Déscolarisation/décrochage scolaire: mythes, réalités, enjeux

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INVENTER LA « DÉSCOLARISATION » / LE « DÉCROCHAGE SCOLAIRE » POUR CRÉER LA RESPONSABILITÉ. Hisotire d'une catégorie et d'une idée nouvelle juridico-administrative. 1987-2006


par


Omar Pagnamenta - mailto:pagname0@etu.unige.ch






« L'enfant déscolarisé »: un phénomène nouveau?

Le questionnement à la base du présent article m'a été inspiré par lengouement relativement récent et soudain, observable en France depuis une dizaine d'années environ, autour d'un nouveau concept: la/le « déscolarisation/décrochage scolaire ». Ce concept a fait l'objet, en 1999, d'un rite d'institution puisqu'à cette date, conjointement, les Ministères s'occupant respectivement de l'éducation national, de la justice et de la socialité ont lancé l'Appel à projets sur les « processus de déscolarisarion ». Dès lors, la « déscolarisation »/le « décrochage scolaire » ont été intégré parmi les problématiques dont il est légitime de discuter, voir la nouvelle et seule manière pertinente de parler des problèmes de l'école (Glasman, 2004). Preuve en est le fait que depuis cette date, les publications, les colloques, les émissions, etc. sur le sujet ont connu en France une augmentation exponentielle (cf. Bibliographie). Paradoxalement, comme l'atteste l'Appel à projets – lancé par les Ministères – à cette réalité est désormais attribuée un statut qui dépasse l'enceinte scolaire; les interrogations autour et sur la déscolarisation et le décrochage scolaire ne semblent pas être initialement et principalement associées à des problématiques scolaires, mais bien plus traduire des inquiétudes reconductibles au souci historique du maintien de « l'ordre publique » (i.e. la discipline). En ce sens, nous assistons au prolongement des transformations du discours commun (i.e. de tous les jours) sur l'école contemporaine dont parlent Millet et Thin (2003) dans leur article consacré au Traitement institutionnel du « désordre scolaire » dans les dispositifs relais.

La notion de « déscolarisation » est ainsi érigée en nouvelle catégorie de classement, regroupant sous une seule étiquette nominale un phénomène d'antan: à la fois celui des sorties du système scolaire avant la fin de la scolarité obligatoire et celui des élèves qui n'y sont jamais rentrés, bien qu'encore en âge de scolarisation obligatoire. Se pose dès lors la question de l'identification concrète du « déscolarisé ». En France, l'institution scolaire emploie un critère juridique pour la désigner puisque par là, elle regroupe les jeunes âgés de 6 à 16 ans qui ont interrompu la scolarité pour différentes raisons et ont donc contrevenu à la législation sur l'obligation scolaire. Mais comment résoudre la question des limites séparant la légalité de l'illégalité? Du point de vue juridique, la « déscolarisation » est considérée en regard d'une norme légale et l'un de ses indicateurs est l'absentéisme scolaire. Ce dernier phénomène, comme le précédent, soulève à son tour la question des frontières délimitant la norme en la matière puisqu'un jeune peut ne pas aller à l'école parce que les parents ont obtenu l'autorisation de l'instruire en famille ou, comme dans le cas des familles « du voyage », les démarches bureaucratiques contribuent parfois à la déscolarisation et/ou à la non-scolarisation des jeunes. La législation française prévoit donc qu'au-delà de quatre demie-journées non justifiées un signalement doit être opéré. Mais là encore, les études menées (dont une partie dans le cadre de l'appel d'offre) mettent en lumière l'hétérogénéité des pratiques institutionnelles de signalement. L'on observe donc que ce qui caractérise cette notion est qu'elle est mal identifiée – englobant dans une même catégorie nominale des situations diverses. Mais demeure la question de fond: pourquoi un si « récent » et soudain succès de cette notion? À cette première interrogation j'ai essayé d'apporter une réponse dans la première partie de l'article consacrée à la revue de la littérature que j'ai employé à la fois pour les informations qu'elle m'a fourni et que j'ai aussi utilisé comme une des sources me permettant de restituer l'engouement autour de la thématique de la « déscolarisation » dont atteste une partie de la recherche en éducation menée en France depuis une dizaine d'années.

La lecture de l'étude publiée par Philippe ARIÈS en 1983 sur les conditions de vie de l'enfant et sur l'éducation dans l'Europe médiévale et moderne, suggère que l'histoire de l'école est indissociable de l'évolution de trois concepts qui permet en outre de caractériser la naissance de la forme scolaire (METTRE LIEN HYPERTEXTE) jusqu'à nos jours: la discipline, l'éducation scolaire et l'image sociale et culturelle de l'enfance et de l'adolescence. Comme toute notion, celles de discipline, d'éducation scolaire et d'image sociale et culturelle sont des constructions sociales. Par là j'entends qu'elles sont intimement liée à la genèse historique des sociétés humaines et que comme telles doivent être soumises à une analyser à la fois diachronique et synchronique. Cela permet d'en relativiser l'impact historique et de mettre en évidence les permanences et les changements des significations qu'elles peuvent revêtir au cours du temps. Loin d'attribuer à ces mots le caractère universel et immuable que l'emploi quotidien et le discours politique contribuent à naturaliser (i.e. en objectivent l'arbitraire de leur constitution), il n'est dès lors pas inutile de les prendre comme objet d'étude et les considérer comme un fait social – au sens que l'entendait DURKHEIM (1895). Cette déconstruction d'un phénomène historique d'objectivation amène à considérer à la fois la part de normativité que toute notion revêt et leurs répercussions sur l'organisation et le fonctionnement des sociétés. C'est ce que j'ai essayé de faire dans la deuxième partie de mon travail au travers de l'étude du Cycle d'Orientation (ci-après CO) de Genève (Suisse) depuis 1987 à l'égard de la trilogie suggérée par Ariès et des interrogations soulevées entourant la notion de « déscolarisation » et de « décrochage scolaire ».

Après coup, ce qui rapproche les exemples locaux – toute proportion gardé – de la situation française et du canton de Genève ce ne sont pas tant les termes employés pour désigner la reconfiguration des réalités sociales à l'ère de la globalisation et les rythmes avec lesquels se manifestent ces transformations, que – comme voudrait le laisser entendre le titre de mon travail[1] les problématiques sociales elles-mêmes et les « solutions » - provisoires ou non – qui leurs sont apportées.

Méthodologie, types d'analyse et limites

Comme mentionné en introduction, dans la première partie je m'intéresse à comprendre les raisons du succès soudain et « récent » de la notion de « déscolarisation » en France et plus particulièrement dans le domaine de la recherche en éducation. Pour ce faire j'ai effectué une première recherche bibliographique au ravers de deux moteurs de recherche: celui du Réseau romand des bibliothèques publiques et celui spécialisé plus particulièrement dans l'indexation de documents en lien avec l'école (google scholar). Comme mots-clé j'ai employé ceux de « déscolarisation », « décrochage » et « décrochage scolaire », abandon scolaire, absentéisme, obligation scolaire, « démocratisation » et massification de l'école. Dans un deuxième temps, au fur-et-à-mesure que j'avançais dans les lectures, les références s'étendaient et la multiplicité la « déscolarisation » émergeait comme une notion décrivant des phénomènes et des pratiques descriptives multiples; je me suis alors imposé une définition minimale de ce que j'entends par « décsolarisation » afin de limiter le terrain de recherche et structurer mes pensées. À l'instar de la démarche proposé par Émile Durkheim dans Le suicide (1897), je me suis retrouvé en accord avec la définition proposée par Geay (2003, p.23) pour qui est considéré comme « déscolarisé »:

« [...] tout jeune qui interrompt ponctuellement ou durablement sa scolarité, dans la période de l'obligation légale, de façon volontaire ou involontaire, mais dont la situation découle ou constitue en elle-même une position jugée irrégulière par les institutions scolaire et judiciaire ».

Concernant cette première partie de l'analyse, la limite et la frustration majeure réside dans le fait de ne pas avoir pu approfondir l'impact du discours scientifique sur la redéfinition de la question sociale à l'ère de la globalisation et des changements que cela a engendré (i.e. réorganisation de la division du travail, redéfinition du temps, redéfinition des espaces de socialisation, amplification de l'insécurité sociale, etc.) dont la « décsolarisation » est une composante.

Dans la deuxième partie j'ai exploité les instruments conçus dans la première partie afin d'analyser la trilogie éducation discipline-éducation scolaire-image sociale et culturelle de l'adolescent à Genève depuis 1987. Cette date coïncide avec la publication du Projet Ferme-École au service du Cycle d'orientation de Genève rédigé par le groupe des conseillers sociaux du CO où il est question de mettre en oeuvre un dispositif externe pour accueillir les élèves en grande difficulté. Il est à mon sens l'une des sources attestant du changement de regard et de pratiques sur l'adolescence à Genève. Parallèlement j'ai analysé une partie du mémorial du Grand Conseil afin de mettre en lumière la vision du le champ politique sur le sujet, surtout le regard élaboré autour des jeunes qui, de part leurs attitudes, questionnent la socialisation scolaire. Enfin, j'ai dépouillé les annuaires statistiques de Genève depuis 1970 en guise de piste de réflexion complémentaire à la constitution du regard sur la jeunesse.

Les limites principales de cette partie résident dans le peu de temps que j'ai pu consacrer à la recherche d'archives d'une part, à l'impossibilité d'élaborer de longues série statistiques en raison des changements méthodologiques et de l'étendue de la production scientifique sur la situation genevoise, la plupart du temps émanant des instances officielles. De plus, contrairement ce que je m'étais proposé de faire, il ne m'a pas été possible d'associer au regard politique-institutionnel, celui des familles et de la vie de quartier.

Revue de la littérature

Les perspectives en Amérique du Nord: la rationalisation et la prévention des « conséquences » du « décrochage scolaire »

Après une première revue de la littérature, j'ai constaté que les thématiques de la « déscolarisation » et du « décrochage scolaire » étaient déjà abordées dans les pays anglo-saxons depuis le début des années 1960. Pour l'essentiel ces recherches s'intéressaient à définir et développer des modèles théoriques permettant d'expliquer les processus qui amenaient un certain nombre d'individu à quitter – to dropout – les institutions d'enseignement supérieur[2] . Ces études se sont poursuivies au cours des années 1970 et la population concernée a progressivement été élargie aux adolescents. Michel Janosz, nous en fournit une synthèse dans L'abandon scolaire chez les adolescents: perspective Nord-Américaine, article qui a été publié dans la revue française Ville-École-Intégration à titre de contribution internationale pour le dossier exclusivement consacré au « décrochage scolaire » (VEI, n°122, 2000). Outre l'important apport informationnel, Janosz livre une piste de réflexion permettant d'éclaircir dans les grandes lignes pourquoi l'abandon scolaire précoce et la non-scolarisation ont progressivement émergé sur le devant de la scène publique:

« L'absence de diplôme ou de formation spécialisée n'entravait pas [au cours de la première moitié du XXe siècle] la capacité des individus à s'intégrer à la société adulte. La vision du décrochage comme un problème social ou individuel est fortement influencée par les contextes sociaux, économiques, industriels et politiques qui prévalent à une époque donnée. L'engorgement progressif du marché de l'emploi pour les jeunes, la disparition de milieux de vie légitimes en dehors de l'école, l'évolution exponentielle de la place de la technologie dans la vie quotidienne, la domination grandissante d'une économie fondée sur la maîtrise du savoir et de l'information, le désengagement de l'État en matière de soutien social et sanitaire, autant de changements historiques qui incitent à concevoir le décrochage scolaire comme une menace sérieuse à la qualité de vie des individus et au potentiel d'adaptation de la société » (p.106).

Pour appuyer ses propos il expose toute une série de recherches menées depuis le début des années 1970 et qui se sont intéressées aux « conséquences » sociales et économiques du « décrochage scolaire. L'on peut voir que la terminologie employée – le « décrochage scolaire » - est ici synonyme des préoccupations politiques à la base de la problématisation sociale des « processus de déscolarisation ».

Plus récemment, en 2003, Bertrand Geay publie, dans la revue Cahiers de la recherche sur l'éducation et les savoirs[3] , un texte articulant à la fois une synthèse critique des références anglo-saxones et canadiennes et une réflexion épistémologique sur la constitution de la « déscolarisation » comme objet de recherche en France. Il classe les travaux Nord-Américains en fonction de l'axe de recherche avancé dans le décryptage de ce « nouveau » phénomène (i.e. l'absentéisme et l'abandon scolaire). Il identifie six catégories de recherches, selon qu'elles étudient les:

  • facteurs institutionnels;
  • perceptions et la motivation des acteurs en jeu;
  • facteurs familiaux;
  • facteurs cognitifs et psychologiques;
  • effets du « décrochage »;
  • typologies de « décrocheurs ».

Tout en reconnaissant l'intérêt majeur de ces contributions qui permettent en outre de mettre en lumière l'existence d'élèves présents physiquement en classe, mais totalement « décrochés des apprentissage », Geay relève que ces travaux soulèvent néanmoins trois types de questions d'ordre épistémologique et méthodologique auxquelles essayer d'apporter une réponse profiterait au développement de la recherche en éducation.

  1. l'identification de sous-formes de typologie conduit paradoxalement à réifier la catégorie des « décrocheurs »;
  2. le caractère peu systématique de certaines distinctions proposées;
  3. les processus conduisant au « décrochage » sont parfois pratiquement absents de l'analyse.

L'approche franco-belge: les « processus de déscolarisation » encadrés et encadrant...

Dans la lignée de la classification proposée par Geay, j'ai procédé à la même analyse sur la littérature scientifique publiée en France depuis le lancement de l'appel d'offre dont les rapports finaux m'ont fourni l'essentiel de mes sources. Avec la demande explicite de l'appel à projets de 1999 de concentrer les enquêtes sur les « processus de déscolarisation », l'on remarque que tous les comptes-rendus répondent directement à la troisième question soulevée par Geay. Ainsi, ce qui permet de discriminer les recherches ce n'est pas tant l'absence de la dimension diachronique des phénomènes analysés que, comme l'affirme Glasman (2004), les angles d'attaque de la question et les méthodes d'investigation.

Ainsi, en réponse(?) au caractère peu systématique de certaines catégories proposées dans les études nord-américaines, certains chercheurs ont décidé d'en faire (un de) leur(s) objet(s) d'étude. Ropé, Geay et collaborateurs (2002) ont par exemple analysé la construction des statistiques du signalement de l'absentéisme scolaire et leurs démarches attestent de l'hétérogénéité des pratiques institutionnelles d'une part et de l'impact de cette activité dans l'émergence de la « déscolarisation » comme nouvelle catégorie, d'autre part, à la fois scolaire et sociale. Dans la même lignée, Hugues Lagrange, Suzanne Cagliero et Florence Maillochon (2001) ont procédé à la systématisation des indicateurs de la statistique de la « déscolarisation » ainsi que l'équipe dirigé par Jacqueline Costa-Lascoux (2002) dans la première partie de leur rapport.

D'autres recherches encore analysent la « déscolarisation » à l'aune de l'évolution des contextes socio-économiques et politiques (en particulier Glasman, 2000 et 2003; Mabilon-Bonfils et Saadoun, 2002). Mathias Millet et Daniel Thin (2003 et 2005), quant à eux, étudient le triangle école-famille-quartier dont seule l'articulation des logiques respectives permet de rendre compte des parcours de ruptures scolaires de jeunes collégiens de milieux populaires. La même approche est aussi proposée par Maryse Esterle-Hedibel (2003), par Pierre Coslin et collaborateurs (200?) et par Daniel Frandji et Pierrette Vergès (2002). D'autres, comme Élisabeth Bautier, Stéphane Bonnery, Jean-Pierre Terrail, et collaborateurs (2002) approfondissent d'avantage les difficultés d'apprentissage. Lagrange et collaborateurs (2001) dans leur analyse statistique citée plus haut, ont étudié les corrélations entre les réseaux de sociabilité juvénile et la réussite scolaire. Hasnia et Limia Missaui et Alain Tarrius (2002) se penchent sur les interactions famille-institution scolaire et s'intéressent plus particulièrement aux enfants gitans et maghrebins. Claire Schiff, Marie Lazaridis et collaborateurs (2003) pointent le fonctionnement administratif de l'école, comme d'ailleurs la recherche dirigée par François Sicot (2002).

Comme déjà mentionné, ces recherches se caractérisent – et par là se différencient des Nord-Américaines – par l'accent mis sur la dimension temporelle des processus. Cette approche a par exemple permis de mettre en évidence – confirmant par ailleurs les résultats de Langevin (1994, cité par Asdih, 2003) au Québec – que les élèves « déscolarisés » ou en voie de l'être présentent des difficultés scolaires depuis l'école primaire. Cela ne signifie pas que le rendement scolaire à lui tout seul rend compte de la variance et de la variabilité des « trajectoires de déscolarisation », mais qu'il n'est pas inutile de considérer ce résultat lorsqu'il est question d'effectuer des choix en matière d'éducation; mais cela est une question éminemment politique. Comme cela a été le cas lors de l'émergence de « l'échec scolaire », le modèle analytique considérant le triangle famille-école-quartier permet de mieux décrire et expliquer ce qui est étudié que l'analyse univariée qui reconduit hâtivement les causes de la déscolarisation dans la seule famille.

De manière générale, les résultats empiriques des recherches françaises que j'ai consultées amènent à considérer avec prudence les affirmations alarmistes telles que par exemple, l'existence d'un lien de causalité entre « déscolarisation » et « délinquance »; la thèse de la « démission parentale » (cf. par exemple Les parents démissionaire METTRE LIEN VERS TEXTE); la « crise » de l'école; l'émergence d'une « nouvelle » problématique scolaire... Sur ces fantasmes, relisons à ce propos le bilan que trace Glasman des recherches menées dans le cadre de l'appel interministériel (2004, p.69):

« En somme, on aurait relevé dans cet ensemble de recherches des processus dont l'origine et le moment d'apparition sont divers, certains étant longtemps restés cachés ou non nommés, tandis que d'autres sont plus neufs. Ce qui fait leur importance aujourd'hui, c'est leur superposition, et c'est plus encore leur sens ainsi que leurs conséquences, sans commune mesure avec ce qu'elles étaient naguèrent ».

Il reste encore à savoir dans quelle mesure, ce qui sont de toute évidence des mythes, ne sont pas en train de devenir réalité... sous l'impulsion des médias et du discours politique entre autre... mais une telle analyse meriterait qu'on lui consacre un article à lui tout seul.

Deux dernières considérations, mais non pas en ordre d'importance: les études françaises se sont concentrées quasi exclusivement aux classes défavorisées (à l'exception de l'étude de Catherine Blaya), les plus éloignées de la culture scolaire, non pas parce qu'il n'y aurait pas de « déscolarisés » bourgeois, mais parce que l'émotion sociale sur et autour du « décrochage » trouve son terrain d'émergence dans ses répercussions supposées ou proclamées dans les quartiers populaires. De plus, en accord avec Glasman (2004), ce choix s'explique par l'hypothèse sous-jacente selon laquelle les enfants les plus dotés en capital économique, social ou culturel, peuvent plus facilement et plus rapidement bénéficier de mesures de « rappel à l'ordre » comme par exemple l'engagement d'un professionnel, l'attention accrue des parents, l'inscription dans une école privée, etc. Ces stratégies familiales contribueraient en outre à rendre moins visible leur « déscolarisation ». bien qu'étudier la « déscolarisation » représente une voix éminemment légitime pour aborder la question sociale – ce qui par ailleurs rend intelligible les interactions entre recherche scientifique et ses modalités de financement (i.e. les conditions matérielles de la production scientifique) – il n'en reste pas moins vrai que cette démarche contribue à la polarisation du regard sur les élèves en rupture.