"L'Enfance en danger. Ils n'ont rien vu ?"

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Informations utiles pour notre introduction, pour situer notre problématique dans un cadre macro.

Résumé du livre de Sellenet établit par Jacqueline Finkelstein-Rossi, UPJV-CURSEP:

"Dans notre société, l’enfant apparaît comme parti-culièrement précieux, d’autant plus précieux que nous avons les moyens de le désirer pour ce qu’il est, ce qu’il nous apporte et ce que nous voulons lui apporter. Pourtant, les chiffres en augmentation de la maltraitance comme de la délinquance juvénile montrent que des failles existent dans les familles et peut-être aussi dans notre système, et ce, malgré le développement de structures nouvelles. Dans le champ de la protection de l’enfance, deux tendances coexistent et s’affrontent :

La première dénonce les violences institutionnelles du système de la Protection de l’enfance, et ses carences dans le respect du droit des personnes, en pointant la judiciarisation de l’assistance éducative, le recours à une mesure imposée plutôt que négociée, la trop fréquente exclusion des parents de la prise en charge, au prétexte qu’ils sont démissionnaires… Par ailleurs sont pointés : le manque d’objectifs autant que de moyens, le flou du travail social, le manque d’outils, le manque de concertation et de coordination des différents services intervenants. Les questions qui se posent revenant à se demander :

comment passer de l’aide contrainte à l’aide demandée ? Comment faire de la prévention ? Comment soutenir les parents

La seconde remet en question la pieuse idée selon laquelle l’enfant doit être maintenu dans son milieu familial, ou du moins, les liens aux parents conservés. Il existe des parents qui invalident le travail accompli par les professionnels. En découle un échec de la protection de l’enfance qui a un coût énorme pour la société. Ce courant dénonce en fait la sous-estimation de la notion de risque et la surestimation de la contractualisation.

C’est en ces termes que Catherine Sellenet pose le délicat problème de l’enfance en danger. L’ouvrage se compose de cinq parties : 1. La protection de l’enfance et ses déclinaisons : il s’agit d’un panorama des actions allant de la IIIe République à nos jours. 2. Comment protéger ? Il s’agit de savoir ce que l’on entend par protéger. Évolution des conceptions, évolution des prises en charge. 3. L’innovation en protection de l’enfance est-elle possible ?

Il s’agit, dans cette partie, de poser différentes questions comme celles de la confiance, le changement, l’autonomie, le projet… La nécessité d’innover apparaît. 4. Le placement à domicile : une intervention audacieuse. Présentation d’un modèle innovant. 5. Pour mieux protéger les enfants. Dernière partie avec des propositions et des voies de dégagement.

Qu’est-ce qu’une protection ?

C’est, nous rappelle C. Sellenet, un abri, un affermissement, une aide, un appui, une armure, une assistance, un blindage, une tutelle, un soutien, une défense… À cette multiplicité de conceptions correspondent des réponses multiples. Sous la IIIe République, on comprend la nécessité de protéger les enfants maltraités, abandonnés ou « mal placés » ; on lutte à la fois contre la mortalité et contre les risques d’asocialité. On citera : la loi de 1874 (Roussel) s’adressant aux petits enfants les plus fragiles ; la loi de 1889 qui vise à protéger les enfants de leur famille (maltraitante) ; la loi de 1904 qui généralise la notion de protection. L’auteur cite ensuite l’ordonnance de 1945, dont il faut préciser qu’elle ne visait pas en tant que telle à protéger les enfants, et encore moins à les soigner, comme le laisse supposer l’auteur, mais à les rééduquer ; elle s’adresse aux enfants délinquants en préconisant l’éducation plutôt que la répression. Suit un paragraphe sur « la protection de l’enfance dans les années 2000 » : on ne comprend pas pourquoi C. Sellenet passe sous silence les ordonnances relatives à l’assistance éducative et qui suivent justement l’ordonnance de 1945 : celle de 1958 révisée en 1975… Quoi qu’il en soit, dans les années 2000 on cherche à préciser la notion, si vague, de danger, à travers les catégories de l’ODAS ou la grille d’évaluation médico-psychosociale, qui restent insatisfaisantes. À partir de là, l’auteur montre, à travers les récentes affaires d’Outreau et d’Angers, combien il est difficile de travailler dans le champ de la protection de l’enfance. Problème de droit, problème d’éthique, problème de morale, problème de formation des intervenants quels qu’ils soient : de ceux qui ne voient pas à ceux qui dénoncent trop vite en passant par ceux qui ne savent pas « décoder » la parole de l’enfant. Mais définir ou circonscrire le(s) danger(s) ne suffit bien sûr pas : il faut protéger.

Le principal danger que court l’enfant se trouve dans sa famille, aussi, pendant longtemps, la réponse s’est limitée à éloigner, déplacer… le terme « déporter » fut même employé et repris ici, sans que l’auteur ne mesure l’inanité d’un tel emploi… En bref, si la famille est défaillante, voire dangereuse pour l’enfant, on doit lui trouver un substitut ; dans ce contexte, les placements connurent un certain essor. Puis vient l’époque de la suppléance : « dès lors il n’est plus question pour le professionnel d’occuper toute la place mais de s’inscrire dans les creux de la fonction parentale, dans ce qui fait défaut, dans ce qui est repéré comme un manque, une carence » (p. 82). Les liens familiaux sont alors conservés, restaurés, réparés, raffermis car « l’enfant a besoin d’une famille pour grandir ». Les années 2000 et suivantes insisteront alors de plus en plus sur la responsabilisation des parents,à l’instar de toutes les prises en charges pratiquées dans les pays occidentaux. La responsabilisation ne peut cependant se concevoir qu’à partir du développement de la compétence parentale.

L’auteur reprend le terme « accompagnement » cher aux travailleurs sociaux français en tentant assez difficultueusement d’y mettre un, voire plusieurs contenus censés être issus de la pratique éducative. Et cela pour arriver à la notion de « bientraitance » dont on apprendra qu’elle n’est pas le contraire de la maltraitance, mais plutôt « un des moyens pour favoriser l’émergence des capacités de résilience des individus. À l’inverse de la bienfaisance, qui véhicule une image caritative et non participative, la bientraitance est une approche participative se basant sur des principes d’égalité et de respect des individus » (ONE, Belgique). Mais comment agir pour être bien traitant ? À partir de quels modèles ? C. Sellenet expose le modèle écologique de Bronfenbrenner, et ses différentes couches systémiques, appliqué au travail social : ontosystème (caractéristiques, états, compétences, vulnérabilité de l’individu) ; microsystème (famille, réseaux) ; mésosystème (interrelations entre les microsystèmes, ex : liens entre école et famille) ; exosystème (environnement, réseau social des parents, conditions de vie etc.) ; macrosystème (ensemble des croyances, valeurs, idéologies partagées par une communauté et qui dictent les conduites des individus). S’y ajoute le chronosystème (chronologie des événements vécus par les familles et leur influence). Il s’agit donc, nous précise l’auteur, d’une lecture multifactorielle et socio-environnementale à laquelle doit s’ajouter la « participation observante » (p. 115). Les axes de travail doivent s’enrichir de concepts comme : la confiance, la réciprocité, la coopération afin de pouvoir envisager l’établissement d’un contrat. Le « placement à domicile » est alors présenté comme « une intervention audacieuse ». De quoi s’agit-il ? « Le juge des enfants confie un enfant à un service en autorisant son hébergement au domicile des parents » (code civil : articles 375-3 et 375-7). En clair, c’est le service qui est responsable de l’enfant et pas les parents. Au-delà du fait qu’il semble paradoxal de proposer la responsabilité d’un service avec pour but de responsabiliser les parents, il s’agit en fait de permettre à ces derniers de reconnaître leur vulnérabilité pour pouvoir en sortir, avec l’idée qui porte le travailleur social, selon laquelle ce « faire avec » rend possible l’évolution. La dernière partie rend compte des difficultés persistantes et des efforts nécessaires à faire, notamment en matière de formation des intervenants. Mais il apparaît aussi que c’est la diversification des modes d’interventions qui répondra le mieux à la variété des problématiques. Pour conclure, nous dirons que ce livre de 236 pages, table des matières comprise, est agréable à lire, malgré la difficulté à suivre parfois l’auteur dans le cheminement de sa pensée. Le sujet est passionnant, mais au bout du compte, en fermant le livre, sommes-nous plus au clair avec les notions de danger et de maltraitance ? Ce qui est présenté comme de l’innovation, l’est-il vraiment ? N’existe-t-il pas, quoi qu’on en dise, des parents toxiques desquels l’enfant doit être protégé et auprès desquels de multiples tentatives de prise en charge ont échoué ? La précarité le chômage, la pauvreté sont certes des éléments qui donnent une grande visibilité à l’enfant qui souffre, mais qu’en est-il de ces enfants mal considérés, malmenés, mal aimés, maltraités, issus de familles apparemment normales (socialement, du moins) et qu’on ne remarque pas ? Toutes ces questions auraient pu être aussi posées, sinon traitées. Par ailleurs, on reste surpris du manque de référence aux recherches anglo-saxonnes qui, en matière de protection, ne sont pas négligeables et montrent justement le chemin de l’innovation en termes d’outils et de traitement."

Source: Cairn: http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CDLE_023_0204