Secret médical en prison et désintermédiation. In: Revue médicale suisse. vol.10-N°424. p.776. Bertrand Kiefer. (2014)

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Le conseil d’état du canton de Genève veut retirer le secret médical dans les prisons. Il aimerait que celui-ci prenne moins de place. Car selon lui, ce dernier ne va pas dans le sens du projet carcéral. Le conseil d’état vient de prendre la décision que les soignants qui s’occupent de détenus doivent transmettre les informations du résultat de leur thérapie aux autorités. Néanmoins, cette décision n’est pas encore certaine, elle doit être encore acceptée par le Grand Conseil.

Selon Mauro Poggia, « l’intérêt privé des condamnés ne doit pas l’emporter sur la protection de la population ». Ils ne veulent pas observer d’obstacles à la prise de renseignements. Cette remise en question au sujet du secret médical vient de l’affaire du meurtre d’un détenu sur une jeune thérapeute qui aurait pu être évité. Depuis là, ils cherchent les responsables et les dysfonctionnements possible. Les soupçons se dirigent vers les médecins. Ils arrivent au fait que ce « droit au secret » est un prétexte pour les détenus de défier la société. Vu que la société ne pense pas à remettre en question le mode de fonctionnement de la prison, elle s’en prend à la médecine qui est vue comme un domaine indépendant défendant les droits des humains.

Si nous observons le projet de loi du gouvernement genevois, nous voyons un lien avec la conception du Panoptique qui est décrit par Michel Foucault dans son livre « Surveiller et Punir » et dont celui-ci a attiré les concepteurs des prisons au 19ème siècle. Cette architecture permet au gardien, situé au centre, d’observer tous les comportements des prisonniers installés dans des cellules tout autour de la tour. Pour son inventeur, Jeremy Bentham, le but est de les surveiller et de les enfermer. Effectivement, la transparence permet un bon comportement. Aujourd’hui, l’idée d’empêcher les obstacles est reprise par le conseiller d’état. Néanmoins, la surveillance moderne n’est plus suffisante. Il faut viser l’intériorité des détenus par la révélation d’informations des soignants sur l’intimité des détenus.

Cependant, les soignants possèdent des informations intimes et complexes sur les détenus grâce à leur relation de confiance. Dans les soins des troubles psychiques, le patient parle de ses fragilités, de ses envies et par cette confiance il parvient à partager son vécu. Si le patient apprend que ces informations peuvent être transmises dans le but de le juger, de le classer ou de le rabaisser, il ne sera plus en confiance et en sécurité dans sa relation avec le soignant. Par conséquent, nous observerons une disparition de l’intimité des soins.

La circulation des informations entre soignants et agents ou avec l’administration pénitentiaire est une évidence. Effectivement, la sécurité collective prime que ce soit en prison ou dans la société. Jusqu’à aujourd’hui, les médecins avaient une marge de manœuvre mais dans l’avenir, cette transparence risque de « stériliser leur intelligence et d’empêcher la coopération ». De plus, le rôle du médecin va changer. Les soignants deviennent des agents qui récoltent l’information à transmettre aux autorités. Ils n’ont plus besoin d’interpréter et de soigner afin de rendre le patient automne avec une maitrise de son agressivité. Le médecin va simplement lister les éléments qui peuvent développer une dangerosité pour la société.

Ce projet de loi mélange deux rôles dans le métier de médecin : celui de médecin traitant et celui d’expert. Nous allons vers une disparition des deux pour en créer un autre. Le médecin doit à présent simplement évaluer sans prendre en compte son appréciation et son expérience mais au contraire, s’appuyer sur des éléments objectivables.

Le gouvernement genevois oppose la protection de la population à l’intérêt « privé » du secret médical. Ce dernier est un dispositif d’humanisation qui sert au respect des droits de tous dont également les populations vulnérables. Sans cette confidentialité, les détenus vont hésiter à consulter ou à se confier. Par conséquent, ils sortiront de prison en moins bonne santé et peut-être en étant plus dangereux. Nous pouvons donc nous demander si la population sera mieux protégée.

Notre société ne doit pas voir d’un côté le monde carcéral avec des individus dangereux qu’il faut traiter sans confidentialité et de l’autre, celui des individus normaux et libres. Au contraire, c’est une société commune où l’on se mélange et où les détenus peuvent retourner dans le but d’y être réinséré.