De la violence conjugale à la violence parentale
Résumé de Bretonnière-Fraysse et al. (2001).De la violence conjugale à la violence parentale”,(2001). Eres
Cet ouvrage fait suite à un colloque qui a eu lieu à Paris le 16juin 2000, les auteurs sont nombreux et de professions diverses.
Remarque personnelle Ce livre positionne clairement les femmes en tant que victimes et les hommes comme agresseurs, sans nuances. Voici une citation du début du livre : “ On le sait, la violence conjugale a toujours existé; on le sait aussi: les victimes en sont les femmes et les auteurs, les hommes. Mais elle demeure encore cachée, honteuse, secrète. “
Les auteurs répètent que la violence conjugale n'est pas une affaire privée, mais de par les conséquences qu'elle entraîne, un problème social et de santé publique.
CH. 1 Violences contre les femmes, regard sur le passé
(Yvonne Kniebiehler)
L'auteur souligne les origines anthropologiques de la violence: la femelle humaine n'a pas de période de rut, elle est disponible tout le temps, mais peut par contre refuser la relation sexuelle. Elle perd du sang chaque mois, ce qui n'est pas anodin dans les représentations. Autre caractéristique de l'espèce humaine: le nouveau-né nécessite des soins constants et durables, tâche de la femme, qui possède l'exclusivité de l'enfantement. Selon plusieurs auteurs, c'est ce mystère féminin qui engendre chez l'homme frustration et désir de contrôle.
La violence est inhérente à l'être humain. La maltraitance envers les femmes et les enfants a toujours existé, mais les causes et les formes de violence changent à travers les époques. L'auteur appelle ces différences les “variables” et recommande leur étude afin de comprendre ce qui motive “toujours et partout” la violence masculine envers les femmes.
L'auteur commence son rappel historique par l'Antiquité, relevant que la mythologie grecque et romaine célèbre la violence faite aux femmes. (viols, rapts, mariages forcés ) D'ailleurs, dans ces récits, les femmes finissent par être satisfaites de leur sort... Les crimes féminins sont également présents, mais toujours comme riposte à des violences subies et sont dénoncés fortement par les textes grecs et latins, à l'opposé des violences masculines, jugées légitimes et nécessaires.
Sous l'Ancien Régime Le christianisme amène une évolution au niveau symbolique: l'homme et la femme sont égaux, tout deux créés à l'image de Dieu; la reproduction biologique n'est plus une priorité , et le mariage chrétien est défini comme l'engagment libre des deux époux.
De la fin du XVe à la fin du XVIIe la chasse aux sorcières bat son plein en Occident. Les juges de l'Inquisition relèvent l'infériorité féminine en partant du personnage d'Eve. Celle-ci ne serait non pas l'égale d'Adam mais sa seconde, créée de sa côte, os courbe ne pouvant donner qu'un esprit retors. La femme est du côté du corps pécheur, de la passion irraisonnée. L'Inquisition fait brûler toutes celles qui possèdent des savoirs énigmatiques, des guérisseuses aux prostituées. Pour l'auteur “ une culture masculine savante affronte et supplante une culture féminine traditionnelle pétrie d'empirisme et de magie. “ Mme Yvonne Kniebiehler définit également des facteurs sociaux de la violence à cette époque. Le patrimoine étant la valeur suprême, pour le préserver les filles étaient utilisées comme des “instruments au service du lignage”. Dot , mariage forcé très jeune, ou couvent, tel était leur destin. Les médecins des Lumières, préoccupés par la haute mortalité enfantine, dénonçèrent les violences exercées envers les épouses enceintes, allant des coups au refus d'octroyer de la nourriture. Pourtant l'un de ces médecins, Capuron, déclara en 1821 qu'on ne peut pas mettre devant la justice un mari violent, car “l'on est pas toujours maître de ses nerfs, et les femmes sont parfois insupportables”! Le viol conjugal n'existait pas, puisque la femme était considérée de toute façon consentante. Mme Kniebiehler prend également pour exemple les pièces de Molière, dans lesquelles se sont les plaintes et récriminations des femmes qui provoquent la violence de l'homme. La parole des femmes est ainsi considérée comme une “arme redoutée”.
La société des Droits de l'Homme:milieu XVIII e à milieu XX e
L'amour maternel devient une valeur de civilisation (Rousseau), on prend soin du corps de la femme, une “ médecine des femmes et des enfants” est même créée. Le versant négatif de cet intérêt médical pour la femme, est de créer une dichotomie complète entre l'homme et la femme. Celle-ci est souffrante et faible. Ces considérations s'étendent à l'attribution de traits de caractère: de par leur sensibilité, les femmes seraient incapables de concentration. La conséquence de ces conclusions, tout comme l'amalgame entre la femme et la mère, conduit à n'attribuer aux femmes qu'un rôle domestique sous surveillance du pater familias.
Les récents Droits de l'Homme ignorent les droits politiques et parfois civils pour les femmes. Des responsables politiques blâment la violence des femmes qui assistent aux exécutions durant la Terreur. Cela peut être interprété comme un moyen de les disqualifier, de leur refuser un droit de participation. Le code de Napoléon redonne aux hommes toutes les prérogatives en 1804. Celui-ci interdit par exemple la recherche en paternité. Ainsi émerge la probématique des filles-mères, souvent victimes de viols, et rejetées par la société. Les plaintes pour viol sont mal reçues au tribunal, ainsi cet exemple révélateur. “Le juge demande à la plaignante d'enfiler une aiguille, puis lui tape sur la main, et conclut: “ Si tu t'étais un peu débattue, il n'aurait pas pu t'enfiler!”. Le mouvement féministe émerge doucement au cours du XIXe .
Le sujet femme De nouvelles formes de domination masculine apparaissent, et l'auteur considère le pouvori médical comme l'une d'elles. L'exemple de la gynécologie, de la problématique de l'avortement et de la procréation assistée sont pris pour exemple. En 1976 pour la première fois le viol de femmes adultes est condamné par la justice. De nouvelles barbaries sont néanmoins toujours inventées, telles que le viol systématique comme arme de guerre, comme nettoyage ethnique.
== CH.2 “Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants...” Et après? == (Bretonnière-Fraysse)
L'auteur présente une vision de psychanalyste sur la violence conjugale. Elle part des contes de fées, à partir desquels ont été baptisés certains syndromes. Mme Bretonnière-Fraysse relève que l'histoire s'arrête toujours au moment du mariage des héros. La vision du couple durable n'est guère joyeuse, souvent représentée dans les contes par des parents faibles, injustes ou pervers. De la violence conjugale à la violence parentale Il est nécessaire de comprendre le fonctionnement amoureux et conjugal afin d'apréhender les processus familiaux tels que la violence conjugale. Pour la psychanalyse, le choix d'objet d'amour permet de satisfaire ses besoins infantiles (tendresse, protection, etc.). A cela s'ajoute une dynamique plus complexe, par exemple: Une femme choisit un homme qui aime se faire cajoler, pour satisfaire son besoin maternel, mais elle se nie ce besoin, en justifiant son comportement par la demande de son mari. Se représenter sa relation de couple comme un processus rigide et non pas dynamique reflète une “mauvaise santé psychique du couple”.
MmeBretonnière-Fraysse distingue les couples fusionnels et les couples narcissiques. Dans les premiers, l'enfant à naître est vu comme perturbateur, et dans ce type de couple c'est au moment de l'annonce de la première grossesse qu'apparaissent principalement les violences conjugales.Selon l'auteur, fréquemment ce type de couple est composé d'un membre “maternant” et de l'autre “infantilisé”. Bien que tous deux aient construit cette relation implicite, le “nourrisson” peut en venir à haïr sa “mère” qui ne peut répondre à tous ses besoins, et celle-ci finir par se révolter par tant d'ingratitude. Le couple narcissique peut avoir pour adage “s'affronter pour exister”, ou alors, selon l'auteur, s'organiser autour du mode sadique-anal. Il existe une confusion entre jouissance et violence, qui prend sa source dans l'enfance, lorsqu'un parent a répondu sur le mode sexuel ou violent à une demande de tendresse ou de protection. “le désir devient alors un danger et la violence conjugale est chargée de soulager le sujet de son angoisse.”et “Il faut que l'un domine et que l'autre se soumette pour qu'ils soient assurés de ne plus faire qu'un tout en étant deux”.
CH. 3 Violences pendant la grossesse, violences après la naissance
(Marie Desurmont, médecin légiste et pédiatre)
L'auteur commence par annoncer que le concept de violence conjugale évolue, dans le sens d'un élargissement. Elle rappelle qu'une femme a plus de risque d'être battue, violée, blessée, par un partenaire intime actuel ou passé, que par quelqu'un d'extérieur. Elle relativise les divergences entre les différentes études épidémiologiques sur la question, car elles partent de définitions différentes de la violence. Des exemples de violence psychologique sont par ailleurs donnés: jalousie, violence verbale, contrôle (de la contraception, du passeport, du temps libre) Tout comme de précédents auteurs, Mme Desurmont considère la grossesse comme une période de plus grande prévalence de violence conjugale, tout comme lors de la séparation. En tant que médecin légiste, l'auteur fait part de sa révolte quant aux réponses judiciaires. Par exemple, au niveau des statistiques de la police, les cas de violence conjugale ne sont pas séparés, mais classés selon le délit sous, “coups et blessures volontaires” ou “violence sexuelle” par exemple. Marie Desurmont préconise également un dépistage de la violence conjugale grâce à des questions systématiques aux consultations gynécologiques ou chez le généraliste. Il en va de la santé physique et psychique de ces femmes, et de celles de leurs enfants. En effet, une femme battue présente plus de risque de maltraiter son enfant, notamment par négligence. Celui-ci est par ailleurs souvent également victime de violences ou témoin des conflits parentaux.