Pionniers de l'intégration scolaire des enfants handicapés à Genève

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 Introduction

Les pionniers de l'intégration à Genève sont à situer autant dans une période temporelle délimitée de 15 ans ou 25 ans, entre 1970 et 1985, que dans un courant de pensée particulier qui a ses précurseurs (Ivan Illitch, Fernand Deligny, Célestin Freinet, etc.). Ce courant de pensée forme aussi dans le temps une filiation par la transmission des idées et des pratiques ou par l'adoption par la génération plus jeune des "leçons" des aînées et aînés. Ainsi la génération née après la seconde guerre mondiale (génération dit des baby-boomer) appartient à la cohorte ayant vécu Mai 68 et la politique de démocratisation des études qui a amener et/ou renforcer dans le champ des sciences humaines et sociales des préoccupations de justice sociale, d'égalité entre les personnes, de partage de pouvoir, de prise de paroles des femmes, des prisonniers, des membre du quart monde et autres marginalisés (appelé "marginaux" . Elle a donc été à la fois héritière de certains courants de pensées en éducation (éducation nouvelle, psychanalyse, épistémologie piagétienne notamment) et a participé au courant contestataire de l'institution (désinstitutionalisation), de l'autorité (développement des groupes, de l'autogestion).

Cette génération a donc opéré sur le plan de l'histoire une réception d'un patrimoine d'expériences et d'idées, elle a produit elle-même des expériences et des idées, qu'il s'agira de récolter à travers des entretiens (histoire orale), entretien qui formeront un geste de transmission à de jeunes étudiantes en master en éducation spéciale. Cette génération "sandwich") joue un rôle essentielle (par sa longévité due à une espérance de vie allongée) dans la transmission aux jeunes génération. Elle rendra compte autant des expériences, que des valeurs humanistes qu'elle désire transmettre et des représentations de l'individu et en particulier de l'enfant handicapé.

Dans cet article fondé à la fois sur une recherche documentaire et sur la récolte de témoignages de pionniers, il s'agira d'une part de repérer les précurseurs et d'autre part de présenter les fondements du courant d'intégration des enfants handicapés à l'école publique. Dans un troisième temps, il s'agira de mener une réflexion sur la transmission d'une génération à l'autre des idées, des valeurs et des pratiques dans le champ de l'éducation spécialisée.

Influences et précurseurs

Cette génération des pionniers de l'intégration (dans les années 1970-1985) a subi des influences des penseurs de l'éducation, de sociologues, de philosophes, mais semble avoir essentiellement agit de manière empirique soit dans le domaine politique (motion Marie-Louise Beck, projet de loi 20 août 1985, etc.), soit dans le domaine des institutions et des associations (sectorisation en psychiatrie, intégration des enfants handicapés physiques et mentaux à l'école, etc.). L'Association des parents d'enfants mentalement handicapés (APMH) créée le 12 mai 1958 a probablement été initiatrice d'un premier courant d'intégration visant essentiellement le travail en atelier protégés dans la perspective d'une autonomie financière couplée à la rente invalidité. Grâce à loi sur l'assurance invalidité, mis en vigueur le 1er janvier 1960, le jeune handicapé pourra compléter l'apport financier de son travail. Cette nouvelle perspective lui permettra selon les parents de l'APMH, afin de réaliser "une vie comme tout le monde".

Le service itinérant créé dans les années soixante visant le soutien des parents et une éducation précoce pour l'enfant déficient a aussi contribué à mettre les bases du mouvement d'intégration scolaire.

Mais il paraît évident que cette génération c'est aussi appuyée sur des précurseurs qui ont fait depuis le début du 20e sicèle le champ de l'éducation spécialisée.

Valeurs et concepts des pionniers

Même s'ils se rattachent à un courant humaniste (respect des besoins de la personne et en particulier de l'enfant) de l'éducation spéciale et plus généralement de l'éducation et de la prise en charge, alimenté au cours du 20ème siècle par un certain nombre de conventions (droits de l'enfant en 1924, droits....) , les pionniers de l'intégration nourris d'une approche libertaire vont étayer leurs approches par des concepts qui vont être incarnés dans des pratiques sociales et éducative.

Le courant de l'intégration des années 1970 vont revendiquer autant l'humanisation des soins que la désinstitutionnalisation, la valorisation des rôles sociaux et la normalisation.


Ivan Illich (Lisa)

«Illich est tout d'abord un penseur qui se situe dans un contexte historique particulier, celui des années 60 — période caractérisée par une critique radicale de l'ordre capitaliste et de ses institutions sociales, et notamment de l'école. http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Ivan_Illich


«Convivialité : Illich espère que l’Humanité prendra un jour conscience des chaînes qu’elle s’impose dans la société industrielle, qu’elle s’en libérera et créera une société opposée à celle d’aujourd’hui. Cette société, il l’appelle « conviviale ». Il la définit comme une société « où l’outil moderne est au service de la personne et non au service d’un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil. » La société conviviale s’appuie sur des valeurs de base : la survie, l’équité et l’autonomie qui sont le contraire des valeurs de base de la société industrielle : l’élimination, la contrainte et l’exclusion. La société propose donc un mode d’organisation sociale basé sur l’épanouissement. L’Homme, de sujet, devient acteur des institutions. Pour autant, comme le rappelle Illich, une société conviviale n’exclut pas obligatoirement les institutions reines de la société industrielle. Ainsi, elle « n’interdit pas l’école. Elle proscrit le système scolaire perverti en outil obligatoire, fondé sur la ségrégation et le rejet des recalés. » La convivialité représente donc la possibilité d’une vie autre, fondée sur la disparition de fléaux comme la précarité, le stress sociétal, l’isolement ou l’imposition de solutions clés en main. Elle permet de gagner en rendement social ce qu’elle fait perdre en rentabilité industrielle. Elle est basée sur l’être et non plus sur l’avoir. En un mot, elle génère moins de biens mais plus de liens.» http://chezsamuca.blogspot.com/2010/01/les-concepts-divan-illich.html

Samuel Duhamel


Mais l'originalité d'Illich n'est pas dans la dénonciation de l'exportation de l'occidentalisme mais dans la critique de ce mode de vie même, marqué par les grandes institutions que sont la médecine et l'école. Ivan Illich les critique en terme d'efficacité et en souligne la contre-productivité, comme celle d'un hôpital qui produit ses propres contaminations. Mais l'essentiel n'est pas là. C'est en tant qu'institutions qu'il les attaque, c'est-à-dire en tant qu'organisations ayant à la fois une idéologie et un monopole. Au nom de l'incontestable nécessité de transmettre les connaissances, l'école s'arroge le droit de diffuser à tous, selon ses propres critères, en vertu de son monopole, le savoir jugé utile par elle-même. Elle garantit son pouvoir par des titres. Ceux qui ne les obtiennent pas sont exclus des places réservées aux diplômés, même s'ils révélaient, acquises par d'autres voies, des compétences égales. L'institution qui a pour mission de donner à chacun sa chance fabrique en fait par l'exercice de son pouvoir ses propres exclus. http://www.domainepublic.ch/files/articles/html/4549.shtml


Bref historique (Julie)

L'investissement des parents d'enfants mentalement handicapés se fait ressentir fortement déjà dans les années 1950. En 1959, les parents se regroupent et créent, en Suisse romande, l'association des parents d'enfants mentalement handicapés (APMH).

Il faudra attendre 1981 pour qu'un réel changement s'oppère: au sein du Département de l'instruction puplique, la commission permanente de l'intégration voit le jour à Genève.

En 1986, la loi sur l'instruction publique est modifiée: l'intégration des enfants handicapés dans les écoles ordinaires est mise en avant, à travers l'article 4A ( www.ge.ch/legislation/rsg/f/rsg_C1_10.html ) et stipule que tout élève ou étudiant handicapé a droit à une intégration scolaire totale ou partielle, en fonction de la nature de ses besoins et en étant bénéfique pour ce dernier.

Toutefois, il faudra encore quelques années pour que commence réellement la lutte des parents de l'association pour l'intégration de leurs enfants. De nombreux parents et professionnels ont alors lancé l'idée d'ouvrir une classe intégrée au sein du cycle d'orientation, afin de faciliter l'intégration de leurs enfants, dans le cursus obligatoire et de leur permettre de poursuivre leur projets pédagogiques. En 1994, l'association a du faire face à un refus de la part des autorités du Département de l'instruction publique (DIP)

En décembre 1994, insieme Genève dépose une pétition auprès du Grand Conseil. Une motion est alors adoptée en juin 1995 par le parlement.

Le 8 septembre 1999, la Présidente du DIP et du Conseil d'Etat refuse cette motion et rejette toute idée de classe intégrée au cycle d'orientation. Les années suivantes, la Commission consultative sur l'intégration scolaire retravaille sur la question en formant un groupe de travail.

En décembre 2003, un projet de loi sur l'intégration scolaire des élèves handicapés est proposé au Grand Conseil ( www.geneve.ch/grandconseil/data/texte/PL09124.pdf ) .

Le 12 avril 2006, la Commission de l'enseignement du Grand Conseil revisite ce projet de loi ( www.geneve.ch/dip/GestionContenu/detail.asp?mod=actualite.html&id=375 ). Le Conseil d'Etat en adopte alors un nouveau, concernant l'intégration des mineurs handicapés ou à besoins spéciaux. L'intégration ne s'arrête donc plus aux enfants en situation de handicap mais ouvre à présent ses portes à un plus large champ, celui des élèves à besoins éducatifs particuliers.