Entretien avec M. Jean-Pierre Audéoud

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L'entretien du 4 décembre 2013
Lieu: Morges
Personnes présentes:

  • JP: M. Jean-Pierre Audéoud
  • C: Mme Colette Audéoud
  • I (Inteviewers): Claire, Kasia, Victoria


JP : On m’a dit qu’il fallait que je raconte mon vécu, de quoi j’étais frappé, l’évolution si vous voulez mais le droit stricte c’est pas ma spécialité
I : Ouais ouais tout à fait
I : mais c’est justement l’évolution, les valeurs qui…
JP : les valeurs mais ouais elles ressortent pas forcément d’une loi mes valeurs, c’est la façon dont on les applique qui font l’originalité mais la loi en elle-même, voilà
I : Oui oui tout à fait
I : Parce que nous on n’est pas expertes en droit hein
JP : ah oui c’est pas votre thème principal les droits des enfants, c’est un peu l’éducation en générale ?
C : l’éducation spécialisée ou l’éducation tout court ?
I : Éducation spéciale nous
I : en fait en formation ? C’est l’éducation spéciale oui
I : alors elles elles font l’éducation spéciale et moi l’enseignement spécialisé
JP : ah d’accord
I : Voilà on n’est pas dans le même cursus
JP : ouh la mais attention y a des guerres de chapelles là, les instituteurs il faut pas les toucher et les éducateurs hein c’est autre chose
I : ouais c’est vrai que c’est très…
I : vous voyez la preuve d’une bonne collaboration
I : bah tout à fait, ça marche très bien
JP : et bah tant mieux parce que moi je regrette ces guerres de chapelle parce que ça nuit quand même… Heu j’me suis occupé d’une maison pour personnes handicapées, des enfants et puis des adultes mais en ce qui concerne les enfants, ils allaient en classe et la cheffe du département de l’instruction publique et son service d’enseignement spécialisé voulaient absolument qu’on ait des instituteurs et puis on a des jeunes handicapés qui parlent pas ou qui sont alités qu’on amène en chaise ou en lit roulant aux cours alors vous voyez la formation d’un instituteur est pas tellement utile c’est plutôt justement une formation d’éducateur. On doit se battre pour avoir le personnel compétent… alors que les… ouais instituteurs c’est l’école, faut pas toucher !
I : bah c’est vrai que bon des f… selon là où on travaille c’est des fois assez lié hein quand même, l’enseignement et l’éducation…
JP : ça devrait être lié, mais justement l’esprit d’un instituteur c’est de transmettre un savoir alors que là on doit leur apprendre, essayer de leur apprendre à vivre un tant soit peu, parce ils sont très très… y en a qui sont très handicapés
I : ouais ouais tout à fait
JP : oh bah ça c’est de la petite histoire ça
I : puis à l’Université la formation elle est pas depuis très longtemps non ? Parce que c’était heu…
I : Bah c’est récent parce qu’avant tout était regroupé, l’enseignement ordinaire et spécialisé c’était dans le même panier et maintenant ils ont fait un master que pour l’enseignement spécialisé depuis 3 ans qui existe
C : Christine Graff doit connaître parce qu’elle a travaillé comme enseignante spécialisée
JP : ouais, mais elle a fait l’école Pahud donc elle a pas fait l’Université
C : elle a pas suivi des cours heu non… elle a appris sur le tas en fait non ?
JP : oui elle était pour les aveugles et les mal voyants ou les…
C : non Christine Graff
JP : oui elle a travaillé heu… C : mais a Serix elle travaillait pour les heu…
JP : mais avant elle était dans… non c’est pas elle qu’était dans… Bon c’est égal ! Ça ça marche ce truc déjà ? (enregistreur)
I : alors oui donc ça marche…
I : Bon bah disons avant de commencer les questions heu à proprement parlé, heu comme on n’a pas pu avoir des renseignements sur vous disons publiques
JP : oh vous seriez pas venues si on vous avait… (rires)
I : on les a cherchées pourtant…
I : on les a cherchées mais enfin heu voilà ! Mais du coup on aurait voulu savoir un petit peu bah votre parcours professionnel, comment… où vous avez commencé, un peu peut-être les dates aussi
JP : ouais ouais tout à fait. Alors j’suis pas sur Facebook hein ! (rire) Ni sur heu… comment est-ce qu’on dit Twi… Twi…
I : heu Twitter !
I : moi non plus ! Si sur Facebook…
JP : alors écoutez moi j’ai fais les études de droit à Genève, ensuite heu c’est là où j’ai connu ma femme d’ailleurs…
C : non pas à Genève
JP : non et ensuite ! (rire) alors si tu me contredis ça va plus ! Ensuite alors nous avons fait ensemble l’Institut médico-pédagogique heu non psychopédagogique et médicosocial à Montpellier. Alors c’est un des rares Institut qui existait à l’époque où ils formaient les éducateurs, en externat
C : y en avait que 4 en France dans les années 50
JP : alors ça c’est en 58 pendant deux ans, 58-60. Et à cette occasion j’ai fais des stages heu dans des maisons pour adolescents ou jeunes difficiles, des délinquants à Avignon, des grands et dans un centre d’observation fermé à Montpellier. Alors ensuite j’ai fais une année au centre d’observation en milieu ouvert de Dijon de 60 à 61. C’était un institut d’observation, c’était quand même un peu nouveau ça, qui avait un internat et puis un milieu ouvert, c’est-à-dire certains éducateurs travaillaient en milieu ouvert, on se déplaçait dans les familles pour heu… oui c’était une observation. Il fallait faire un rapport à l’autorité pour dire l’orientation que devait prendre ce jeune et s’il était bien nourrit, s’il était bien éduqué, etc. C’était pas social c’était éducatif. Et on allait à domicile se balader dans toute la région de Dijon pour visiter les familles
C : c’était dans les années 60-61
JP : c’est une forme qu’était nouvelle, l’observation, si vous voulez, c’était voilà…
C : et c’est des stages qui devaient pas durer plus de 6 mois, une année, du reste ils étaient de courte durée hein ces stages si je me souviens bien
JP : ouais ouais
C : c’est pas une maison d’éducation où on restait
JP : c’était une sorte de tri quoi, ils étaient observés et puis celui-là oui il est intelligent il faut qu’il aille là, l’autre, etc. etc. etc. Une sorte de tri. Alors heu voilà entre 60 et 61. Et puis de 63 à 73 on a dirigé une maison d’éducation en Suisse, qui s’appelait la colonie de Serix. Alors pour la petite histoire, c’est quand même intéressant de savoir que c’est une institution qui a été fondée en 1862. Elle était fondée je crois me rappeler par une section de la Croix Rouge genevoise et elle était placée, c’est ce qui était intéressant, à la campagne. Parce qu’il fallait les… c’était pour les difficiles, les délinquants. Alors à la campagne écarté du monde urbain pour les retirer des tentations de la ville d’une part et puis pour les mettre heu… si on les groupait il fallait les mettre bien à côté, d’ailleurs la région où on était du côté d’Oron Palézieux y a certaines réticences de la population. On se demandait comme est-ce que cela allait se passer avec ses sacré crapauds là qui étaient placés. Et y avait des enfants et des adolescents alors nous on a, elle fêtait ses 100 ans hein, oui bah oui 1862 on est arrivé en 63…
C : alors on était tous jeunes directeurs une année là et on devait fêter les 100 ans de l’institution…
I : ah ouais ça fait un peu bizarre !
JP : c’était les 120 ans là non ? Bref c’était par là autour
C : d’ailleurs est-ce que ça s’appelait pas officiellement une institution pour les enfants vicieux de Suisse romande ?
JP : à la base ouais ouais
C : il faut dire l’évolution du langage
JP : ah ouais c’est ça ouh alors ça ça a toujours heu, ça n’arrête pas d’évoluer
C : et maintenant c’est un institut thérapeutique en fait il existe toujours
JP : alors quand on est arrivé y avait plus les adolescents. Ils avaient séparé les enfants des adolescents. Donc avant 60 si vous voulez la séparation entre les adolescents et les adolescents était faite. Les adolescents ils allaient à la maison d’éducation de Vennes au-dessus de Lausanne et puis nous avions une 40ène d’âge scolaire
C : garçons uniquement
JP : garçons uniquement, donc il y avait pas encore la mixité là, à cette époque-là, de garçons difficiles et délinquants, placés soit par un tribunal soit par une instance civile, service de protection de la jeunesse ou l’autorité tutélaire ou le tribunal des mineurs. Alors bon on a fait une dizaine d’années, alors on a été engagés comme couple directeur, ça c’est aussi une évolution. Notre horaire n’était évidemment pas défini, et nos tâches respectives n’étaient pas définies non plus mais madame jouait principalement l’intendance, c’était dans les schémas de l’époque. Oh ça reste encore maintenant dans certaines régions, dans certaines familles et voilà et je dirigeais l’institution
C : alors y avait un seul salaire, alors généreusement mon mari a eu l’idée de partager le salaire en deux pour qu’on cotise à l’AVS tout les deux, mais 2/3 pour monsieur, 1/3 pour madame. Fallait quand même… (rires)
JP : eh c’est pas pour ça ! C’est parce que tu t’occupais des enfants (rires)
C : oui mais mon emploi du temps et tout…
JP : enfin à cette époque-là y avait un esprit très… oui qu’on peut difficilement comprendre actuellement. Y avait pas d’horaires, les éducateurs devaient se remplacer, on était peu nombreux, et puis les femmes des éducateurs eux-mêmes non-nommées mangeaient avec les jeunes et forcément elles avaient une présence qui était active, elles pouvaient pas rester complètement passives alors qu’elles étaient pas nommées, pas éducatrices, simplement la femme de l’éducateur, dans les groupes ouais.
C : on habitait sur place, la porte à côté
JP : ah oui puis les éducateurs devaient habiter sur place
C : ouais c’est une obligation ouais
JP : bah à cette époque là…
I : ah ouais alors c’était un investissement total
JP : a oui oui oui. Oui y avait pratiquement pas d’horaire, disons que c’était, on était dans les zones à cette époque-là de 62 heures. Mais enfin bon…
C : plutôt 70
JP : mais on payait pas les heures supplémentaires et ils reprenaient ça éventuellement en congés, si ils étaient trop fatigués mais c’étais très… peu réglementé
I : ça a bien changé hein
JP : ouais alors ça tout à fait. Et puis de 73 à 95 alors j’ai été président du tribunal des mineurs du canton de Vaud, j’suis resté deux ans ad hoc après, c’est-à-dire que j’allais pour une cause ou l’autre. Oui je choisissais les causes qui m’intéressaient ou qu’on voulait bien me déléguer mais j’étais pas permanent. Alors c’est à ce moment-là que j’ai pris ma retraite plus deux ans. Alors ma retraite si vous voulez c’était 95
I : et c’est après cela que vous avez fait encore 2 ans ? Après les… ?
JP : depuis 95 j’ai fais encore 2 ans mais comme heu... à la cause si vous voulez ouais. Mais ma retraite officielle je l’ai prise en 95. Et au moment où j’ai pris ma retraite en même temps que j’étais ad hoc si vous voulez, à la cause, j’ai pris la présidence d’une fondation qui s’appelle la Fondation d’Espérance qui est une institution spécialisée aux personnes handicapées
I : à Etoy non ?
JP : à Etoy oui voilà. Ah vous connaissez ?
I : heu… je connais, j’y suis pas allée personnellement mais je connais, j’en ai entendu parler oui
JP : alors j’ai… bon c’est pour vous dire, c’est une période très très riche pour moi, mais on est bénévoles j’entends, on n’est pas payé on est… voilà. Mais je me suis passablement investi. Alors c’est là qu’on peut voir exactement, parce qu’on parlait d’handicapés, après on a parlé de personnes handicapées et maintenant on parle de personnes en situation de handicap. Voilà alors on est poussé par le droit des handicapés ou des enfants, à avoir une dénomination qui soit pas péjorative et qui les mette pas de côté si vous voulez, c’est le but de ces changements de noms. Et puis on avait des secteurs, après on a eu des départements avec des groupes, puis après les groupes on a appelé des appartements, enfin vous voyez ça change continuellement, voilà. Alors c’était un internat, y a 300 résidents enfin 300 personnes qui dépendent de l’institution à peu près, 300 personnes en situation de handicap dans un internat, enfin plusieurs internats, puisqu’ils sont répartis en groupes, en secteurs enfin en départements et en groupes, avec des foyers à l’extérieur à Morges, Nyon et Rolle et des appartements où les jeunes vivent, enfin les handicapés vivent parce qu’ils ont une certaines autonomie et puis on les surveille et puis y a aussi des accueils de jour, ‘est-à-dire qu’ils viennent la journée et puis ils retournent dans leur famille le soir et la nuit. Alors vous voyez ça fait 300 à peu près enfin entre 295 et 300, 300… ça dépend
I : et donc c’est des… c’est des personnes adultes ?
JP : alors y a enfants et adultes
I : y a les deux, d’accord
JP : ouais depuis l’âge scolaire jusqu’à la retraite et puis le décès. Y en a qui n’ont plus de famille, qui ont des tuteurs et puis ils font leur vie à Espérance, ils habitent là, ils sont si vous voulez domiciliés dans l’institution pour certains. Mais y a toujours ceux qui viennent, qui sont chez leurs parents et puis qui viennent là la journée c’est un petit peu…
C : ou pour les vacances aussi
JP : alors y a des handicapés hommes et femmes hein, c’est mixte. Handicapé mental, handicapé léger, des trisomiques, des profonds, qui parlent pas ou qui peuvent… oui qui ont aussi des problèmes physiques, en chaise roulante, etc. et puis des autistes aussi puisque vous savez que c’est un peu difficile des fois de faire la part des choses entre ce qui est psychique, ouais psychique et puis une vrai maladie d’autisme, c’est des fois difficile de faire…
C : entre maladie et handicap en fait puisque j’sais pas y a des termes spéciaux
JP : alors on appelle ça maintenant des… le spectre des troubles de l’autisme oui. Voilà si vous voulez… alors vous me posiez la question de savoir s’il y avait eu des événements particuliers qui m’avaient poussé à choisir cette voie
I : oui voilà si y avait un événement exactement, ou des événements marquants voilà et puis pendant cette période… heu déjà oui un événement originel et après des événements qui vous ont marqué dans cette période
JP : d’accord. Écoutez alors j’ai pas d’événement heu… précis à évoquer, c’est un souhait qu’j’avais toujours de m’occuper des jeunes, etc. Heu si j’ai été traumatisé par une situation familiale compliquée ou etc. qui m’a poussé à choisir cette activité professionnelle, je l’ai pas découvert. Donc j’peux pas vous donnez de… de phénomène qui m’ait poussé à…
I : c’était quelque chose de naturel un peu…?
JP : ça c’est passé comme ça oui absolument, j’ai été élevé dans un milieu heu…
C : de juristes
JP : bourgeois voir aisé plus ou moins et puis mon père était alors j’ai un peu suivi ça dès le début, mais toujours dès le début j’ai fais du scoutisme, j’étais si vous voulez enclin à choisir cette voie c’est tout. Au grand âme de ma mère qui m’a dit « mais éducateur ! Qu’est-ce que c’est ce métier ! » (rires) A l’époque c’était, oui c’était pas rependu. L’école de Lausanne, l’école d’éducateurs venait de se crée, celle de Genève n’existait pas encore, et y avait pas de faculté dans ce domaine-là à l’époque. Alors il fallait faire l’école…
C : les sciences de l’éducation ça n’existait pas
I : et à Lausanne c’était l’école Pahud ?
JP : c’était l’école Pahud ouais
C : avec Claude Pahud
JP : c’est l’époque de la création de l’école Pahud
I : ah bah justement on s’est un petit peu intéressé aussi à Claude Pahud
JP : ah oui ça doit être assez intéressant, bon il est assez âgé maintenant j’sais pas il me semblait qu’il était pas très bien… C : oui il était encore tout à fait dans le coup y a pas très longtemps, y a eu d’ailleurs, comment elles s’appellent ces séances de cinéma… ou on… ou on…
JP : ah oui Plan fixe !
Ensemble : oui on a vu…
JP : alors Claude Pahud vous voyez c’est lui qui a crée cette école de Lausanne
C : avec sa femme
JP : alors c’est intéressant de savoir que ça a été, sa femme, (rires) oui oui voilà mais alors c’était important parce que c’était un couple et ils… les éducateurs, futurs éducateurs vivaient en internat, c’était une petite maison et ils venaient là. Et puis ça s’est développé après, c’est devenu une très bonne école, une grande école avec des professeurs etc. où moi-même j’ai enseigné le droit des mineurs mais au départ c’était très familial, très voyez, alors ça c’est un changement et un développement quand même assez important qui a été… ouais pour les éducateurs, la formation des éducateurs
C : et puis maintenant c’est une haute école pédagogique
I : ça existe toujours hein ?
JP : oui oui c’est une haute école j’crois
C : oui c’est devenu une haute école, la haute école pédagogique, la HEP
I : ah voilà
JP : attend faut pas confondre avec la formation des enseignants qui est aussi une haute école
C : parce qu’il y a 5 branches dans l’école Pahud, enfin ce qu’on appelle toujours l’école Pahud mais y a éducateur, heu y a ergothérapeute, y a éducateur de la petite enfance, y a… j’crois qu’il y a 5 spécialités et je sais pas si…
JP : y a encore un nouveau terme maintenant, éducateur social
I : bah ça s’est développé comme à Genève hein… enseignement et éducation…
C : maître socioprofessionnel non ? Est-ce que c’est pas une branche ? Maître socioprofessionnel quand on va travailler dans un atelier
JP : ah oui les MSP ouais
I : ça ils ont ça à Genève à la HETS, la haute école de travail social. Ils ont maître heu… c’est spécialité
I : d’accord donc y a pas eu d’événement vraiment originel, c’était heu…
JP : déclencheur, non non
I : vous aviez un petit peu ça en vous, envie d’aider comme ça
JP : c’était quand même mélangé avec le droit en ce sens que je m’intéressais, quand j’ai commencé mes études de droit déjà au tribunal des mineurs
I : d’accord donc c’est plus précis déjà au départ ?
JP : disons l’idée était en arrière pensée je sais pas si c’était très très précis mais c’était en arrière pensée, puisque quand j’ai postulé pour la maison d’éducation donc heu ça devait pas être trop trop précis
I : mais vous avez fini vos études à Genève, c’est-à-dire en droit, si j’ai bien compris, et par la suite vous êtes parti au sud de la France
JP : à Montpellier voilà
I : et puis là-bas vous avez eu…
JP : fais cette école d’éducateurs qui s’appelle l’institut de psychopédagogique médicosociale qui était dirigée par le Professeur Laffon dont on parle plus maintenant mais à l’époque il était très connu dans ces milieux-là
C : et qui dirigeait la faculté de médecine, on dépendait de la faculté de médecine
I : et d’où, d’où est venue cette idée de enfin de partir au sud et puis heu… ?
JP : oh bah c’est la méditerranée, c’est le soleil, y avait la belle ville etc. (rires)
C : s’éloigner du milieu genevois, aller voir ailleurs se qui se passe
JP : non oui c’est ça c’est surtout ça, c’était dire et bah il faut que je fasse mes expériences par moi-même et c’est l’attrait d’avoir quelque chose d’autre que ce qui tourne là, une expérience plus enrichissante. Et puis à l’époque quand même la France était un petit peu plus avancée qu’ici dans les écoles d’éducateurs. L’école d’éducateurs de Montpellier c’était quand même une bonne école avec des bons professeurs, y avait des psychiatres, des psychologues, enfin tout…
C : le droit aussi heu… enfin en 3 ans on avait son diplôme d’éducateur
JP : ouais alors c’est surtout pour connaitre autre chose que le giron romand, le giron genevois ou vaudois
C : il s’est trouvé que j’ai fait la même école mais moi je venais de l’ouest, de la France et on s’est rencontré à l’école en fait voilà, dans la même école d’éducateurs
JP : Ah c’est peut-être là vous voyez qu’il y a un esprit qui… supérieur qui nous a guidé vers Montpellier les deux, j’sais pas ça chacun jugera (rires) ses propres convictions
I : ah bah vous savez hein là-dessus… on sait jamais !
C : le destin !
JP : alors vous voulez qu’on passe les événements de cette vie les uns après les autres ou heu… ?
I : bah d’abord on avait peut-être, parce qu’on n’a pas abordé la question avant, enfin on l’a abordée, plus ou moins, mais comment avez-vous commencé à vous engagé en faveur des droits des enfants en fait ? Et quel était à ce moment-là votre statut, votre fonction ?
JP : eh bah alors c’était étudiant parce que j’ai fais des stages, j’ai cherché des stages, on devait faire des stages préalables et puis j’ai été à la Sauvalz ça s’appelait la Sauvlaz c’était une maison assez ouverte de délinquants adolescents à Avignon alors c’est, c’est là mes premières expériences à part le scoutisme si vous voulez
C : le droit des mineurs proprement dit c’est quand tu as été nommé au Tribunal
JP : heu oui ça c’est le droit pénal c’est pas le droit des enfants
C : ah oui pardon…
JP : J’sais pas vous, répétez la question ?
I : oui parce que c’est un peu…
JP : c’est un peu brouillant tout ça mais…
I : non mais c’est comme tu l’as posée en fait
I : vas-y (rires)
JP : attend mais je l’ai là, je l’ai là pourquoi je vous pose la question
I : non mais c’est vrai que… la question c’est quand avez-vous commencé à vous engagez en faveur des droits des enfants
I : mais c’est vrai qu’il y a plusieurs points, vu que vous vous êtes engagé à plusieurs niveaux, c’est peut-être aussi ça…
JP : alors oui c’est-à-dire que si vous voulez en choisissant le droit j’avais déjà une arrière pensée, je ne pensais pas être juriste dans un bureau ou faire avocat, quelque chose comme ça. C’est… c’était… alors c’est déjà une orientation si vous voulez, c’est-à-dire que je me suis déjà engagé en commençant le droit mais pas d’une manière précise, pas un moment « tac » voilà. Alors bon j’sais pas si c’est à prendre en considération. Mais ça c’est affiné si vous voulez… non puis alors l’engagement véritable c’est quand je suis parti à Montpellier, c’est le choix de cette école d’éducateurs où je voulais compléter ma formation de juriste pour pouvoir à l’occasion revenir dans la juridiction des mineurs. Alors y a oui, pas de date précise, sinon c’est quand je suis parti à Montpellier, c’est-à-dire, comme on a dit tout à l’heure heu… en 60
C : 60-62, le stage à Dijon 63
JP : en 58, 58. Oui 58 ça fait deux ans de 58 à 60. En 58… alors si vous voulez quand j’ai commencé à Dijon ce stage qu’était assez difficile parce que j’avais peu d’expérience. Alors c’était à ce moment-là si vous voulez quand j’ai concrétisé véritablement cet engagement
I : d’accord et puis quand vous étiez dans… dans la juridiction, quand vous étiez au tribunal ça c’était bien après alors ?
JP : ah oui, c’était la dernière étape si vous voulez
I : ah voilà
C : 73, dix ans après. On a fait Serix de 63 à 73
I : d’accord, et là il s’est passé quelque chose, vous aviez envie de changer un petit peu de voie… de… ?
JP : non non alors…
I : comment ça s’est fait ce changement ?
JP : alors ça a toujours été mon idée le droit de… ouais osciller entre l’intérêt des jeunes et puis mon intérêt aussi pour le droit, voilà. Alors j’sais pas si je suis psychorigide ou pas, ça, à d’autres de le définir mais y avait déjà cette idée de doit pénal des mineurs qui m’intéressait, voilà. J’avais été voir d’ailleurs à Genève avant de partir en France celui qui occupait le poste, les différentes personnes, pour savoir quand ça se libérerait à Genève, etc. C’était déjà un intérêt assez concret. Alors heu, ouais disons l’éducation m’intéressait, les études de Montpellier m’ont beaucoup intéressé et de m’occuper des jeunes m’intéressait. Seulement c’est quelque chose de très prenant, et quand la place, alors ça c’est fait tout naturellement c’est-à-dire que le… celui qui occupait la place à Lausanne pour le canton de Vaud a pris sa retraite, j’ai postulé !
I : voilà d’accord
C : est-ce que je me trompe si je dis qu’ils ont… il était submergé de travail et qu’ils ont créé un deuxième poste de président de tribunal et que tu es venu travailler avec celui qui était là avant qu’il prenne sa retraite parce qu’ils créaient un deuxième poste. Maintenant ils sont 3 ou 4 hein… Mais à l’époque y en avait qu’un et ils ont crée un deuxième poste et t’as postulé pour ce deuxième poste…
JP : j’ai pas travaillé avec Vuillard
C : t’as pas travaillé avec Vuillard ?
JP : non mais effectivement y avait déjà
C : il me semble me rappeler qu’ils ont crée…
JP : oui c’est un deuxième poste, j’ai tout de suite travaillé avec Nicolier
C : voilà Nicolier ouais c’est ça… Alors comme il était éducateur et juriste, il a pas eu besoin de se faire présenter par un parti, il a été pris parce qu’il avait vraiment la structure professionnelle
JP : ouais j’ai jamais fais de politique
C : il avait jamais fais de politique, alors il a été nommé uniquement à cause de ses compétences professionnelles disons pour ce poste
I : c’est très intéressant comme vous avez su entre guillemets combiné le droit et puis l’éducation…
JP : ouais ouais alors c’était mon souhait, puis ça c’est… Mais alors la période de Serix, où on a dirigé la maison d’éducation ça a été une expérience très très enrichissante et ça m’a servi pour après mieux comprendre les jeunes si vous voulez
C : en connaissance de cause quand on les plaçait, on savait ce qui…
I : oui voilà c’est la connaissance du terrain
C : ça a évolué, ça a continué à évoluer
JP : j’me suis jamais intéressé à la juridiction des majeurs et l’intérêt du droit des mineurs c’est que on le… enfin j’sais pas si c’est le moment d’en parler maintenant mais on s’occupe d’éducation, c’est-à-dire qu’on a deux possibilités de décision à prendre, soit on punit, soit on éduque. Alors y a le côté observation c’est-à-dire qu’il faut définir de quoi le jeune a besoin et puis ensuite choisir entre ces deux voies-là. Alors c’est ça qui était intéressant, j’me serais jamais intéressé heu… d’être président de tribunal pénal pour les majeurs
C : il faut dire que tu avais les trois rôles
JP : ah oui mais ça j’vais y venir après (rires) Oui alors effectivement, le juge des enfants comme on dit, le juge des mineurs, depuis le premier délit il commence à s’occuper du mineur dans le travail que faisait les juges informateurs ou les procureurs, bah maintenant c’est les procureurs qui font ça, ils font l’enquête en travaillant en collaboration avec la police directement, on était de permanence le week-end pour répondre au téléphone, prendre des décisions. Ensuite on faisait le jugement au fond, c’est-à-dire de quoi le mineur a besoin et on prenait une décision de jugement, et ensuite on s’occupait de l’exécution. Alors pendant toute l’enquête on était tenu au courant et on allait voir le jeune si jamais il était en détention ou etc. On pouvait le placer provisoirement, prendre des mesures provisoires. On dirigeait le tribunal quand il prenait la décision et ensuite on allait continuer à le voir, lui rendre visite pour savoir comment il évolue, participer aux colloques ou entendre la direction de l’établissement s’il était placé, pour voir… ou les éducateurs, pour voir comment il évoluait. Alors c’était ça qui était intéressant. C’était beaucoup plus, enfin mon point de vue hein chacun choisi, mais c’était ça qui m’attirait, c’était de s’occuper globalement et puis de pas seulement punir, puis qu’il y a un tarif, mais de savoir de quoi il a besoin, ensuite soit choisir entre une sanction ou une mesure éducative et puis ensuite la suivre voilà
I : y a une sorte d’accompagnement
JP : tout à fait, mais répondant à des règles juridiques hein, on pouvait pas faire n’importe quoi (rires) c’est bien entendu, y avait… y a le droit pénal qui existe, le code pénal qui a beaucoup changé maintenant, y avait un code de procédure et puis on avait dans le canton de Vaud une loi sur la juridiction pénale des mineurs. Alors moi je vous parle de mon temps, parce que ça a complètement changé y a deux ans ou une année ou deux ans je crois… Tout a été plus ou moins bouleversé
C : le rôle du procureur a bien changé
JP : alors c’est les années 60 à 80 qui vous intéressent, voilà 60 à 80…
I : vous êtes bien préparé hein (rires)
I : d’accord donc heu, mais c’est vrai que c’est très intéressant parce que vous aviez vraiment l’expérience avec les jeunes donc vous pouviez faire pleins de liens, vous pouvez, vous pouviez heu… quoi vous les compreniez aussi peut-être mieux… JP : bah j’espère
I : … que quelqu’un qui n’avait pas du tout cette formation d’éducateur
JP : oui c’est sûr que l’expérience à Serix m’a permis de mieux comprendre en plaçant un jeune ce qui… qu’est-ce qu’il pouvait apprendre et comment il pouvait progresser
C : l’écoute est différente
I : voilà l’écoute ouais, ouais
JP : alors vous… il faut quand même se rappeler qu’à l’époque, puisque vous parlez de droits et vous avez posé la question sur les valeurs qu’on défendait…
I : voilà oui c’est vrai c’est, y a-t-il des valeurs que vous avez eu le sentiment d’avoir porté en avant et si oui, lesquelles ?
JP : alors, j’crois qu’il faut avoir l’humilité de dire qu’au début, on portait nos propres valeurs, quand ce que je vois maintenant la façon dont on s’occupe des jeunes ou des personnes handicapées, on tenait pas tellement compte à l’époque quand on a commencé, heu des besoins du jeune. C’est, c’est… on pensait nous qu’on s’occupait des besoins du jeune, mais c’est nous qui définissions ses besoins. À l’époque c’était les adultes, mes parents ils m’ont appris ce qu’ils croyaient bien pour moi. Quand j’ai choisi ce métier ma mère était effrayée, « mais qu’est-ce tu vas devenir ? Qu’est-c’est ce métier ? », ils connaissaient pas et bon bah j’ai fais mon choix mais vous voyez ça choquait, et c’était l’éducation, et c’était quand même un petit peu la norme. Il fallait que le jeune plaque à la norme. C’était en arrière pensée, disons que c’était quand même pas dictatorial mais enfin quand même…
C : oui si un fils d’avocat voulait devenir cordonnier j’pense que ça aurait fait scandale, tandis que maintenant on dit « bah tu suis ta vocation, si t’es heureux dans ce métier bah fais-le vas-y » alors qu’avant c’était pas comme ça
JP : alors les besoins de l’enfant était définis par… par les adultes. C’est pas moi en particulier c’était le système qu’était comme ça à l’époque. Tandis que maintenant alors on l’entend, on part de ce qu’il veut et on voit si on peut l’accommoder, tandis que c’était le contraire, il fallait que lui s’accommode à se qu’on pense
C : qui était bien pour lui
JP : faut avoir la franchise de le dire parce que c’était comme ça que ça se passait. On avait des colloques séparées, le mineur, enfin l’enfant ou l’adolescent, ne participait pas, ses parents ne participaient pas aux colloques, ce qui se fait maintenant. Les colloques avec les parents, avec… mais nous on avait des colloques avec le psychiatre, le psychologue au début, le psychiatre, le psychologue heu…
C : l’instituteur…
JP : y avait ni les parents, ni l’intéressé, tandis que maintenant on ferait plus ça !
I : maintenant on les prend beaucoup plus en compte, avant c’était séparé
C : on part du jeune pour heu…
JP : ah oui alors ça c’est… c’était une… c’est une évolution fondamentale moi je trouve
I : ah ouais complètement
JP : tout à fait… qu’est-ce qu’on a fait à Serix ? On a fait venir des gens de l’ext… alors on a, oui on a fait venir des gens de l’extérieur pour faire un… un parc ! Heu ils ont, ils on construit des balançoires, des…
C : des scouts !
JP : des tas de choses, des toboggans, etc.
C : c’était une espèce de camp scout qui devait faire une bonne action
JP : on les a fait venir dans l’institution et croyant que c’était bien pour eux ! C’est pas eux qui ont réclamé dans balançoires, etc. C’est nous qui avons dit, et puis on était très fiers de l’avoir fait, d’ouvrir l’institution, pour que les gens viennent de l’extérieur à l’intérieur de l’institution. On avait des… on faisait venir des, par exemple heu, c’était pas du tout un institut religieux mais vous savez dans le canton de Vaud la religion est assez bien encrée et y avait des cultes qui remplissaient les églises à l’époque, maintenant elles sont vides, mais à l’époque… Alors deux fois par année, je me souviens plus exactement, on faisait ce culte dans l’institution pour que l’institution soit acceptée et puis pour que les jeunes aient des contacts avec les gens de l’extérieur. Voilà vous voyez c’était… bon heu…. À Serix y avait un domaine agricole, on a jamais demandé aux jeunes s’ils s’intéressaient à l’agriculture! Mais ils étaient forcés d’aller aider aux moissons, à certaines périodes…
C : faire les foins
JP : …où la ferme est particulièrement… oui alors on leur demandait pas si vous avez envie d’y travailler, non on va travailler voilà, maintenant on leur donne un camp de ski ! Ils étaient fous à l’époque, eux ils étaient bah toujours contrariés par ce qu’on disait vous voyez ! Mais c’était nous, on allait pas leur demander « est-ce que tu veux faire un camp de ski, de nage ou etc. »
I : ils avaient beaucoup moins le droit à la parole en fait que maintenant…
JP : absolument, absolument
I : …où on leur demande toujours, heu... voilà !
JP : ouais ouais ouais, ouais à l’époque, au début hein donc heu
C : raconte l’histoire de la télévision !
JP : oui ! Oui eux ils réclamaient la télévision, mais camp de ski heu…. Alors y avait la laiterie à propos de la ferme, alors ils faisaient les foins, ils faisaient les moissons, etc. ils allaient aider ponctuellement et puis, heu la production de lait, on était responsables de la ferme, y a… y avait un chef fermier, mais on était responsables de la ferme. C’était… c’était comme ça ! Au début, ça a très vite disparu, mais au début, heu…
C : on était les patrons des fermiers
JP : on faisait les jeunes à l’agriculture, parce qu’on pensait que c’était, la société pensait que c’était bon pour eux
I : mais c’est pas une mauvaise idée hein
JP : alors déjà ils étaient à la laiterie, ils allaient à la laiterie porter le lait le matin, à tour de rôle, ils étaient désignés. Alors c’était un petit peu ambiguë parce qu’ils étaient obligé d’y aller, y en a qu’aimaient pas mais y en a qu’aimaient beaucoup ! Et puis qui profitaient pour, c’était une sortie pour eux ! Voilà ils rencontraient des gens à la laiterie, ils allaient tirer leur cigarette, etc. vous voyez c’était…
I : c’était le contact avec l’extérieur
JP : oui c’était un contact avec l’extérieur mais c’est… c’était obligé quoi ! Vous voyez c’est…
C : des grosses boilles de lait dans une remorque qu’ils tiraient à pied hein ! Heu c’était…
JP : alors y en a qui aimaient bien et puis y en a qui aimaient moins bien mais c’est pas eux qui avaient choisi d’y aller, c’était dans le rythme. Toute façon l’école y avait des heures, c’est pas eux qui choisissaient les heures ou d’aller à l’école ou pas, il fallait qu’ils y aillent
I : et j’aurais juste encore une question quand vous travailliez à Serix, c’était quoi vos heu… vous vous basiez sur quelles théories ou sur quelles…. Parce que quand vous parlez par exemple de la… la laiterie ou de la ferme, moi ça me fait penser aussi à… à Freinet, Célestin Freinet qui avait, heu… qui mettait un point d’honneur à tout ce qui était nature, que ces jeunes avaient besoin de nature pour pouvoir apprendre, etc. Puis ça me fait un petit peu penser à ce côté-là, est-ce que vous aviez une… une comment dire ? Pas une théorie mais disons…
I : une pensée, une idéologie qui…?
I : voilà exactement !
JP : alors…
I : ou bien vous faisiez comme vous pensiez que c’était bien ?
JP : bah on avait quand même une formation d’éducateurs, donc on suivait ce qu’on nous avait appris, les éducateurs…on s’efforçait d’engager des éducateurs formés et puis ils suivaient ce qu’on leurs avait enseigné. Et on avait des… des colloques réguliers avec le psychiatre et la psychologue
I : d’accord ouais
C : mais on suivait pas officiellement la méthode Freinet, la méthode Pestalozzi, la méthode de l’école Steiner, la méthode…
JP : non non…
C : on les connaissait toutes ces méthodes mais on les appliquait au cas par cas à par si c’était nécessaire… une ligne directrice… T’es d’accord ?
JP : non… tout à fait alors. Et en ce qui me concerne alors la ferme c’était, on nous avait engagé pour ça et on savait que ça existait, alors il aurait fallu refuser le poste si on était pas d’accord avec ces… ces… ces méthodes-là !
I : ouais d’accord
JP : mais c’était pas tout le temps qu’ils allaient à la ferme hein, ils allaient à l’école régulièrement, c’était… Alors heu, ça s’est transformé, petit à petit ils ont été de moins en moins à la ferme. Heu justement pour… parce que leur avenir c’était des… la plupart venaient de la ville et que on n’était pas comme Freinet à dire « ça fait du bien », j’pense c’est du bien d’être en plein air et faire de l’exercice, mais c’était pas la ferme ou l’activité agricole qui nous… au contraire on s’en est détaché petit à petit. On a essayé de rendre la ferme autonome et puis que les jeunes puissent se préparer à leur avenir à eux, c’est-à-dire l’école et puis ensuite le préapprentissage
JP : Alors quand on a... à Serix on a crée un foyer. On a cherché, on a eu cet idée avec les éducateurs, et on avait acheté une maison à Vevey, qui était relativement près là où on était. On était à Serix sur Oron
I : Je vois un peu prés où c'est, de nom
C : C'est près du lac, à 20 minutes de voiture à l'époque
JP : Créer un foyer pour qu'ils puissent aller y habiter, pour ceux qui pouvaient pas retourner dans leur famille et puis aller travailler depuis là, faire un apprentissage. C'était un foyer apprentis alors il y avait une dizaine de places. Un foyer qui dépendait de Serix
C : C'était une espèce de service de suite, et c'est d'ailleurs un éducateur, un ancien éducateur, qui a pris la première direction, Jackard
JP : Oui
C : de ce foyer
JP : Alors si vous voulez, cet orientation c'était s'adapter à la vie future ce qu'on considère, ou ce qu'ils demandaient car ces sont eux qui choisissaient l'apprentissage. Ça a très vite évolué cette histoire ou on a imposé tout. Enfin c'était, on était quand même un peu poussés par les besoins que nous on définissions chez l'enfant au départ et ça c'est un peu orienté petit à petit d'une manière différente
I : Du coup, vous ne répondez...C'est très intéressant mais vous répondez pas vraiment. Est-ce que par rapport aux valeurs, parce que effectivement il y a une l'histoire de besoins mais les valeurs est ce qu'il y en a certains qui étaient...que vous avez un peu porter
JP : Alors, oui. Je pense qu'il y avait de l'entourage et de l'affection si vous voulez dont l'enfant fin... On estime encore qu'un enfant a besoin de l'affection, d'être entouré, d'être reconnu et valorisé. Alors ça je pense que ces sont des valeurs extrêmement importantes auxquels on a toujours cru avec des éducateurs, parce qu'il fallait se mettre d'accord sur ce qu'il fallait faire etc et pour l'organisation aussi. Alors je pense que, oui, l'affection, l'intérêt qu'on devrait leur porter, la valorisation dont ils avaient besoin
C : On a commencé, excusez moi, on a essayé, on a commencé à individualiser, ce n'était plus la collectivité, c'était de les prendre un par un, individualiser la démarche. Mais au point de vu de valeurs, il n'y avait pas de valeurs chrétiennes officiels. Je veux dire il y a des institutions...
JP : Ah pas du tout, pas du tout
C : C'était laïque mais il y avait quand même le pasteur et les cures qui venaient
JP : On était dans une société judeo-crétienne et on suivait un petit peu ces valeurs là
C : Ça correspondait peut-être aux valeurs crétiens, de l'intérêt des autres mais...
JP : J'avais noté moi la protection de l'enfant, les besoins mais aussi quand même leurs bien être et par la valorisation, l'affection et le développement de ses capacités bien entendu. Voilà
I : Et c'était aussi dans le cadre de votre poste de juge, c'était aussi un peu
JP : Ah oui, les valeurs sont restés, tout à fait. Disant dans le cadre de Tribunal, ça peut paraître comme particulièrement contraignant
I : Oui, d'accord
JP : Disons oui, c'est l'intérêt pour l'enfant, sa valorisation, l'affection dont il a besoin et de développer ses capacités. Mais je pense qu'il faut dire aussi que développer ses capacités, accepter des contraintes du monde qui encore actuellement est particulièrement contraignant, mais qui devient moins contraignant qu'avant
C : Ça c'est très important ce que tu dis parce que en fait on a... la réputation de cette maison de recevoir ce qu'on a appelé à l'époque, le caractériel d'intelligence, c'est-à-dire était caractériel mais qui avait des capacités d'apprendre. Mais du leur difficulté d'accepter les contraintes justement, ils se révoltaient tout le temps et ils se mettaient seuls les bâtons dans les roues. Alors le but c'était de leur faire comprendre que dans la vie en société on a des contraintes. Ça peut-être enrichissant mais eux les acceptaient pas du tout. Alors je pense que c'était un de buts, maintenant je sais pas si l'orientation de Serix a changé, mais enfin c'était un petit peu ce qu'on disait. Les enfants qui pouvaient suivre une scolarité normale, en étaient empêché à cause de leurs problèmes caractériels donc il fallait les mettre dans les maisons spécialisées avec des instituteurs spécialisées
JP : Oui ils étaient rejetés par l'école alors
I : Parce qu’ils sortaient de la norme
C : Qui sont insupportables qui sortaient de l'école buissonnière et ils n'ont pouvaient plus
I : Sinon est ce qu'ils auraient quelques éléments ou plusieurs éléments marquants que vous pourriez nous raconter finalement que vous avez mené, qui vous a frappé dans cette période en faveur des droits des enfants
JP : Je n'ai pas tout à fait compris la question. Ces des changements ou ces les expériences personnelles
I : Les éléments marquants ou les éléments dont vous avez été témoin pendant cette période
JP : De Serix?
I : Dans tout votre période, par exemple au Tribunal de Mineurs, quelque chose qui été frappant pour vous
JP : On va peut-être commencer par Serix. Alors à Serix là, où était maison, s'appelait l'Institut Romand d'Éducation de Serix. C'est le lieu entre Oron et Palézieux
C : Il faut pas confondre avec Sery parce que dans le canton, vers Lausanne, il y a un hôpital psychiatrique qui s'appelle Sery. Alors on s'est bagarré pour que les jeunes disent bien Serix, S-e-r-i-x et non Sery hôpital psychiatrique
JP : Alors on a participé, assisté aux changements dans la formation et travail des éducateurs. Je crois que la il y avait beaucoup de changements pendant qu'on y était. On a crée des associations, on a crée des associations professionnelles pour nous. Il y avait la Conférence Romande de Directeurs d'Institutions, il y avait l'Association l'AREJI, Romande des Éducateurs Spécialises et puis – L'Association Vaudoise des (XXX) Privés, tout ça s'est crée à ce moment là, si vous voulez. Ça s'est développé, les structures d'éducateurs, les horaires, les convention collectives, des salaires, tout ça, c'est pendant cette période que ça s'est développé. Alors on a assisté, on a participé à ce développement, à ce perfectionnement et puis cherché à avoir des éducateurs toujours mieux formés etc. Et alors parallèlement à cette développement un peu syndicaliste, les horaires etc., puis on a vécu quand même la période ou ils souhaitaient de ne plus habiter sur place, habiter à l'extérieur. Ça posaient des problèmes de surveillance pendant la nuit et voilà. Nous on croyait à l'époque assez à la proximité. Parce que disons que, en effet ils remplaçaient la famille si vous voulez. Sans la remplacer mais cet image quand même de famille
C : Il y avait 40 élèves et 4 groupes de 10 et il y avait toujours une chambre de garde pour l'éducateur qui passait la nuit là
JP : oui
C : Mais il n y avait pas de veilleur de nuit si vous voulez, ces sont les éducateurs du groupe qui prenaient leur tour du rôle
I : Oui, c'était le métier à part entier de "parents"
C : Ce qui était intéressant c'est aussi le départ en congé, hein?
JP : Alors oui. Le contact existaient à l'ouverture de l'internat. Oui tout à fait. Ça rappelle des souvenirs assez... Je voulais dire que l'éducateur parallèlement, alors les jeunes avaient des supervisions individuelles, s'ils les souhaitaient ou si on pouvaient de les mettre en place mais les éducateurs et les équipes assistaient au développement de, du soutien aux éducateurs. Les trainings de groupe, des supervisions etc.
I : Ah c'était vraiment les débuts de ça
JP : On était voir en équipe un nommé Charles Deray (?) à Dijon, qu'on avait connu. Il était Suisse d'ailleurs, qui faisait des trainings de groupe, des séminaires d'éducateurs ou chacun sortait ce qu'il avait sur le cœur, ce qui n'allait pas afin améliorer, si vous voulez l'esprit de corps et l'accompagnement de …
C : Mais c'était une découverte fondamentale à l'époque
I : Ce vrai qu'aujourd'hui ça se fait partout
JP : Oui partout et la c'était les débuts
C : Là c'était révolutionnaire si on peut dire
JP : Et c'est dans les entreprises, en dehors du secteur social. Ça ces sont des développements auxquels on a assisté
I : Donc ça c'était au foyer et puis par rapport à votre statut de juge, est ce qu'il y a eu des événements
JP : Attendez je vais parler encore un peu des éléments d'internat, vous êtes pressée ma chère?
I : Je croyais que vous aviez fini, excusez-moi
JP : Au point de vu éducatif évolution c'était à Serix, c'était rigide. Il fallait changer la loi et ça prends du temps. Le foyer était à l'externat, le congé et les vacances. Alors avant ils avaient pas de vacances, ces nous qui organisons des vacances - ils faisaient les camps vélo etc. Et puis par la suite ben ils avaient les congés, pour aller dans leurs familles etc. C'était très amusant parce que au début de congés ils partaient le samedi après-midi et ils passaient au bureau chercher leurs billets
C : on achetaient les billets de trains et ils venaient les chercher. De samedi après-midi au dimanche après-midi, ils faisaient 24h en fait
JP : Oui
C : Mais ils devaient passer au bureau
JP : Alors en rentrant ils devaient passer par le bureau. Alors ils devaient rendre les cigarettes, ils devaient rendre leurs argent de poche. On leur a demandé comment ça s'était passé mais aussi il y avait certain formalisme, oui on a essayé de contrôler ces sorties C : Notre petit garçon qui avait 3-4 ans, il venait chercher son billet et il ne comprenait pas pourquoi lui ne pouvait pas avoir son billet de train. Il faisait la queue avec les autres
JP : Il partait en congé chez Mme Germelle
C : Oui, il s'est inventé une famille et disait je vais en congé chez ma famille
JP : Il habitait sur place et il y avait aussi des répercussions sur les enfants des éducateurs
I : C'est vrai aussi
C : Mais ça c'est un autre sujet, la vie de famille...
JP : Et on a crée aussi un jardin d'enfant, ça c'était principalement madame qui a fait ça
C : Ah oui
JP : Un jardin d'enfant pour les enfants du personnel. Jusqu'à encore dernièrement
C : Il existe toujours
JP : Il existe toujours, je ne sais pas s'il existe encore mais il existait encore très très longtemps après nous. Ça répondait à un besoin que les enfants des éducateurs puissent avoir aussi quelque chose et il y avait des enfants de l'extérieur qui venait aussi C : Alors on a commencé parce qu'il y avait déjà nous trois et puis les autres éducateurs en avait aussi et on arrivait à passer au 6 ou 8 et pour payer correctement la jardinière d'enfants qui habitait dans le village à coté, on a demandé aux enfants de médecin, aux enfants de voisins etc et pour finir on avait douzaine d'enfants. C'était dans un chambre à coucher de notre appartement. Quand ils ont construit des nouveaux bâtiments, ils ont crée une salle pour la petite école et dans ce jardin d'enfant il y avait une jeune fille, elle s'est mariée, elle avait des enfants et je crois qu'elle travaillait 25 ans dans cet institution depuis que j'ai crée ça. Alors l'histoire de la télévision il faut quand même raconter
JP : Alors nous pensions bien qu'ils aient la télévision. Ils la réclamaient eux. C'était au début de la télévision et on a voulu, mais on n'avait pas d'argent. Alors on a demandé à une oeuvre, bien vaudoise, qui avait crée, il y avait dans la famille, sa famille André qui s'occupait de transport des grains
C : Importateur
JP : Importateur. Grande maison très connu, qui a très bien marché dans certain époque et ils avaient une fondation avec des membres de la famille qui s'occupaient de ça. Et il y avait 2 femmes célibataires à qui on a demandé, qui sont venus voir sur place, pour voir ce qu'il en était etc. Et ils nous ont pas offert cette télévision, qu'on voulait parce qu'ils trouvaient que c'était pas éducatif. Nous on disait: il vaut mieux leur apprendre réduire la télévision, qui puissent choisir les programmes intéressants. On n'est plus avec des petits machins qu'on regarde toute la journée et ils ont pas été d'accord. Ils ont pas donné suite
C : C'était pas éducatif, c'était pas moral, c'étaient des sales gamins
JP : Il faut noter que c'est l'esprit qui a régné à l'époque. Enfin pour finir je crois qu'ils ont eu la télévision non? Je ne me souviens passablement
C : Après oui. C'était aussi une ouverture d'esprit. Mais il y en avait peu. C'était encore en noir et blanc à l'époque. Il n y avait pas de télécommande, c'était des grandes postes en noir et blanc
JP : Donc on a participé, si vous voulez à cet évolution, d'individualisation et de l'ouverture à l'extérieur d'une manière assez...Le Serix qu'on a quitté n'était pas du tout le même que celui quand on était rentré, d'autant plus qu'on a lancé le projet de la reconstruction des bâtiments et c'était des grandes bâtiments unifiés, pas très bien adaptés, avec pas de cellules, mais des chambres mêmes etc. Et on a construit quelque chose de tout à fait intéressant. Avec un esprit familial et quelque chose de plus intime, si vous voulez que ces grands bâtiments
C : Et pour le Tribunal pour répondre à la madame
JP : Pour les loisirs, je peux venir au Serix ou vous voulez que je passe au Tribunal tout de suite?
I : Non, non. Moi je trouve très intéressant ce que vous racontez. D'ailleurs j'ai une question. Il faut pas que je l'oublie...
JP : Un cas particulier ce que quand on est arrivé en place, il y avait des cachots. Mais des véritables cachots. Avec un soupirail et puis des portes étroites
I : C'est Mme Ruchat qui raconte ça dans son livre
JP : Ah oui? oui ça existait quand on est arrivé, il y en avait. C'était peu utilisé ou pratiquement pas utilisé et c'était surtout pour les adolescents. Mais nous on a eu des agressions très importantes à Serix. C'est, je dois dire que ça m'est arrivé d'en mettre un au cachot. Mais alors quand on mettait au cachot on allait le voir toutes les 1/2h, toutes les heures, fin on allait les voir régulièrement
I : C'était l'isolement
C : Oui mais c'était vraiment la voûte...c'était pas drôle. On était malheureux
JP : C'était embêtant. C n'a pas arrivé souvent, heureusement
C : C'était monsieur qui a agressé au couteau le cuisinier la
JP : Oui, donc il fallait l'isoler d'une part et savait pas trop quoi en faire, oui. Et puis il y avait des choses qu'on a fait parce qu'on savait pas quoi faire. Quand on sait pas quoi faire, ben on laisse faire et puis c'est peut-être pas plus mal, peut-être mieux, enfin j'en sais rien. Mais ben bref, c'était comme ça. Dans le style de l'époque. Alors on a fermé ces cachots. On en a placé qu'un. Et il y a une histoire assez amusante, c'est qu'une fois je vais le voir, au bout d'un demi-heure et puis: tiens la lampe a sauté. J'ouvre la porte – vide. Il a réussi, puisque il y avait une espèce de lucarnes avec des barreaux à ouvrir puisque je ne fermais pas les 3 verrous, j'en fermais qu'un et il a réussit à l'ouvrir à tirer le truc et il a poussé, je sais pas exactement comment il a fait, à ouvrir la porte. Mais il osait pas sortir. Il avait dévissé l'ampoule, il s'était caché dans l'ombre, moi j'ai passé sans le voir, dans un coin, et pendant quand je passais, il est parti
I : Il aurait pu partir avant que vous arriviez
JP : Oui il aurait pu, je m'en souviens plus dans quels circonstances, il aurait pu. Je pense qu'il savait qu'on devrait surveiller. Il pensait que j'allais arriver et puis, enfin il s'est débrouillé comme ça. Voila. Et puis les travaux manuels. On a beaucoup développé les travaux manuels. On avait des ateliers, puis qu'avant il y avait une forge et la menuiserie. Et puis on a complètement transformé ça en atelier de loisirs. Et on a engagé à l'époque des maîtres socio-professionnels qui faisaient que des loisirs, c'est-à-dire que...voilà
C : C'étaient des maîtres d'atelier, ça s'appelait pas encore comme ça à l'époque
JP : Oui
C : Il y avait des instituteurs et et puis des chefs d'atelier
JP : Et pour vous dire que à cet époque la les autorités ne payait pas ça. On a du chercher des sponsors, des gens qui étaient d'accord de nous offrir cet atelier et puis on a fait une salle de gymnastique etc. Vous voyez et c'était...et après on a déménagé et refait à neuf. Voilà. Et bon créer des groupes le plus petites possibles etc.
I : Il y avait déjà combien de...
JP : Il y avait 40, 35. Ça varient entre 35 et 40
C : C'était au maximum 40, on ne voulait pas plus
JP : Il y avait un groupe de petits, il y avait un groupe de petits, un groupe de moyens et puis deux groupes de grands voilà, les 4 groupes autour de 8-10
I : Et vous étiez combien d'éducateurs?
JP : Je sais pas vous dire. Il y avait un titulaire qui faisait le plus gros, qui levait, qui revenait à midi et qui prenait en charge l'après-midi et le soir. Fin d'après-midi et le soir. En tout ça ils devraient être 2 par groupe. Mais c'était... parce que les autorités...
C : Parce qu'il fallait quand même, ils faisaient le tour de rôle les week-ends avant qu'ils partent, avant qu'on leur donne un congé. Il était très court de samedi après-midi au dimanche après-midi. Et après on avait une présence féminine d'un couple de professionnels éducateur, éducatrice et j'ai retrouvé aussi une personne qui faisait son travail de diplôme là-dessus: “Quelle est influence du groupe professionnel d'une vrai couple marié d'éducateurs dans un groupe d'enfants”. Il y a tout un travail de diplôme qui était fait là-dessus. Est ce que la femme éducateur qui vient manger avec les enfants a un rôle éducatif ou est ce qu'elle est simplement là pour manger avec son mari et est ce que c'est plus efficace d'être mari et femme et faire le même travail dans le même groupe ou c'est mieux de mettre un groupe professionnel, un couple professionnel, on avait répondu à un questionnaire à ce sujet. J'ai encore le questionnaire si ça vous intéresse
I : D'accord. Ça se faisait beaucoup à l'époque d'être un couple, ou un couple qui intervenait professionnellement?
C : Professionnellement moi je crois pas
JP : C'était...
C : C'était des femmes qui habitaient la mais des fois elles choisissaient d'aller manger avec les enfants pour voir un peu leur mari
JP : Il y avait aussi des éducateurs célibataires, il y avait des célibataires mais il y avait aussi des mariés et ils avaient la femme sans mandat, avait une énorme influence. Parce qu'il n y avait pas des horaires bien précis... ça disparu par la suite quand ils ont commencé d'habiter à l'extérieur, ben les deux. Les enfants s'adressaient à la femme
C : Comme du bénévolat
JP : La lingère était leur confidente. Une dame adorable, un peu ronde qui venait faire la lingerie, qui nettoyait le linge etc et les garçons allaient la voir. C'était leur psychanalyste. Le psy, d'aller voir la lingère qui les écoutait, qui plein de bon sens etc.
C : Et l'aide de cuisine aussi
JP : Oui, oui. Alors ils avaient le choix si vous voulez. Petit à petit ils avaient le choix d'aller vois la personne avec laquelle ils s'entendaient le mieux pour pouvoir discuter
C : Je pense au ménage. J'avais, je m'occupais de ménage de 70 personnes. J'ai cette chiffre en tète. Je faisais le menu avec le cuisinier, j'allais faire des courses et tout, je recevait des représentants. Mais pour répondre à votre question, quand on avait 40 élèves, il y avait bien 30 adultes qui mangeaient aussi
JP : Il y avait ceux qui travaillent à la ferme, le jardinier
I : Tout le monde mangeait ensemble
C : Non,non il n'y avait pas de réfectoire. C'est le personnel du jardin, de la ferme, les instituteurs qui voulaient manger dans un petit réfectoire à coté de la cuisine et tous les enfants allaient chercher leurs plats et mangeaient en groupe. Mais si on faisait manger pour 70, ça prouvait qu'il y avait une 30ène de personnes. C'était pas tous des éducateurs. Nous aussi on allait chercher nos plats à la cuisine et on mangeait en famille chez nous mais on était parmi les 30 personnes qui les encadraient. Éducateurs et tout le personnel de la maison compris
I : D'accord
C : Pour vous donner une idée
JP : Nous avons souvent, pour vous montrer l'état d'esprit dans lequel on était, on a souvent, parce que maintenant c'est organisé, ça se fait plus, mais on a souvent pris, pendant les week-ends, des jeunes qui restaient ou pour les vacances de Noël, qui ne pouvaient pas aller dans leur famille
I : Ah vous les preniez
JP : on les prenait avec nous et partageait nos loisirs, notre vie de famille
C : Il y en avait un qui est revenu de camps de ski et s'était cassé la jambe et il était dans le plâtre. Et donc moi je l'ai gardé chez nous pendant les vacances
I : C'était vraiment un investissement total quoi
JP : Ah oui oui. C'était comme ça. Et puis les éducateurs avaient besoin quand même de...
C : C'étaient des bonne sœurs qui soignaient dans les hôpitaux et elles ne comptaient pas leur temps
JP : et on pouvait pas s'offrir un éducateur qui resterait dans l'institution parce que c'était, ça n'était pas très éducatif qu'ils soient seul ou à deux ou à trois avec un seul éducateur dans une grande institution pendant les vacances
C : On n'avait pas de moyens de payer un éducateur
JP : Non on n'avait pas de moyens, on nous donnait pas de moyens. Lutte aussi financière. Alors on a connu cette évolution vers l'individualisation et vers les structures qui s'amélioraient etc. Et puis petit à petit on nous donnait un peu plus d'argent et pour finir c'était au prix de la journée. Ils nous donnaient pas une somme avec laquelle il fallait se débrouiller mais il y avait tant d'enfant avec tant par jour et par enfant. Ça évolué dans ce sens là. Alors le Tribunal pour les Mineurs puisque vous voulez ben on était murs pour y arriver parce que le droit de mineurs c'était un droit individualisé. Alors je sais pas si ça vous intéresse...parce qu'il y a des enfants de 7 à 15 ans et les adolescents de 15 à 18 ans. Ces sont les 2 catégories qui sont définies par le code pénal. Voilà. Pour vous donner le jalon d'années, la loi sur la juridiction de mineurs dans le canton de Vaud, le code pénal date de 1937. Ben il y a eu des modifications depuis, mais la base de code pénal est de 37, 1937 . La loi sur la juridiction de mineurs qui réglait le fonctionnement du Tribunal des Mineurs du canton de Vaud est de 74. C'est en plein période dont vous parlez. Et la création de Valmont qui est l'Institution d'Observation et Détention, vous avez entendu parler de Valmont?
I : Non
JP : Vous avez entendu parler de Palézieux?
I : Palézieux, oui
JP : alors actuellement ils font une grande prison pour les jeunes
I : Ils sont en train de la faire là
JP : Alors elle arrive à bout touchant, elle devrait être inauguré en mois de janvier
I : J'ai lu un article là-dessus
JP : Mais ils ont des problèmes, semble-t-il, ils n'arrivent pas à engager le personnel, la mise en oeuvre
I : Oui l'ouverture...
C : Ils ont du mal à recruter les éducateurs
JP : Alors c'était Valmont, comme la Clairière à Genève
I : D'accord
JP : Voilà. Valmont vaudois et Clairière à Genève. Valmont qui était construit en 71, donc en plein dans cette période, et on a estimé qu'il y avait des jeunes qu'il fallait encadrer, mettre en détention préventive. Avant ils allaient dans la même prison que les adultes
I : Ca c'est un changement clé en fait dans cette période. Les jeunes étaient séparés des adultes, alors qu'avant pas
JP : Ça s'est fait petit à petit parce qu'avant ils allaient aux escaliers du marché. Il y avait des cachots là bas, enfin des cachots, c'était la prison municipale si vous voulez
C : C'étaient des cellules
JP : Les cellules, pas de cachots. Alors, donc voilà. Mois j'ai commencé dans le Tribunal des Mineurs, rappelle-moi
C : 73
JP : 73, voilà. Alors le droit de mineurs, c'est un droit individualisé, en ce sens que les décisions dépendent de chaque cas. Et on a la possibilité soit de sanctionner soit de prendre une mesure éducative. Voilà. Donc on doit étudier les cas et on a commencé à avoir des éducateurs qui dépendaient de Tribunal des Mineurs. Alors l'enquête qu'on devait faire, devait porter non seulement sur les infractions mais aussi sur la personnalité de mineur. On devait réunir ces deux types de renseignements si vous voulez, savoir exactement ce qu'il a fait et ensuite de savoir qu'il est pour savoir ce dont il a besoin. Ben là il avait quand même une possibilité de donner son avis mais bon, s'il a fait un délit grave, moins. Mais là on avait l'obligation de l'entendre, de l'écouter, tant pour l'aider pour sa personnalité et pour la décision à prendre et puis ses parents aussi. Donc c'était systématique d'entendre soit ses parents soit ses représentants légaux s'il n'avait pas de parents etc. Alors on devait faire un travail non seulement de droit mais un travail psychologique. C'est pour ça on était mal considères par les autorités judiciaires qui voilà
C : Parce que les majeurs – tel délit, telle peine
JP : Ça c'est schématique mais ben enfin voilà. C'était un peu comme ça
C : C'était un peu comme ça
JP : Alors pendant toute mon période ça a très peu évolué. Ça a évolué en fonction de ce que chaque juge faisait, mais le droit n'évolue pas rapidement, c'est quelque chose d'assez rigide et voilà. Il faut que les députés s'en occupent, révisent, se consultent etc et ensuite la loi rentre en vigueur. Tout ça c'est, enfin droit n'est pas réputé comme évoluant facilement en Suisse. Alors surtout qu'il y avait le droit à la confidentialité c'est-à-dire qu'il y avait pas de public et il y avait pas de communiqué de presse sauf s'il y avait vraiment quelque chose qui était tellement connu, mais on avait jamais donné le nom et on tenait fermement à cette confidentialité pour préserver l'avenir des jeunes. Et le casier judiciaire par exemple, en principe, le mineur il n y avait pas de casier judiciaire. Il y avait des traces dans la police mais pas de casier judiciaire pour les jeunes
I : Et vous avez parlé de déterminer la personnalité des jeunes ça veut dire concrètement comment ?
JP : Alors concrètement on interrogeait des parents, on interrogeait lui, et alors il y avait la possibilité de le mettre en observation dans un établissement d'observation qui était chargé de faire un rapport non seulement sur l'état de sa personnalité, aussi sur les projets qu'est ce qu'on pouvait avoir une mais aussi sur le suite à donner. Et puis il y avait une observation mi-ouverte, il y avait des organismes qui se sont développés d'observation mi-ouverte ou on pouvait confier un enfant qui était chez lui mais qui pouvait recevoir la visite régulière d'un observateur qui devait faire un rapport. Et puis nous, on avait des éducateurs qui dépendaient directement de Tribunal. Ça s'est développé pendant que j'y était ou on envoyait des éducateurs en disant: tiens ben voila maintenant celui la je vous confie, tu vas t'en occuper. Alors non seulement il devait avoir une influence sur lui, le convoquer etc mais aussi faire un rapport sur son évolution. Concrètement c'était soit dans un internat soit dans un milieu ouvert avec un organisme agrée, sot avec une assistante sociale du service de protection de la jeunesse qui dépendait déjà, le service de protection de la jeunesse on entendait l'assistante sociale qui devait nous faire un rapport. Alors on disait d'accord, ben on suspend et on attend 2 mois pour voir qu'est-ce que ça donne, par exemple. Soit ces sont les éducateurs qui dépendaient directement de Tribunal des Mineurs. Voilà. Et il y avait des expertises psychologiques, les expertises psychiatriques, enfin c'était un peu la même chose. Et ça ils aimaient pas. “Je suis pas fou, je vais pas voir un psychiatre”, voilà. C'était la réponse classique ça, c'est vieux comme le monde. Oui. Alors on pouvait ordonner aussi une expertise psychologique. Alors il était chez lui et il devait se rendre chez le médecin. Alors c'était déjà...
C : Il venait une fois par semaine, le psychiatre
JP : Qu'il y a ou qu'il y a pas, c'était de gens d'éducation de savoir...voilà. Alors le rôle d'un juge c'est de bien connaître le mineur pour savoir quelle décision il va prendre. Vous voyez, c'est ça l'objectif. Ce que soit il le connaît lui même parce qu'il le voit régulièrement, soit il reçoit des rapports et qu'il l'oriente sur la décision à prendre. Voilà. Et cette décision peut aller de l'assistance éducative en milieu ouvert, c'est-à-dire qu'il reste chez lui, ben alors après quand... on rend le jugement. Et dans ce jugement en principe soit la sanction soit une mesure éducative. La sanction c'était la réprimande, des travaux d'intérêt général, les arrêts scolaire. Voilà. Mais il y avait une chose qu'on aimait bien, c'était l'époque de graffiti. C'était la grande époque des dépravations de ce genre là, alors on essayait de les faire nettoyer sous récompense que le léser retire sa plainte. La conciliation ce qui était plus ou moins obligatoire en droit mais la on peut jouer avec si je puisse dire, mais c'était notre tendance. On disait ben voila, c'était éducatif, il a fait une bêtise, il répare sa bêtise et il est pas puni. Alors schématiquement, si vous voulez, c'était inutile de mettre une amande à quelqu'un dont on savait pertinemment que les parents vont payer ou atteindre les parents. Nous on n'était pas du tout chargé d'éduquer les parents même si...voilà. Pour vous dire le genre de... pas mettre une réprimande à un adolescent qui s'en foutait complètement. Par contre les prestations au travail et on avait engagé un éducateur qui faisait que ça. Il organisait, il montait, il organisait des prestations de travail c'est-à-dire qu'il convoqué les jeunes et il faisait les travaux d'intérêt général avec ces jeunes. Alors ça c'était une sanction qui était...Pas pour montrer le travail comme punition mais pour montrer que s'il fait une bêtise, qu'il est sanctionné d'une manière positive. On pensait que la sanction devait être positive. Alors il y avait aussi une peine de détention et c'était que pour les adolescents. Pour les enfants jusqu'à 15 ans, il y avait pas de détention. A partir de 15 ans on mettait une peine de de détention à quelqu'un qui qu'on sentait soit qu'on ne peut rien faire d'autre soit au moins qu'il serait sensible à cette forme de privation de la liberté.
I : Ça pouvait durer combien de temps, la détention?
JP : je crois que à l'époque la c'était 3 mois et maintenant c'est 2 ans je crois
C : T'avais une année
JP : oui, ah oui on avait eu une année parce que j'avais un meurtrier. C'est juste, très juste
C : Il a tué son père
JP : C'est ce qu'il a dit. C'est pourquoi il était condamné, ce qu'il a avoué. Mais moi j'en était pas persuadé et j'en suis pas persuadé. C'est probablement sa mère mais il devait le savoir qu'il, parce qu'il n'était pas Suisse, il devrait savoir qu'il sera moins puni que sa mère. J'avais d'ailleurs un très bon contact avec lui, on a bien collaboré. Il m'a même fait un cadeau quand il a fini sa peine. Et puis quand il était étranger et il est parti à l'étranger, la peine, la mesure éducative ne nous semblait pas adéquate. Parce qu'on pouvait pas retenir en Suisse un jeune contre son gré alors que c'est la sanction qui était...la peine de détention qui était...
C : Mais ça semblait très grave pour le tribunal de condamner un jeune à un an de prison, ce qui était le maximum possible. Mais si c'était étalé dans la presse, comme on l'étale maintenant, “comment? Il a tué son père et il va qu'un an en prison?”. Voilà. C'était... Mais comme c'était, ça jamais paru aux journaux
JP : On a pas mis une année parce qu'on a réduit à un ou deux mois, je m'en souviens plus parce qu'il a bien collaboré et puis qu'on sentait qu'il n'y avait pas de risque de récidive, fin il semblait pas quoi. Son père était un horrible homme, j'entends. Il avait des raisons, fin des raisons...On a jamais des raisons de tuer quelqu'un, j'entends mais il y avait des excuses, des explications, des explications. Vous voyez dans la sanction il y avait déjà une réflexion psychologique, ou disons de personnalité pour savoir si la sanction était adaptée. C'est ça. C'était pas tarifé en fonction de la gravité, il fallait bien qu'on en tient compte, mais aux besoins de jeune. Voilà
I : Et vous même dans vos études, vous avez... pour faire éducateur, vous avez eu des cours qui traitent de psychologie?
JP : Pas au Tribunal des Mineurs, non
I : Je disais pendant votre formation
JP : Ah oui. Non. À Montpellier on a pas évoqué des délinquants
C : On avait des cours de droit
JP : Oui on avait des cours de droit
C : Mais certainement...
JP : Non, c'étaient des enfants de manière générale et difficiles. Que ce soit des délinquants ou pas. Non il y avait pas de droit sur…
I : C'est plutôt des aspects psychologiques. Parce que nous on voit un peu mais...
JP : Oui il y avait des cours de psychologie et de psychiatrie à Montpellier, tout à fait
C : Pour répondre à votre question, je pense que c'est plutôt dans les stages pratiques parce qu'on avait des alternances de stages et de cours. Et puis le grand stage d'un année, avant ou après les deux ans de théorie où on pouvait alors étudier ces influences psychologiques, parce qu'on passait dans toutes sortes de maisons: les maisons d'éducation, les maisons d'observations. Moi j'étais pendant une année dans un foyer de l'enfance qui s'occupait d'orphelins, de la DASS, je ne sais pas comment on dit ici, euh les enfants de l'assistance publique. Alors moi j'ai fait en première année de l'école d'éducateur mon stage, nourrie, logée, sans salaire einh, parce que je n'avais pas de formation. Mais pour moi c'était normal einh, ça se fait peut-être plus maintenant, donc après mon bac donc, une année. Puis à la fin je travaillais comme éducatrice en fait. Puis après j'ai fait mes deux ans de théorie. Alors que mon mari a commencé sa théorie et a fini sa troisième année avec son stage à Dijon. Alors comme il était formé comme éducateur, alors il était payé.
JP : C'est très juste comme tu dis. Les stages sont extrêmement formateurs. A Dijon j'avais un directeur que je voyais souvent, qui me suivait de près et c'est très formateur. Et puis on avait des discussions avec les psychiatres et les psychologues des institutions qui s'occupaient des jeunes. Mais le tribunal des mineurs, c'est une juridiction à part qui est mal comprise par les juristes d'une façon générale, parce que quand un jugement est rendu, nous on peut le modifier.
I : C'est à dire? Qui peut le modifier? Le juge, là?
JP : Oui on peut prendre une décision qui s'appelle une sentence suspendue. C'est un jugement. Un jugement qui dit benh on suspend la sentence. On prend pas de décision sinon de remettre ça à plus tard. On donne un délai d'épreuve si vous voulez.
I : D'accord.
JP : Alors pour un juriste pur de dire benh au bout de ça vous pouvez prendre une autre décision, ça paraît un peu incompréhensible en tous cas enfin à l'époque. Maintenant, je sais pas ça a bien évolué. J'ai complétement arrêté depuis que j'ai pris ma retraite les rapports avec les tribunaux, etcetera pour me pencher sur les personnes handicapées. Mais bon à l'époque on était considéré comme un peu bizarre, à part, vous voyez? D'ailleurs, question tout à fait pratique, qui n'est pas très intéressante en soi mais l'exemple est frappant, il était discuté au grand conseil de ne pas nous considérer au même niveau statutaire que les juges de district. On était inférieur.
I : D'accord
JP : C'était donc ouais dans ces années là, c'était pendant que j'y étais. Puis on avait une juge accesseur. Ah oui, parce qu'il faut que je vous dise ça, on avait des accesseurs. C'était des juges délégués à qui on déléguait les affaires les plus petites. Et ces gens n'étaient absolument pas juristes. Ils étaient accompagnés d'un greffier mais ils résonnaient en bon père ou en bonne mère de famille.
I : D'accord.
JP : Ouais c'était très riche. Et dans les séances il y avait trois juges. Il y avait le président et deux juges accesseurs qui n'étaient pas juristes. Il y avait des discussions avec des bons pères et des bonnes mères de famille, ou ce qu'on croyait être des bons pères et des bonnes mères de famille, vous voyez?
I : D'accord.
JP : Alors j'trouve que ça nous apportait beaucoup. C'était un brassage d'idées, euh voilà. Alors il y a des tas de jugements qui ont été rendus par des gens qui n'étaient pas des juristes; simplement par leur bon sens. Puis c'est le greffier, s'ils faisaient une erreur juridique parce qu'il ne fallait pas en faire, sinon il y avait des recours, qui savait comment il fallait faire.
C : Les juges accesseurs étaient volontaires, ils avaient un intérêt. Tandis que les jurés dans le jury ils étaient formés, ils étaient obligés d'aller.
JP : J'crois pas, ça j'sais pas alors, j'peux pas te dire.
C : Comment ils étaient choisis ces accesseurs?
JP : Ben si t'avais une affaire financière tu demandais à un accesseur qui connaît les questions financières.
C : Mais les accesseurs qui venaient, c'était volontaire? Ils n'étaient pas désignés?
JP : Je sais pas. Ils posaient la candidature, j'pense. Je ne sais pas, je peux pas te dire; ou nous on les nommait. On les choisissait et on les nommait.
C : D'accord.
JP : Voilà, alors si vous voulez, tout ce qui avait évolué pendant qu'on était dans la maison d'éducation, je l'ai retrouvé là parce que je travaillais avec les maisons d'éducation. Une fois que le jugement était pris, on allait voir les mineurs régulièrement. Ah oui et puis comme juge, on se déplaçait. Si j'avais un délinquant à la vallée de Joux, alors on allait à la vallée de Joux, puis on tenait séance à la vallée de Joux pour pas que le jeune descende à Lausanne, pour éviter cet esprit de pouvoir centralisé où il faut descendre à la capitale. C'était quand même un milieu campagnard à l'époque, ce n'était pas développé du point de vue urbain comme ça l'est maintenant et c'était important.
I : mmmmh
JP : On a fait des gaffes des fois. On tenait séance dans la salle de la municipalité parfois. Les salles de la municipalité sont souvent au-dessus des bistrots des villages. Et il y a une mère :"plus jamais je ne viendrais au bistrot pour faire juger mon fils" (rire). Alors là on croyait bien faire en se rapprochant du justiciable puis la mère voulait surtout pas qu'on la convoque au dessus du bistrot.
I : Et comment vous avez résolu la situation?
JP : Benh on la convoqué ailleurs, quoi.
I : mmmh
JP : Voilà. Ce qui était intéressant pour moi c'est le fait qu'on s'occupait de la globalité. Puis non seulement d'avant jugement mais au jugement et après.
I : mmmh
JP : Jusqu'à ce qu'on lève la mesure. C'était ça l'intérêt du droit des mineurs. Puis surtout le choix entre la sanction selon la personnalité et non pas forcément seulement le délit. Bien sûr que s'il a fait dix cambriolages c'est pas la même chose que s'il a fait un graffiti ou fumer un joint. Mais les prestations au travail étaient particulièrement utilisées pour les jeunes qui fumaient ou qui prenaient un peu de stupéfiants et puis qui foutaient rien. On pensait que c'était leur donner des idées de travail, etcetera. Puis on envoyait un éducateur pour les aider. Donc c'était ce travail très individualisé dans toute la conception de ce qu'on faisait qui était intéressant. Voilà le tribunal. J'espère que j'en ai assez dit.
I : Ben oui. Benh comme vous avez fait des choses différentes.
C : Toi t'as suivi un peu le questionnaire, ça allait un peu dans l'ordre quand même, non? Ou bien on a pas répondu à toutes vos questions?
I : Il y a juste en fait une dernière pour reprendre un peu par rapport à ça. Pour vous, aujourd'hui y a-t-il encore des choses pour lesquelles il faudrait lutter pour les enfants dans ce droit, des choses où il faut continuer d'agir?
JP : Je crois qu'on a pris la bonne direction dans l'individualisation, dans le soutien. Je pense que c'est la bonne direction, je ne pense pas que ça va changer. Peut-être qu'il faut quand même dire, mais ça c'est une question de société, c'est très difficile à dire, limiter quand même, faudrait qu'on ait une société plus adaptée aux jeunes, je sais pas très bien, mais il y a de plus en plus de jeunes qui doivent consulter chez les psychiatres ou psychologues. Puis ça c'est un phénomène de société. C'est la société qui n'est plus tellement épanouissante pour les individus.
I : Oui, il y a une forte pression
JP : Oui, beaucoup de pression et puis, beaucoup de concurrences.
C : l'angoisse de la profession. Avant on choisissait un métier pour toute la vie. Maintenant même si on fait des études ou pas d'études, un apprentissage, on a de la peine à trouver un métier donc et ça ne durera jamais toute la vie, alors qu'autrefois oui.
I : C'est la tendance qui est différente, ouais.
C : Alors l'angoisse de l'avenir. Il y a même des jeunes qui se disent comment je vais gérer ma retraite s'il n' y a plus d'AVS, etcetera. Il y a une angoisse professionnelle. Il y a le tout tout de suite. Mon copain a un natel, une télévision, une voiture a 18 ans etcetera. Comment moi je vais me payer ça? A viser tout de suite son petit studio pour ne pas être chez ses parents. Il y a une concurrence là, il y a quelque chose.
JP : Il y a un équilibre à trouver entre l'individualisation et puis quand-même les contraintes de la vie en société, dans une société telle qu'elle est. Je pense que là, il y a un équilibre à trouver. On ne peut pas aller que dans la direction le sens de l'enfant à mon avis parce que... Ah oui, une des valeurs auxquelles moi j'crois enfin que nous croyons beaucoup c'est que l'enfant et l'adolescent ont besoin de structure. Et c'est angoissant de ne pas avoir de structure. Alors il y a beaucoup de parents qui ne donnent plus de structure maintenant, même avant, même à notre époque. Donner un structure, oui mais la donner d'une manière très, comment dirais-je, très attentionnée. Faut pas la structure pour la structure mais je pense que beaucoup de jeunes étaient angoissés, ils n'avaient pas de structure et c'est ça qui les angoissait un peu.
C : Il n'y a plus le sens de l'autorité. A notre époque, il y avait quand même quand l'éducateur avait dit qu'il faut faire comme ci, ils faisaient comme ça, évidemment pas toujours mais enfin. Ils respectaient la parole des adultes, peut-être plus que maintenant. Quand je vois, on peut vous dire on a dix petits enfants donc on suit de très près leur évolution. Alors on voit comment les enfants parlent à leurs parents, c'est (pause) faut s'habituer quoi. C'est pas fondamental parce qu'ils adorent leurs parents mais il y a une liberté maintenant de parole pour tout le monde. Il n'y a qu'à voir en classe les professeurs, c'est un métier épouvantable maintenant, en tant qu'instituteurs, professeurs parce qu'ils se chahutent, ils répondent. Les professeurs qui dépriment, qui quittent le métier parce qu'ils ne tiennent pas leur classe.
I : Ouais ouais c'est très difficile.
C : Alors qu'autrefois même les classes de difficiles on avait un instituteur einh, on entendait voler une mouche dans la classe, tu te rappelles?
I : Et puis les parents allaient beaucoup plus dans le sens du professeur que maintenant. Maintenant c'est aussi difficile.
JP : Ah ben on a un ptit fils qui est arbitre de football et qui se faisait agresser par les parents quand il sifflait parce que leur enfant avait fait une faute.
C : Il avait 16 ans et il s'occupait des petits de 10-12 ans. Un se faisait sortir parce qu'il avait fait une faute et c'est les parents qui venaient dire tu t'es trompé. On donnait à un enfant une gifle à l'école, il revient à la maison en disant la maîtresse m'a donné une gifle. "Ah tu mérites une gifle eh ben t'en auras une de ma part." Mais maintenant ils vont voir l'avocat. C'est pas mieux c'est pas mieux mais enfin.
I : Du coup c'est l'exemple des parents par la suite qui est donné aux enfants. Et puis les enfants ils suivent le chemin qui n'est pas forcément un chemin de respect.
JP : A Serix on avait un instituteur pour la classe des grands. Il avait un caractère épouvantable et il était très sévère, très strict mais il avait un intérêt pour les jeunes. Il avait des adolescents. Et les garçons l'aimaient beaucoup. Il fallait voir ça einh. Ca ne discutait pas. C'était l'autorité (poing sur la table), ouais ouais. Et ils allaient volontiers passer la soirée chez cet instituteur qui les invitait chez lui de temps en temps pour faire une soirée.
I : Voilà parce que en fait il mettait un cadre très strict mais en même temps les jeunes sentaient qu'il les appréciait.
JP : Voilà alors il faut un cadre mais un cadre valorisant et une manière d'imposer ce cadre valorisante et pas le cadre pour le cadre. C'est toujours difficile et bien sûr il y en a qui ne supporte pas le cadre, etcetera.
C : Encore un aspect sur le tribunal. Quand on dit souvent il y a beaucoup plus de délinquance qu'autrefois, etcetera. Eh ben mon mari a toujours dit dans ces 20-30 ans de tribunal, c'est pas la délinquance qui augmente c'est qu'on s'en occupe plus, ou on en parle plus. Mais dans le fond ca commence peut-être plus jeune, évidemment ils se droguent peut-être à douze ans ce qui n'était pas le cas avant.
JP : Oui alors le phénomène qui est objectif c'est que les délits graves se font de plus en plus tôt. Ca c'est une évolution qu'on a constatée. Et puis que les filles qui étaient extrêmement minoritaires au début, elles commencent à commettre les mêmes délits que les garçons. Voilà c'est les deux tendances. Le nombre de filles a augmenté mais d'une manière générale les statistiques n'ont pas vraiment démontré qu'il y avait une explosion de la délinquance juvénile et c'est encore contesté maintenant parce que les anciens collègues que je vois, Jean Zermatten et d'autres et on en discute et ils disent ça n'a pas augmenté. C'est toujours difficile de savoir comme on augmente les effectifs de la police, si c'est la police qui (xxx) le plus , si c'est les gens qui se plaignent plus parce qu'ils ont un degré de tolérance qui diminue ou qui augmente suivant de quel point de vue on se place ou si vraiment, parce qu'il y a quand même des tas de délits qui n'étaient pas découverts et peut-être qu'on les découvre mieux maintenant. Effectivement mais la délinquance en soit elle n'a pas augmenté.
I : C'est que là on en parle beaucoup plus qu'avant, c'est plus repéré, c'est dans les journaux, c'est partout donc on a l'impression qu'il y en a plus.
JP : C'est peut-être qu'on en parle plus, qu'il y a plus de publicité. (pause) Par contre à Espérance, il y a une chose, une tendance que j'ai remarquée
I : Espérance c'est déjà où?
JP : Espérance c'est ma troisième, là où j'étais président du conseil de fondation et puis je me suis beaucoup préoccupé, j'ai été aux colloques de (xxx), j'ai été voir ce qui se passait sur place, j'étais pas simplement tout en haut en train de regarder ça de loin. Alors il y a une tendance très nette à renforcer l'administration et ça c'est général à tel point que dans certaines institutions on nomme des directeurs administrateurs et pas éducateurs. Alors moi je suis opposé à cette évolution. Je pense qu'il faut vraiment à la tête des bons éducateurs qui connaissent le métier, qui connaissent ce que font les collaborateurs, qui connaissent la problématique des pensionnaires, des résidents ou des personnes handicapées, ou des délinquants; d'abord ça. Mais bon!
I : C'est la tendance aussi justement de considérer une institution comme une petite entreprise.
JP : Absolument mais c'est la pression des finances, des contrôles. Puis vous savez que la confédération chez nous s'est désengagée pour la prise en charge des personnes handicapées pour remettre ça aux cantons. Alors les gens de Berne ils venaient une fois par année, ils regardaient ça plus ou moins bien. Tandis que le canton qui reprend ça, surtout avec des euh je fais pas de politique mais enfin, avec des conseillers d'états socialistes, ils ont plus tendance à se préoccuper de ce qui se passe alors il y a des directives. Et puis ils ne donnent pas l'argent si on ne répond pas aux exigences qu'ils demandent.
C : Si ça vous amuse pour l'anecdote, on a un ami éducateur qui a écrit l'histoire de la colonie agricole de Serix de 1862, la date de sa création.
JP : C'est un peu romancé.
C : Oui ce sont des anecdotes. C'est à dire qu'il a nommé les directeurs mais évidemment que les noms des élèves il a mis des faux noms évidemment. Ce monsieur habite toujours à Palézieux d'ailleurs. Il nous avait demandé quelques photos et quelques anecdotes.
JP : C'est lui qui cite votre prof. (Il lit): Martine Ruchat, docteure en Sciences de l'Education à l'université de Genève retrace grâce aux archives des origines d'éducation spécialisée de 1850 à 1913 dans un ouvrage intitulé l'oiseau et le cachot.
I : C'est qui qui a écrit?
C : Roger Cachin c'est un éducateur à la retraite qui a longtemps travaillé comme maître d'atelier à Serix. Et sa femme avait repris la lingerie après, non?
JP : Oui, oui. (pause) Alors Je ne crois pas que ça va évoluer, qu'on va revenir en arrière, non j'ai pas l'impression. Mais heureusement d'ailleurs. Bon ben les contraintes sont différentes maintenant. Tout change, etcetera. Ben c'est à dire qu'on revient quand-même un peu en arrière dans la sévérité, dans la rigidité einh, parce que le monde des adultes, ils deviennent un peu angoissés devant la mondialisation. Ils ont tendance à se replier. Les mouvements de droite, de rigidité se développent un peu, en Autriche, chez nous, partout. Alors est-ce qu'il y aura un retour en arrière? Je ne sais pas mais j'ai pas l'impression.
I : Moi j'ai une question à vous poser qui n'a rien à voir, enfin si qui a à voir mais plutôt personnel. Est-ce qu'il y a un parcours d'un jeune qui a croisé votre chemin qui vous a marqué, je ne sais pas qui vous a surpris par la suite?
JP : Oui alors on a eu un jeune qui a très mal fini. Il a dû rentrer dans une bande, je ne sais pas exactement les circonstances. Mais il était venu me voir, bien après, quand il était adulte. Puis, je lui avais donné une certaine aide et il a fini par se faire tuer, par un gang j'entends. Il a trempé dans un truc dont il ne m'avait pas parlé et j'ai su par sa soeur que (pause). Ouais celui-là il avait mal tourné. Puis il y a un autre dont on s'est beaucoup occupé, il était écorché vif. Il téléphonait à sa mère, sa mère lui bouclait le téléphone au nez. Il n' avait pas de père. Alors bon on l'a beaucoup pris chez nous, on s'en est beaucoup occupé mais je ne l'ai pas revu je ne sais pas ce qu'il est devenu.
C : Par contre, une fois, on mangeait des filets de perches et il y a un type qui est venu nous voir: "Monsieur Audéoud, Madame Audéoud", alors monsieur, père de famille. "Je suis untel, j'étais votre élève à Serix et j'y garde un bon souvenir". On a parlé 10 minutes Et c'est lui qui est venu spontanément vers nous et qui nous avait reconnu. Mais c'est vrai qu'on a pas gardé de relations d'amitié à franchement parler avec un qu'on aurait suivi. Ah si on avait été invité au mariage de l'un d'eux j'crois. Mais c'est tout on a pas eu de suite.
JP : Alors j'en ai vu un dans une réunion, un inauguration où les gens buvaient des verres. Un type qui parlait avec un grand journaliste et il avait été à Serix. Son père nous l'avait amené. Un type d'un certain niveau social. Et puis on lui montrait les bâtiments en lui expliquant on est navré mais bon.. Oh vous savez ces jeunes il faut les einh! Ca n'a aucune espèce d'importance, c'est très bien, voilà! Et j'ai revu ce garçon qui a très bien évolué et il m'a reconnu et puis on a discuté un moment. Il avait très bien tourné, il était dans le journalisme, il était tout copain avec Jacques Poget, qui est un ancien rédacteur en chef de 24 heures et avec Pilet aussi. (pause) Puis un autre qui est devenu platrier peintre, qui avait son entreprise. On a eu des relations avec lui pour finir on l'a perdu de vue.
C : Alors moi je m'occupais de l'intendance mais aussi de la lingerie parce que chaque enfant avait son trousseau personnel, les habits d'hiver les habits d'été. Alors deux fois par an, j'allais voir la lingère. Alors lui il lui faut tant de chaussettes, lui il lui faut un pantalon d'été ou un pantalon de ski et j'allais à tour de rôle avec chaque élève dans le grand magasin d'habits à Oron pour acheter avec lui ce qui lui plaît quand même. Pas trop cher parce que j'avais un budget mais deux fois par an on revoyait le budget pour les habiller. Et puis mon troisième département c'était la santé des élèves. Alors quand un élève était malade, l'éducateur venait me voir et on décidait ensemble s'il fallait aller voir le médecin ou si je pouvais le soigner. Alors j'avais une pharmacie pleine de flacons de 1000, 100 ou 500 comprimés en vrac comme ça dans un gros bocal puis j'allais distribuer mes ptites pilules (rires).
JP : Ca à l'air de rien mais ils étaient sensibles à ça. Savoir à qui il pouvait s'adresser en cas de problème, etcetera. Mais c'était revendiqué par les éducateurs qui trouvaient que c'était pas à la directrice de faire ça: c'était à eux, etcetera. Ca a évolué après. L'éducateur prenait l'entier en charge y compris ce genre de choses. Pour ceux qui n'avaient pas de parents, sinon c'était les parents qui devaient s'en occuper.
I : Mais ils restaient longtemps dans le foyer les enfants?
JP : A Serix, une année, deux ans, quelque chose comme ça. Est-ce qu'il y en a qui sont resté trois ans?
C : Il fallait bien compter deux, trois ans, moi j'pense. Ou que ça tourne encore plus mal ou que ça aille beaucoup mieux. Mais s'il n'y avait pas de changement c'était en tous cas plusieurs années.
JP : Mais en somme, non, je n'ai pas, on a pas eu de relations vraiment très très suivie.
C : C'est un peu frustrant, je dois dire quand on donne beaucoup à ces enfants au détriment des nôtres forcément, faut le dire. Quand ils s'en vont, ils tournent la page et on existe plus. On s'dit c'est notre métier voilà mais on ferme pas un dossier quand on quitte un élève einh.
I : Ca s'est sûr et puis on s'attache aussi, j'imagine à ces enfants.
JP : Oui ça c'est sûr. (pause) Enfin à Serix on était très fier d'organiser des bonnes vacances, des bons travaux manuels et puis maintenant c'est individualisé, ils vont à leur club à l'extérieur etcetera. Vous voyez ce changement est quand-même important.
C : On a commencé dans les dernières années où on était à envoyer des élèves à l'école officielle. Quand vraiment ça allait bien, au lieu de rester dans la classe spécialisée, ils allaient à l'école avec ceux du village.
I : Ils étaient intégrés un ptit peu. On parle beaucoup d'intégration aujourd'hui.
C : Oui c'était déjà un retour à la normalisation. Ils étaient moins catalogués "ceux de la colonie " comme on disait avant.
JP : Enfin toutes ces évolutions, tous ces changements c'était du travail d'équipe. C'était en équipe que les choses se faisaient et évoluaient.
C : Mais je trouve que le virage le plus important à Serix, c'est quand mon mari a emmené son équipe d'éducateurs à Dijon pour faire ces trois jours de training group avec (xxx) qui était un psychothérapeute. Alors quand ils sont revenus, j'ai vraiment vu un changement radical moi qui l'avait pas vécu avec eux dans la tournure d'esprit dans l'état d'esprit, dans l'écoute, la compréhension si on veut utiliser les mots modernes. Alors radicalement.
JP : Puis les associations professionnelles ont fait beaucoup einh. Nous on se voyait régulièrement même entre juges. On se voyait régulièrement juges romands et puis il y a une association suisse des juges des mineurs où on discute des cas où on discute de la manière d'on t'en s'y prend, etcetera.
C : Mais mon mari est trop modeste pour le dire mais c'est lui qui a été l'un des membres fondateurs de l'association des directeurs aussi. Ils étaient six, huit de Romandie. Il y avait Genève, Fribourg, Neuchâtel. Moi je faisais la connaissance des épouses des directeurs. Chaque épouse de directeur faisant un peu le bouche trou. Il y en a une qui était infirmière, l'autre qui était secrétaire. Chacune faisait son boulot car on était tous payé comme couple-directeur. Alors on avait fait des séminaires de femmes de directeurs avec une psychologue aussi pour essayer de comprendre notre rôle qui n'était pas officiel mais qui était indispensable mais qui n'était pas reconnu. Alors on avait fait tout un travail là de groupe avec Nanon (xxx) qui était assez connue à l'époque.
JP : Mais les juges vous savez ils sont imbus de leur pouvoir et puis on discute volontiers mais on retourne et on fait exactement comme on veut. Enfin il y a des échanges qui nous marquent, qui nous changent avec les collègues mais malgré tout les juges sont très indépendants d'esprit.
I : Ben voilà, il y a d'autres choses que vous avez envie de partager?
JP : Ca dépend, c'est à vous de voir si vous avez encore des questions. (coupure magnéto)