Psychiatrie de liaison en milieu pénitentiaire : organisation, moyens, psychopathologies et réponses thérapeutiques - Manzanera et Senon (2004)

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Aspects Historiques

Le texte relate l'évolution de la psychiatrie en prison (en France) afin de rendre visible l'évolution des mentalités à son propos.

Les auteurs commencent par donner une anecdote : "(On trouve au) XIIe siècle cette recommandation : « S’il y a des fous dans la ville, vous les accueillerez et vous recher- cherez l’origine de leur folie pour y apporter remède. Vous les mettrez seuls, de peur qu’ils ne se fassent mal les uns aux autres <ref>Postel J, Quetel C, editors, Nouvelle histoire de la psychiatrie. Paris: Dunod; 1994.</ref>»" Ainsi, il est bien visible qu'au Moyen, le but était bien de remédier à la folie, de la comprendre et de ne pas maltraiter ces personnes. Mais dès le XVIIème siècle, on parlait déjà d'enfermement visant à protéger la population. Le bien du plus grand nombre émerge alors. Les mendiants étaient mis avec les fous, il n'y avait pas de distinction entre les "malades" (au sens atteints d'un trouble) et les criminels (au sens commun du terme).

En 1838 se créer l'"institution asilaire". L'aliénation est reconnue en tant que maladie, et la folie apparaît comme étant plus humaine. De même, un aliéné ne peut commettre consciemment de crimes. Des critiques évoquent le problème de la "simulation", de créer des fous. Dès lors, des asiles se créent, et en Belgique au XXième siècle, le principe "d'enfermement de durée indéterminée pour le délinquant malade" voit le jour. Après la seconde guerre mondiale, en France, une réforme est crée pour favoriser la construction d'annexes psychiatriques au sein même de la prison. Le problème de dépendance est très présent dans les prisons (alcool, médicaments, etc.) et des solutions commencent à apparaître : on propose notamment aux détenus des sevrages. "P. Hivert<ref>Hivert P. Psychiatrie en milieu carcéral. EMC Psychiatrie. Paris: Elsevier; 1982. p. p.6 37-889-A-10.</ref> sera à l'origine de la création du premier Centre Médico Psychologique Régional (CMPR) expérimental de la santé." La création est officialisée en 1967.

Cependant, insérer dans la prison des psychiatres pose problème : en effet, ils ont eu beaucoup de difficulté à modifier leur image en sortant des asiles. A l'hôpital, leur métier est considéré avant tout comme tenant du domaine médical. Or, renvoyer en prison ces professionnels risque de ternir leur image.

Cependant, ne serait-ce pas plutôt à la prison de changer d'image afin d'éviter sa mise à l'écart? <ref> Questionnements personnels</ref>

Dès 1994, les professionnels doivent respecter de nouvelles exigences, comme la prise en compte de la spécificité du milieu carcéral, ainsi que l'élaboration d'un projet thérapeutique qui respecte la durée de la peine, etc. Ces nouvelles exigences viennent du fait que chaque établissement pénitentiaire doit être relié (signatures) avec un hôpital de proximité pour les soins médicaux et psychiatriques. Les soins dispensés en prisons dépendent de cette "tutelle sanitaire". Les intervenants forment une nouvelle équipe multidisciplinaires qui doit trouver sa place et son rôle. "Travailler dans la prison présente pour des équipes secteur psychiatrique bien des difficultés : travailler chez l'autre, dans un milieu clos où la loi est omniprésente et où la réclusion est à l'origine d'une restriction communicationnelle".

L'auteur parle également des troubles mentaux, qui sont en constante augmentation, et que ces équipes devront prendre en compte, et accompagner l'idée que ces troubles puissent venir de l'institution elle-même. "Le taux de mortalité par suicide en prison est près de six fois supérieur à celui rencontré en population générale (140 pour 100 000 contre 22 pour 100 000 en 1998 <ref>Baron-Laforêt S, Laurans J. Les soins psychiatriques en prison. Santé mentale 1997;14:19–21.</ref>). Ce chiffre montre soit que la prison. Le taux de prévenus est passé en "2003 de 33,7% à 37,6%"<ref>Terra JL. Prévention du suicide des personnes détenues. Rapport au garde des Sceaux, ministre de la Justice et au ministre de la Santé. Ministère de la Justice; Décembre 2003.</ref>. Quand aux moyens de se susciter, l'auteur citent les moyens privilégiés : "la pendaison ou la strangulation", ainsi que l'absorption de médicaments. Néanmoins, "les intoxications médicamenteuses sont divisées par deux entre 1998–1999 et 2000–2001." "N. Bourgoin <ref>Bourgoin N. Le suicide en prison et en liberté, situations comparées. Revue française des affaires sociales 1992; 161–72.</ref>propose, au terme d’un travail d’obser- vation de plus de dix ans, d’individualiser un profil des suicidés en milieu pénal : c’est un adulte jeune, célibataire et sans enfant, primaire (première incarcération), sans emploi.".

L'auteur évoque ensuite les chiffres de l'automutilations, les moyens comme les grèves de la faim et parle également des agressions envers le professionnel. Les pathologies sont aussi présentes dans ce texte, où se trouvent réunis les troubles dépressifs, psychotiques, anxieux (et du sommeil) et les conduites addictives. Concernant les troubles psychotiques, la principale information se trouve dans cette citation : " la population de psychotiques incar- cérés est comprise entre 3 et 5 % <ref>Gallet E, Camilleri C, Crochet F, Laurencin G, Nouvel A. Les psychotiques incarcérés. Forensic 2000;2-3:48–52.</ref>; souvent l’incarcéra- tion est un révélateur des troubles schizophréniques".

L'auteur trace ensuite l'orientation d'un détenu malade mental en évoquant toutes les principales procédures. Le modèle d'intervention développé par l'auteur est la "psychiatrie de liaison". Ce modèle consiste en quelques mots, à intégrer les psychiatres et leurs équipe dans une structure qui isole les individus, qui a des dynamiques et des caractéristiques propres. Ces professionnels, intégrés de la sorte au milieu carcéral, permettent des consultations ajoutées à une véritable activité de liaison (soutien psychologique, lien avec les proches, ateliers thérapeutiques, etc.). L'identité de ces professionnels, parfois floue, aurait besoin d'être précisée afin d'en augmenter sa légitimité.

Un autre point important développé dans le texte concerne les stratégies thérapeutiques. Or, ce mouvement relativement nouveau va à l'encontre de la prison comme punition et se veut de rendre la vie des personnes en prison plus vivable. Ce "travail thérapeutique pourra se faire à trois niveaux<ref>Senon JL, Lafay N, Papet N, Manzanera C. L’intervention de psychiatrie de liaison en milieu pénitentiaire : modalités et stratégies thérapeutiques. Ann Méd Psychol 2000;158:445–59.</ref> <ref>Senon JL, Lafay N, Papet N, Manzanera C. Prison et psychiatrie : la difficile recherche d’un équilibre entre sanitaire, social et judiciaire. Cujas editor, Revue pénitentiaire et de Droit Pénal 2000. p. 506–23.</ref> : - prise en charge des décompensations transitoires (...) ; - prise en charge des troubles psychiatriques antérieurs (...) ; - prise en charge de pathologies de carences graves dans le but de limiter la (...) répétition."

La prison a bien des facteurs pathogènes, et l'équipe est indispensable pour une prise en charge en continuité de l'individu dans un milieu très influant. De plus, celui-ci ayant des carences au niveau du soin, l'auteur développe le rôle des structures de type SMPR par exemple.


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