L'anorexie: une forme d'auto-maltraitance socialement déterminée

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Introduction

La matraitance est définie des comme un ensemble de mauvais traitements infligés à des personnes dépendantes, sans défense, par des proches (parents, famille) ou des personnes chargées de s'en occuper. Longtemps, les femmes ont été considérées comme des êtres sans défense, peu aptes à exister sans la protection rassurante d’un homme, père, frère ou mari. Cette fragilité supposée faisait d’elles les victimes désignées de l’agressivité des hommes, des violeurs, des voleurs, mais aussi, de leurs propres époux et amants.

Aujourd’hui, l’image de la femme a énormément évolué. On la veut indépendante, dynamique, forte, à la limite de la masculinité. Le problème émergent des « hommes battus » semble emblématique du changement radical qu’ont subi le statut et l’image de la femme depuis leur émancipation dans les années 80. Désormais, l’idéal féminin de nos sociétés occidentales est celui d’une femme «battante» sur tous les plans, familial, professionnel, personnel, etc. En théorie, la femme actuelle est l’égale de l’homme, lequel ne peut plus guère faire d’elle sa victime. Le corps des femmes se doit de refléter leurs « nouvelles » qualités morales. A caractère fort, corps athlétique : les rondeurs, symbole d’une féminité désuète sont en disgrâce. Le surpoids incarne le laisser-aller, alors que la minceur témoigne d’un contrôle du corps et, par une extension maladroite, des autres registres existentiels.

Ce nouveau modèle féminin, soi-disant libérateur est en fait exigeant, très exigeant, tant au niveau moral que physique. Pour correspondre à cette norme sociale, bien des femmes endurent de lourdes contraintes au quotidien. Chez certaines, les jeunes filles notamment, le poids des apparences peut avoir des conséquences alarmantes : elles musèlent leur appétit, s’obligent à faire de l’exercice à outrance… Progressivement, une forme inédite de maltraitance, sournoise, mesquine, s’insinue dans leur existence : celle qu’elles s’infligent à elles-mêmes. Dans notre société, on les déclare « anorexiques ».

Dans cet article, nous chercherons dans un premier temps à définir en quoi cette maladie représente une forme d’ « auto-matraitance ». Nous passerons ensuite par l’histoire pour déterminer s’il est possible de soutenir que l’anorexie est une maladie socialement déterminée et, dans l’affirmative, si elle est intrinsèquement liée à une époque, la nôtre, et à une culture, la culture occidentale. Enfin, nous tenterons de mettre en exergue les facteurs sociaux susceptibles d’influencer l’incidence de l’anorexie à l’heure actuelle et dans le passé.

Petite précision : le féminin sera utilisé dans ce texte pour parler des anorexiques, puisque l’on sait que seul 1 à 5% des personnes souffrant d’anorexie sont des hommes.

Revue de littérature

Lors de notre recherche bibliographique, nous nous sommes rendus compte qu’une multitude d’ouvrages existait à ce sujet (littérature médicales, psychologique, témoignages, magazines, etc.). Dans l’optique du travail demandé, nous nous sommes centré sur les approches plus scientifiques du problème anorexie, que nous avons essayé d’aborder plus précisément sous l’angle sociologique. En effet, nous nous sommes rendus compte que deux étiologies prévalaient dans l’explication de l’anorexie : des facteurs d’ordre psychanalytique d’une part, et sociétal, d’autre part. Nous avons donc, compte tenu des exigences du cours dans lequel notre recherche s’inscrit, pris le parti d’aborder l’anorexie à la lumière des écrits sociologiques.

En premier lieu, nos ouvrages mettent en avant le fait que les symptômes de l’anorexie ne datent pas d’hier, et encore moins d’aujourd’hui. En effet, il semblerait que les comportements d’inanition ait été décrits dès le Moyen-âge, chez ce que Darmon (2003), appelle les « saintes anorexiques » ou « holy anorexia » chez Gordon (1990) et Hepworth (1999). Il s’agissait d’un jeûne, socialement valorisé, car symbole de pureté et de dévotion.

Dans un deuxième temps, les auteurs relèvent le fait que l’anorexie est devenu une question médicale, avant d’être une question sociale. En effet, dès le XIXème, on recherche une cause organique, puis psychique à l’anorexie. Au début du XXème siècle, influencés par la psychanalyse toute naissante, certains médecins voient dans l’anorexie, une manifestation du « refus de grandir » (Hepworth, 1999). Comme dit précédemment, nous avions décidé de privilégier l’aspect sociologique du problème. Par conséquent, nos lectures se sont essentiellement portées sur les facteurs sociaux de la maladie, pour quelles raisons peut-on la qualifier d’épidémie sociale. Nos quatre auteurs en distinguent deux principalement :

  • des critères d’identification féminines contradictoires (femme-mère vs. Femme qui se veut l’égal de l’homme)
  • une incitation à la consommation paradoxale (consommez, mais ne grossissez pas : consommation vs. restriction)

Sur ce point, Guillemot et Laxenaire (1997) mettent en avant la confusion des repères dans notre alimentation. Plus de marquages sociaux délimités, la consommation devient une affaire individuelle. Gordon, quant à lui, insiste sur la « peur de l’obésité », qui renforcerait les conduites alimentaires pathologiques. De plus, ces auteurs, psychiatres de formation, qualifient l’anorexie de culture bound syndrome (syndrome lié à la culture).

A cet état de la lecture, nous avions donc bien pris conscience de l’importance de la société dans l’apparition, et le maintien, des conduites anorexiques. Nous étions particulièrement surprises par le fait que les symptômes de l’anorexie aient fait leur apparition dès le Moyen-âge. C’est pourquoi nous avons décidé d’axés nos lectures secondaires sur cette thématique. Nous avons de plus constaté que les auteurs les plus récents (Darmon, 2003) associait l’anorexie à de la maltraitance, ou de l’autodestruction (brochure de l’ABA, 1998). Ces affirmations étant corroborées par les dires des médecins avec qui nous nous sommes entretenus, nous avons décidé, dans notre réflexion, de mettre en relief ce lien, tout récent, entre anorexie et maltraitance.

--Stéphaniebauer 4 jun 2006 à 15:05 (MEST)

Questions de recherche et méthodologie

Afin de mener à bien notre recherche, nous avons choisi plusieurs méthodes de récoltes de données. Des entretiens de recherche semi-directifs et une analyse d’articles de presse.

Nous avons décidé de nous entretenir avec deux acteurs sociaux engagés dans ce domaine : le Dr. B qui est pédiatre, médecin-chef d'un service de pédiatrie qui accueille également des adolescents souffrant de troubles psychosociaux dans le canton de Vaud. Le second entretien s’adressait au Dr. P, psychiatre spécialisé en gériatrie et co-directeur d'un centre pour anorexiques et boulimiques en France. En prenant compte le fait que ce travail sera diffusé sur le web, les deux interviewés est clairement indiqué qu’ils insistaient à garder l’anonymat. Par conséquent, ils seront identifiés dans l’article par des lettres (Dr. B et Dr. P).

Les entretiens visaient à récolter plusieurs types d’informations. Dans un premier temps, nous avons cherché à connaître comment concevaient-ils les troubles du comportement alimentaire. Donc le but était de savoir quels facteurs étaient impliqués dans la prévalence, l’étiologie et le traitement de l’anorexie.

Dans un second temps. Les entretiens se sont respectivement focalisés sur les deux axes traités dans ce travail à savoir, le concept d’auto-maltraitance et le concept de l’historicité du trouble comportemental.

Nous avons aussi récolté des données à travers l’analyse d’articles de presse, plus précisément de magazines. Nous avons sélectionné plusieurs magazines adressés aux femmes et aux adolescentes. Puis nous avons sélectionné plusieurs articles qui traitaient de thème factoriels dans les comportements anorexiques. Nous avons alors analysé les contenus en cherchant tout discours qui incite à perdre du poids, incite à brûler des calories. Nous nous sommes surtout concentrées sur les valeurs diffusées à travers ce type d’articles et se demandant quelle influence ce discours peut avoir sur les comportements de personnes anorexiques.

Première partie

Qu'est-ce l'anorexie mentale?

Symptômes de l'anorexie

Selon le DSM-VI, les critères ci-dessous doivent être remplis pour que le diagnostic d’anorexie mentale puisse être posé :

  • a) refus de maintenir le poids corporel au-dessus de la normale minimale (moins de 85 % pour l’âge et la taille
  • b) peur intense de prendre du poids ou de devenir obèse, malgré une insuffisance pondérale
  • c) perturbation dans la manière dont le poids corporel, la forme ou la silhouette est perçue
  • d) influence exagérée du poids corporel ou de la silhouette sur l’estimation de soi
  • e) aménorrhée pendant au moins trois cycles consécutifs chez les femmes menstruées (aménorrhée secondaire)

Ces critères tracent les contours de la maladie, mais rendent difficile de s’en faire une représentation claire. Concrètement, l'anorexique entretient un rapport très perturbé avec sa personne en général et son corps en particulier. Les traitements sévères qu'elle s'inflige peuvent déboucher sur des dysfonctionnements physiques très grave, voire entraîner la mort. Selon Vanderlinden (2003, p.15) 5 à 15% des personnes touchées en décèdent. L’anorexie est une maladie psychosomatique, c’est-à-dire, « caractérisée par des symptômes physiques dont les causes sont multiples, mais où des facteurs émotionnels jouent un rôle important » (Bérubé, L., 1992, p.130).

L’anorexie commence en général par un simple régime. La personne affirme vouloir perdre juste quelques kilos, y arrive sans peine mais ne se contente pas d'atteindre son objectif. L’amaigrissement continue, le poids descendant souvent au-dessous du poids minimum médicalement acceptable, soit un IMC de moins de 18.On parle d’anorexie à partir d’une perte de 15% du poids initial. L’anorexique continue pourtant de se trouver trop ronde, développe une véritable phobie de grossir et invente toutes sortes de stratégies pour maigrir encore ou se maintenir à un poids très bas. On distingue deux types d’anorexie: l’anorexie restrictive et l’anorexie purgative.

L'anorexie restrictive se caractérise par un régime alimentaire très strict, qui exclut progressivement les différentes catégories d'aliments et par un excès d'exercice. Parfois, les anorexiques de ce type sautent des repas ou jeûnent. Dans L’ombre de toi-même (Barraud, 1998), on trouve le témoignage de M., 19 ans: «D’abord, j’ai éliminé les pâtisseries, puis tous les aliments que je considérais comme étant caloriques. Je connaissais par cœur les tabelles de calories. […]Je ne perdais pas encore assez de poids. Alors, j’ai réduit les portions et je ne prenais plus que du light. […] » (p. 10)

L'anorexie purgative se caractérise par les crises de boulimie qui altèrnent avec les périodes de privation. Ces crises sont compensées par des vomissements,la prise de laxatifs et/ou de diurétiques, le jeûne ou l'exercice forcené. Dans Vaincre l’anorexie, Vanderlinden (2003) décrit le cas de H., 21 ans : « [H.] suit un régime depuis l’âge de 16 ans. […]Après environ deux ans de jeûne tenace, elle s’est rendue compte qu’il n’était pas nécessaire de se priver de toutes ces bonnes choses : elle pouvait s’empiffrer et puis sans difficulté se faire vomir ou prendre des laxatifs. Et ainsi, elle arrivait à maîtriser son poids. […]En alternant ainsi jeûne, boulimie et vomissements, elle arrive à maintenir son poids au-dessous de 43 kg. » (p.21)

Conséquences physiques, psychologiques et sociales

L’ensemble de ces comportements ont des conséquences physiques désastreuses. Parmi celles-ci:

  • a) Problèmes cardiaques.
  • b) Problèmes digestifs.
  • c) Problèmes hormonaux (les règles disparaissent).
  • d) Problèmes dus à des modifications métaboliques (le rythme cardiaque et la respiration se ralentissent, la tension artérielle baisse, la croissance peut être stoppée).
  • e) Autres problèmes : déshydratation de la peau, pousse des cheveux altérée, ongles et dentition fragilisés. L’anorexique a toujours froid, le cerveau ne contrôlant plus la température corporelle, en réaction, le corps se couvre d’un duvet noir appelé lanugo.

Psychologiquement, l'anorexique connaît également une grande détresse. L’anorexique a une piètre image d’elle-même. Elle ne se supporte pas et cherche à se faire du mal, punissant le moindre de ses excès. A la privation alimentaire et à l'hyperactivité s'ajoutent souvent des comportements d'automutilation et des tentatives de suicide. L'anorexique s'impose un rythme de vie infernal, comme l’explique Vanderlinden (2003): «La plupart des anorexiques sont décrites comme très perfectionnistes. Elles exigent beaucoup d’elles-mêmes.[…][Cela] se manifeste souvent par le caractère forcené de leur étude, de leur serviabilité et de leur pratique du sport »(p.22).

Au niveau social, l'anorexique rompt progressivement tous ses liens d’amitié et entretient des relations compliquées avec sa famille. La dimension sociale de l’alimentation est détruite . Elle ruse pour éviter les repas en famille et les rares fois où elle vient à table, la tension est immense, comme en témoigne M. : « [Mes parents] essayaient de me faire manger, de me faire venir à table avec eux. Il y avait des conflits épouvantables autour de mon assiette […]»(Barraud, 1998, p. 11). Elle se replie sur elle-même, s’enferme dans un état dépressif, organise sa vie autour de ses deux obsessions: la nourriture et la balance. Malgré cela, l’anorexique s’obstine à dire que « tout va bien » et ne demande pas toujours de l’aide à temps. C'est pour cela que la maladie peut s'avérer fatale.

De l’autodestruction à l’auto-maltraitance

L’anorexique semble mener un combat acharné contre son propre corps, avec la privation pour principale arme. La violence qu’elle s’inflige surprend, désarçonne. Pour le Dr. P. (QUI EST-IL POURQUOI NE PAS DIRE SON NOM: SI C'EST LA PERSONNE INTERVIEWEE IL FAUT PRESENTER BIEN AVANT NOUS NE SOMMES PLUS DANS LA REVUE DE LA LITTERATURE ALORS! SINON IL FAUT METTRE LA REFERENCE), psychiatre spécialisé dans la prise en charge des troubles du comportement alimentaire, «l'anorexie entraîne une souffrance dans tous les sens du terme.[…] Les anorexiques augmentent leur seuil de tolérance à la souffrance jusqu'à ce qu'elle ne la ressente plus ou qu'elle arrive à la percevoir comme agréable. La sensation de faim est un exemple typique.» Cette parce que les personnes atteintes d’anorexie s’infligent de telles souffrances qu’on range cette maladie dans la catégorie des « comportements autodestructeurs ». Le Dr. P. insiste sur ce point : « Il faut comprendre que l’anorexie, c’est de l’autodestruction […]. Le but de tous les médecins, c’est de stopper l’autodestruction. »

Les comportements autodestructeurs chez les jeunes

L’anorexie est un comportement autodestructeur parmi d’autres. Pour le Dr. B., (MEME REMARQUE ET REFERENCE) médecin-chef d’un service de pédiatrie qui accueille également des adolescents en rupture, les tentatives de suicide et l’automutilation appartiennent également à ce groupe. Comme l'anorexie, ces comportements pathologiques surviennent principalement à l’adolescence. Les comportements autodestructeurs semble être en augmentation chez les jeunes.

Dans le cas de l’anorexie, l’évolution des chiffres parle d’elle-même. Les études de Theander (1970), en Suède, concluent à une nette élévation de son incidence entre 1950 (0,24 cas par an pour 100 000 habitants) et 1960 (0,45). Toujours en Suède, Nylander avance, en 1970, le chiffre d’une anorexique mentale pour cent cinquante adolescentes (Guillemot et Laxenaire, 1997). En 1997, B. Isenschmid médecin chef à Berne estime qu’environ 1 à 2 % de la population adolescente souffre d’anorexie mentale (source : statistiques de l’Association Boulimie-Anorexie www.boulimie-anorexie.ch). Enfin l’étude du Dr.Bulik, dont les résultats ont été publiés dans Arch Gen Psychiatry en mars 2006, établit la fréquence de l’anorexie à 1,2 % chez les femmes. Guillemot et Laxenaire (1997) soulignent que l’augmentation des cas de troubles du comportement alimentaire est en partie due à l’information apportée au public et au changement d’attitude des médecins. Ces deux facteurs font que les personnes touchées reconnaissent leur trouble et consultent un médecin et que celui-ci diagnostique plus facilement une anorexie mentale. Malgré cela, l’augmentation des cas d’anorexie est, selon ces auteurs, une réalité.

Il n’existe actuellement pas de statistiques concernant l’automutilation, celle-ci ne faisant que rarement l'objet d’une prise en charge médicale. Mais sur le terrain, le Dr. B. observe que « le phénomène n’a pas cinq ans et suit une courbe exponentielle inquiétante» (PAGE). De même, si le nombre de suicides est relativement stable depuis 1985 (source : Doctissimo [www.doctissimo.fr]), le nombre de tentatives ne cesse d’augmenter, notamment chez les jeunes, au point que le corps médical a « créé » un nouveau terme pour les désigner: le tentamen.

Des structures spécialisées dans la prise en charge des adolescents en rupture ont été mises en place, pour répondre à cette détresse, essentiellement sous forme de services spécialisés dans les hôpitaux. En 2000,le service de pédiatrie du Dr. B. a commencé à accueillir des adolescents. Il explique : «[…]On s’est rendu compte qu’il n’avait pas assez de structures hospitalières pour ces jeunes gens et que les hôpitaux psychiatriques pour adultes ou les services de médecine interne n’étaient pas les endroits les plus adéquats pour eux ». Pour lui, la « médecine de l’adolescence » est une priorité et les adolescents devraient être pris en charge par un personnel spécialisé. Il estime donc qu'il est nécessaire de continuer à créer des unités pour adolescents. On peut pourtant se demander si l’institutionnalisation du mal-être des adolescents en tant que problème social auquel il faut répondre, ne « nourrit » pas ledit problème. On peut aussi s'interroger quant à l'influence d’un meilleur dépistage et d'une meilleure information des parents sur l'augmentation des comportements autodestructeurs chez les jeunes. Pour le Dr. B., ces facteurs expliquent une part de l'augmentation, qui reste néanmoins une réalité. A son avis,le mal-être des adolescents s'est accrû dernièrement, notamment parce qu'il est de plus en plus dur pour eux d'entrer dans la société. Il argumente: «Il y a une plus grande dépendance des adolescents qui étudient plus longtemps et trouvent plus difficilement du travail. Notre société magnifie la jeunesse mais ne veut pas lui donner une place adéquate. De plus, l’adolescence dure plus longtemps et les rites de passage ont disparu. Il n'y a plus de moment où la société reconnaît qu’une personne est devenue adulte. Tout ça fait que la vie des ados est devenue plus difficile et qu’ils ont des comportements pour certains destructeurs ou autodestructeurs.»

Le paradoxe des comportements autodestructeurs

Ces éléments nous éclairent sur la cause du mal-être des adolescents, mais ne répondent pas à la question de savoir pourquoi certains l’expriment en retournant leur agressivité contre eux-mêmes. Pour le dr. B., une logique commune sous-tend tous les comportements autodestructeurs. Il explique: « Les jeunes qui se scarifient nous disent souvent que la douleur physique les soulage, parce qu’elle est moins dure que la douleur morale qu’ils éprouvent. La souffrance que l’anorexique s’impose en se privant de manger la distrait aussi d’une souffrance morale. En plus, ils ont l’impression d’être forts, parce qu’ils arrivent à supporter ça. […] Le contrôle de leur corps et de la douleur les rassure, leur donne une impression de puissance et de maîtrise de leur vie. Mais du point de vue psychique et sentimental, ces jeunes gens ne maîtrisent rien du tout ! […] Ils aimeraient pouvoir organiser un monde qu’ils perçoivent comme chaotique, mais se disent qu’ils n’y arriveront pas, ce qui augmente l’auto-dévaluation. » Il ajoute que « l’auto-maltraitance devient la seule réponse possible à la souffrance et l’unique possibilité de régler le monde de manière cohérente. »

Barraud (1998), qui attribue elle aussi l'anorexie à une volonté de maîtriser son existence souligne la contradiction que cela implique : « Paradoxalement, il [l’adolescent, ndla] ira jusqu’à la mort dans sa quête de contrôler sa vie » (p.23). Cette étrangeté a également interpellé Le Breton (2003), qui constate, dans un ouvrage portant sur l’automutilation : « En situation de grande souffrance, le corps devient une sorte d’ultime recours pour ne pas disparaître […] L’affrontement aux limites qui nous intéresse ici n’est en aucun cas une volonté dissimulée de périr, mais à l’inverse, une volonté de vivre enfin […] » (p.11).

Ces deux constats amènent à considérer les comportements qualifiés d’autodestructeurs sous un tout autre angle. Soudain, ils ne semblent plus découler d’un désir de mort, mais bien d’une pulsion de vie ! L’anorexie peut bien avoir une issue fatale, mais malgré cela, le Dr. B. estime que les anorexiques « n’ont fondamentalement pas envie de mourir ». Il explique : « Je crois que les anorexiques qui meurent meurent par accident et non par volonté réelle de mourir. Leur souffrance devient tellement grande, elle est si mal comprise par les autres[…]que finalement, elles meurent. Mais il n’y a pas, à la base, de volonté consciente d’en finir avec la vie ».

Or « autodestruction » signifie « destruction de soi par soi-même » et « destruction » se définit comme « l’action de faire disparaître complètement ». Seule la mort peut faire disparaître un être humain ? L’anorexique ne souhaitant pas mourir, peut-on dire qu’elle s’autodétruit ?

Une alternative : le concept d’auto-maltraitance

C’est peut-être pour cette raison qu’au terme de son exposé de la logique sous-jacente à l’anorexie et à l’automutilation, le dr. B. a soudainement parlé non plus d’autodestruction, mais d’auto-maltraitance. Le Dr. P. utilise lui aussi cette expression, à propos de l’anorexie : « [L’anorexie] c’est évidemment de l'auto-maltraitance. Nous parlons souvent d'auto-maltraitance pour les femmes. Tous les médecins sont impliqués pour protéger ces personnes. »

La maltraitance, problème social actuel, donne lieu à de nombreux débats. Le terme « maltraitance » se définit de manière très générale comme « des mauvais traitements infligés à des personnes dépendantes, sans défense, par des proches (parents, famille) ou des personnes chargées de s'en occuper»(www.wikipedia.org/wiki/maltraitance). L’anorexie se déclare en général à l’âge où l’individu quitte l’enfance et entre dans l’adolescence, prenant normalement son indépendance par rapport à ses parents. Presque adulte, il doit pouvoir, seul, satisfaire ses besoins et veiller à son intégrité physique. Il se substitue progressivement à ses parents. Dans un article du magazine « Psychologies », le Dr. Apfeldorfer explique : « Entre 11 et 18 ans, la jeune fille devient femme. […] Elle construit sa personnalité propre et se détache du cercle familial pour devenir un individu autonome. La fille qui est anorexique ou boulimique est une adolescente qui n’arrive pas à faire cela. Ces troubles du comportement alimentaire sont des manifestations de l’échec de cette capacité de se construire en individu autonome. » Il semble donc que l’anorexique ne veut ou ne peut pas assumer la nouvelle tâche qui lui incombe, prendre soin d’elle-même.

L’enfant est dépendant de ses parents. Si des parents négligent ou infligent de mauvais traitements à leur enfant, lequel dépend d’eux, on peut parler de maltraitance. Or l’adolescent dépend de lui-même. S’il néglige de répondre à ses besoins vitaux, s’il malmène son organisme, comme l’anorexique le fait, nous assumons qu’il est possible de parler de maltraitance auto-infligée, donc d’auto-maltraitance.

Auto-maltraitance psychique

Dans la littérature, on trouve un consensus autour d'une classification des mauvais traitements en quatre catégories. Julien (1999) les nomme «sévices physiques», «abus émotionnel», «négligence» et «violence sexuelle»(p.67). La dénomination de ces catégories peut varier d’un auteur à l’autre, notamment en ce qui concerne l'abus émotionnel, souvent appelé mauvais traitements psychologiques ou psychiques. L’anorexie en tant que maltraitance auto-infligée se manifeste également à différents niveaux, comme le relève le Dr. P. : « C'est une auto-maltraitance physique, psychique (au sens de l'identité du sujet), psychologique (au sens des mécanismes et des comportements) et sociale. » Le Dr. B. insiste quant à lui sur le lien très étroit qui existe, chez l’anorexique, entre auto-maltraitances psychique (ou psychologique) et physique, la première engendrant la seconde. Il explique : « L’anorexie, c’est d’abord une maltraitance psychique, une auto-maltraitance psychique. La maltraitance physique suit, comme moyen désespéré et irraisonné de calmer l’angoisse. Parce que fondamentalement, elles [les anorexiques, ndla] se maltraitent psychiquement ! […] Elles ont une vision très négative d’elles-mêmes. »

Selon le modèle explicatif de l'anorexie de la thérapie cognitivo-comportementale, la vision faussée que les anorexiques ont de leur corps découlerait de la perception très négative qu’elles ont de l’ensemble de leur personne. Vanderlinden (2003)développe cette idée : «Outre des idées fausses sur leur corps, la plupart des patientes ont une idée très négative d’elles-mêmes. Elles estiment ne rien valoir, se sentent incompétentes dans de nombreux domaines, pensent que les autres[…]n’ont aucune estime pour elles. Ces idées négatives […]sont considérées, selon ce modèle explicatif, comme l’explication principale de l’apparition et de la persistance de l’anorexie ».

Pour Julien (1999), «l’abus émotionnel procède de modes de dépréciation, d’intimidation, d’exploitation et de rejet qui ont pour effet de diminuer l’enfant » (p.67). Le délégué du canton de Vaud à la prévention des mauvais traitements envers les enfants (www.prevention-maltraitance.vd.ch) ajoute à cela l’isolement et les punitions excessives. L’auto-maltraitance psychique de l’anorexique se caractérise par une dépréciation constante et par les punitions sévères qu'elle s'inflige pour des actes comme manger ou se reposer. Elle s'impose également un isolement social parfois complet(Vanderlinden, 2003).

Auto-maltraitance physique

L’auto-maltraitance physique qui découle de cette auto-maltraitance psychique, nous l’avons déjà abordée dans notre description des symptômes de l’anorexie. Julien (1999) décrit les sévices physiques comme « l’utilisation d’une force exagérée envers l’enfant dans un modèle d’abus de pouvoir » (p.67). Un grand nombre d'actions peuvent être qualifiées de sévices physiques. Sur le site du délégué du canton de Vaud à la prévention des mauvais traitements, on trouve une liste non exhaustive comprenant des actes aussi variés que les coups, les brûlures, la strangulation, l’immersion ou encore l’administration abusive d'un médicament. Chez l'anorexique, la privation alimentaire s’accompagne de conduites relevant du mauvais traitement physique. La plus répandue est sans doute l’absorption massive de substances médicamenteuses destinées à accélérer la perte de poids (laxatifs et diurétiques)(Junguenent, 2005, p.30). L’hyperactivité des anorexiques, leur obstination à faire des exercices malgré leur épuisement, peuvent aussi être qualifiées d’auto-agression. par exemple, Vanderlinden (1999)décrit le cas de S., qui, après chaque repas, fait des abdominaux puis examine son ventre : S’il lui paraît enflé ou arrondi, elle le comprime fortement pour l’aplatir. Ou alors elle le frappe à coups de poings […] ou aussi, elle fait des séries de mille abdominaux »(p.40). Enfin, comme mentionné plus haut, certaines anorexiques ont tendance à l’automutilation.

On peut se demander si la privation alimentaire, principale caractéristique du comportement anorexique relève du mauvais traitement physique ou de la négligence, Julien la définissant comme suit : « [La négligence] se traduit par l’omission de donner à l’enfant les attentions dont il a absolument besoin, que ce soit sur le plan physique (alimentation déficiente, absence de protection fac au danger) ou sur le plan émotionnel (indifférence, rejet)»(p.67). Peut-on dire que l'anorexique qui se prive agit par négligence?

Le Dr. B. rejette catégoriquement cette idée. Il explique : « La privation, ce n’est en tout cas pas de la négligence chez elles, elles ne négligent pas leur alimentation, au contraire, celle-ci est toujours sous contrôle ! […] C’est réellement de la maltraitance physique. […] D’ailleurs, elles arrivent à des sous-alimentations, mais surtout à des mal-alimentations sélectives qui entraînent des carences, puis des lésions spécifiques. » L’anorexique accorde en effet une attention démesurée au peu qu’elle mange. M. témoigne : « Chaque instant, je pensais à ce que j’allais manger ou non, quand, comment et combien. Je calculais les quantités sur un bout de papier que je portais toujours avec moi. Tout était prévu du matin au soir et je ne m’écartais jamais de mon programme»(Barraud, 1998, p. 11). Partant, il est difficile de soutenir que les anorexiques agissent par négligence, ce terme signifiant littéralement « attitude de celui qui fait les choses avec moins de soin, d'attention ou d'intérêt qu'il n'est nécessaire ou qu'il n'est souhaitable ». La restriction alimentaire des anorexiques relève donc bien d’un mauvais traitement physique qu’elles s’infligent activement et non d’un quelconque laisser-aller.

Intérêt de concept d’auto-maltraitance

L’ensemble de ces remarques nous ramène à la réflexion du Dr. P., cités plus haut, sur l’anorexie comme auto-maltraitance articulée autour de quatre axes. Il distinguait quatre types d’auto-matraitance dans l’anorexie, que nous avons illustrés d'exemples discutés ci-dessus :

  • physique: privation alimentaire, hyperactivité, abus de laxatifs ou de diurétiques
  • psychique (au sens de l'identité du sujet: mésestime de soi
  • psychologique (au sens des mécanismes et des comportements): auto-dénigrement, auto-critiques
  • sociale: isolement enfermement sur soi

Ce concept émerge visiblement dans le milieu médical, bien qu’il ne soit pas officiellement reconnu. Nous estimons pourtant qu’il fournirait une alternative intéressante, voire même avantageuse à celui d’autodestruction, pour deux raisons. Tout d’abord, parler d’ « autodestruction » dans le cas de l’anorexie mentale, c’est supposer aux malades une volonté qu’elles n’ont pas forcément : celle de mourir. Comme nous l’avons longuement discuté plus haut, l’anorexie correspond davantage à une tentative irraisonnée de maîtriser son existence qu’à un désir d’en finir avec la vie. Ensuite, le terme « autodestruction » s’avère réducteur dans le cas d’une pathologie aussi complexe que l’anorexie. Il ne rend compte que de l’expression physique de la maladie, laquelle n’est en fait que le symptôme d’un mal-être situé à un tout autre niveau. Le concept d'auto-maltraitance, découle de celui de maltraitance. Celle-ci peut prendre des formes diverses et provoquer, chez la personne maltraitée, des souffrances à différents niveaux. Par extension, le concept d’auto-maltraitance appliqué à l’anorexie recouvre à la fois le mal-être psychique, psychologique et émotionnel des malades, l’expression physique de ce mal-être (auto-agression) et les conséquences sociales de la maladie. Il rend donc mieux compte de l’extrême complexité d’une maladie telle que l’anorexie.

--Ninosca 30 mai 2006 à 08:08 (MEST)

Deuxième partie

L'historique de l'anorexie

1. Introduction partielle

Dans le présent article, nous souhaitons démontrer la part grandissante, voire prépondérante de la société dans le maintien et l'accroissement de l'anorexie mentale aujourd'hui. Pour ce faire, nous avons besoin de nous référer au passé pour comprendre à partir de quel moment les privations alimentaires ou l'incapacité à s'alimenter sont devenues des paradigmes et des concepts médicaux à part entière (anorexie, boulimie, boulimarexie, TCA etc.). Il n'y a pas une histoire linéaire de l'anorexie. Les syndromes de l'anorexie, tels qu'on les connaît aujourd'hui sont similaires à ceux d'antan. Ce sont les discours sociaux et les acteurs qui analysent ce phénomène qui évoluent. Le contexte change lui aussi suivant les événements qui surviennent dans un même espace-temps. Ce qui nous montre déjà que les individus traitent et considèrent l'anorexie différement suivant les siècles et les systèmes en présence (géographique, social, culturel). La société joue un rôle a chaque époque dans la manière dont elle va classer les personnes qui ont des conduites anorexiques. Elle peut approuver, voir valoriser ces conduites, tout comme elle peut les juger comme anormales et inquiétantes, nécessitant une prise en charge par les institutions sociales elles-mêmes. S'appuyer sur l'histoire de l'anorexie mentale est fondamental pour nous. C'est le moyen de prouver que les anorexiques ont existé à toutes époques et dans toutes les sociétés. A l'aide de quelques témoignages antérieurs et contemporains d'acteurs sociaux (religieux,mystiques, prêtres, membres du corps médical, anorexiques) nous pourrons peut-être mettre en lumière ce qui relève du social. De même nous pourrons comprendre à quel point l'anorexie mentale ainsi que le jeûne mystique, non assimilables l'un à l'autre mais furieusement proches (surtout dans les syndromes) reflètent explicitement une forme "d'auto-maltraitance". Dans la majorité de nos lectures, quatre grandes phases se succèdent dans l'histoire des jeûneuses en Europe Occidentale. Elles ne marquent pas la fin d'un siècle ou d'une époque mais plutôt les changements dans l'interprétation globale du phénomène anorexie.

Du Vème au XVIème siècle ( bas et haut Moyen-âge): Peut-on se nourrir uniquement du "corps du Christ"?

Par quel miracle, la "nourriture spirituelle" peut-elle transcender les besoins vitaux du corps? Jusqu'à quel point la souffrance physique peut-elle mener à la "jouissance" de l'esprit? Toutes ces questions auraient pu être posées aux mystiques pour comprendre les démarches qu'elles poursuivaient en refusant de s'alimenter. Nous avons des réponses partielles dans la partie concernant le jeûne au Moyen-âge. Pour éviter de faire des amalgames entre les mystiques et les anorexiques mentales aujourd'hui, il faut comprendre que les sociétés dans l'Occident médiéval (durant le haut Moyen-âge et le bas Moyen-âge) sont patriarcales (maintien de la loi salique) et totalement régies par le clergé et ses membres. Toutes conduites doit être justifiées par un discours théologique. Les saintes anorexiques jeûnaient pour améliorer leur capacité à rentrer en contact avec dieu.Nous nous sommes basées sur deux ouvrages pour construire cette partie de l'historique, celui de Bell (1995) 'Holly anorexia' (Les saintes anorexiques) et celui de Nathalie Fraise (2000) 'L'anorexie mentale et le jeûne mystique du Moyen-âge'. La littérature théologique offre un éventail d'exemples de jeunes filles jeûnant jusqu'au refus alimentaire complet. D'après Fraise (2000), à l'époque, ces conduites sont considérées soit comme un signe d'élection divine, soit comme un signe de possession démoniaque... ce qui peut mener à la canonisation ou au bûcher. L'augmentation des jeûneuses au cours du Moyen-âge fait pencher la balance en la défaveur de ces jeunes femmes. Les religieux suspectent les mystiques d'hérésie. Ils soupçonnent ces femmes qui se nourrisent d'un "feu intérieur" et non de "nourriture terrestre" d'être manipulées par le diable.(Fraise) Leur méfiance grandissante va faire évoluer leur discours et les religieux qui autrefois admiraient les mystiques pour leur force morale et leur engagement envers dieu vont construire un discours public dépréciatif à leur égard. Les saintes anorexiques étaient appréciées des ecclésiastiques pour leur capacité à supporter la souffrance (mortifications). Puis, lorsque leur nombre a augmenté au cours des siècles,elles sont devenues dérangeantes et les religieux ont fait en sorte qu'elles soient accusées de sorcellerie.

En étant conscient que la société moyennageuse était fortement marquée par la religion, on comprend à quel point les détenteurs du pouvoir pouvaient avoir de l'influence sur les considérations populaires de l'époque. De nos jours, la religion n'a plus la même force publique qu'elle avait au Moyen-âge, et les explications de la privation alimentaire s'expriment donc différemment. Le diagnostic médical est devenu plus facile à appliquer à des femmes qui dérangent. On les déclare aujourd'hui "folles" comme naguère on les déclarait "sorcières".

Du 16ième au 18ième:L'anorexie commence à être considérée comme une maladie

Selon Darmon, les causes surnaturelles restent l'explication la plus probable du refus alimentaire, mais le jeûne commence à intéresser le corps médical qui se demande comment l'on peut survivre sans alimentation et pendant combien de temps. Les cas d'abstinence prolongés sont de plus en plus rattachés à des causes organiques et considérés comme des symptomes d'une maladie plus que comme un signe d'intervention surnaturelle. Le refus de manger présenté auparavant comme un acte religieux devient un symptome d'une maladie complexe. Complexe, car elle ne se limite pas à des facteurs organiques purs. Elle serait en lien avec l'état psychique des individus qui s'y soumettent. D'après Darmon, elle devient donc une entité diagnostique. On parle d'anorexie depuis 1689, le livre de Richard Morton intitulé 'Phtisiologie: sur la maladie de consomption' énumère les syndromes d'inanition (survenant à la suite d'un jeûne prolongé). Il insiste sur les effets physiologiques (perte d'appétit, aménorrhée et amaigrissement).On constate déjà une légère évolution dans l'intérêt des acteurs sociaux pour ce problème. Alors qu'avant les religieux jugeaient acceptables (bas Moyen-âge) ou non (haut Moyen-âge) les comportements d'abstinence alimentaire. Les changements politiques et la perte de pouvoir progressive des discours religieux sur le public ne va pas forcément faire disparaître les cas d'anorexies. Les syndromes vont être sensiblement identiques sur le plan physique. En revanche les facteurs du problème vont prendre d'autres formes. Le changement des acteurs sociaux qui investissent le problème explique cette évolution du problème. C'est ainsi que les médecins vont à leur tour faire de la maigreur un problème. Les causes spirituelles ne vont plus suffire à légitimer le refus de s'alimenter. D'autant plus qu'avec le développement de la technique, les conditions de vie s'améliorent et les populations peuvent se nourrir à leur faim (si l'on ne tient pas compte de la pauvreté qui reste plus ou moins forte à chaque époque). Choisir de ne pas s'alimenter alors que l'on n'est pas en période de restriction et que ce n'est plus socialement valorisé (y compris par les religieux) va paraître suspect et sera considéré comme anormal. C'est le point de départ d'une réflexion qui s'intéresse à d'autres facteurs pour expliquer l'anorexie (naturaliste, physiologique, social, psychique et psychiatrique).

Milieu du 19ième siècle: histoire du concept "d'anorexie mentale"

Le concept "d'anorexie mentale" fait son apparition en Europe dans les années 1870. C'est à cette époque que l'on distingue le syndrome psychologique des causes organiques du jeûne. La privation extrême commence à être perçue comme une maladie psychiatrique. Dans les années 1870, deux médecins Gull (Angleterre) et Lasègue (France) vont développer des hypothèses psychogénétiques. Tous deux décrivent des cas de jeunes filles de bonnes familles qui restreignent leur alimentation et maigrissent, tout en augmentant leur temps d'activité physique sans qu'il y ait des causes physiques. Pour ces deux médecins ce type d'attitude est explicable par un dysfonctionement nerveux.Gull va donner naissance au concept "d'anorexie nerveuse". Alors que Lasègue (en France) penche plus fortement pour une explication qui se rapprocherait du caractère pathogène des individus (anorexie histérique).

C'est aussi à cette époque que l'on peut repérer une apologie du jeûne et de la maigreur, voire d'un certain nombre de maladies (Phtisie,étisie,chlorose etc.). Le romantisme rêve d'une femme immatérielle et les ballerines reflètent à merveille cet idéal romantique. Les opéras tels que Gisèle (1841) et la Sylphide (1832)sont en vogue. Selon Darmon (2000), les souffrances du moi romantique, se traduisent en une pâleur languide. Celle-ci se porte si possible avec des cheveux noirs, des yeux cernés etc. Le visage et le corps des femmes très maigres (anémiées et carencées) est comme le miroir de l'âme. Ils expriment des orages intérieurs. Cette période est vraiment un moment clé dans l'histoire de l'anorexie, car c'est à ce moment que l'apologie de la restriction alimentaire et du corps s'établit.

--Maelig 28 mai 2006 à 16:05 (MEST)

L'anorexie: une maladie sociale

Introduction : qu’est-ce qu’une maladie ?

Selon le Petit Robert, une maladie est : « une altération organique ou fonctionnelle considérée dans son évolution, et comme une entité définissable ». Notre tâche dans cet article, va donc être de définir de manière précise l’anorexie. Qu’entend-on exactement par anorexie à l’heure actuelle ? Peut-on parler de maladie dans ce cas-là ? Si oui, de quel genre de maladie s’agit-il exactement ? Comment la caractériser ? Telles sont les questions qui vont structurer notre raisonnement, tout au long de cet article.

L’anorexie : une maladie organique

Comme vu précédemment (partie : qu’est-ce que l’anorexie mentale), l’anorexie est une maladie qui touche aussi bien l’organisme physique (la perte de poids et l’aménorrhée en sont les symptômes les plus marquants) que psychiques (peur de grossir, représentation biaisée de son propre corps). De manière synthétique, Berubé (1992, p.130) la qualifie de maladie psychosomatique, dans le sens ou des « facteurs émotionnels » rentrent en ligne de compte pour expliquer l’état physique de ces malades. Le psychiatre P. évoque quant à lui un « moteur » de l’anorexie d’ordre « psychogène », c'est-à-dire d’ordre psychique ou psychologique. Ainsi, nous avons vu que l’anorexie relève bien d’une « altération organique », une atteinte physique, qui serait motivée par un psychisme perturbé. Ces troubles seront plus détaillés par la suite (cf automaltraitance)

Or, si les dimensions physiques et psychologiques sont incontournables lorsqu’on essaie de comprendre l’anorexie, il en existe une troisième non négligeable. Nous aborderons ici la maladie sous son aspect social.

L’anorexie : une maladie socialement déterminée

Comment cette maladie est-elle perçue dans nos sociétés ? Quel regard pose les spécialistes sur la maladie, les médias ? Ont-ils une influence ? Un bref regard historique peut nous aider à faire la lumière sur ces questions. Nous l’avons vu précédemment, l’anorexie est une maladie récente (cf. partie historique. je développerai plus, ou moins, quand j’aurai toutes les infos, histoire d’éviter les redondances), apparu « médicalement » au XIXème, elle est reconnue officiellement dans les années 60s, lorsque des médecins, psychiatres, se font « spécialistes » de l’anorexie. Parallèlement, cette maladie est, petit à petit, révélée au grand jour. Des célébrités souffrant d’anorexie se mettent en valeur, la presse se fait de plus en plus éloquente à ce sujet. L’anorexie s’affiche (etc. paragraphe à réajuster)

L’anorexie, une maladie du XXème siècle ? Certains auteurs ne sont pas de cet avis. Guillemot A. & et Laxenaire M. (1997) relèvent qu’on peut identifier des comportements symptomatiques de l’anorexie dès 895. Cependant, il convient de s’interroger sur leur nature. En effet, l’histoire nous a montré que la définition de l’anorexie, et par conséquent de ces symptômes associés, a toujours été sujette à réajustements. Définie, puis redéfinie, l’anorexie est aujourd’hui cadrée par les critères du DSM IV. D’autres auteurs adoptent le point de vue adverse et parlent de « pathologie sociale » (Darmon, M., 2003). Gordon, R., A., 1990 va dans le même sens. Il titre son livre « Anorexia and bulimia, anatomy of a social epidemic”. Particulier à une certaine culture (la société occidentale moderne), l’anorexie est ce que Devereux appelle un « culture bound syndrome (syndrome lié à la culture)». Pour être plus précis, il s’agit d’une maladie, d’un « syndrome » qui n’existe, et ne peut être compris comme entité que dans une culture particulière, et par des personnes appartenant à cette même culture. Plusieurs recherches iraient dans ce sens. Guillemot A. & et Laxenaire M. (1997) relève par exemple qu’aucun cas d’anorexie n’a été diagnostiquée dans la population noire jusque dans les années 80. Les autres auteurs vont dans le même sens. L’anorexie semble être un trouble propre à la culture « caucasienne » occidentale. L’anorexie serait donc une maladie « sociale », puisque le facteur « société » semble être déterminant dans le déclenchement de la maladie. Il convient alors de décortiquer ce facteur sociétal plus en détail.

Une société ambivalente (à compléter)

--Stéphaniebauer 23 mai 2006 à 22:30 (MEST)

L'ambivalence de la société et la création et le maintien des conduites anorexiques (et boulimiques) aujourd'hui

Comme nous le voyons ci-dessus, certaines idéologies sociales affectent les troublées du comportement alimentaire. Nous pouvons distinguer trois concepts sociaux suscitant des comportements alimentaires auto-maltraitant :

  • l’image de beauté, la minceur.
  • l’idéologie du rôle de la femme dans la société moderne : entre maternité (famille) et carrière.
  • La société de (sur)consommation.

Nous allons à présent voir comment ces trois facteurs sont représentés dans la société et comment ils peuvent entraîner des comportements alimentaires dangereux.

1. l’image de beauté, la minceur :

Dans son analyse, Hepworth remarque que dès le début du 20ème siècle, la femme est généralement présentée comme un corps de minceur qui satisfait les critères de beauté de l’homme, ce qui n’était pas le cas avant. La minceur devient un culte selon Guillemot et Laxenaire. Dans notre décortication des magazines pour femmes et jeunes filles, cet aspect-là ne pouvait pas passer inaperçu. Toutes les images de femmes, que ce soit pour vendre un produit quelconque ou pour décorer, représentent une femme mince, souriante et ‘belle’. Il ne faut pas oublier que le terme ‘belle’ est culturellement biaisé. Ce qui est considéré comme beau dans un lieu à un certain moment ne l’est pas à un autre. Par conséquent les dessins ou les photographies de femmes perpètrent les valeurs de beauté reconnues par la société occidentale d’aujourd’hui. Guillemot et Laxenaire observent qu’aujourd’hui les femmes désirent toutes ressembler au nouveau modèle féminin que véhiculent les medias.

Les magazines ne servent pas seulement à transmettre les images du corps idéal de la femme mais ils sont aussi là pour nous donner les outils nécessaires pour atteindre cet idéal (régimes, crèmes amincissantes, programmes de sport, adresses de fitness) remarque Darmon. Par exemple, dans le magazine Questions de femmes apparue en avril 2006, un article sous la rubrique ‘Beauté’ décrit « 15 stratégies sur mesure pour perdre ses kilos en trop » (Questions de femmes, p. 32). Au tout début le magazine conseille d’éviter les régimes « drastiques » et de suivre les « bons principes » (Questions de femmes, p. 32). Toutefois, certaines des stratégies proposées sont : « je pèse mes aliments et je compte les calories pour parvenir à une précision supérieur » (Questions de femmes, p. 34) afin de « [maîtriser] parfaitement mon alimentation d’une manière instinctive et je reste mince » (Questions de femmes, p. 34). Ces stratégies sont souvent pointer du doigt quand les médecins craignent un comportement troublé de l’alimentation, comme le mentionne Gordon.

L’article conseille aussi de « faire de l’exercice » (Questions de femmes, p. 35) et de fréquenter les salles de sports tout en faisant « confiance à ces machines » (Questions de femmes, p. 35).

(à compléter)

2. Les rôles de la femme dans la société

La société de nos jours, donne deux grands rôles à la femme occidentale. Le premier rôle fait référence à son image biologique, perpétrée pendant des siècles : celle de la mère féconde. Le second rôle est une représentation plus récente qui a débuté avec les mouvement féministe bourgeois du fin du 19ème siècle qui permet à la femme de s’acharner pour accéder à une place professionnelle au côté de l’homme. Comme il est décrit par Guillemot et Laxenaire, ces deux rôles contradictoires offrent deux images contradictoires de la femme. De nos jours, la minceur est vue comme un signe de volonté et de maîtrise de soi-même. Elle est la nouvelle condition de la réussite sociale. Donc une femme mince est celle qui a une ambition professionnelle et celle qui trouvera sa place dans le monde des hommes, comme si les rondeurs renvoyaient trop directement à l'image stéréotypée de la femme au foyer, maternelle.

Comment régler ce conflit de rôle ? Malheureusement les médias, notamment les magazines sont là pour donner réponse à cette opposition. Un exemple démonstratif est l’article : « Comment devenir une exécutive woman » apparu dans le magazine Edelweiss en mai 2006. Nous pouvons d’abord nous interroger sur les sous-entendus du terme ‘executive woman’ : une femme qui a une carrière et qui l’assume bien, une femme qui est parfaite dans tous les domaines de la vie qui est forte et n’a pas besoin d’aide, et reconnue en tant due tel. Autant dire, une super-woman ou une femme aux qualités idylliques d’un homme.

Enfin, que propose cet article ? Il donne dix « leçons » pour « accéder à un poste de célébrité » (Edelweiss, p. 52) Parmi ces leçons figure en troisième place : « garder une excellente forme physique » (Edelweiss, p. 53) en suivant « une monodiète de fruits une fois par mois » ou encore en faisant du « spinning [c’est-à-dire faire du vélo statique en groupe dans une salle de sports] entre midi et 14 heures pour pouvoir prétendre ensuite qu’elle peut manger tout ce qu’elle veut sans prendre u gramme » (Edelweiss, p. 53) Il est évident que ces comportements ne sont pas sans danger. Ces énoncés encouragent donc un comportement de contrôle de son poids. Plus encore, il préconise clairement le fait de montrer une image de contrôle de soi à la société.

L’article alimente le contraste entre le principe de manger ‘ce qu’on veut’ revendiquée par une société de consommation, mais ‘sans grossir’ car la minceur est l’idéal de cette société. Certaines analyses s’accordent à dire que ce conflit d’idéologies mènent à un conflit identitaire qui est à l’origine des comportements anorexiques. Ainsi Gordon résume l’anorexie en terme de conflit identitaire, une confusion des valeurs d’identification inhérente à l’image paradoxale de la femme que donne la société. Il n’est pas étonnant alors, que, dans cette période critique de construction identitaire qu’est l’adolescence, on retrouve la quasi-totalité des cas d’anorexie mentale. Gordon remarque d’ailleurs que ses patientes sont constamment tiraillées entre ces deux images de la femme totalement opposées.

En d’autres termes, Gordon cite Chermin, pour qui le « marketing de l’idéal de la minceur reflète un effort conspiratoire pour garder les femmes à leur place, dans une période où l’assurance des femmes menace la pérennité du contrôle masculin ». Cette citation ouvre une autre porte d’analyse des troubles alimentaires, celui du conflit de genre.

3. La société de (sur)consommation

Il est désormais visible que la société post-industrielle est une société de consommation, car l’abondance est de règle. Les médias en font une certain idéal de vie, la mode de la consommation. La consommation est encouragée surtout à travers la publicité de tout genre : à la télévision, des affiches dans la rue, dans le courrier à domicile et aussi dans les magazines. Il y a deux principes majeurs dans la consommation : la propriété renforcée par l’individuation et la reconnaissance à un modèle ‘supérieur’. En d’autres termes nous consommons pour satisfaire nos besoins et nos désirs et nous consommons pour ressembler à un modèle préconçu. Aujourd’hui, ce sont les stars et les personnalités connues qui représentent le modèle, surtout pour les jeunes. Nous allons à présent voir comment un magazine pour jeunes filles, "Girls", encourage les adolescentes à "consommer" la minceur.

Dans son article, « 100 conseils de pro selon ta morpho », le magazine invitent les adolescentes à se reconnaître dans une des quatre stars selon leur morphologie. Ensuite ils proposent une série de suggestions sur le mode impératif pour ‘tonifier son corps’, faire disparaître les bourrelets ou encore ‘chasser les kilos en trop’. Le magazine propose de nombreux exercices sportifs et d’activités en salles ou dans la vie quotidienne pour brûler les calories. Enfin la consommation la plus évidente est de présenter plusieurs produits cosmétiques sous la rubrique « Ton shopping minceur » (Girls, p.31), du type anti-cellulite, massage minceur, raffermissant, etc. Il est de toute évidence comme le déclare Gordon que la minceur est un marché : allez au fitness, consommez allégé, …

Cet article tend à généraliser le besoin de perte de poids de certaines adolescentes à toutes. D’ailleurs les modèles de stars proposés sont toutes minces et n’ont pas besoin de perdre des kilos. Il faut aussi noter que les dessins et les photos utilisés pour illustrer cet article montrent tous des jeunes femmes minces. Difficile pour une adolescente ne pas devoir chercher à s’identifier ou au moins à ressembler à l’une d’elles.

Toutefois, nous avons l’obligation d’observer que cet article ne dit à aucun moment quelle nourriture manger. Sur les cent conseils, un seul déclare : « Vivent les rondeurs ! (…) commence (…) à voir ton corps de manière positive » (Girls, p. 32). On constate donc que certains médias commencent à prendre conscience de l’influence qu’ils peuvent avoir sur les comportements des adolescents et qu’ils agissent par conséquent. La problématisation des troubles des comportements alimentaires influence les positions des médias.

Cependant, on remarque bien que leurs messages sont teintés d'ambivalence. D'un côté, on érige la minceur en symbole d'acceptation et de réussite sociale, et de l'autre, on a bien conscience du phénomène pervers de "régimisation" à outrance qui peut se jouer (l'anorexie en est la forme la plus extrème). Par conséquent, on essaie de faire accepter aux jeunes filles leurs "rondeurs". Ainsi, nous pouvons constater que le discours social de l'anorexie est totalement paradoxal. C'est cette confusion entre différents rôles, confusion généré par la société et les modèles qu'elle impose, qui rend l'anorexie une pathologie épidémique dans nos cultures actuelles.

(modification --Stéphaniebauer 2 jun 2006 à 21:33 (MEST))

Bibliographie

Bibliographie de la première partie

Vanderlinden, J. (2003). Vaincre l’anorexie mentale (J.-M. Huard, trad.). Bruxelles : de Boeck.

Bérubé, L (1991). Terminologie de neuropsychologie et de neurologie du comportement. Montréal : La Chenelière.

Barraud, R. (1998). L’ombre de toi-même. Anorexie et boulimie : comprendre pour agir. Lausanne : Narbel.

Julien, G. (1999). Soigner différemment les enfants, L’approche de la pédiatrie sociale. Montréal : Logiques.

Junguenet, C. (2005).Anorexie et boulimie: d'un corps à l'autre. Feminin psycho, 6, 26-30.

Le Breton, D. (2003). La peau et la trace. Sur les blessures de soi. Paris : Métailié.

Site de l’Association Boulimie Anorexie, consulté le 5 mai 2006 dans

http://www.boulimie-anorexie.ch/troubles.php#anorexie_1

Site du délégué du canton de Vaud à la prévention des mauvais traitements envers les enfants, consulté le 27 mai dans

http://www.prevention-maltraitance.vd.ch

Bibliographie de la deuxième partie

Bérubé, L (1991). Terminologie de neuropsychologie et de neurologie du comportement. Montréal : La Chenelière.

Darmon M.(2003). Devenir anorexique, une approche sociologique. Paris. La découverte.

Fraise, N. (2000). L'anorexie mentale et le jeûne mystique du Moyen-âge. L'harmattan.

Gordon R.A.(1990). Anorexia and bulimia, anatomy of a social epidemic. Oxford and Cambridge. Basil Blackwell.

Guillemot A. & et Laxenaire M. (1997). Anorexie mentale et boulime le poids de la culture (2e éd.). Paris: Masson.

Hepworth J. (1999). The Social Construction of Anorxia Nervosa. Londres: Sage.

Chabrillac O. (2006, avril). 15 strégies sur mesure pour perdre ses kilos en trop. Questions de femmes, 114, 32-38.

Divine D. (2006, mai). Comment devenir une executive woman. Edelweiss, 54-55.

Lucia M. (2006, mai). 100 conseils de pro selon ta morpho. Girls!, 29-37.