Le debut de la nouvelle LF à travers deux documents:

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La fin du XIX siècle a été marquée par un large mouvement en faveur d’une séparation du statut judiciaire de l’enfant. En 1890, à St-Petersbourg, le congrès pénal et pénitentiaire international consacre une partie de l’ordre du jour à l’enfance coupable, et en 1895, à Paris, le congrès décide de créer une section réservée aux questions relatives aux mineurs (Stettler, 1980). Quant à la Suisse, dans un avant-projet (AP) pour une nouvelle loi en 1893, une partie importante est dédiée aux enfants, disant par exemple : « Les enfants et les adolescents ne sont pas accessibles à la peine ; il ne faut donc pas les punir, mais les soumettre à un régime disciplinaire dans un but d’éducation. » Dans l’AP, l’auteur détermine l’âge de 14 ans comme le seuil de la capacité pénale. Entre 14 et 18 ans, « le juge devra examiner où en est le développement moral et mental de l’adolescent. Si ce développement n’est pas plus avancé que celui d’un enfant de moins de 14 ans, […] l’adolescent doit être traité comme un incapable. » (Saleilles 1909, dans Stettler, 1980). cependant, il y a des points selon lesquels, pour un enfant de moins de 14 ans, la commission scolaire sera responsable d’ « infliger à l’enfant les arrêts scolaires ou la réprimande », qui relativise sensiblement le caractère à première vue absolu de ce seuil de minorité. Aussi, pour un adolescent de plus de 16 ans, mais de moins de 18 ans, qui « a montré des dispositions criminelles, qui excluent son admission dans une maison de correction pour les jeunes délinquants, la peine ordinaire est appliquée mais adoucie ». Cet AP a évolué pendant des années jusqu’au texte finale, le Code Pénal Suisse, votée en 1937, dont les articles 82 à 99 traitent les mineurs, et qui a fixé le seuil absolu de la capacité pénale à 6 ans, et le seuil relatif à 15 ans. Les articles relatifs aux mineurs ont subi une révision partielle en 1971, entre autre, le groupe d’âge 18-20 ans a été supprimé, et le seuil fixé à 7 ans pour la capacité absolu, et 15 ans pour la capacité relative, et on est arrivée à la loi actuelle.

Déjà en 1980, Stettler, dans une thèse, a argumenté pour un renouvellement plus profond des lois relatives aux mineurs. Il résume ses propositions comme suivant :

  • établir un seuil de minorité pénale absolue à 12 ans en considérant que jusqu’à cet âge la majorité des enfants restent dans la sphère d’influence immédiate de leurs parents, que la plupart des infractions commise sont de peu de gravité et que les services de protection de la jeunesse, cas échéantes autorités de tutelle, devraient être en mesure de prendre en charge les cas pour lesquels l’intervention des instances publiques serait indispensable ;
  • assurer une meilleure prévention par le développement d’organismes de soutien éducatif, psychologique et pluridisciplinaire apportant une aide librement consentie ;
  • laisser à la législation et aux autorités civiles le soin de protéger les mineurs victimes de carences éducatives ou de troubles de la personnalité, ceci tant en ce qui concerne les mineurs en danger délinquants que les mineurs en danger non délinquants ;
  • fournir aux délinquants mineurs une protection contre le pouvoir discrétionnaire illimité en leur accordant certaines garanties et en forgeant des concepts adaptés au droit des mineurs ;
  • abandonner, dans tout la mesure du possible, les diverses classifications établies par rapport aux auteur d’infractions et aux sanctions afin de limiter les risques de l’étiquetage et, par là, de la stigmatisation ;
  • établir un catalogue des sanctions fondé sur le critère de l’intervention minimale ;
  • last but not least, cesser de s’illusionner sur notre capacité de déterminer « l’intérêt du mineur ».

Six ans plus tard, dans l’avant-projet pour la nouvelle loi, Stettler donne les principes directeurs de l’avant-projet comme suivant :

  • une meilleure adaptation du droit pénal des mineurs aux réalités criminologiques et sociologiques
  • une clarification des conditions générales de l’action pénale dirigée contre des mineurs
  • une intervention aussi limitée que possible dans tous les cas de délinquance occasionnelle sans gravité particulière et des moyens mieux adaptés aux rares cas d’infractions constituant une menace importante pour la sécurité individuelle et collective
  • la suppression de toutes les classifications conduisant à un étiquetage des délinquants et à une stigmatisation des actions de prévention
  • une distinction plus nette entre les mesures de protection et les sanctions, ainsi que l’abandon du principe du monisme
  • une individualisation de la prise en charge, non seulement dans le cadre de l’exécution des mesures de protection, mais aussi dans celui de l’exécution des sanctions privatives de liberté
  • la généralisation de garanties minimales en matière de procédure
  • l’introduction d’un système plus équitable en matière d’inscription dans le casier judiciaire et d’une protection par rapport aux informations contenues dans les dossiers de police et d’instruction
  • le regroupement dans une loi spéciale ou une seule subdivision du CPS de toutes les dispositions concernant la condition pénale des mineurs

Que ce soit dans la thèse de 1980 ou dans l’AP de 1986, on trouve (naturellement) des éléments semblables, comme l’augmentation du seuil de la minorité pénal absolu jusqu’à 12 ans, et la suppression des classifications conduisant à un étiquetage. Dans son évaluation du système pénal actuel, Stettler (1980) constate que « le droit des mineurs donne la priorité aux mesures éducatives et curatives, l’application des pénalités sui generis n’entrant en principe en ligne de compte que si le mineur n’a besoin ni de prise en charge éducative ni de traitement spécial » mais aussi que « dans la pratique 4 mineurs sur 5 sont condamnés à une sanction de nature répressive ». Dans l’introduction de l’AP, Stettler (1986) souligne la position difficile du législateur, qui doit répondre à la fois aux besoins de protection des mineurs eux-mêmes, et de la collectivité victime de leurs infractions. Il dit encore que, selon Rodieux (1976), « pour être conforme aux intérêts du mineur et à ceux de la société ou de la justice, le droit des mineurs doit s’ancrer dans le concret, garder le sens des réalités et refléter un esprit de mesure […] », et que il lui semble préférable de partir du droit en vigueur pour profiter des expériences enregistrées.