CHAMP-DOLLON

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PARU LE 12.04.06: Près de 200 détenus ont signé une lettre dénonçant en vrac des violences policières et des discriminations et lenteurs à l'échelon judiciaire. «A part un problème concernant les soins médicaux, ils ne se plaignent pas des conditions de détention», rappelle Doris Leuenberger, vice-présidente de la LSDH. Les détenus ont évoqué l'emploi disproportionné de la force par la police «lors de certaines arrestations et, surtout, durant les interrogatoires, particulièrement au bâtiment de Carl-Vogt». «On nous également rapporté des scènes de chantage et de pressions psychologiques», précise MeLeuenberger. A ce sujet, la LSDH préconise la création d'une police des polices pour mener les enquêtes, l'installation de caméras de surveillance dans les locaux et les cellules des postes de police et le port obligatoire du matricule pour les agents. Pour MePierre Bayenet, de l'Observatoire des pratiques policières, une association qui a ouvert en janvier une permanence destinée aux victimes d'abus, les témoignages recueillis mettent en lumière «un terrible mépris des gens dans le comportement de la police genevoise». «Il y a un énorme travail à faire», conclut l'avocat.


Etrange proposition

Côté justice, la LSDH est également sensible aux doléances des prisonniers de Champ-Dollon ayant trait aux trop longues détentions préventives (qui excèderaient régulièrement les peines prononcées) et aux lenteurs de l'instruction. «Les effets se font sentir sur certains droits des détenus comme les visites, le travail et la formation», indique Doris Leuenberger. Face à ce constat, l'augmentation du nombre de juges serait une partie de la solution, affirme la LSDH. Plus étrange est l'évocation de la création d'«un tribunal des flagrants délits à la française». «Cela permettrait, dans le cas de petits délits non contestés par leurs auteurs, de désengorger les tribunaux», avance Me Leuenberger. Par rapport au système des ordonnances de condamnation, il y a l'avantage de la publicité des débats et le côté dissuasif de l'audience, précise la vice-présidente de la LSDH. Seul problème, l'expérience française en matière de comparution immédiate est dénoncée par les défenseurs des droits humains: elle génère une justice souvent expéditive avec, à la clé, de lourdes condamnations. Ces prochaines semaines, députés, autorités concernées et LSDH vont multiplier les réunions pour désamorcer la crise qui couve à Champ-Dollon. Il leur sera pourtant difficile d'apporter des réponses solides aux questions de fond posées par les pétitionnaires. Comment réagiront-ils?


PARU LE 3.05.06: PRISON - Le climat est toujours plus tendu à la prison préventive genevoise, qui a vécu deux journées de fronde successives, dimanche et lundi.

La prison préventive de Champ-Dollon semble chaque jour plus ingouvernable. Victimes d'une surpopulation record –485 personnes pour 270 places théoriques– les détenus ont manifesté à deux reprises leur mauvaise humeur en refusant de réintégrer leurs cellules après la promenade, dimanche et lundi. La seconde fois des violences ont été commises. Après un préavis de grève de la faim, lancé fin mars, et une pétition dénonçant l'attitude du pouvoir judiciaire et policier dans le même temps, les prisonniers de Champ-Dollon sont passés aux actes. Une première fois dimanche, environ 130 détenus ont refusé de regagner leurs cellules après la promenade du matin. Ils ont bravé l'autorité de 9h à 17h, rapporte le président du syndicat de la police, Alain Devegney. Selon un communiqué de l'Office pénitentiaire (OP), les «mutins» se plaignent du manque d'accès aux téléphones de la prison, d'un assortiment trop restreint de l'épicerie et du manque de places de travail internes. La direction de Champ-Dollon a promis d'examiner leurs revendications, mais sans trop s'avancer, vu les contraintes liées à la surpopulation.


Bancs et poubelles brûlées

Le lendemain, c'était au tour d'une centaine de prisonniers logés au deuxième étage –privés de facto de promenade la veille– de ne pas vouloir réintégrer leurs geôles. Leurs doléances reprennent en partie celles exprimées dans une précédente pétition (Le Courrier du 6 avril): «longueur des détentions sans rencontrer de juge d'instruction», «pressions injustifiées de la police lors des enquêtes», voire «pressions sur les familles des détenus par rapport à leurs autorisations de séjours». Contrairement à la veille, des heurts se sont produits, impliquant une trentaine de détenus récalcitrants. Selon l'OP, ces derniers se seraient défoulés sur le matériel, boutant le feu à divers objets (bancs, poubelles) et s'en prenant physiquement au personnel. A l'issue des échauffourées, on comptabilisait trois blessés (dont une commotion cérébrale) parmi les prisonniers. «C'était limite», confirme le directeur de l'OP, Constantin Franziskakis. La police était prête à intervenir, mais elle restera finalement à l'extérieur de l'enceinte, se félicite-t-il.


«A trop négocier on envoie un mauvais signal»

Alain Devegney ne partage pas tout à fait sa satisfaction, relevant qu'il aura fallu attendre jusqu'à 23h30 pour ramener tout le monde au bercail. Sans aller jusqu'à regretter une intervention de la gendarmerie, il estime que la direction est parfois trop complaisante à l'égard des prisonniers et qu'«à trop négocier, la direction envoie un mauvais signal. Elle perd de sa crédibilité». Il déplore en outre une «banalisation» des bagarres entre détenus qui devraient, selon lui, être plus fermement réprimées. «Cette fois il n'y a pas eu de gardiens blessés. Nous avons eu de la chance», prévient-il.


«Certaines revendications sont légitimes»

Ces propos étonnent Laurent Moutinot. Le chef du Département des institutions témoigne du soulagement des policiers de s'être épargné une bataille rangée. «Il faut se rendre compte de la situation explosive dans laquelle on se trouve», fait valoir le magistrat, qui se dit avant tout soucieux de préserver l'intégrité physique des gardiens ainsi que des détenus. Par ailleurs, s'il confirme que les auteurs de violences (filmés par une batterie de caméras) seront sévèrement punis, il reconnaît aussi qu'«une partie des revendications et récriminations exprimées sont légitimes». Il leur promet une oreille attentive, même si, encore une fois, la plupart des problèmes découlent de la saturation de la prison. La ligue suisse des droits de l'homme, section Genève, s'est très tôt faite le «porte-voix» des détenus, relayant (début avril) leurs doléances sur les lenteurs de l'instruction auprès du Parquet, des juges d'instructions, de la chambre d'accusation et du Département des institutions (DI). A ce jour, seul Laurent Moutinot (DI) a proposé de les rencontrer, le pouvoir judiciaire n'ayant toujours pas accusé réception de leur missive. Par la voix de sa vice-présidente, Doris Leuenberger, la ligue annonce qu'elle déposera très bientôt une pétition au Grand Conseil espérant plus de réactivité des élus.I


article Un homme et demi par cellule


  Viginie Poyetton    

GENÈVE - Champ-Dollon détient le taux d'occupation carcérale le plus élevé de Suisse: 162% en 2005. 

Champ-Dollon déborde. Ce constat commence à dater. En février 2005, les députés du Grand Conseil votaient un crédit d'étude de 1,3 millions de francs pour l'agrandissement de l'établissement pénitentiaire. A ce moment-là, la prison comptait 438 détenus pour 270 places. Soit un taux de remplissage moyen de 162%. Un record national! A mettre en relation avec l'augmentation des condamnations prononcées par la justice genevoise. De 2600 en 2003, le nombre de dossiers à traiter était passé à plus de 4300 en 2005.


Des pavillons carcéraux

Face à cette situation, le chef du département des institutions, Laurent Moutinot, a demandé à la direction pénitentiaire de plancher sur un projet d'agrandissement. Surgit alors l'idée des éléments modulaires préfabriqués d'un coût relativement modeste. D'une capacité de 32 places, les deux modules prévus seraient installés à proximité de la prison. L'avantage de ce système serait d'être suffisamment souple pour répondre aux besoins éventuellement fluctuants de la prison. Cette proposition venait donc s'ajouter aux projets mis à l'étude par le Grand Conseil, à savoir: l'agrandissement du pénitencier et la construction d'un établissement réservé aux détenus souffrant de troubles psychiatriques.


Liste d'attente

Mais le problème n'est pas proprement genevois. Si Champ-Dollon souffre aujourd'hui de surpopulation, c'est aussi parce que de nombreux détenus attendent leur transfert vers une prison d'un autre canton. Placés sur liste d'attente, ils purgent leur peine dans les geôles de Champ-Dollon qui n'est, du moins sur le papier, qu'une prison préventive. En 2005, la barre des 6000 détenus était franchie en Suisse. Sur les 122 prisons nationales, 27 affichaient complet et 14 souffraient de surpopulation. La forte hausse du nombre de détenus s'est amorcée en 2002 déjà. VPn