De Saussure, Christian (1999) Vieillards martyrs tirelires : maltraitances des personnes âgées. Chêne-Bourg : Médecine et hygiène

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Résumé du livre : Vieillards martyrs, vieillards tirelires

Préface (pp.1-2) ; Professeur F. Kuntzmann

Dans la préface de l’ouvrage, le prof. F. Kuntzman nous rend attentif au fait que l’institution n’est pas à l’abri des dérapages. Le contexte est particulier : les pensionnaires ne sont pas tous consentants à leur entrée dans l’institution, les règles internes de l’institution, même fondées sur des principes éthiques bien définis, peuvent être appliquées de manière restrictive et contraignante, « la surcharge de travail va parfois de pair avec un manque de formation du personnel », la vie collective a des impératifs parfois dure à concilier dans l’intérêt de tous. Il est important de connaître ceci afin d’y être attentif et ne pas dériver vers un non respect de la personne âgée. « La mise en place de groupes de parole, de réunions avec les pensionnaires et les familles, l’élaboration et le suivi de projets de vie et de soins sont autant de moyens utilisés pour garantir le respect de la personne âgée en institution. Les problèmes de non respect ont existé de tout temps mais ont été ré-abordé de manière plus significative depuis quelques années. « Ainsi, en 1987, un colloque réuni au conseil de l’Europe à Strasbourg, a abordé le thème des sévices au sein des familles. La sensibilisation à ce problème doit amener aujourd’hui à une vigilance accrue et à une véritable prévention.

Chapitre 1 : « Le viol des aînés » (pp. 3-19), Christian de Saussure

Selon Christian de Saussure, « la famille est le creuset des violences ». Ces maltraitances peuvent ensuite rejaillir sur les institutions. Il avance ainsi quelques chiffres montrant que 72% des crimes sont commis dans la famille ou parmi les proches. La maltraitance envers les personnes âgées est longtemps restée « l’un des derniers tabous, totalement immergée dans le secret des familles mais aussi des institutions ».

Le silence et le temps sont deux alliés naturels du scandale du "viol des aînés". Avec le temps, les rapports au sein de la famille, entre la personne qui vieillit et les siens, changent. Ils partagent de moins en moins de choses et la personne âgée s’éloigne peu à peu de ce qu’elle était. Les enfants veillent mais attendent également, en silence. Silence, car « il ne fait pas bon avouer son attente de la mort délivrance qui ne vient pas, nargue et amène à des attitudes d’hostilités dégénérant en violences multiples ».

« Mieux comprendre ces bouleversements lancinants dans nos rapports interpersonnels, c’est aussi rechercher ce qui se passe chez les uns et les autres ». C’est-à-dire comment évoluent la personne âgées, la famille et les intervenants institutionnels. De Saussure rend compte de la personne âgée en quatre appareils complémentaires et liés : l’appareil psychique, l’appareil cognitif, l’appareil somato-moteur (les différents organes du corps), l’appareil socio relationnel. La régression de ces divers appareils peut amener la personne à un repli sur soi, à une forte hostilité envers l’extérieur et à des comportements agressifs et violents. Ces comportements peuvent alors conduire à des réactions identiques de la part de l’entourage.

Concernant la famille, l’entourage, « on observe que pour la première fois dans l’histoire humaine, il est de plus en plus fréquent de rencontrer des familles de quatre générations qui coexistent, ce qui accroît souvent les tensions et les conflits ». Quelle place occupe la personne âgée dans ce cadre là ? Ecartée, placée en institution. La famille se désengage petit à petit de leur aîné(e).

Les intervenants institutionnels sont quant à eux « soumis à une loi toute simple mais effrayante : « faire toujours plus avec moins » ». Ils sont d’autre part confrontés au stress, au burn out, aux fantasmes mortifères des familles qui s’étonnent de voir « leur vieux » toujours en vie et allant bien, et enfin à l’angoisse de mort, « ils ne peuvent oublier qu’eux aussi mourront un jour ». « Les équipes sont réduites, l’épuisement guette, le professionnalisme réel de la grande majorité des intervenants est fragilisé par l’accroissement de la charge de travail, la sévérité des cas et les exigences sans cesse revues à la hausse par la société, la science et les familles. Peu de chose conduit à des dérapages qui vont de la négligence passive au sévices ».

De nombreuses recherches sur le thème de la maltraitance ont contribué à définir le problème et ont amené à une classification des maltraitances. « C’est en 1985 déjà que Wolf, Godkin et Pillemer, trois gériatres et psychogériatres nord-américains ont proposé une classifications des maltraitances qui reste aujourd’hui (cet ouvrage date de 1999) très pertinente et a le mérite de la simplicité ». Ils distinguent les sévices physiques (15%), psychologiques (35%), matériels (35%) et sociaux (15%), ainsi que les négligences actives et passives. « On estime que 10 à 20% des personnes âgées sont victimes de maltraitances isolées ou répétées ».

Selon de Saussure, la victime serait « essentiellement la femme de plus de septante ans, dépendante physiquement, psychiquement ou financièrement, isolée, déracinée, vivant dans un milieu familial perturbé ou dans une institution, ayant dans les antécédents familiaux une histoire de violence ». L’abuseur serait « dans la majorité des cas un membre de la famille nucléaire (conjoint, enfant), mais aussi un familier (voisin, ami), un intervenant professionnel (médecin, infirmier, assistante sociale) ».

« La société occidentale est un modèle de rejet et d’exclusion de la personne âgée ». Cette dernière est bien souvent, placée en institution, isolée du reste de la société. L’auteur relève que l’on trouve à Genève les trois grands lieux d’exclusion de notre société : la prison, l’hôpital gériatrique et la clinique psychiatrique. La personne âgée nous renvoie l’image de notre propre futur. Un futur que l’on peine à accepter, la mort effraie. On se détourne de la personne vieillissante, refusant de la suivre jusqu’au bout, et nous la léguons aux centres médicaux.

Autre aspect troublant, la logique économique qui déteint sur les centres de soins, dissimulée derrière l’argument des « contraintes budgétaires », pousse à des logiques de fonctionnement peu « compatibles avec une éthique de soins ». « La famille peut devenir complice volontaire ou non de ces choix, en étant elle-même ambiguë dans ses orientations, ses décisions ». De plus, les secrets sont intenses au sein de la famille et ce ne sont que les faits graves qui peuvent être repérés, « ceux qui ne peuvent qu’entraîner une intervention de tiers extérieurs à la famille.