Utilisateur:Sandra wirz

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Après avoir attrapé au vol cette « expérience d’intelligence collective », il m’a paru nécessaire de commencer par comprendre tout d’abord ce que l’on entend par « désinstitutionnalisation ». Que recouvre ce terme ? Quand et où est-il apparu pour la première fois ? Pourquoi ? Quelles ont été les conséquences de cette action ?

J’ai souhaité commencer par chercher tout naturellement les définitions existantes sur le dictionnaire ainsi qu’Internet : le mot n’existe pas dans mon Petit Larousse… Voici les définitions proposées sur Internet : « Fait d'enlever le caractère institutionnel » 1([http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/d%C3%A9sinstitutionnalisation). Ou: « Conception du traitement des maladies mentales basée sur un changement des rapports entre les personnes handicapées et la société, et sa mise en pratique par l'abandon du recours à l'hospitalisation traditionnelle dans tous les cas possibles et par l'utilisation de services communautaires de soins et de réadaptation, soit pour remplacer le traitement hospitalier, soit pour en assurer le suivi. (…) Dans certains contextes, il est possible d'utiliser le terme « réinsertion sociale », bien que celui-ci ne couvre pas entièrement la notion plus complexe de « désinstitutionnalisation ». (Thésaurus de l’activité gouvernementale (Québec)). En lisant plusieurs articles proposés sur le Net, il m’est apparu que le véritable changement, le véritable mouvement de désinstitutionnalisation a débuté vers 1960 (même s’il semble qu’il y ait eu un prélude à la désinstitutionnalisation au début du 19e siècle (L’Institut universitaire en santé mentale de Québec - La désinstitutionnalisation).

Certains observent le début de ce mouvement en Scandinavie, d’autres au Québec. En tous les cas, il s’agit d’un mouvement d'ouverture vers la communauté, d’une volonté de «normalisation» : «La normalisation—renommée plus tard "valorisation sociale» — réfère à l'idée selon laquelle toute personne a le droit strict de vivre dans son milieu et de participer à la vie de sa communauté » . Ce courant s’est d’abord appliqué aux personnes handicapées, puis s’est étendu aux malades mentales puis aux personnes âgées. C’est surtout dans le domaine de la psychiatrie, auprès des personnes « déviantes », que ce mouvement fut appliqué. « Le mouvement de désinstitutionnalisation s'appuie avant tout sur une philosophie qui met l'accent sur les droits et libertés des individus et elle vise à humaniser les soins de santé mentale ». (Encyclopédie de l’Agora).

Pourquoi un soudain courant humaniste a poussé à « désinstitutionnaliser » ? Il semble que les horreurs vécues lors de la seconde Guerre mondiale ait fait réfléchir… Jusque là, les témoignages font état de pratiques « déshumanisantes » dans les soins psychiatriques en santé mentale. Pendant des décennies, on a isolé et séquestré les malades mentaux dans des asiles. «  Il fallait séparer physiquement le malade de la communauté et l’oublier » (Petite histoire de la désinstitutionnalisation au Québec). Il n’en était pas autrement en Grande-Bretagne : « Une analyse de 14 enquêtes et investigations effectuées entre 1969 et 1980 sur les mauvais traitements dans les hôpitaux psychiatriques britanniques (Martin, 1984), a révélé un pattern d'isolement de l'institution, des lacunes au niveau du soutien et de la formation du personnel, une procédure déficiente pour les rapports, un manque de leadership, une administration inefficace, des ressources financières inadéquates, les loyautés partagées des syndicats et, à l'occasion, la négligence de certains individus. » (Claire Henderson et Graham Thornicroft, Santé mentale au Québec, vol. 22, n° 2, 1997, p. 88-114. http://id.erudit.org/iderudit/032417ar )

Les années d’après-guerre ont vu un accroissement de l’intérêt porté à l’institution comme objet d’étude. Certains auteurs parlent en effet de l’institution comme étant « névrosante », « façonnant et codifiant les gens dans le rôle de patient psychiatrique » (Goffman (1961). Ces études portant sur l’hôpital psychiatrique sont susceptible également d’avoir « reflété l'horreur suscitée par les politiques nazies du meurtre eugénique des malades psychiatriques et les camps de concentration » (« Le statut de la désinstitutionnalisation en Grande-Bretagne », Claire Henderson et Graham Thornicroft Santé mentale au Québec, vol. 22, n° 2, 1997, p. 88-114. http://id.erudit.org/iderudit/032417ar ) On observe dans les années 60 une disparition du personnel religieux des hôpitaux. Naît alors une nouvelle conception de l’individu, une évolution des attitudes envers le malade ; on veut le sortir des murs de l’asile psyhiatrique. On commence à parler, à cette époque, du « droit de la personne ». Des idéaux humanitaires amènent à une nouvelle vision de la maladie mentale.

Il semble que ce mouvement de désinstitutionnalisation soit lié aussi à l’apparition des pratiques de pharmacopée. « Ces nouveaux médicaments permettaient de calmer les malades agités, délirants, hallucinés et ainsi permettre d'envisager et de généraliser des traitements psychiques dans des conditions plus réalistes ou encore, lorsque c'était possible, d'envisager un retour au domicile ou dans des structures intermédiaires ».(déf. du mot «psychiatrie»).On a le désir de «normaliser » leurs conditions de vie.

Dans les années 60, la personne « déficiente intellectuellement » est encore considérée comme une « malade ». Mais on ne considère plus le malade mental comme un malade incurable, mais comme un sujet pouvant être aidé, guéri. On met en avant le fait que la maladie mentale ne nécessite pas forcément une hospitalisation, et qu’elle doit être considérée comme une autre maladie.

On externalise, on invente la psychiatrie de secteurs, on commence à intégrer des services pour les malades mentaux dans des hôpitaux ou cliniques. On évite ainsi la stigmatisation des malades mentaux placés pour de longues périodes en asile psychiatrique, et on leur évite la perte de leurs facultés leur permettant de se réintégrer dans la société. On redonne alors un rôle à la communauté, on redonne des responsabilités aux familles. On se met à s’intéresser davantage au patient qu’à sa maladie. (in Lettre trimestrielle de l’association romande Pro Mente Sana http://www.promentesana.org/upload/application/trimes_43.pdf )

Et la Suisse ? Beaucoup de textes parlent du Québec, des Etats-Unis… Mais qu’en est-il de la Suisse ? Un article trouvé dans la Revue médicale suisse N°2406 nous apprend qu’ « en 1950, 92% des patients restaient en moyenne six mois (à l’asile d’aliénés) et aujourd'hui la durée moyenne des séjours est de deux à trois semaines » (I. Lyon-Pagès R. Philippoz C. Audenis-Cardis P. Bovet). Le même processus de désinstitutionnalisation a donc bien eu lieu. Un autre article nous apprend qu’en Suisse ont pu être observés et dénoncés les mêmes agissements qu’ailleurs : enfermement, répression, non pour aider le malade, mais pour protéger l’ordre public. Ony mêlait infirmes, orphelins, indigents et fous… (écrit par le Dr Christian MONNEY, 1999, à l’occasion des 100 ans de l’Hôpital de Malévoz).Il nous apprend que dès 1965, des consultations ambulatoires sont créées et qu’en conséquences les séjours hospitaliers se raccourcissent. Les moyens de contention sont contestés. Des établissements médico-éducatifs apparaissent, comme la Castalie, grâce auDr Rey-Belley, en 1972.

J'aimerais tenter de mettre tout ceci en lien avec l'entretien avec M. Wahl, qui témoigne de sa vie de père d'une enfant handicapée née dans les années 50. Il n'y avait selon lui pas "d'organismes tengibles" qui aurait pu la prendre en charge... Alors il la gardait à la maison. Etait-ce par crainte de la soumettre à des pratiques qu'il sentait douteuses, condamnables? Etait-ce par manque de moyens financiers (pas d'AI)? Selon M. Wahl, garder une personnes handicapée à la maison, dans une bulle familiale, n'est pas bon non plus, à cause de la "surprotection" qu'elle induit, et à cause du sacrifice de la fratrie que cette situation engendre. Selon lui, l'institution ne doit pas être écartée. Elle présente du bon, "elle ouvre la sphère sociale, elle a ses spécialistes, ses pédagogies, elle crée des contacts, des affections..." Mais il semble que pour lui, l'institutionnalisation ne devrait être qu'un passage, destiné à développer des apprentissages fonctionnels (soins, habillage). Il ne devrait pas durer, sinon il y a "risque d'enfermement dans un état stabilisé de dépendance". "Quand on sort la personne de son institution, on casse son confort pour le rendre intégrable"... Institutionnaliser, oui, mais juste un petit peu? Pour une période courte? Avec des objectifs précis?

Dans les autres films visionnés, comme "Dans l'aventure du non, la parole", on se rend compte que la désinstitutionnalisation, l'orientation vers une "communauté d'enfants", présente ses lacunes, ses impasses également à nos yeux d'aujourd'hui...