Asiles, études sur la condition sociale des malades mentaux

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Asiles, études sur la condition sociale des malades mentaux

Cet ouvrage, publié en 1961, est le résultat d’une longue enquête ayant pour objet l’analyse de l’univers du reclus à l’intérieur des « institutions totalitaires » et en particulier des hôpitaux psychiatriques. Afin de prendre du recul avec l’analyse psychiatrique qui interprétait tout comportement comme conséquence de la maladie, Goffman passe les années 1954 à 1957 dans des hôpitaux psychiatriques, au côté des malades. L’auteur analyse les comportements et le déroulement de la vie quotidienne des reclus en relation avec le milieu dans lequel ils vivent. Selon Goffman toute interaction suit des règles précises. Le contexte influence nos actions et les messages que nous envoyons et recevons de façon plus ou moins consciente nous sont utiles dans l’adaptation de nos comportements. En contextualisant et en restituant du sens aux actions des acteurs, ce qui est interprété comme « pathologique » par le personnel de l’hôpital psychiatrique, peut être ainsi considéré comme étant une attitude « normale ». Asiles est un ouvrage composé de quatre essais qui traitent de la situation du reclus, en abordant la question selon quatre approches différentes.


I Les caractéristiques des institutions totalitaires

L’auteur commence par donner une définition des « institutions totalitaires » qui se caractérisent par le niveau d’exclusion et de contrôle dans lequel se trouve le reclus. La vie dans de ce genre d’institution est décrite en négatif par comparaison avec le déroulement de la vie à l’extérieur. La journée dans sa totalité se déroule dans un seul endroit, avec les mêmes personnes et toujours sous le contrôle d’une seule autorité (ou plutôt d’un seul pouvoir). Les barrières entre vie privée et vie en société, entre travail et distractions sont brisées, les tâches ainsi que les loisir sont programmés. Du levé au couché, la journée du reclus est strictement encadrée et contrôlée, toujours sous la stricte surveillance du personnel. L’institution, de par sa nature, limite les échanges avec le reste de la société et impose la plupart du temps une énorme distance entre les deux groups qui se partagent ce monde : les reclus et le personnel. « La coupure entre le personnel et les malades transpose et reprend au sein même de l’établissement cette opposition du dehors et du dedans et fournit le principe dynamique dans la vie sociale dans l’institution : le personnel représente les normes, les mythes et les pouvoirs de la vie normale pour des sujets définis par l’abolition de tous les privilèges d’une existence libre » (p. 14)


II La carrière morale du malade mentale

La carrière morale du malade mental commence avant l’entrée dans l’hôpital psychiatrique (la phase pré-hospitalière) et se poursuit au sein de celle-ci (phase hospitalière). Dans cet essai, l’auteur traite de l’évolution du statut de l’individu, des étapes et des variables qui jouent un rôle important et qui amèneront la personne petit à petit à perdre tous ses réseaux de relation et tous ses droits. Une fois mis sous tutelle et entré dans l’institution, l’individu se trouve confronté à la culture de l’institution, un fonctionnement auquel il essaie de faire face afin de sauver ce qui lui a permis auparavant de se définir en tant que personne. La docilité de l’individu et sa capacité à se plier aux règles sont utilisées comme clés d’interprétation de l’évolution de son état de santé mentale. Le « système des quartiers » et l’emploi des privilèges et des punitions visent à façonner l’individu et ses comportements. Dans cet « apprentissage du rôle du malade » dans le fonctionnement de l’institution, la personne peut parvenir à trouver des failles qui peuvent lui permettre de résister à cette définition de soi très dévalorisante.


III La vie clandestine d’une institution totalitaire

Cette étude met en évidence les capacités d’adaptation de l’individu face à un contexte défavorable et la manière dont tous ces comportements sont interprétés par les psychiatres comme une résistance et une incapacité à suivre le cours d’une vie « normale ». Face à la conduite souhaitée et attendue de la part de l’institution, l’individu peut décider de se soumettre ou de résister en déclenchant ainsi le système de privilèges et de punitions qui règlent le fonctionnement de l’institution. Il existe pourtant des failles qui peuvent être exploitées permettant à l’individu de prendre un peu de distance avec la définition institutionnelle de soi, ce que Goffman appelle des adaptations. Il décrit ainsi les adaptations primaires (l’individu s’aligne avec les valeurs de l'institution), les adaptations secondaires (l’individu contourne ou détourne des normes), les adaptations désintégrantes (l’individu vise à rompre le bon fonctionnement de l'organisation) et les adaptations intégrées (l’individu agit de façon parallèle à la bonne marche de l'ensemble). À-travers l’analyse de l’exploitation de ces failles permettant la naissance de la vie clandestine au sein de toute société, Goffman nous montre le rôle des adaptations qui nous permettent de nous définir en prenant de la distance entre ce que l'on est vraiment et ce que l'organisation voudrait que l'on soit.


IV Les hôpitaux psychiatriques et le schéma médical type

Dans cette partie l’auteur nous montre les contradictions de l’approche médicale à l’intérieur des hôpitaux psychiatriques. Tout d’abord, l’objectif principal de « soigner » la personne considérée comme malade, laisse la place à la fonction de protection de la société. Ces personnes qui dérangent par leur comportement déviant, sont placées à l’écart sous une stricte discipline qui vise le façonnement de l’individu et des comportements souhaités. La surveillance devient ainsi la première préoccupation du personnel. En outre, le schéma médicale type approche le problème d’un point de vue « technico-psychiatrique ». Le psychiatre opère une scission entre l’individu et la maladie. Les différences d’âges, le sexe, le contexte de vie et tout ce qui a contribué à la construction de la personnalité de l’individu considéré comme malade, perdent toute importance. L’on passe ainsi du « sujet malade » à « objet d’étude », ce qui implique la maladie comme seule clé d’interprétation des comportements de l’individu.