dans la relation entre client et consultant [16]

Lauriol et al. (2004), à propos de la VAE [17]

Noblet (2006), à propos des campus virtuels [18]

Critique de la littérature

Objet-frontière et seniors

Dans un article paru dans la revue Gérontologie et Société en 2001, le sociologue Vincent Caradec explique « on constate que c’est souvent par la médiation d’un tiers qu’ils [les seniors] accèdent à l’usage, et que ce sont souvent les enfants –davantage que les petits-enfants– qui jouent ce rôle de tiers : les technologies apparaissent à la fois comme un lien et un fossé entre les générations. ».

Il me paraissait donc intéressant d’explorer comment l’ordinateur peut être –ou ne pas être- un objet frontière intergénérationnel, notamment entre ceux que l’on nomme parfois « les natifs de l’informatique » qui sont nés avec l’ordinateur et ceux qui y sont venus à l’heure de la retraite. Cette « médiation informatique » entre générations se fait par le biais des cadeaux technologiques (dans les deux sens), d’informations qui circulent (notamment dans l’explication des termes liés à Internet et qu’on retrouve dans d’autres média, TV, journaux), et par l’assistance informatique que proposent les enfants ou petits enfants à leurs aînés.

Si mon hypothèse de départ était de penser que l’objet ordinateur semblait être un objet-frontière entre générations, à l’issue de mes différentes lectures, ma proposition serait plutôt « comment faire en sorte que l’ordinateur devienne un objet-frontière intergénérationnel ? ». En effet, si on s’en réfère au texte fondateur et non aux déviances vers un terme-valise, pour que l’ordinateur soit désigné objet-frontière, il faudrait qu’il y ait une négociation d’un terrain commun autour de l’outil, d’un terrain sur lequel chacune des parties peuvent se retrouver mais aussi s’y retrouver. Or il n’en est rien : le senior est en général subordonné au "supposé" savoir informatique (réel ou imaginaire) de son fils ou de sa fille. Différentes études ont montré que les personnes âgées ont une confiance moins grande dans leurs propres connaissances lorsqu’il s’agit des TIC et leur sentiment d’auto-efficacité est d’autant plus mis à mal que le descendant formateur a des difficultés à expliquer des procédures que lui-même a découvert « sur le mode de l’évidence » (c’est le cas des petits-enfants, nés avec). C’est ainsi que les seniors se plaignent que leur initiateur va trop vite, « il allait tellement vite avec la souris que je n’avais jamais le temps de voir ce qu’il faisait », emploie des termes parfois abscons « il me parlait de « fils rss » et ça avait l'air tellement évident mais franchement moi je ne comprenais rien du tout », ou « elle me reprenait toujours lorsque je disais « site » pour parler de son « blog », comme si j’avais dit quelque chose d’injurieux » et parfois s’énerve « je ne lui demande plus de m’aider parce que je sens bien qu’il manque de patience ».

Pourtant l’enjeu est d’importance, car comme nous le rappelle Jean-François Rouet, « la coexistence harmonieuse des générations dépend entre autres de leur capacité à partager les activités et les technologies »[19]. Ainsi sachant que différents tests montrent que les seniors sont rapidement en surcharge cognitive si leur mémoire de travail (MDT) est trop sollicitée mais qu’ils sont performants sur des tâches qui demandent un savoir-faire ("le paradoxe du vieillissement" selon Jean-Claude Marquié) [20], il serait intéressant de voir comment l’apprentissage intrafamilial de l’ordinateur pourrait se construire autour d’une situation mettant aussi en valeur les compétences des aînés et permettant de ce fait un réel échange entre les générations.

L'avis d'un chercheur

Conclusion

Références

  1. Henderson K. (1998a), “The Role of Material Objects in the Design Process: A Comparison of Two Design Cultures and How They Contend with Automation”, Science Technology Human Values
  2. Jensen T. E. (2008), “Experimenting with Commodities and Gifts: The Case of an Office Hotel”, Organization
  3. Ebeling M. F. E. (2008), “Mediating Uncertainty: Communicating the Financial Risks of Nanotechnologies”, Science Communication
  4. Hunter S. (2008), “Living documents: A feminist psychosocial approach to the relational politics of policy documentation”, Critical Social Policy
  5. Barnett J. (2008), “Peace and Development: Towards a New Synthesis”, Journal of Peace Research
  6. Marie J. (2008), “For Science, Love and Money: The Social Worlds of Poultry and Rabbit Breeding in Britain, 1900-1940,” Social Studies of Science
  7. Mondada L. (2007), “Commentary: transcript variations and the indexicality of transcribing practices”, Discourse Studies
  8. Sundberg M. (2007), “Parameterizations as Boundary Objects on the Climate Arena”, Social Studies of Science
  9. Damarin A. K., (2006), “Rethinking Occupational Structure: The Case of Web Site Production Work”, Work and Occupations
  10. Mehalik M., Gorman M. (2006), “A Framework for Strategic Network Design Assessment, Decision Making, and Moral Imagination”, Science Technology Human Values
  11. Glasner P. (2005), “Banking on Immortality? Exploring the Stem Cell Supply Chain from Embryo to Therapeutic Application”, Current Sociology
  12. Bourrier, M (2001) "La maintenance des avions : une face cachée du macro-système aéronautique"
  13. Anagnostopoulos D., Smith E. R., Basmadjian K. G. (2007), “Bridging the University-School Divide: Horizontal Expertise and the ‘Two-Worlds Pitfall’”, Journal of Teacher Education
  14. Kazemi E., Hubbard A. (2008), “New Directions for the Design and Study of Professional Development: Attending to the Coevolution of Teachers’ Participation Across Contexts”, Journal of Teacher Education
  15. Ribeiro R. (2007), “The Language Barrier as an Aid to Communication”, Social Studies of Science, 37(4): 561-584.
  16. Handley K., Clark T., Fincham R., Sturdy A. (2007), “Researching Situated Learning: Participation, Identity and Practices in Client-Consultant Relationships”, Management Learning
  17. Lauriol, J., Guérin, F., Zannad, H. (2004) , "La validation des acquis de l’expérience en France : un objet-frontière ?"
  18. Noblet J.P. (2006), "L’enrôlement des parties prenantes dans un processus d’innovation technologique en contexte éducatif : un campus virtuel comme « objet frontière »"
  19. Rouet J.F.(2005), "Cent fenêtres sur Internet - Représentation et construction des usages dans le grand public"
  20. Chevalier, A., Dommes, A., & Marquié, J. C. (2009). Les Seniors et les Technologies de l'Information et de la Communication : le cas d'Internet. In J. Dinet (Ed). Usages, usagers et compétences informationnelles au XXIème siècle. Éditions Hermès, pp. 225-256.

Weblio-Biblio

  • Star S.L., Griesemer J. (1989), “Institutionnal ecology, ‘Translations’, and Boundary objects: amateurs and professionals on Berkeley’s museum of vertrebate zoologie”, Social Studies of Science
  • Trompette P. et Vinck D., Retour sur la notion d’objet-frontière, Revue d'anthropologie des connaissances 2009/1, Vol. 3, n° 1, p. 5-27.
  • Vinck D., De l’objet intermédiaire à l’objet-frontière. Vers la prise en compte du travail d’équipement, Revue d'anthropologie des connaissances 2009/1, Vol. 3, n° 1, p. 51-72.
  • Granjou C. et Mauz I., Quand l’identité de l’objet-frontière se construit chemin faisant. Le cas de l’estimation de l’effectif de la population de loups en France, Revue d'anthropologie des connaissances 2009/1, Vol. 3, n° 1, p. 29-49.
  • Meyer M., Objet-frontière ou Projet-frontière ?. Construction, (non-)utilisation et politique d’une banque de données, Revue d'anthropologie des connaissances 2009/1, Vol. 3, n° 1, p. 127-148.
  • Flichy P. L'innovation technique. Récents développements en sciences sociales - vers une nouvelle théorie de l'innovation p 298