Revue de littérature - Violence conjugale – De la femme battue à l’homme battu

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Violence conjugale – De la femme battue à l’homme battu...

Revue de littérature

Nous aborderons cette revue de littérature en suivant la chronologie même de notre questionnement et de notre cheminement, qui nous a conduit, en commençant part la découverte du concept de "l’homme battu", à approfondir nos recherches au concept de la femme battue et à appréhender dès lors le problème social que constitue la violence conjugale, qui englobe les deux autres concepts. Sophie Torrent, dans son ouvrage sur l’homme battu (2001) met directement en question le fait qu’il existe au sein de la vie de couple une violence faite aux hommes, une violence souvent difficile à accepter, celle-ci allant à l’encontre de stéréotypes tels que celui qui considère que la femme est l’élément faible du couple et que l’homme en est le dominant. Dans la première partie de son livre, l’auteur tente tout d’abord d’expliquer ce phénomène atypique de l’homme battu, cet " impensable social " dit-elle. Elle analyse les différents types de violences (physique, sexuelle, psychologique, verbale et économique) pour ensuite orienter son analyse vers la notion de " rôles sociaux". Elle montre comment l’homme violenté est agressé jusque dans les " facettes " qui font son identité. Pour elle "être battu invalide l’homme dans son appartenance à la catégorie sociale homme ". Dans la deuxième partie de son ouvrage, Torrent réfléchit sur les différentes stratégies élaborées par l’homme pour gérer des situations difficiles. Elle s’appuie notamment dans son travail de recherche sur des interviews réalisées avec des "hommes battus".

C’est dans une considération assez proche qu’Yvon Dallaire (2002), thérapeute au Québec, aborde le phénomène de la violence faite aux hommes (La violence faite aux hommes. Une réalité taboue et complexe). Il nous rappelle le constat de l’existence ineffable de la violence dans l’humanité, violence souvent fortement médiatisée, mais selon lui, de manière incomplète. En effet, dit-il, notre attention ne serait attirée que vers une forme de violence, soit celle faite par les hommes contre les autres hommes (guerres, voies de fait, suicides), contre les femmes (violence conjugale, viol, meurtre, tueurs en série) et contre les enfants (violence infanticide, meurtre suivi de suicide). Pour Dallaire, une forme de violence a été occultée : la violence des femmes faite envers les femmes, les hommes et les enfants. Le propos de son texte est de démontrer d’une part que des femmes peuvent être tout autant violentes que des hommes, et que d’autre part, l’analyse de la violence conjugale s’inscrit dans un paradigme teinté de sexisme et de discrimination. Pour cet auteur, la violence conjugale ne se décline pas simplement sur le mode victime-agresseur, mais plutôt sur celui de victime-victime, de deux individus qui sont les co-créateurs d’une escalade débouchant sur l’explosion physique.

Afin d’alimenter son propos, Yvon Dallaire met en lumière les stéréotypes et les préjugés qui circulent dans le discours commun : l’homme est un être violent, un abuseur d’enfants, un irresponsable, les hommes sont tous des obsédés sexuels, il sont tous infidèles, menteurs et manipulateurs. Dès lors, toute violence féminine est considérée comme relevant de la légitime défense, l’homme est ainsi rendu coupable de toute la violence conjugale. Précisons ici que l’auteur dénonce le discours d’influence féministe qui se déploie dans le contexte québécois. Son objectif est de connaître les réelles dimensions de la violence conjugale, plutôt que de rechercher un coupable à punir, toujours le même : l’homme.

L’ouvrage de Bretonnière-Fraysse et al. (2001), incontournable pour notre sujet, propose quant à lui un autre biais qui positionne clairement les femmes en tant que victimes et les hommes comme agresseurs, sans nuances : " on le sait, la violence conjugale a toujours existé ; on le sait aussi : les victimes en sont les femmes et les auteurs, les hommes. Mais elle demeure encore cachée, honteuse, secrète ". Cet ouvrage prend un biais anthropologique et historique pour nous montrer la condition de victime de la femme à travers les époques passées et jusqu’à nos jours.

Gillioz, De Puy et Ducret quant à eux (2000), font état des connaissances qui ont fait de la violence familiale et de la violence contre les femmes, un champ d’étude relativement nouveau dans les sciences sociales. Elles nous rappellent que jusque dans les années soixante, la société et avec elle les scientifiques vivent sur le mythe de la famille non violente. Cette dernière étant considérée comme rare et comme étant le fait d’individus déséquilibrés. Dans les années septante, sous l’influence de militantes féministes anglo-saxonnes qui ouvrent des refuges pour femmes battues et portent la question de la violence conjugale sur la place publique, ce phénomène jusque-là occulté est posé comme problème socio-politique. C’est dès lors que les sciences sociales vont s’y intéresser, à travers deux grands courants de recherche : des études portant sur la violence subie par les femmes au sein de la famille qui postulent, en se fondant sur les prémisses théoriques féministes, que cette violence est spécifique et qu’il est nécessaire de l’étudier indépendamment des autres types de violence familiale qui relèvent d’autres logiques. Le deuxième courant de recherche, issu de la sociologie de la famille, a pour objet la violence familiale et considère la société et ses institutions comme des systèmes consensuels qui embrassent dans la même problématique l’ensemble de la violence qui se déroule dans le cadre familial.

Cet ouvrage mentionne également la proposition issue des travaux de Strauss, Gelles et Steinmetz (1977), qui affirme que les femmes sont aussi violentes que les hommes. C’est à ce moment qu’apparaît le concept du "mari battu", à travers cette recherche qui conclut que le crime le plus sous-estimé n’est pas la femme battue, mais le mari battu. La validité scientifique reste toutefois fortement contestée, nous en trouvons les arguments dans l’ouvrage de Gillioz, De Puy et Ducret. Notre revue de littérature se conclut par l’approche systémique de Perrone et Nannini (1995) qui proposent leur livre comme un manuel à l’usage des professionnels appelés à intervenir auprès des familles. Leurs présupposés considèrent que la violence n’est pas un phénomène individuel, mais la manifestation d’un phénomène interactionnel. La violence est ainsi un mode particulier de communication entre partenaires qui sont tous impliqués et par là même responsables au sens interactionnel du terme. Comme Yvon Dallaire, les auteurs ne considèrent pas les acteurs de la violence conjugale en termes de "victime-agresseur", ni en termes "hommes-femme ". Les objectifs et les enjeux que ces deux auteurs proposent s’appuient sur l’idée que chacun doit devenir et se penser responsable de ses propres comportements. C’est également selon cette optique que certains " cliniciens " abordent en partie la question dans leur article (Rey, H et al. 2006). Contini 6 mai 2006 à 16:28 (MEST)