De l'enfance en danger à l'enfant maltraité ou l'intrusion progressive de l'Etat dans les familles du XIXème siècle à nos jours

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Par Ana De Oliveira, Lucie Mutondo, Marianne Zogmal et Katia Vanderlinden

Introduction

Les enfants sont aujourd’hui considérés comme des sujets de droits même s’ils ne peuvent les défendre par eux-mêmes ; c’est pourquoi des adultes veillent à le faire à leur place pour s’assurer de leurs droits. Les différents acteurs, avec différentes légitimités, interviennent aujourd’hui pour protéger les enfants contre la maltraitance.

En effet, l’enfant et sa protection sont un enjeu entre plusieurs acteurs. Pour les enfants d’âge préscolaire, ce sont en premier lieu les parents qui en assurent la protection. Cependant, selon la situation, les parents, le personnel éducatif, les pédiatres, le Service de Santé, la Protection de la Jeunesse et le pouvoir judiciaire peuvent chercher à intervenir afin de protéger un enfant.

Cela dit, ce sont les médecins qui se sont intéressés en premier à la problématique de la maltraitance. Les traces visibles laissées par la maltraitance physique sur le corps des enfants ont attiré leur attention. Par l’action du corps médical, la maltraitance devient un domaine prioritaire de la santé publique. En 1999, l’OMS reprend pour la première fois la problématique de la maltraitance.

Un problème social et éthique devient ainsi un problème de santé, donc médical voire même étatique. Le pouvoir judiciaire est ainsi écarté et ne lui sont transmis que les cas les plus graves. La dénonciation à la justice est utilisé comme « levier pour l’adhésion des parents » (séminaire SSJ du 17/05/2006). Cependant, le pouvoir judiciaire a également de plus en plus à se prononcer sur les affaires de famille. Lors de la conférence de presse annuelle du pouvoir judiciaire, le procureur général indique qu’entre 2004 et 2005 « les affaires dans lesquelles des parents sont accusés d’avoir violé leur devoir d’assistance ou d’éducation et d’avoir ainsi mis en danger le développement physique ou psychique de leur enfant ont augmenté de 119% en 1 an ! » (Tribune de Genève, 13/04/2006). En ce qui concerne les cas dénoncés par le service de la Protection de la Jeunesse, le pouvoir judiciaire classe 80% des cas parce qu’ils seraient signalés trop tardivement pour encore pouvoir assurer une instruction judiciaire adéquate (séminaire SSJ 17/05/2006).

Dans la lutte contre la maltraitance, chaque acteur a sa légitimité propre, ses visées propres, et ainsi l’enfant peut se trouver l’enjeu d’une question sociale qui le dépasse. Qui est légitimé d’évaluer si l’enfant est maltraité ? Qui définit l’intervention à mettre en place ? Comment la prise en charge de la maltraitance s’institutionnalise-t-elle ? Quelles en sont les origines ?

A travers la littérature, nous allons tenter de répondre à ces questions. Dans un premier temps, nous présenterons quelques repères historiques afin de comprendre quels ont été les éléments qui ont permis l’apparition du concept de maltraitance infantile (aussi bien le contexte social de l’époque, que les moyens mis en œuvre). Puis, nous présenterons la maltraitance infantile telle quelle est actuellement définie. Par la suite, il s’agira d’introduire les différents acteurs au fil du temps, ainsi que leurs contributions respectives. Enfin, nous présenteront les différentes lois qui ont été promulguées entre le 19ème et le 21ème siècle. Il s’agira de démontrer de quelle manière les institutions se sont développées sous le regard de l’Etat ; Etat qui est détenteur de normes. Nous allons donc mettre en évidence de quelle manière l’Etat, sous ces différents aspects (DIP, SSJ…) intervient dans l’intimité des familles.

Problématique

Ayant fait le constat de l’envergure des campagnes publicitaires organisées autour de la maltraitance infantile, nous avons cherché à comprendre le « pourquoi » de l’ampleur de ce phénomène. A partir de là, nous nous sommes posées les questions suivantes : d’où émerge cette préoccupation autour de la notion de l’enfance maltraitée ? Quelle est l’instance publique qui fédère les différents acteurs autour de la protection de l’enfance ? Qui détermine les limites de la maltraitance infantile ainsi que les mesures à entreprendre ? A partir du protocole de Santé Jeunesse, quelles sont les structures mises en place pour traiter de l’enfant maltraité ?

Le souci vis à vis de la maltraitance qui remonte aux années 90 n’est-il pas le continuum de l’enfance en danger de la fin du XIXème siècle ?

Méthodologie

-L’analyse de contenu -Documents officiels : La Convention des Droits de l’Enfant et le Protocole du Service Santé Jeunesse.

Pour conduire notre recherche, nous avons choisi d’opérer une analyse de contenu sur la littérature scientifique, les documents officiels ainsi que les articles tirés d’Internet. Le choix de cette méthode est motivé par notre problématique qui s’interroge principalement sur le « pourquoi » de l’ampleur concédée au phénomène de l’enfance maltraitée. En effet, devoir traiter de la maltraitance infantile par le biais de son histoire nous amène forcément aux recensions faites sur le sujet. Ainsi donc, nous avons effectué une recherche bibliographique des ouvrages traitant de la question. A partir de là, nous avons choisi de traiter le problème selon les quatre questions de recherche que nous nous sommes posés. La revue de la littérature scientifique nous a permis d’enrichir, par l’analyse de contenu, la réflexion critique portée sur la problématique de la maltraitance infantile et de soutenir notre argumentation.

Revue de la littérature

Dans un premier temps, afin de nous imprégner du sujet, nous avons repris la bibliographie du Rapport rédigé par F. Schulteis, A. Frauenfelder & C. Delay « La maltraitance envers les enfants : entre consensus moral, fausses évidences et enjeux sociaux ignorés, Analyse sociologique des transformations du rapport social à l’enfance dans le canton de Genève (2005). En effet, celle-ci comprenait bon nombre d’ouvrages multidisciplinaires. C’est ainsi que nous avons découvert l’ouvrage de Nelly Delay-Malherbe « Enfance protégée, familles encadrées, matériaux pour une histoire des services officiels de protection de l’enfance à Genève » (1982) qui retraçait l’histoire des services officiels de protection de l’enfance du XIXème siècle à 1937. Pour comprendre l’apparition du problème social qu’est la maltraitance infantile, nous nous sommes basées sur le livre de I. Hacking « Entre science et réalité, la construction de quoi ? » (2001), M.-V. Henriot « Une approche interdisciplinaire de l’intervention dans le domaine de l’enfance maltraitée : le groupe de travail enfance maltraitée » (1996), ainsi que sur l’ouvrage de Kempe « L’enfance torturée » (1978), qui fut le premier à parler de maltraitance dans son article « Le syndrome de l’enfant battu » (1962). Par ailleurs, nous nous sommes basées, sur les cours de Martine Ruchat ainsi que sur un de ses livres « L’oiseau et le cachot » (1993) qui nous a permis de nous donner quelques repères historiques et contextuels tout comme l’ouvrage de P.Vasseur « Protection de l’enfance et cohésion sociale du IVème au XXème siècle ». Par ailleurs, nous avons consulté bon nombre de sites Internet dont celui de l’Office de la Jeunesse (www.ge.ch/OJ).

Repères historiques de la notion de maltraitance: évolution de 1841 à nos jours

Si aujourd’hui la maltraitance infantile est une problématique bien connue de tous dans notre société, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’une notion très récente. En effet, comme le souligne Henriot dans, Une approche interdisciplinaire de l’intervention dans le domaine de l’enfance maltraitée : le groupe de travail « enfance maltraitée » (1996), la prise de conscience récente de la réalité tragique des enfants maltraités est en fait directement liée à l’évolution de la vision de la place de l’enfant dans notre société qui, depuis plusieurs années est devenu l’objet d’une attention plus soutenue, notamment en ce qui concerne sa protection. En effet, c’est à l’approche du 19ème siècle que s’amorce un véritable changement d’attitudes à l’égard des enfants et une véritable évolution dans les soins qu’ils reçoivent se produit. On prend enfin conscience que l’enfant est le citoyen de demain et qu’il faut donc l’éduquer et prendre soin de lui pour qu’il devienne un bon citoyen doté d’une bonne morale. Parallèlement, les notions de d’intimité et de vie privées par rapport à la famille émergent. L’importance des rapports familiaux est de plus en plus soulignée, particulièrement vis-à-vis de l’enfant. Aujourd’hui, l’enfant est plus que jamais la préoccupation centrale de l’adulte. Depuis le 20ème siècle, nous nous efforçons de faire reconnaître les droits de l’enfant dans le monde entier afin que ce denier soit enfin considéré « comme un être à part entière, un sujet de droit et non comme un objet satisfaisant les besoins narcissiques de ses parents, une main d’œuvre ou encore un outil d’étude » ( M.V. Henriot, Une approche interdisciplinaire de l’intervention dans le domaine de l’enfance maltraitée : le groupe de travail « enfance maltraitée »p.9 Genève, 1996) Il parait donc tout à fait intéressant de faire un petit retour en arrière pour comprendre par quels moyens et pour quelles raisons nous en sommes venus à placer l’enfant au centre de toutes nos attentions.

Contexte historique de l’émergence des lois sociales sur la protection des enfants

Replongeons-nous dans la première moitié du 19ème siècle, l’Europe se trouve alors en pleine industrialisation. Le coût de la vie devient de plus en plus élevé ce qui oblige les familles les plus démunies à faire travailler leurs enfants dans des manufactures dès leurs plus jeune âge. C’est dans ces conditions que les philanthropes, qui sont des bourgeois « imprégnés de religion, de morale, ouverts sur le monde qui les entoure par le sentiment naturel de l’humanité »(Vasseur, P. Protection de l’enfance et cohésion sociale du Ive au XXe siècle, L’harmattan, 1999), décident de moraliser les populations « dangereuses » en allant dans les familles pauvres au moyen d’une action assistanale et médico-hygiéniste. Comme le souligne N. Dellay-Malherbe dans Enfance protégée, Familles encadrées (1982), L’une des principales volontés des philanthropes est de soustraire les enfants à l’influence nocive des ateliers et les scolariser ; voyant les manufactures comme des lieux de dépravation, et les manufacturiers ainsi que les parents comme des exploiteurs, voire des esclavagistes. Apparaissent alors les premières lois sociales sur la protection de l’enfance, telles que la loi de 1841 en France sur le travail des enfants. Vers la fin du 19ème siècle, l’Etat prend la place des philanthropes en ce qui concerne la protection des enfants. C’est en 1877, avec quelques années de retard sur la France que naît à Genève la loi sur les fabriques, qui interdit le travail des enfants, et limite à 11 heures la journée des adolescents, école et travail compris.

Quelques années plus tard apparaissent les premières mesures de protection de l’enfance à Genève. Le 18 février 1890, le conseil d’Etat est chargé d’étudier toutes les questions relatives à la protection de l’enfance. Ainsi le 20 mai 1981 voit apparaître la loi sur la puissance paternelle, qui a pour but d’instituer des mesures « …contre les parents, qui, par suite de leur inconduite et de l’oubli de tous leurs devoirs ne sont plus dignes de conserver leurs droits » ( Mémorial du 25 mars 1891, p128).La nouveauté de cette loi réside essentiellement dans l’instauration de la déchéance de la puissance paternelle et dans la limitation du droit de correction . Elle introduit la notion de la protection de l’enfant qui n’existait pas, ou quasiment pas dans le droit civil napoléonien en vigueur à Genève à cette époque. Puis, suivra la loi sur l’enfance abandonnée du 30 mars 1892, qui modifie radicalement le rapport « assistant-assisté » en stipulant que l’Etat a le droit de prendre sous sa protection les enfants matériellement et moralement abandonnée et en créant une commission centrale chargée de l’administration et de la surveillance de l’œuvre protectrice de l’enfant. Dès 1913 la commission officielle de l’enfance abandonnée devient la Commission officielle de la protection des mineurs.

Le 2 juillet 1937, deux lois sont adoptées, l’une créant l’Office de l’enfance, l’autre la Fondation officielle de l’enfance. Le but de l’Office de l’enfance est « …d’assurer la protection et la santé physique et morale de l’enfance et le la jeunesse et d’une façon générale de favoriser son développement. Il coordonne et encourage les efforts de la famille et des institutions publiques et privées ; il aide les autorités judiciaires et administratives dans l’exécution de leur mandat dans ce domaine. »( Mémorial du 2 juillet 1937, pp. 1098). L’office comprend entre autres le service de protection des mineurs chargé de la surveillance générale des mineurs et le service de tuteur général. La fondation officielle a quant à elle pour but « …d’assurer l’hospitalisation d’enfants, tout spécialement de ceux qui, pour des raisons d’ordre éducatif (troubles du caractère, milieu déficient, indigne ou mal approprié) ne peuvent être élevés dans leur famille » ( Mémorial du 2 juillet 1937, p1102).

C’est dans les années 60 qu’apparaitra enfin le concept de maltraitance infantile, ce ne sera que dans les années 70 que le problème sera soulevé en Suisse romande. C’est en 1982 qu’est fondé l’Association Suisse de Protection de l’Enfant (ASPE). En 1988 le Département fédéral de l’Intérieur institue un groupe de travail ayant la mission d’élaborer un rapport renseignant sur les genres de mauvais traitements infligés aux enfants et sur l’ampleur du phénomène en Suisse, exposant et analysant les causes de ces mauvais traitements et proposant des mesures propres à y mettre fin. C’est en 1989 que sera ratifiée la convention de droits de l’enfant. Toutes ces lois seront reprises plus en détail dans le chapitre "l'Etat comme garant des politiques sociales dans la protection de l'enfance: les lois et leurs visées normatives".

La découverte lente et progressive de la problématique de la maltraitance infantile

Pour reprendre les mots de M. V. Henriot dans Une approche interdisciplinaire de l’intervention dans le domaine de l’enfance maltraitée : le groupe de travail « enfance maltraitée » Genève, 1996, Il serait faux de penser que les mauvais traitements à l’encontre des enfants sont une problématique récente, issue de notre époque contemporaine et de la civilisation industrielle. Maltraiter un enfant n’est de toute évidence pas un phénomène nouveau. La nouveauté ne réside que dans la problématisation du phénomène, dans la conscience qui en est prise au cours de ces dernières décennies, grâce à la reconnaissance de la personnalité de l’enfant et des droits qui y sont attachés. Comme le dit très bien Kempe, « Il a fallu que s’opèrent un certain nombre de changements au niveau de la sensibilité et du mode de penser pour que ce fait (les mauvais traitements) soit considéré comme une véritable maladie sociale (Kempe, C.H. et Kempe, R.S. (1978), L’enfance torturée. Bruxelles : Editions Mardaga, p.11).

C’est en France, en 1860, que pour la première fois est utilisées la notion de « sévices à l’encontre des enfants ». C’est le docteur Ambroise Tardieu, professeur e médecine légale à Paris, qui fait la première description clinique des lésions présentées par des enfants maltraités. Plus tard, en 1874 à new York, le cas de la petite Marie-Ellen à peine âgée de neuf ans, victime de la brutalité de ses parents adoptif, fera naître aux états aux Etats-Unis la toute première « Société pour la prévention de la cruauté envers les enfants ». Cependant, il faut préciser qu’en l’absence de toute organisation pour la protection des enfants, c’est la Société de prévention de la cruauté envers les animaux qui pris en charge le cas de la fillette afin de la retirer à ses parents adoptifs. Néanmoins, les sociétés ne sont pas encore conscientes de l’ampleur des mauvais traitements subis par les enfants. Il faudra attendre 1939 pour qu’un tournant s’amorce enfin dans les mentalités. En effet, aux Etats-Unis le Dr. Ingraham déclare que l’origine des hématomes sous-duraux du nourrisson pourrait être la conséquence d’un traumatisme autre qu’une chute. Pourtant ce ne sera qu’en 1961 qu’apparaitra enfin « la maltraitance infantile » à Denver aux Etats-Unis. C’est Henry Kempe, professeur en pédiatrie qui attire l’attention sur les blessures infligées de façon répétée à des petits enfants. Puis avec la collaboration d’autres médecins il publie un article intitulé « Le syndrome de l’enfant battu », un nouveau fléau qui englobe la cruauté envers les enfants. A partir de là les publications et les recherches se multiplient ce qui permet rapidement de faire connaitre le problème dans le monde anglo-saxon et en Europe, permettant ainsi la création de nombreux programmes de protection.

La notion de maltraitance infantile

Comme nous avons pu le voir précédemment, il n'a pas toujours été possible de mettre des mots sur la problématique que représente l'enfance maltraité; soit par déni, soit par le fait que la problématique enfance maltraité représente bien trop de choses à la fois. D'autre part, chaque société choisit ses propres critères pour définir les actes qui constitueraient des violences envers les enfants. Une définition universelle est donc difficiles à donner et il faudrait d'ailleurs la réviser au fur et à mesure de l'évolution de notre compréhension du phénomène.

Pourtant, le rapport fédéral "Enfance maltraitée en Suisse" définit aujourd'hui la maltraitance infantile comme "les effets d'interactions violentes et/ou entre des personnes (parents, substituts parentaux, tiers), des institutions, des structures sociales, et des mineurs, générant des atteintes à la santé physique et psychique, des arrêts de développemenet, des invalidités et parfois la mort. Ils recouvrent aussi toutes les formes d'exploitation sexuelle des enfants par les adultes"(1992).

De plus, d'après Henriot (1996), nous pouvons dresser quatre catégories de mauvais traitement actuellement reconnus:

1)La maltraitance physique

2)Les négligences et carences d'apports physiquesm psychologiques et socio-affectifs

3)Les abus sexuels

4)Les mauvais traitements psychologiques

La maltraitance physique est la forme la plus directe et la plus visible des mauvais traitements. La violence corporelle est une action néfaste pour l'enfant, pouvant causer de multiples lésions internes et/ou blessures externes pouvant même provoquer la mort. Les sévices sont multiples et varient selon le degré de gravité: coups donnés avec la main, les poings ou un instrument, mais aussi immersions dans l'eau glacée ou brûlante, étouffements, contorsions des membres, etc. Il résulte de ces sévices diverses lésions physiques, voire parfois des lésions vicérales comme les éclatemts d'organes.

Les négligences et carences d'apports physiques, psychologiques et socio-affectifsconcernent ce que l'on appelle plus couramment les "sévices par omissions". Ce sont la plupart du temps des privations partielles ou totales de soins ou de nourriture, ou une mise à l'écart de l'enfant. Les besoins tant physiologiques qu'affectifs de ce dernier ne sont donc pas satisfaits. On distingue plusieurs types de négligences: la carence alimentaire, la négligence relative à l'habillement, la négligence dans l'hygiène, ou encore la négligence relative à la sécurité de l'enfant.

Les abus sexuels peuvent se définir comme tout acte sexuel imposé à un enfant dont le développement tant affectif que cognitif ne lui permet pas d'en comprendre pleinement la nature et qui est incapable de donner un consentement éclairé aux gestes posés qui, en général, vont violer tous les tabous et les interdits sociaux. Les abus sexuels peuvent prendre plusieurs formes: attouchements, inceste, viol, pédophilie, prostitution enfantine, voyeurisme, attentats à la pudeur, etc.

Les mauvais traitements psychologiques qualifient les actes de cruauté mentale qui consistent en l'exposition répétée d'un enfant à des situations dont l'impact émotionnel dépasse ses capacités d'intégration psychologique. Il s'agit en général de dénigrement systématique, de dévalorisation, d'humiliations verbales ou non verbales, d'interdits accompagnés de menaces, provoquant chez l'enfant la peur, la culpabilité ou la crainte d'être abandonné.

Il est néanmoins important de souligner que les enfants victimes subissent en général des formes associées de ces différents types de mauvais traitements.

Emergence des différents acteurs au fil du temps

Il existe de nos jours bon nombre de professionnels qui s’occupent de la maltraitance infantile. Nous pouvons entre autres citer les médecins, les psychologues et différentes instances telles que l’Office de la Jeunesse. Pour comprendre l’implication de ceux-ci, il nous est paru nécessaire de nous pencher sur les fondements de la protection de l’enfance. Nos recherches se sont donc, dans un premier temps, tournées sur le contexte et les origines des interventions de ces différents acteurs. Nous souhaitions par ailleurs découvrir quelles étaient leur légitimité, leur évolution et de manière plus générale leurs influences sur la prise en charge ou la définition de la maltraitance. Ce retour aux origines nous a permis de mieux comprendre la problématique actuelle, le processus de prise en charge ainsi que l’implication des différents professionnels.

Pour se faire, nous nous sommes référées à la littérature et principalement aux ouvrages suivants : N. Delay-Malherbe (juin 1982), Enfance protégée, familles encadrées, matériaux pour une histoire des services officiels de protection de l’enfance à Genève, Cahiers de la Recherche sociologique, Genève ; F.Schultheis, A.Frauenfelder & C.Delay (avril 2005), La maltraitance envers les enfants: entre consensus moral, fausses évidences et enjeux sociaux ignorés, Université de Genève, Faculté des sciences économiques et sociales, Département de sociologie ; Commission externe des politiques publiques (décembre 2004), Evaluation du dispositif de protection des enfants victimes de maltraitance, sur mandat de la commission de gestion du Grand Conseil, Genève ; Actes du Congrès de Toulouse (janvier 1990), L’enfant maltraité, du silence à la communication, Editions Karthala, Paris, ainsi qu’au site Internet officiel de l’Office de la Jeunesse (www.geneve.ch/OJ).

La classe bourgeoise et les philanthropes ou leurs valeurs en péril

Au XIXème siècle, la bourgeoisie, classe alors dominante, craint une croissance de « démoralisation » des classes populaires, mettant ainsi ses valeurs en péril : "(…) l’ouvrier apparaît proche de l’étranger et du sauvage ; adonné à des jouissances sensuelles et grossières, aux plaisirs égoïstes ; prodigue, insoumis, cruel, dissipant au cabaret le gain juste suffisant à l’entretien de sa famille, désertant le foyer domestique ; son intérieur est sale ; sa femme volage. Il est aussi question de milieux dangereux et immoral, de milieu impur, de bouges infâmes ; de contacts immondes desquels il faudrait arracher l’enfant, d’exemples effrayants, d’enseignements terribles, de traitements odieux, de foyers de corruption morale et de déchéance physique. Manque de surveillance des enfants, exemples pernicieux, mauvaise éducation, passion du vagabondage et vices funestes, tout semble concourir, de l’avis des philanthropes, à précipiter l’enfant des milieux populaires dans le crime, à moins d’une intervention pour couper le mal à la racine" (M. Ruchat, L’oiseau et le Cachot, 1993, Editions Zoé, p.12). Ainsi, les enfants des ouvriers dits, sous l’influence des théories pavloviennes, « conditionnés par de mauvais modèles », deviendront une préoccupation majeure de la classe dominante. Il s’agira alors de les remettre sur le droit chemin, de les protéger de leur environnement malsain… C’est donc à travers un idéal de civilisation que les philanthropes souhaitent améliorer le sort de ces classes tout en ayant comme intention sous-jacente de garder la main-mise sur celles-ci. C’est ainsi que naissent des associations visant la protection de l’enfance. De plus, autre fait important, le XVIIIème siècle est marqué par un sommet d’abandons ce qui inquiète les philanthropes. Ils vont donc créer des réseaux et des comités dans le but de détecter « l’enfance abandonnée ». Des enquêtes sont alors menées et un Comité pour l’éducation de l’enfance abandonnée voit le jour. Ces éléments marquent bel et bien le début de la préoccupation et de la volonté d’action envers les enfants « en danger ».

L’Etat

Les conditions de vie des classes populaires au XIXème siècle, comme dit précédemment, semblent être problématiques. La philanthropie et la classe bourgeoise tentent donc d’y palier à travers la charité. Cela dit, l’Etat s’intéresse également à ce « mal ». En effet, des questions sur l’enfance abandonnée apparaissent dans les discours politiques du Grand Conseil. L’Etat promulgue donc en 1872 une loi sur l’obligation scolaire, contraignant les enfants à se socialiser dans un milieu considéré « sain » et emprunt de valeurs respectables. De plus, l’école apparaît également comme lieu privilégié de repérage des familles pauvres. Elle joue donc un rôle extrêmement important face à la problématique de l’enfance abandonnée ou de l’enfance en danger: "L’école commence donc à jouer un rôle doublement central : d’un côté en définissant l’enfance abandonnée, l’enfance en danger, potentiellement dangereuse (…) de l’autre côté en étant le lieu privilégié de la moralisation, de l’intégration sociale pour les enfants dont le milieu social n’offre pas les garanties suffisantes d’une bonne socialisation. L’école devient donc lieu de dépistage et de traitement de le délinquance juvénile" (N. Delay-Malherbe, Enfance protégée, familles encadrées, Cahiers de la Recherche sociologique, Genève, 1982, p.54). L’importance du dépistage est donc soulignée. Il s’agira de repérer l’enfant en danger, de le signaler et d’intervenir. Cela dit, pour des raisons économiques, toutes les familles ne peuvent laisser leurs enfants fréquenter l’école car ceux-ci représentent un revenu supplémentaire. Le problème ne semble donc guère résolu.

Le Conseil d’Etat réunit donc une commission constituée de 35 personnes en 1890 afin de traiter les questions relatives à la protection de l’enfance. Les débats se situent entre les radicaux, prônant une structure officielle de prise en charge de l’enfance abandonnée et les démocrates, partisans de la charité privée. Finalement, le parti radical l’emporte. De nouvelles lois sont alors promulguées en 1892 (pour plus de détails, se référer à la partie consacrée à la législation). L’Etat souhaite alors réduire l’influence des associations charitables privées car celles-ci semblent être incapables de réduire le paupérisme. L’enfance devient donc « affaire d’Etat ». Les lois sur l’enfance abandonnée ainsi que sur la puissance paternelle marquent un tournant décisif dans la prise en charge des jeunes : l’Etat peut alors prendre sous sa protection les enfants dits « matériellement » ou « moralement » abandonnés. Cette législation sous-entendra la définition de « mauvais parents »… « Le législateur visait trois catégories de familles : "(…) soit des parents malhonnêtes qui abandonnent volontairement leurs enfants ou qui les exploitent (…) soit des parents honnêtes mais pauvres, incapables de diriger l’éducation de leurs enfants, de les surveiller (…) soit encore des parents récalcitrants. Si les parents refusent leur consentement à l’intervention de l’Etat(…)" (N. Delay-Malherbe, Enfance protégée, familles encadrées, Cahiers de la Recherche sociologique, Genève, 1982, pp.56-57). Nous pouvons donc constater que l’Etat devient un acteur principal en ce qui concerne la protection de l’enfance ainsi que dans le dépistage de l’enfance abandonnée en légiférant « des normes », en institutionnalisant des mesures à entreprendre et en mettant à mal la puissance paternelle.

La Commission centrale ou les prémisses de l’Office de l’Enfance

Si nous mentionnons ici la Commission centrale en tant qu’acteur primordial, c’est qu’il s’agit-là des prémisses de l’Office de la Jeunesse que nous connaissons aujourd’hui, Office qui s’occupe entre autres de la maltraitance infantile.

Non seulement l’Etat promulgue deux lois concernant la puissance paternelle et l’enfance abandonnée mais en plus, il créé une Commission centrale, en 1892, qui aura pour but de favoriser le dépistage de ces enfants. Cette Commission est élue par le Grand Conseil et le Conseil d’Etat et est constituée du Procureur Général et du Chef de Police. Les personnes y siégeant ne sont autres que le Procureur Général, le Chef de Police ainsi que des conseillers d’Etat chargés du Département de l’Intérieur ou de l’Instruction Publique. Cette composition souligne l’étendue du problème de l’enfance abandonnée et met en évidence les secteurs concernés : "La composition de la Commission centrale atteste bien que l’enfance abandonnée et l’indigence en général sont affaire de police, de justice, d’ordre public et d’éducation" (N. Delay-Malherbe, Enfance protégée, familles encadrées, Cahiers de la Recherche sociologique, Genève, 1982, p.62). Pourtant, cette Commission n’est malgré tout rattachée à aucun Département.

Comme dit précédemment, elle aura pour mission de favoriser le dépistage des enfants abandonnés et deviendra, au fil du temps, l’élément central de la protection de l’enfance : « Si par son statut, son mode de recrutement et d’élection, la Commission centrale diffère sensiblement des services actuels de protection de la jeunesse et du tuteur général, les tâches qu’on lui attribue sont bel et bien à l’origine de ces deux services (…) Le dépistage de l’enfance en danger et de l’enfance dangereuse est donc bien organisé, du moins formellement. La Commission, avec l’aide des comités de quartier, enquête sur les cas d’abandon qu’on lui signale, notamment sur la situation, la moralité et les ressources des parents » (N. Delay-Malherbe, Enfance protégée, familles encadrées, Cahiers de la Recherche sociologique, Genève, 1982, pp.64-65). Ainsi, les conseillers municipaux surveilleront à leur tour les enfants fréquentant l’école et dénonceront à la Commission centrale ceux qui s’en abstiennent. Par ailleurs, selon son règlement, l’action de l’Etat peut s’exercer par trois biais : pas l’intermédiaire de l’œuvre de protection de l’enfance abandonnée, par le surveillance ou le contrôle des Départements de l’Intérieur et de Justice et Police et finalement par la mise à disposition d’allocations financières. Nous voyons donc bien l’implication de l’Etat, à travers la Commission centrale ou à travers d’autres instances, dans la protection de l’enfance. Par ailleurs, cette commission peut également collaborer avec des associations privées bien qu’elle soit chargée de les contrôler. Cependant, les commissaires qui la constituent ne sont guère des personnes professionnelles, il s’agit-là de bénévoles. Ce n’est qu’à partir de 1897 qu’elle disposera d’un directeur salarié et ceci marquera le début de l’autonomisation de la prise en charge.

L’Etat, ne possédant que l’Hospice Général (réservé aux genevois) pour la mise en placement, va décider de subventionner la création d’un établissement. Ce premier lieu spécialisé ressemblera à un centre d’observation et sera nommé « l’Asile temporaire de Lancy ». La création de ce centre représente un pilier pour le développement de la psychiatrie et de la psychologie : « A l’enquête sociale sur l’enfant et son milieu faite par le Procureur général et le Département de justice et police se substitue l’observation scientifique d’un individu placé dans une situation particulière, celle d’une institution fermée où il est coupé de son environnement habituel. Autrement dit, l’enfance ne sera plus seulement et exclusivement affaire d’Etat, mais encore affaire de spécialistes : médecins, psychiatres, pédagogues, psychologues, etc. » (N. Delay-Malherbe, Enfance protégée, familles encadrées, Cahiers de la Recherche sociologique, Genève, 1982, p.68). Cela dit, l’implication de l’Etat se remarque à travers la composition du comité. La moitié du comité de l’Asile sera issue de la Commission centrale et l’autre moitié proviendra d’associations privées pour la protection de l’enfance. Nous pouvons donc remarquer la jonction entre les secteurs public et privé.

La Commission Centrale ne dispose cependant d’aucun pouvoir d’action. En effet, elle se retrouve dans l’obligation de soumettre ses requêtes au Procureur Général. Or celui-ci n’est guère tenu d’y donner suite. C’est alors qu’en 1896 est promulguée une loi concernant la suspension de la puissance paternelle, une alternative quelque peu moins radicale à la déchéance paternelle. Comme vu précédemment, les parent peuvent se voir retirer la garde de leurs enfants pour une durée de trois ans et renouvelable si nécessaire. La commission peut donc désormais demander une suspension de puissance paternelle au Tribunal. Puis, en 1898, la Commission obtient un statut équivalent à celui du Procureur Général: « Deux ans plus tard, le 28 mai 1898, la Commission est confirmée dans son rôle de plaideur : on lui accorde le droit de demander non plus seulement la suspension, mais aussi la déchéance de la puissance paternelle. (…) Ainsi, pour plaider les actions en déchéance ou en suspension de la puissance paternelle, la Commission se trouve juridiquement sur le même pied que la parenté jusqu’au 4ème degré et le Procureur général ; socialement, elle a des chances de les surpasser puisqu’elle est l’interlocutrice privilégiée pour les questions relatives à la protection de l’enfance et qu’elle est en train de constituer un corps d’intervenants spécialisés qui ne tarderont vraisemblablement pas à acquérir une légitimité certaine auprès des juges du tribunal » (N. Delay-Malherbe, Enfance protégée, familles encadrées, Cahiers de la Recherche sociologique, Genève, 1982, p.75).

Dans cette optique de prise en charge de l’enfance, une Commission pédagogique est parallèlement créée en 1904, ce qui aboutira au service médico-pédagogique. Ce service s’occupera du traitement, de la prise en charge médico-pédagogique ainsi que du placement des enfants. Il aura entres autres un pouvoir de décisions en ce qui concerne les élèves, comme par exemple les changer de classes, les placer dans des institutions spécialisées… Ce service comprendra des psychiatres, des psychologues, des pédagogues, des psychomotriciens, des logopédistes, des orthophonistes ainsi que des psychopédagogues. Possédant un contrat avec l’université de Genève, il se retrouvera donc, de par sa légitimation, à une place privilégiée au sein des écoles par rapport au service médical.

Cet élément est d’une importance capitale en ce qui concerne les acteurs liés au problème de la maltraitance infantile. En effet, le service médico-pédagogique occupe actuellement une place importante au sein de l’Office de la Jeunesse qui, elle, tente de lutter contre cette problématique.

En 1908, le Grand Conseil aborde un point essentiel en ce qui concerne le sort des enfants « délinquants », celui-ci était jusqu’alors l’affaire du Procureur Général. La création d’un Tribunal pour enfants est alors en question. C’est ainsi qu’est mise en place la Chambre pénale de l’Enfance en 1913. Le Procureur Général sera donc tenu de décider (après dénonciation) si l’enfant doit être jugé par la Chambre pénale de l’Enfance ou alors par la justice ordinaire. Ainsi, la Commission se voit attribuer un plus grand de responsabilités car dès 1913, la Chambre pénale de l’enfance a la possibilité de lui transmettre certains dossiers.

Un autre élément important est à souligner ici en ce qui concerne la Commission centrale : celle-ci a favorisé la professionnalisation des personnes s’occupant de l’Enfance abandonnée.

De la Commission Centrale à l’Office de l’Enfance

Le contrôle social s’effectue donc à différents niveaux tels que juridique, administratif ou même au travers de structures scolaires ou para-scolaires. D’un point de vue juridique ou administratif, celui-ci s’exerce à travers la Commission Officielle de Protection des Mineurs (née de la Commission Officielle de l’Enfance abandonnée), à travers la Chambre pénale de l’enfance ou par le Tuteur Général. D’un autre point de vue, le contrôle s’exerce également à travers les structures scolaires proprement dites ou à travers les structures para-scolaires qui elles, comprennent des professionnels tels que médecins, psychologues ou même pédagogues.

L’Office scolaire de l’Enfance est créée le 7 juillet 1933 afin de regrouper certains de ces secteurs. Par ailleurs, elle se retrouve sous l’égide du DIP. Ainsi, le service médical des écoles, le service médico-pédagogique, le service social des écoles et le service d’orientation professionnelle sont réunis. Ces quatre services seront coordonnés par une commission administrative qui elle, sera chargée d’en assurer la bonne marche ainsi que d’étudier les questions relatives à la protection de l’Enfance.

Puis c’est en 1937 que sont créées l’Office de l’Enfance ainsi que la Fondation Officielle de l’Enfance. Le but de l’Office, figurant dans le Mémorial du 2 juillet 1937 (pp.1908 ss. Loi de l’Office de l’Enfance, art. premier), est le suivant : « Assurer la protection et la santé physique et morale de l’enfance et de la jeunesse et d’une façon générale de favoriser son développement. Il coordonne et encourage les efforts de la famille et des institutions politiques et privées ; il aide les autorités judiciaires et administratives dans l’exécution de leur mandat dans ce domaine ». Nous pouvons donc constater que le champ d’acteurs impliqués dans la protection de l’enfance s’étend. De plus, divers avantages sont stipulés quant à la création de l’Office : « … permettra de faire rendre au maximum les différents services, en évitant les enquêtes à double ou à triple, les fiches fragmentaires et notamment l’utilisation incomplète des ressources en personnel » (Mémorial du 29 mai 1937, p.936, exposé des motifs).

En créant par ailleurs la Fondation Officielle de l’Enfance, les tâches de gestion des biens sont séparées des tâches de protection des mineurs (dont s’occupe l’Office de l’Enfance). La Fondation devra également veiller aux enfants placés dans les institutions. Cela dit, celle-ci n’est pas sous l’égide du DIP (pour des raisons financières) bien qu’elle soit soumise au regard d’un contrôleur de l’Etat.

Finalement, c’est en 1958 que ces différentes structures seront regroupées et deviendront l’Office de la Jeunesse, Office qui ne déprendra dès lors plus que du DIP.

De l’origine de ces structures à la prise en charge actuelle

S’il nous a semblé important de revenir sur ces éléments, c’est qu’ils sont constitutifs de la prise en charge de l’enfance actuellement. Ainsi, la légitimité des différents acteurs et leur évolution est explicitée. Ceci nous permet de mieux comprendre ou du moins percevoir pour quelles raisons et dans quelle mesure l’Office de la Jeunesse est impliquée dans la problématique de la maltraitance. Par ailleurs, cela soulève une réflexion quant aux intentions et aux buts cachés ou non de la protection de l’enfance.

Le Département de l’Instruction Publique comme acteur principal

Le Département de l’Instruction Publique est bel et bien sous l’égide de l’Etat et comprend l’Office de la Jeunesse. Les différents secteurs dont se charge l’Office de la Jeunesse sont les suivants : médical (où il est question de promotion et de protection de la santé, qu’elle soit psychologique ou physique), juridique et social (évaluation et surveillance des institutions dans lesquelles sont placés les mineurs, exécution des mandats tutélaires ainsi que juridiction pénale pour les jeunes de 7 à 15 ans) ainsi que celui des loisirs. Il semble donc que la Jeunesse soit abordée globalement « L’Office de la Jeunesse regroupe tout un ensemble de services sociaux et médicaux pour la protection des jeunes et la promotion des droits de la jeunesse » (propos recueillis sur le site www.geneve.ch/oj). Il est intéressant de tracer ici un parallèle entre ces différents secteurs et ceux mentionnés dans la partie consacrée à l’enfance abandonnée: « La composition de la Commission centrale atteste bien que l’enfance abandonnée et l’indigence en général sont affaire de police, de justice, d’ordre public et d’éducation » (N. Delay-Malherbe, Enfance protégée, familles encadrées, Cahiers de la Recherche sociologique, Genève, 1982, p.62). De plus, différents services sont présentés sur le site Internet de l’Office de la Jeunesse : le Service de Protection des Mineurs (SPMI) où il est question d’aider les familles dans leur tâches éducatives, de protection de leurs enfants, d’évaluations sociales demandées par les tribunaux ainsi que d’exécution de la juridiction pénale pour les enfants âgés de 7 à 15 ans ; le Service du Tuteur Général (STG) qui exécute les mandats confiés par les Tribunaux et qui répond aux besoins des personnes sous mandats ; le Service des Loisirs ainsi que le Service Santé Jeunesse (SSJ) qui a pour mission de « promouvoir la santé des enfants et des jeunes au sens de bien-être physique, psychique et social ; protéger la santé et le développement contre des menaces à leur intégrité et leur bien-être ; prévenir des atteintes à la santé et limiter les conséquences sanitaires et sociales des maladies chroniques et handicaps » (propos trouvés sur le site www.geneve.ch/ssj). Dans ce dernier service, nous trouvons des travailleurs sociaux tels que des infirmières de santé publique, des éducateurs de la santé, des médecins, des psychologues… Nous pouvons donc remarquer qu’au fil des années, différents acteurs sont entrés en jeu et ceux-ci sont désormais professionnalisés.

Quel(s) rôle(s) ces professionnels ont-il joué dans la problématique de la maltraitance ?

Il semblerait que le SSJ (Service Santé Jeunesse) ait joué un rôle majeur dans la problématique de la maltraitance et particulièrement dans sa « publicité » : « En effet, le fait que la maltraitance soit reconnue au départ- suite à l’investissement du SSJ au début des années 90- comme un problème de santé publique véhicule des significations et justifie des pratiques toutes autres que la reconnaissance de la maltraitance en tant que problème politique. Construction d’une évidence qui est celle de lutter contre la maltraitance » (F.Schultheis, A.Frauenfelder & C.Delay, La maltraitance envers les enfants: entre consensus moral, fausses évidences et enjeux sociaux ignorés, Université de Genève, Faculté des sciences économiques et sociales, Département de sociologie, avril 2005, p.30). Dans ce même rapport, il est également stipulé que « Les professionnels de la médecine sociale impliqués dans la diffusion de ce problème social (…) ont cherché à sensibiliser la population, les médias (…) cherché à développer une conscience accrue d’un tel phénomène (…)» (mêmes références, p.33). Il semble donc évident que l’action du SSJ favorise la « publicité » de la problématique de la maltraitance et rende les acteurs institutionnels attentifs à ce phénomène. De plus, il aurait publié en 2001 une grille d’évaluation pour reconnaître « l’enfant en danger ». Ainsi, des critères sont établis et un dépistage est recommandé…

En ce qui concerne le DIP, il reste un acteur majeur de part les nombreux services qui le composent et de par les publications qu’il édite. Dans ce même rapport, est mentionné un bulletin d’information du DIP relatant l’importance de la lutte contre la maltraitance et la nécessité d’y remédier : « Dans le bulletin d’information du DIP daté du 19 janvier 2004, les acteurs du dépistage sont vivement incités à prendre leur responsabilité et signaler davantage les cas d’enfants en danger. Le directeur général de l’enseignement primaire rappelle très clairement la position de l’institution scolaire, à savoir son obligation à agir lorsque des mineurs sont exposés à de la violence et à des situations de maltraitance et le rôle des partenaires médicaux et sociaux dans le dépistage, à qui faire appel et à quel moment. Pour les aider dans cette tâche, une liste d’indices supposant un mauvais traitement hors du milieu scolaire présentée comme malheureusement non exhaustive figure dans le bulletin. Il peut s’agir entre autres : d’un état de santé inquiétant ; de traces de blessures non accidentelles sur la peau ; de confidences d’un enfant qui se sent rejeté, dénigré, maltraité ; de brusques changements d’attitude ; de comportements ou de propos liés à la sexualité ; de chocs émotionnels… » (mêmes références, p.34). Ainsi, de plus en plus de procédures et d’éléments suspicieux à prendre en considération sont présentés.

Il semble donc que le DIP ainsi que les différents services qui le composent se retrouvent au cœur de la problématique de la maltraitance. En effet, il institutionnalise le problème, forme des professionnels, alerte les différents acteurs des services publics…

En outre, il semblerait que ces acteurs aient également influencé la terminologie incombée à cette problématique. Se basant sur des rapports du SSJ, ils mettent en évidence les changements « d’appellation » au fil des années : en 1997, il s’agirait « d’enfants maltraités », en 1999 « de maltraitance », en 2001 « d’enfants en danger » et finalement « d’enfants à risque » en 2003. Au changement d’appellation correspondrait un changement de conception de la problématique.

En ce qui concerne l’évaluation de l’efficacité de ces instances et services, une enquête a été menée en 2004 et mandatée par la commission de contrôle et de gestion du Grand Conseil genevois. Elle souligne la difficulté de la prise en charge de la maltraitance ainsi que la problématique que pose la coordination de ces différents services « Avec la montée de sensibilisation face à la maltraitance dans les années 90, plusieurs services ont élaboré des protocoles et directives afin de pallier les manques décrits précédemment. Fruit d’une réflexion propre à chaque service, ces protocoles expriment souvent des logiques de territoire ou d’action. Ainsi, chaque instance retient ses définitions de la maltraitance » (Evaluation du dispositif de protection des enfants victimes de maltraitance, décembre 2004, p.6 et disponible sur : http://www.geneve.ch/cepp/doc/rapport_maltraitance/Rapport_allege_Maltraitance.pdf). Ainsi il semble bien que la notion de maltraitance contient bon nombre d’aspects subjectifs. Dans quelle mesure parle-t-on de maltraitance ? que représente-t-elle exactement ? telles sont les questions auxquelles tentent de répondre des professionnels.

Les spécialistes de la santé physique ou psychique

Comme dit précédemment, l’asile temporaire de Lancy a favorisé le développement de la psychiatrie et de la psychologie. D’autre part, l’école représentait un lieu favorisant la transmission des maladies mais également un lieu favorisant le dépistage de celles-ci. Ainsi, le Bureau de Salubrité Publique s’est très vite vu chargé de l’inspection sanitaire des écoles. Les médecins étaient donc des professionnels de plus en plus considérés, ils pénétraient dans les familles par différents biais, comme par exemple à travers le service médical des écoles. Entre 1907 et 1908, le Bureau de Salubrité Publique a été réorganisé par l’Etat et est devenu le Service d’hygiène cantonal. Puis, grâce à une augmentation de ressources, ce Service s’est voit attribuer l’examen individuel des enfants. Il était alors composé de douze médecins et de trois spécialistes. A nouveau, l’Etat a réorganisé le Service en 1915 et lui a attribué un directeur scientifique ainsi qu’un directeur administratif. On lui a soustrait l’inspection médicale des écoles qui est alors sous l’égide du DIP (Département de l’Instruction Publique). En 1916, le Grand Conseil a en outre adopté une loi concernant les compétences et l’organisation du service médical des écoles, ce qui a impliqué la création de postes d’infirmières.

Pour quelle raison avons-nous décidé de mentionner ces quelques éléments ? La création de postes d’infirmières à l’école nous semble être extrêmement importante. En effet, le dépistage de la maltraitance s’effectue dans les écoles « grâce » aux infirmières scolaires : « Il est possible de résumer les opérations que font les acteurs institutionnels (…) en suivant la carrière d’un dossier ; tout commence par un fait déclencheur signalé par le SSJ : l’enfant se fait remarquer au SSJ par une infirmière, qui, très vite, est amenée à soupçonner la famille ; elle signale alors les faits au SPJ qui met en œuvre un appui éducatif (…) Nous avons ici affaire à un fait déclencheur : c’est à l’école que l’infirmière constate un symptôme (…) qui est associé rapidement à une maltraitance possible… » (F.Schultheis, A.Frauenfelder & C.Delay, La maltraitance envers les enfants: entre consensus moral, fausses évidences et enjeux sociaux ignorés, Université de Genève, Faculté des sciences économiques et sociales, Département de sociologie, avril 2005, p.87). Il semble donc évident que les infirmières scolaires jouent un rôle important dans le dépistage de la maltraitance. Certes, celles-ci sont rattachées au DIP et plus particulièrement au SSJ, mais la raison pour laquelle nous avons décidé de ne point les mentionner à la partie consacrée au DIP est la suivante : lorsque nous faisions des recherches sur la maltraitance, nous avons découvert un article qui lui était consacré dans le Forum médical suisse (Forum Med Suisse, numéro 20, 14 mai 2003). C’est pourquoi nous avons décidé de réserver une place distincte au paradigme médical, qu’il s’agisse d’infirmières scolaires, de médecins aux HUG ou tout simplement de généralistes…

Cet article met en évidence quels critères sont à prendre en considération dans le dépistage de la maltraitance. Il est par ailleurs illustré de différents schémas représentant des enfants sur lesquels sont mises en rouge certaines zones. Dans la légende accompagnant ces schémas, nous pouvons lire : « Localisation des hématomes accidentels et des hématomes en relation avec une maltraitance ». Par ailleurs le titre de l’article est assez révélateur : « Maltraitance infantile- quelque chose m’échappe-t-il ? ». Nous pouvons donc remarquer l’impact de cette problématique et la volonté d’y remédier. Les médecins semblent donc également être des acteurs primordiaux dans son dépistage : « La protection des enfants est un des principaux devoir de notre société et elle est la responsabilité de chaque individu (…) La protection de l’enfance suppose un processus multidisciplinaire et ne peut jamais être prise en charge par des personnes isolées. La tâche du médecin praticien est de reconnaître précocement la maltraitance infantile et de collaborer ainsi à la prévention de ses conséquences souvent désastreuses » (Forum Med Suisse, numéro 20, 14 mai 2003, p.469). Il semble donc évident que les médecins ont un rôle bien particulier à jouer dans cette problématique. De plus, la Commission externe d’évaluation des politiques publiques stipule l’existence d’un groupe pluridisciplinaire informel, le Groupe de protection des enfants ou GPE qui agit de manière interne et externe aux HUG (dans son rapport sur l’Evaluation du dispositif de protection des enfants victimes de maltraitance, décembre 2004). Ainsi c’est l’ensemble du corps médical qui est concerné par la problématique de la maltraitance et a le dépistage pour tâche ou devoir.

L'évaluation des cas de maltraitance

En ce qui concerne les enfants d’âge préscolaire, le Service de Santé Jeunesse de Genève vient d’édicter un protocole d’évaluation (Protocole du Service Santé de la Jeunesse, Genève, version révisée avril 2006, Enfant en danger et institutions de la petite enfance ; protocole pour l’évaluation et le signalement des situations). Ce protocole suit une première affichette, distribuée en 1998, et constitue le premier document adressé aux institutions de la petite enfance afin de les sensibiliser à la lutte contre la maltraitance et à leur rôle. Il a été accompagné par un séminaire destiné aux responsables des institutions de la petite enfance intitulé « Quel partenariat face aux situations de maltraitance ? » proposé en date du 17 mai 2006.

Ce protocole distingue les situations suivantes :

1. « Un enfant en risque est un enfant qui connaît des conditions d’existence risquant de compromettre sa santé, sa sécurité, sa moralité, son éducation ou son entretien, sans pour autant être maltraité.

2. Un enfant maltraité est un enfant victime de violence physique, d’abus sexuels, de violence psychologique, de négligences lourdes, ayant des conséquences graves sur son développement physique et psychologique.

3. Un enfant en danger est un enfant qui est soit en risque, soit maltraité. ».

Le document prévoit que les institutions informent le SSJ de toute suspicion d’enfant en danger, c’est-à-dire tant en ce qui concerne les enfants en risque ou les enfants maltraités, et que « l’évaluation initiale est faite par l’infirmière et le médecin du SSJ ». Le SSJ évalue le risque, fixe les objectifs, oriente les parents vers des services de prise en charge. En absence de collaboration de la part des parents, le SSJ signale la situation à la Protection de la Jeunesse. En cas de maltraitance « suspecte ou avérée », la situation peut être dénoncée à la justice civile ou pénale.

Dans la plupart des cas signalés, la réponse donnée à Genève consiste principalement à proposer un suivi médico-social pour apporter un soutien à la parentalité.

Afin d’augmenter la prise en compte des cas de maltraitance dans la petite enfance, le Service Santé de la Jeunesse cherche à améliorer la collaboration entre les différents partenaires. C’est à ce effet qu’il a élaboré le protocole de 2006. Afin d’illustrer cette volonté d’une collaboration accrue, le SSJ a communiqué quelques données statistiques lors du séminaire du 17/05/2006. Tandis qu’en 1992 le SSJ dénonce 12 cas au Service de la Protection de la Jeunesse, en 2004, il signale 152 cas. Cette augmentation très importante concerne surtout l’école primaire, seulement 2 cas concernent la petite enfance. Le SSJ cherche ainsi à mieux cerner les cas de maltraitance des enfants fréquentant la crèche.

L'apparition d'une nouvelle notion: les enfants en risque

Selon la définition du SSJ de 2006, un enfant en risque n’est pas maltraité. Sa famille se trouve dans une situation socio-économique difficile, est au chômage, habite dans un appartement trop petit et insalubre, doit faire face à des maladies, néglige l’enfant en ce qui concerne l’habillement, l’hygiène et laisse l’enfant livré à lui-même. L’encadrement des crèches n’est plus considéré comme suffisant pour ces enfants-là, aujourd’hui. Il y a besoin de mettre en place un suivi médico-pédagogique et une aide à la parentalité. Dans les situations d’enfants en risque, les parents, afin de démontrer leur bonne volonté et le fait qu’ils ne soient pas maltraitants ou qu’ils sont prêts à changer, se doivent d’accepter l’intervention des pédo-psychiatres, des médecins et des spécialistes de l’enfance. Selon les indications statistiques données lors du séminaire du SSJ 17/05/2006, les enfants en risque représentent 64% des enfants en danger en 2003/2004.

L’évaluation qu’un enfant est en risque incombe en premier lieu un service santé et à son corps médical. A ce stade de la démarche, les parents n’ont pas droit à un avocat, il s’agit d’une procédure analogue à un diagnostique médical.

Le SSJ cherche à corriger un éventuel biais dans la détection des cas de maltraitance qui attirent l’attention des professionnels engagés dans la lutte contre ce phénomène plus vers certaines familles que vers d’autres, de sorte que les familles de niveau socio-économique défavorisé sont surreprésentées.

L’Etat comme garant des politiques sociales dans la protection de l’enfance : Les lois et leurs visées normatives

La question du placement des enfants et des jeunes est historiquement liée à la problématique de la pauvreté des familles. A la marginalisation, voire à l’exclusion sociale d’une partie de la population.

C’est au travers de l’évolution des politiques sociales de l’éducation spécialisée en Suisse et particulièrement à Genève que nous avons choisie d’étudier le rôle de l’Etat comme régulateur de la norme avec l’instauration de la loi de 1872 sur l’école obligatoire. Cette loi est à l’origine d’une mise en place progressive d’ une structure sociale et administrative qui s’occupera de la protection de l’enfant.

Pourquoi l’instauration d’une telle loi ? C’est pour répondre à cette question que nous commencerons par définir le contexte culturel qui prévalait à cette époque. Ensuite nous orienterons notre analyse sur le cadre législatif au fondement des politiques de placement, et nous terminerons par une revue de ce que représente l’héritage de cette époque de nos jours. Il nous sera ainsi possible par le biais de cette analyse de suivre progressivement l’intrusion de l’Etat dans les familles et de percevoir et du rôle qu’il s’est attribué dans la régulation de la protection de l’enfance.

Avant 1900 : révolution industrielle et misère du XIXème siècle

Le contexte économique et social est caractérisé par l’expansion de la révolution industrielle dans toute l’Europe. La nouvelle classe bourgeoise est à la tête du commerce et de l’industrie. Son besoin de main d’œuvre produit un exode de population des campagnes vers les villes industrielles et les fabriques, En Suisse, dans les manufacture et les fabriques, les conditions de travail sont désastreuses : les horaires de travail de 19h par jour dans l’industrie textile sont fréquents. Les cadences sont élevées, l’absence de mesure d’hygiène et de sécurité, provoquent la mise en danger de la santé des travailleurs (par exemple dans les mines et des grands travaux, tel le percement du Gottahard).

Les enfants des prolétaires, y compris les plus jeunes, travaillent en usines et sont exploités, sans aucunes protections. Les conditions de vies des ouvriers sont déplorables : les logements sont insalubres, les salaires sont insuffisants, la mauvaise nutrition fréquente. Beaucoup d’enfants sont abandonnés physiquement ou moralement. Ce sont les « enfants des rues ». La mortalité infantile est très élevée. Pour illustrer ce fait je reprends un extrait de l’article de Dupont-Bouchat, M-S, L’enfant, la famille, la justice et l’Etat (…), in Bonmariage, J., et Marquet, J., L’enfant entre maltraitance et protection, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2001, p 17 « Jusqu’à la fin du 19e siècle, rien ne distingue la vie de l’enfant des classes ouvrières et populaire de celle des adultes. Sur quatre ouvriers, il y a un enfant : dès qu’il est en état de suivre ses parents à l’usine ou aux champs, il effectue la même journée de travail, dans les mêmes conditions d’insalubrité et de danger. »

Placement et protection des mineurs

Dans la plupart des cantons suisses, au début du 19e siècle, les enfants abandonnés étaient placés chez des paysans ; les filles comme servantes, les garçons comme ouvriers agricoles. En ce qui concerne Genève, l’hôpital général avait concentrait un grand nombre d’enfants à charge se sont principalement les orphelins, les enfants abandonnés, les infirmes, les enfants illégitimes, etc. Les enfants en bas âges étaient la plupart du temps placés chez des nourrices. A partir de 4 à 6 ans, ils entraient à l’hôpital ou étaient mis aux enchères publiques. Aux placements chez des paysans succédèrent les placements forcés en colonies agricoles ou en orphelinats pour une partie de la population des jeunes garçons.

Durant la révolution industrielle, les enfants ne bénéficiaient pas d’aucune protection d’organisme officiel de contrôle et de soutien : « Ce sont donc les philanthropes, et parmi ceux-ci de nombreux magistrats et avocats, qui, quotidiennement confrontés au silence de la loi et à la misère des jeunes délinquants, vont tenter d’éveiller les consciences et de sensibiliser l’opinion aux problèmes de l’enfance. Ils vont littéralement « inventer » l’enfance, et bientôt les concepts d’ « enfance malheureuse », d’enfants « moralement abandonnés, d’ « enfants martyrs », d’enfants en danger qu’il faut protéger, le plus souvent contre l’attitude de parents négligents, défaillants et coupables. » Dupont-Bouchat, M-S, (2001,21)

Deux lois vont être déterminantes dans la prise en charge officielle de l’enfance abandonnée. Il s’agit d’une part, de la loi de 1872, instaurant la scolarisation obligatoire pour tous les enfants âgés de 6 à 14 ans, et d’autre part, en 1877, la loi fédérale sur les fabriques interdisant le travail des enfants. Ces 2 lois entraînent un grand bouleversement dans la conception de l’enfant  : « La scolarisation, agissant conjointement avec la problématisation du travail des enfants et d’une manière générale avec la question de l’enfance mise en évidence par la philanthropie du XIXème siècle, va transformer dans les classes populaire la signification sociale de l’enfance : l’enfant va sortir en quelque sorte de l’anonymat dans lequel les structures démographiques et sociales de l’Ancien Régime l’avaient confiné. » Delay-Malherbe, N., (1982,9)

C’est aussi avec la loi sur la scolarisation obligatoire que va s’installer une politique de contrôle sur la famille. En effet, « l’application du principe de l’obligation scolaire va donc exiger la mise en place de contrôles : les communes doivent recenser les enfants en âge de scolarité et veiller à ce que la fréquentation soit régulière. La surveillance, les remontrances et les amendes vont donc définir une catégorie spécifique de parents, ceux qui ne prennent pas au sérieux l’éducation scolaire de leurs enfants, qui « préfèrent » les mettre au travail plutôt que de faire le sacrifice de les envoyer à l’école. » Delay-Malherbe, N., (1982,25) Entre désormais en vigueur une législation toujours plus efficace sur la gestion sociale de l’enfance en danger, notamment la loi de 1891 sur la puissance paternelle.

Loi sur la puissance paternelle du 20 mai 1891

Quelle est exactement la portée de cette loi et son impact dans les politiques de placement ?

Il s’agissait, pour les philanthropes bourgeois de l’époque de soustraire les enfants à l’influence nocive des ateliers et manufactures, véritable « lieu de dépravation » et de les scolariser. L’école obligatoire devient le lieu de moralisation de la classe populaire et de la normalisation des familles. Cependant, « L’ « œuvre » de protection de l’enfance abandonnée » telle qu’elle a été mise en place au cours du siècle, se heurte à une limite fondamentale les parents. Que ce soit pour des raisons affectives ou pratiques (aide à domicile, support économique), nombreux sont ceux qui ne veulent pas se séparer de leurs enfants. » Ruchat, M., (1993,181)

Les philanthropes doivent donc recourir à une instance officielle pour réguler la question de l’enfance ; d’où l’émergence de l’Etat en tant acteur clef dans la protection de l’enfance : « Sans l’intervention de l’Etat la philanthropie privée se sent impuissante à obtenir satisfaction. C’est dans ce but que va être votée à la fin du siècle une loi civile concernant la puissance paternelle du (20 mai 1891), qui permettra de limiter ces droits « naturels » au profit d’un devoir social imposé par l’Etat : venir à bout du mal. » Ruchat, M., (1993,181)

La loi apparaît comme un instrument de coercition, dans le but d’amener la classe populaire à adhérer au projet moralisateur des philanthropes. En limitant le pouvoir des pères, elle facilite le travail de la commission dans la prise de décision sur le placement des enfants en danger. Dans la mesure où est prononcée ou non la déchéance paternelle, l’autorité compétente peut exercer ce droit selon les normes édictées par les lois. Delay-Malherbe précise bien que la nouveauté de cette loi réside essentiellement dans l’instauration de la déchéance de la puissance paternelle et dans la limitation du droit de correction. Cette loi constitue une brèche dans le pouvoir souverain du père sur ses enfants que lui conféraient les législations civile en vigueur jusque là. Elle introduit la notion de la protection de l’enfant qui n’existait pas ou quasiment pas dans le droit civil napoléonien en vigueur à Genève à cette époque.

Il est certain que cette loi innove en ce sens que désormais l’Etat porte un regard particulier sur les enfants victime et sur les enfants difficiles qui vont être l’objet d’un traitement particuliers, et notamment son placement. Ainsi s’amorce la nouvelle division du travail de socialisation. Les instances spécifiques prennent de plus en plus de l’importance en matière de la protection de l’enfance au détriment de l’enfant qu’elles entendent préserver.

Loi sur l’enfance abandonnée du 30 mars 1892

Le projet de moralisation de la classe populaire est un vaste projet de régulation de la question sociale qui se pose en fin du 19e siècle. Les philanthropes et les différents acteurs pris dans ce projet se veulent se donner les moyens de leurs ambitions. Il est donc normal qu’au vu des difficultés rencontrées dans l’élaboration de leur campagne éducative, ils vont continuellement porter des projets au Conseil des projets de lois allant dans le sens d’un renforcement du contrôle social. C’est dans ce cadre qu’est votée loi sur l’enfance abandonnée de1892. L’oiseau et le cachot de Ruchat, (1993) réalise une belle revue du contexte qui préside au vote de ladite loi. Tout est mis en œuvre pour démontrer l’ampleur du mal en évoquant le fait que malgré le travail remarquable des associations privées et de l’Hospice générale, tous les cas ne sont pas découverts et évalués, la majorité des cas ne serait pas recenser bien plus les enfants échappent à la surveillance des comités comme à celle des parents. Il est une évidence que le mal n’est pas arrêté, mais au contraire la plaie sociale s’élargit.

Une fois votée, la loi sera appliquée pendant 4 ans telle quelle, avant que des modifications ne viennent lui imprimer un nouveau sceau d’interventionnisme étatique. Il s’agira lors des aménagements de cette loi, de permettre une meilleure coordination des différents acteurs dans la prévention et la prise en charge de l’enfance malheureuse.

Le 15 février 1896, le législateur accorde à la Commission de plein droit la tutelle des enfants pour lesquels elle aura demandée la suspension ou la déchéance de la puissance paternelle. Elle peut ainsi non seulement plaider mais aussi assurer le droit de tutelle. Par la loi du 28 mai1898, la commission obtient outre de plein droit la tutelle des enfants dont les parents ont accordé leur consentement à l’intervention de l’Etat. Avec cette loi le législateur clôt le volet administratif du code civil.

Après 1900 : Création du secteur para- scolaire, médical et de l’Office de l’Enfance

Sans pour autant faire redondance avec le chapitre précédent, j’ai tenu à mentionner ces différentes instances officiants dans la protection de l’enfant pour montrer les diverses filières qui s’ouvre avec les lois édictées.

Suite à la loi sur l’enfance abandonnée, la Commission centrale prend un véritable essor. Elle siège désormais comme organe officiel de dépistage et d’orientation de l’enfance en danger, non pas comme substitution à la famille mais comme organe de soutien matériel des enfants en difficultés

L’école obligatoire, par le mélange de population comporte le risque de transmission des maladies physiques et de contamination morale «par les enfants vicieux » issus des classes populaires. Cette obligation s’accompagne de la nécessité de s’occuper des insoumis, des déviants, de les séparer des autres élèves en créant les classes spéciales.

Ainsi, à partir de 1908, l’Etat met en place des classes spéciales et des établissements tels que Montbrillant, Florissant, Chêne-Bougeries.

1912, la Commission centrale de l’enfance abandonnée s’appelle commission officielle de protection des mineurs. Elle a la charge de gérer le capital financier, exploiter des établissements de placement, plaider devant l’autorité tutélaire, assumer la tutelle ou la garde d’enfants.

1916 : une loi est votée établissant le service médical des écoles, chargé du contrôle sanitaire des élèves, sanctionne son détachement du service d’hygiène et son rattachement au département de l’Instruction Publique

A la même période, le service médico-pédagogique devient le service de traitement de prise en charge médico-psycho-pédagogique et de placement. La population inadaptée à la classe normale trouvera son orientation à partir de ce service.

En 1937 par décret est né l’Office de l’enfance. Le service du Tuteur Général, chargé de l’exécution de tous les mandats tutélaires prévus au code civil suisse, et le service de protection des mineurs qui reçu la compétence d’assurer de manière générale la protection des enfants et des adolescents.

Pour conclure cette première étape de l’analyse sur la prise de contrôle progressive de l’Etat dans le domaine de la protection de l’enfance par le biais de la législation, j’aimerai juste faire le constat de la conjonction des différentes instances politiques (de la justice, des organismes privés, des médecins) dans la structuration des organes de prévention et de gestion de l’enfance malheureuse. Il faut relever que la naissance du concept de l’enfant par sa scolarisation lui confère une place spécifique dans la société et oblige l’Etat à se porter garant de l’intégrité de son développement en tant corps social. En effet, seule l’entité étatique pouvait être capable de fédérer toutes ces instances autour du domaine de l’enfance en danger et générer ainsi véritable machine administrative au service de l’enfance en danger. Entre le médical, la justice, le social comment arrive-t-il à trouver l’intérêt de l’enfant ? La question reste posée, car il n’est pas aisé d’y répondre sans faire montre de partialité.

Le code pénal genevois

En 1938, le nouveau code pénal unifié consacre la juridiction pénale des mineurs (Tribunal des mineurs) Durant cette période des services nouveaux sont créés. On passe d’une conception de la protection de l’enfance à la surveillance des mineurs, à l’assistance éducative. Si la scolarité obligatoire s’étend théoriquement aux enfants jusqu’à l’âge de 14 ans, la majorité pénale est fixée à 16 ans, âge au-dessous duquel aucun enfant ne peut être poursuivi mais doit être protégé (loi de 1912). Le domaine pénale de l’enfance se dote aussi de procédure de défense et de protection spécifique mais dans le concret la situation n’est pas aussi clair ;la chambre pénale de l’enfance s’inscrit dans le système judiciaire comme un rouage complémentaire à la juridiction ordinaire au moyen duquel le passage de l’une à l’autre s’opère selon la gravité de l’infraction et pas selon les caractéristiques statutaires qu’on voudrait attribuer aux mineurs.

Avec Delay-Malherbe, tout en la paraphrasant, j’aimerai conclure et réaffirmer que derrière l’entité Etat se cache des groupes dominants détenteurs de pouvoirs qui à différents moment de l’histoire s’empare des questions sociales pour édicter des normes selon leur représentation des visées à atteindre dans la régulation des faits sociétaux. En effet, l’Etat comme nous l’avons démontré est à l’origine du développement des services officiels de prise en charge de l’enfance et de la jeunesse. Il est juste de voir derrière l’intervention de l’Etat dans la prise en charge de l’enfance et de la jeunesse il y a l’idée que l’Etat est capable de gérer les problèmes sociaux. Et au fil des années, l’Etat s’est arrogé une quasi-hégémonie sur la définition et l’interprétation des besoins de l’enfance et de la jeunesse et sur la résolution des problèmes qu’elles posent.

La protection de l’enfant : Quid de sa législation de nos jours ?

Cette analyse nous donne un aperçu schématique de ce que « l’histoire de la protection de l’enfance, que l’on appelle aujourd’hui l’aide à la jeunesse, montre que sur la longue durée, le droit, la législation et surtout les pratiques d’intervention sont énormément conjoncturels. Ils se transforment et se réactualisent en relation avec la conception que l’on se fait du rôle de l’etat et du rôle de la justice, avec l’image de la famille et le rôle assigné au père, à la mère, avec l’image de l’enfant, de l’adolescent, et la place qu’on lui reconnaît dans la famille et dans la société. » Dupont-Bouchat, M-S,(2001,13) Il en va de même de nos jours ou la question de l’enfant en danger a été revisité grâce à la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989.

Il s’agit d’une convention internationale essentielle pour la reconnaissance d’un statut juridique complet de l’enfant. Elle a pour objectif de protéger le mineur et de le reconnaître comme détenteur de droits fondamentaux, réaffirmant certains droits déjà garantis par d’autre traités (droit à la vie, à la dignité, à la liberté personnelle et à la liberté d’expression)m en élaborant des normes dans des domaines clés comme l’accès à l’éducation et la prévention de la maltraitance (Naville te Sambeth Glasner, 2000)

La Suisse s’est engagée à respecter les droits et les principes énoncés dans la Convention, à les mettre en œuvre et a les garantir sans discrimination à tout enfant vivant sur son territoire, mais également à les faire connaître et à prendre pour cela des mesures particulières de publicité vis-à-vis des mineurs.

La Convention introduit 2 notions essentielles : l’intérêt supérieur de l’enfant art.3) et le droit de l’enfant d’être entendu et de s’exprimer librement (art.12).

L’article 3 de la Convention s’adresse aux institutions publiques et privées de protection sociale, aux tribunaux et aux autorités administrative ; celles-ci doivent tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions quelles prennent à son sujet. C’est une considération primordiale qui peut conduire à une limitation de l’autorité parentale.

L’article 12 garantit à l’enfant capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant. En outre, cet article indique que l’Etat doit donner à l’enfant la possibilité ’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant.

Pour ce qui est de la maltraitance, l’article 12 implique la mise en place de moyens permettant à l’enfant en détresse d’être écouté et pris en charge juridiquement et psychologiquement par des personnes compétentes. L’enfant doit aussi avoir la possibilité de saisir lui-même les organes administratifs et judiciaires aptes à le prendre en charge et le défendre.

De par cette Convention, l’Etat doit accorder l’aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant. Mais dans les cas où cette tâches ne pourrait être menée à bien par les parent seuls, L’Etat doit de se substituer à ces derniers pour assurer la protection de l’enfant, ce qui est notamment le cas lors de maltraitances.

Le droit suisse contient des bases légales suffisantes en matière de protection des mineurs mais des problèmes résident dans la mise en œuvre effective de cette protection car ces bases légales son souvent ignorées et donc insuffisamment utilisées (Naville et Sambeth Glasner, 2000)

L’essentiel des normes qui protègent les mineurs en Suisse se situe dans le Code civil et dans le Code pénal suisse. Notons que la Suisse à ratifier la Convention des droits de l’enfant en 1997.

C’est donc à l’Etat qu’incombe la tâche d’adapter la Convention à sa législation ainsi que de la faire respecter.

Ce qui ressort de cette revue législative, c’est que le droit de l’enfant s’internationalise et se calque sur le modèle des droits de l’homme. De l’enfant pris dans sa famille à protéger on passe à une conception de l’enfant vu comme individu dont il faut respecter les droits : Cette nouvelle conception de la famille (dont les membres sont considérés comme des personnes dotées de droit) fait, sans nu doute, partie de l’héritage culturel des acteurs qui vont s’engager dans le processus de reconnaissance sociale de la maltraitance envers les enfants en tant que problème social.

Nous laissons à la postérité de faire l’analyse des processus de transformations de la gestion de faits sociaux en normalisation des comportements. En effet, nous n’avons pas encore assez de recul pour investir l’évolution de nos jours du concept de l’enfant, car avec cette Convention, je l’entrevois comme enfant, citoyen du monde. L’évolution du noyau familial vers un éclatement, nous enlève progressivement nos repères quant à notre idée de sa place dans la famille. Juste un exemple : l’adoption d’enfant par les couples homosexuels donneront quelle évolution de la famille d’abord et de l’enfant ensuite ? Ce sont là des thématiques avenir qui ont encore du chemin à faire…

Conclusion

La réponse à notre constat de départ, à savoir l'ampleur du phénomène de l'enfance maltraitée, nous montre que l'obligation scolaire a donné un statut et une place sociale à l'enfant au sein de sa famille et de la société: "En plaçant l'enfant plusieurs heures par jour à l'écart du monde des adultes, en lui réservant un traitement spécifique, l'école a certainement contribué à spécifier progressivment le statut d'enfant et à lui donner la place qu'il occupe aujourd'hui dans la famille et dans la société" (N. Delay-Malherbe, juin 1982, p.9). A partir de là, l'enfance conçue comme corps social est objet de préoccupation de la part de l'Etat car il représente un citoyen potentiellement utile. L'évolution de la famille fait que progressivement cette notion d'enfant se voit enrichie de nouvelles représentations sociales qui font que de l'enfance en danger de la fin du XIXème siècle on passe à l'enfant maltraité des années 90.

Pour en revenir aux différents acteurs à l'oeuvre dans la protection de l'enfance, ces derniers contribuent largement, selon leurs spécialités, à entretenir le phénomène de l'enfance maltraitée. En effet, chacun enrichit la notion de maltraitance selon les spécificités de son domaine. Par exemple, soulignons le fait que le corps médical ait pesé et continue à peser, par son savoir, sur l'alimentation du concept de l'enfance maltraitée.

Bibliographie

DELAY-MAHERBE, Nelly, Enfance protégée, famille encadrées. Matériaux pour une histoire des services officiels de protection de l’enfance, Cahiers du Service de la Recherche Sociologique n°16, juin 1982

DUPONT-BOUCHAT, Marie-Sylvie, L’enfant, la famille, la justice et l’Etat. De la protection de l’enfance à l’aide à la jeunesse, in BOMMARIAGE, J., et MARQUET, J.(dir)Enfant. Entre maltraitance et protection, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, pp. 13-48, 2001

LATTION, Stéphane, La procédure de placement de l’enfant maltraité, Mémoire Licence, Université de Genève, Juin 2002

NAVILLE, Laurence, & SAMBETH GLASNER, Birgit, Maltraitance et droits de l’enfant. Aspects théoriques et mise en œuvre pratique, in FLÜCKIGER, Isabelle, (dir), Editions EESP, Lausanne, 2000, pp 113-118

RUCHAT, Martine, L’OISEAU ET LE CACHOT Naissance de l’éducation correctionnelle en Suisse Romande 1800-1913, Editions Zoé, Genève, 1993