Résumé du livre Hepworth J. (1999). The Social Construction of Anorxia Nervosa. Londres: Sage.

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Introduction

Julie Hepworth, l’auteur, est enseignante à l’Université d’Adelaide en Australie.

Dans son livre The Social Construction of Anorexia Nervosa, Julie Hepworth explique d’après sa recherche la construction sociale du problème que présente aujourd’hui L’anorexie mentale. Son étude est surtout centrée sur le système de prise en charge en Angleterre. Ce livre est divisé en trois parties. La première partie aborde la construction socio-historique de l’anorexie à travers les différents discours existant dès le Moyen-Âge et jusqu’à la fin du 20ème siècle. La seconde partie est la synthèse de l’analyse des entretiens que l’auteur a mené avec différents acteurs sociaux. Enfin, dans la dernière de l’œuvre, elle analyse la thèse postmoderniste qui place l’anorexie dans son contexte social. Notons, que le livre étant en anglais, toutes les citations ci-dessous ont été traduit par moi-même.

Tout d’abord, nous remarquons que l’anorexie mentale semble toucher surtout des femmes.. des jeunes femmes. Julie Hepworth indique que moins de huit pourcent (8%) des anorexiques sont des hommes. Ceci permet de dire que les « troubles alimentaires sont une forme distincte de souffrance féminine. » (Hepworth, p.59) Par la suite nous allons voir que la prédominance du trouble chez les femmes a des conséquences sur l’interprétation de celui-ci.

Historique de la problématique

Dans cette partie Hepworth a présenté et analysé les différents discours, qui à travers le temps, ont parlé de l’anorexie. Nous allons à présent les résumer.

Dans l’histoire occidentale, Il s’agit tout d’abord d’un discours religieux. Les premiers cas de femmes qui ne mangent pas sont apparus dans le monde ecclésiastique. Il s’agit de bonnes sœurs qui ne mangeaient pas pendant de longues années. Ces femmes étaient admirées par la société et surtout par les hommes de l’église pour qui, cet acte de contrôle de soi les rendait meilleures. C’était un acte lié à l’abstinence à la purification de soi, au fait d’accorder moins d’importance au corps pour permettre l'enrichissement de l’âme. Nous remarquons ici que ce discours ne problématise pas du tout le phénomène.

Le premier discours pointant du doigt le phénomène était le discours médical. Ce fut Laseque en France en 1873 et Gull en Angleterre en 1874 qui donnèrent les premières définitions de l’anorexie mentale. Le terme anorexie mentale « dans le sens littéraire signifie ‘perte d’appétit’ ». (Hepworth, p.31) Toutefois le milieu médical cherchait la cause organique qui pousserait ces jeunes femmes à se sous-alimenter. Gull ainsi que d’autres physiciens en viennent à la conclusion qu’il n’y en a apparemment pas mais qu’il faut chercher dans le psychique des femmes. Dès ce moment, il y a une floraison d’explications causales divergentes les unes des autres. Cette découverte médicale trouvait deux principales interprétations selon l’image qu’on accordait aux femmes. En premier, si l’on considérait que les femmes étaient irrationnelles, l’anorexie relevait d’un comportement hystérique et irrationnel. La seconde interprétation sociale concevait que les femmes sont rationnelles et par conséquent l’anorexie était vue comme une « protestation ou un acte de résistance contre les idéaux dominants ». (Hepworth, p.29)

Nous allons à présent voir plusieurs explications causales abordées dans le livre par Hepworth. Ce sont des exemples et non pas l’exhaustivité des théories.

Explication psychanalytique de type Kleinienne

Une des explications que présente Hepworth est celle inspirée des théories de Klein, mais aussi de Freud. Il s’agit de dire que la jeune fille, ayant peur de grandir, de se séparer de sa mère et de faire face seule aux rôles de la femme dans la société, choisit d’arrêter de ce nourrir par refus de grandir. Cet état lui permet de rester proche de sa mère et de ne pas devoir confronter la société.

Explication par l’influence des images médiatiques

Hepworth note le changement de l’image de la femme, de son rôle et de son image. Elle cite un auteur comme Bruch (1974) qui montre comment « les représentations changeantes amorce des troubles de l’alimentation. » (Hepworth, p.51) Les images (et peintures) représentant la femme jusqu’à la fin du 19ème siècle mettait en avant les aspects d’un corps maternel. Dès le début du 20ème siècle, la femme est généralement présentée comme un corps de minceur qui satisfait les critères de beauté de l’homme.

Explication féministe, le conflit identitaire

Nous devons d’abord expliciter la théorie psychanalytique féministe selon laquelle : « la socialisation des petites filles dans les sociétés occidentales encourage les femmes à attacher un sens inconscient à la nourriture. Ces sens incluent les sentiments de culpabilité (…) et la négation des besoins nutritionnels, et leurs manifestations par des troubles alimentaires sont devenues une expression de l’exploitation des femmes dans une culture patriarcale (Orbach, 1986). En plus, la consommation utilise les femmes pour fair la publicité de commodités en les positionnant à côté de l’objet de désir, en faisant cela, les femmes ont aussi été publiciser comme des objets de désir. » (Hepworth, p.61)

Hepworth présente trois textes écrits par trois femmes féministes (dont certaines ont été anorexiques) au sujet de l’anorexie. La comparaison de leur contenu est très intéressante. Les trois textes (écrits par Orbach, 1986 et MacLeod, 1981 et Charmin, 1986) mettent en avant le conflit identitaire que vivent ces jeunes femmes. La société leur demande d’avoir deux rôles, sans doute contradictoire, un rôle maternel et une carrière professionnelle. Cette situation confuse donne aux femmes un sentiment de non-contrôle, ce qui les pousse à avoir un sentiment de contrôle sur leur corps à travers le contrôle de l’alimentation.

Le discours féministe a aussi son propre mode d’action. En effet, Orbach a ouvert son propre centre : le Centre thérapeutique des femmes situé à Londres. Leurs thérapies visent essentiellement à la compréhension des circonstances et des positions sociales de chaque individu par rapport à leur trouble.

Les travailleurs sociaux

Dans cette partie, Hepworth a interviewé plus d’une dizaine d’acteurs sociaux sur la situation, les causes et le traitement des anorexies mentales aujourd’hui en Angleterre. Il s’agissait de médecins généralistes, de psychiatres, de psychologues cliniciens et d’infirmières, sans oublier une thérapeute féministe qui travaille au Centre thérapeutique des femmes. Nous allons à présent voir les causes attribuées par ces acteurs à l’anorexie, le traitement qu’ils appliquent et enfin les résultats qu’ils obtiennent.

L'étiologie

D’après les entretiens les acteurs sociaux ne semblent pas pouvoir déterminer une cause claire et unique aux cas d’anorexie qu’ils ont vu. L’incertitude est la règle. Ils annoncent tous que la réponse est complexe et multicausale. Toutefois nous pouvons repérer principalement des causes psychanalytiques, de type la relation avec la mère, et des causes sociales, de type influence des médias. Certains ont mentionné que la cause est située dans un sévisse qu’a subi la jeune femme en étant petite. Par rapport à la thèse médicale-organique, certains interviewés mettent en avant un doute sur une source organique et génétique mais aucun ne l’affirment clairement.

Les traitements

Le traitement qui est le plus fréquemment utilisé est un traitement qui vise la prise de poids. Ce traitement est parfois accompagné d’une thérapie psychanalytique. Le traitement s’occupe clairement de l’aspect organique du trouble : le but est que la patiente atteigne un poids stable et biologiquement convenable. Il s’agit de suivre une logique behavioriste : la patiente doit manger, et ne pas brûler ce qu’elle mange dans le but de gagner quelques kilogrammes. Une fois cette objectif atteint, elle aura droit à un privilège sociale : pouvoir sortir de sa chambre, accès au téléphone, etc.

Certains interviewés, surtout les infirmières, explicitent l’aspect contrôle exercé sur la patiente. Celle-ci est confinée dans sa chambre, surveillée dans tous ces gestes et où l’on fouille sa chambre pour vérifier qu’elle n’a pas de substances lui permettant de perdre du poids. D’autres acteurs ont mentionné les solutions plus extrêmes si la patiente refuse de coopérer à ce programme béhavioriste. Il s’agit d’injections, de « tube-feeding » (Hepworth, p.95) pour les nourrir de force, ou de traitement par chocs électro-convulsifs (Hepworth, p.96).

Les résultats

L’ensemble des travailleurs sociaux semble assez pessimiste vis-à-vis des résultats des traitements. Même si certains remarquent un effet positif à court-terme, notamment par la prise de poids vitale, la manière de pensée des anorexiques, à long-terme, ne changent que très rarement selon eux. Toutefois, un des médecins généralistes raconte qu’une de ses patientes s’est socialement stabilisé et qu’ils sont tous les deux satisfaits de son poids actuel, c’est-à-dire qu’elle n’a plus envie de mincir.

Le postmodernisme : une nouvelle perspective

Dans la dernière partie de sou œuvre, Julie Hepworth fait le point sur les discours et les traitements de la dernière décennie (1990) qui s’inscrivent dans le postmodernisme.

Ce qui domine dans les récentes analyses est la forte prise en compte des aspects sociaux. Ainsi on note la pression exercée par la médias sur la forme des femmes : les « jeunes femmes en particulier prennent les images des médias comme des idéaux à atteindre. » (Hepworth, p.101) L’auteur présente la théorie de Bordo (1993) pour qui « les contextes qui produisent l’anorexie mentale (…) sont celles qui définissent et instruisent les femmes d’une manière de vivre particulière qui s’accorde avec les idéaux des mâles dominants. » (Hepworth, p.103)

Quel effet sur les traitements ?

Hepworth note que ces dernières années, il y eut une ouverture de la psychiatrie vers le postmodernisme. Contrairement à la psychanalyse, les nouveaux courants mettent en évidence le facteur social de l’anorexie. Ainsi le trouble n’est plus intrinsèque à l’individu (la patiente) mais c’est un problème public. Ceci a un effet sur les thérapies. On permet désormais à la patiente de se distancier de son trouble, de le décrire et de le contrôler si elle le veut.

--Rkuzbari 5 mai 2006 à 13:13 (MEST)