Réflexions sur la conception d’EIAH pour favoriser l’engagement des apprenants

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Résumé

Dans la conception de EIAH hybride à distance, il est essentiel, pour l’enseignant, de guider l’apprenant dans son apprentissage et plus particulièrement de lui donner les outils pour soutenir son engagement (cognitif, émotionnel et métacognitif) à long terme et pas uniquement en début d’activité. J’ai choisi de discuter sur ce sujet car je pense que l’engagement des apprenants est un aspect essentiel au bon déroulé de leur apprentissage et qu’il est encore aujourd’hui malheureusement trop peu considéré dans les classes, surtout dans le cadre des études supérieures, où les cours hybrides, alternant cours en présence/distance et cours en synchrone/asynchrone, deviennent chose habituelle.

Introduction

La Haute Autorité de Santé définit l’e-learning comme : « un apprentissage ouvert, favorisant l’accessibilité du contenu, des lieux, du temps, des modes d’enseignement et des médias » (HAS, 2015, 10, cité dans Alves et Lerner, 2021). En effet, l’ère numérique a permis d’implémenter des centaines de plateformes e-learning, mais cette expansion du numérique nécessite une attention toute particulière aux apprenants et aux problèmes d’isolement et d’engagement que ceux-ci rencontrent au cours de leurs études à distance. Pour que les apprenants sachent ce qui est attendu d’eux, il est nécessaire que les enseignants conçoivent une formation médiatisée répondant aux besoins des étudiants. Dans cette production, nous allons nous intéresser au problème de l’engagement que les apprenants peinent à maintenir tout au long de leurs études, puis nous ferons une réflexion autour des scénarios pédagogiques à prendre en compte lors de la conception d’un EIAH (Environnement informatique pour l’apprentissage humain), afin de favoriser l’engagement des apprenants.

Développement

Problème d’engagement chez l’apprenant

Il n’est pas rare de voir des étudiants ne pas finir une formation, un cours ou prolonger leurs études à cause de cette modalité hybride qui est apparue en force depuis la pandémie du Covid-19. De nombreux étudiants dans les universités ont exprimé leur démotivation due aux cours donnés à distance par des audios pré-enregistrés. Le sentiment d’isolement a renforcé ce mal-être et a même poussé certains étudiants à abandonner ou à repousser pour plus tard leur formation. Aujourd’hui, de plus en plus de formations sont proposées en e-learning et cela constitue un défi pour les enseignants et formateurs ; celui de concevoir des EIAH qui engagent les apprenants dans leurs études et qui les guident dans cet effort soutenu tout au long de leur formation.

Engagement personnel

Qu'est-ce que l'engagement ?

L’engagement, de manière générale, peut être définit comme « l’interaction dynamique de trois éléments, les forces affective, comportementale et cognitive, qui font qu’une personne initie, puis maintient une ligne d’action ou de pensée envers un objet social important et valorisé » (Brault-Labbé et Dubé, 2009, 120, cité dans Alves et Lerner, 2021, page ???). L’engagement en formation ajoute la dimension d’un « fort sentiment de détermination ainsi [que] la volonté de faire des efforts pour atteindre le but fixé » (Boudrenghein et al., 2009:5, cité dans Alves et Lerner, 2021, page 197). Ainsi, c’est par le désir d’apprendre et la curiosité qu’une personne maintient son engagement dans une formation. L’engagement est

un facteur de la réussite académique (Molinari, Poellhuber, Heutte, Lavoué, Widmer et Caron, 2016 ; Pirot et De Ketele, 2000) et […] un des piliers du bien-être. Il est ainsi un prédicteur de l’expérience positive en contextes de travail et d’apprentissage (Schueller et Seligman, 2010, cité dans Molinari et Schneider, 2020, 1)

Dans le modèle de l’autodirection personnel que propose Carré (2003), l’engagement (qu’il nomme autodétermination) est une des deux dimensions (l’autre étant l’action, ou pour reprendre le terme de Carré, l’autorégulation) qui constitue ce modèle.

Figure 1. La double dimension de l’autodirection d’après Carré (2003)

L’autodétermination (engagement) de l’apprenant est un comportement qui « est nécessaire pour qu’il se mobilise personnellement dans une activité de formation pour atteindre ses propres buts » et pour lui permettre de réguler son activité (action) par des stratégies volitionnelles afin d’atteindre ses buts (Jézégou, 2014, 272). Ainsi, l’autodétermination, l’autorégulation et le sentiment d’auto-efficacité qui en découlent permettent « d’expliquer les grands mécanismes psychologiques de l’agentivité individuelle » (Jézégou, 2014, 274).

Quelles sont les stratégies utilisées pour rester engagé dans une activité ?

D’après Cosnefroy, l’engagement (qu’il nomme la volition) se manifeste par un ensemble de stratégies volitionnelles, telles que la structuration du temps et de l’environnement de travail, la gestion des émotions et de la motivation, et la recherche de soutien social (Molinari et Schneider 2020). Ces stratégies permettent aux apprenants de pratiquer un apprentissage autorégulé (Cosnefroy, 2010)[1] et d’atteindre les objectifs fixés par soi-même. Molinari et Schneider propose quelques exemples de stratégies volitionnelles privilégiant le maintien de l’engagement dans les études à distance :

  • s’inciter à se récompenser après l’effort (ex. faire une activité plaisante pour soi) ;
  • documenter ses réussites (ex. cocher des cases avec un vu pour voir l’avancée du travail réalisé) ;
  • prendre conscience de ses émotions et de ses besoins ;
  • signaler à ses proches le besoin de ne pas être dérangés ;
  • fractionner le temps et prendre régulièrement des pauses.

(Molinari et Schneider, 2020, 17)

Comment mesurer l’engagement chez les étudiants ?

L’engagement se décrit sur la base de trois dimensions (Molinari et Schneider, 2020) :

  • L’engagement cognitif : « des processus et stratégies pour apprendre en profondeur et réguler l’apprentissage (par exemple, réflexion critique, autorégulation métacognitive) »
  • L’engagement émotionnel (affectif) : l’engagement est « associé à des comportements observables (par exemple, participation, effort, attention), des émotions (positives et négatives), des croyances motivationnelles (par exemple, sentiment d’efficacité personnelle, perception de la valeur de la tache) »
  • L’engagement comportemental (social) : « des comportements observables (par exemple, participation, effort, attention) »

Pour rester engagé dans une activité et s’y maintenir (i.e. volition), l’apprenant doit effectuer le travail métacognitif d’autoréguler son apprentissage. L’apprentissage autorégulé

réfère aux processus par lesquels l’apprenant planifie, surveille, ajuste et évalue, de façon active et autonome, ses cognitions, motivations, émotions et comportements ainsi que son contexte d’apprentissage. (Pintrich, 2004 et Zimmerman, 2002, cités dans Molinari et Schneider, 2021, 3)

Cependant, ces processus d’autorégulation demandent un effort constant en termes d’énergie et de charge cognitive (voir Tricot, 2017).

Les trois phases d’autorégulation proposées par Pintrich (2004) et Zimmerman (2002) (cité dans Molinari et Schneider, 2020, 3) sont :

  • La prospection [anticipation dans Carré, 2003] qui est « une phase de planification (but, plan d’action, temps, effort, auto-observation) et d’activation (connaissances antérieures et métacognitives ; perceptions de soi, de la tâche et du contexte) en amont de la tâche. » Elle est liée au concept de la motivation.
  • La performance [action dans Carré, 2003] qui « s’organise en deux phases interreliées qui ont lieu pendant la tâche : le monitoring (prise de conscience et suivi) et la régulation (contrôle et ajustement). » Elle est liée au concept de la volition.
  • La rétrospection (autoréflexion, c.f. Carré, 2003) qui « consiste en une évaluation réflexive (jugements cognitifs et réactions émotionnelles) du résultat d’apprentissage. » Elle est liée au concept de l’évaluation.

Si ces stratégies métacognitives ne sont pas mises en œuvre par l’apprenant, il est difficile pour celui-ci d’arriver aux buts finaux qu’il s’est fixés.

Engagement collectif

Pour pallier la difficulté de l'engagement individuel, Alves et Lerner (2021) discutent du rôle de l’environnement social personnel de l’apprenant et de l’influence de son entourage familial (proches), professionnel (relations de travail) ou formatif (enseignants et pairs). Ces acteurs jouent un rôle dans le soutien apporté à l’apprenant en e-learning. Les résultats d’une étude empirique réalisée avec 256 personnes (Alves et Lerner, 2021) montrent que « il existe de réelles motivations à s’engager dans une formation en e-learning mais que l’expérience antérieure de cette modalité de formation joue un rôle modérateur important. » (Alves et Lerner, 2021, 208). Ainsi, il est possible d’expliquer le désengagement pour les formations en e-learning par la déception des apprenants dans leur formations antérieures.

Cette étude indique également l’importance du soutien social, c’est-à-dire de l’entourage de l’apprenant. Il en résulte que dans une formation, « le formateur est le premier acteur de soutien » : « Le soutien social (professionnel et formatif) est, en conclusion, nécessaire à l’engagement et à la volition des apprenants en e-learning ; mais ce soutien répond à différents types selon les caractéristiques individuelles des apprenants » (Alves et Lerner, 2021, 208). Ce soutien social est donc une des stratégies volitionnelles (voir Cosnefroy, 2010).

Durant les cours en présentiel, des groupes se forment. Ces groupes ont « une fonction cognitive pour se distribuer les tâches et alléger la charge de travail, et une fonction motivationnelle pour se soutenir et partager ses émotions » (Molinari et Schneider, 2021, 9). Ceci n’est pas forcément le cas pour les cours à distance, car les apprenants tendent à s’isoler dans leur travail personnel et ne recherchent pas d’aide autour d’eux par peur d’avoir l’aire faible devant les autres et ainsi garder la face.

De plus, Jézégou (2014) met en évidence les bienfaits de construire « une communauté d’apprentissage en ligne » qui constitue une « agentivité collective ». Selon elle, cette communauté se constitue d’un

groupe de personnes, membres volontaires aux expertises diverses et d’égale valeur, engagées conjointement dans une démarche collaborative de résolution d’une situation problématique ; cette dé- marche facilitant la construction individuelle et collective de connaissances. (Jézégou, 2012, cité dans Jézégou, 2014, 279)

Cette communauté en ligne a alors l’avantage de diviser la charge de travail des apprenants, ce qui permet à l’apprenant de partager ses difficultés et de trouver des solutions de manière collaborative, l’engageant ainsi socialement mais aussi cognitivement. La collaboration entre pairs peut donc favoriser l’engagement des apprenants. Les efforts à fournir en collaboration que formulent Jézégou sont divers (Jézégou, 2014, 280) :

  • Au niveau cognitif :
    • définir des modalités de fonctionnement de la collaboration à distance
    • adopter et conduire une démarche conjointe et commune de résolution de la situation problématique.
    • construire une production collective
  • Au niveau rétrospectif (évaluation) :
    • la mise à l’épreuve des résultats issus de cette démarche
    • l’évaluation de l’atteinte de ces résultats
    • l’explicitation des éléments de satisfaction collective
  • Au niveau métacognitif :
    • réaliser des bilans intermédiaires
    • mettre en place des processus de régulation des activités à mener

Les formes d’interactions qui se construisent entre apprenants dans une communauté en ligne permettent de créer « “une présence à distance“ au sein d’un espace numérique de communication, cela malgré l’éloignement géographique et donc la séparation physique » (Jézégou, 2014, 281).

Créer de la présence à distance pour favoriser l'engagement : le design pédagogique

Les quatre éléments environnementaux qui influencent la formation en e-learning (Alves et Lerner, 2021, 198) sont les environnements :

  • Technologique : « L’environnement technologique doit avoir une utilité, une facilité et une qualité́ perçues (op.cit.). Ici, les travaux de Lassoued et Hofaidhllaoui (2013) confirment ce point : la facilité d’utilisation perçue et l’assistance technique influencent directement l’adoption du e-learning par un apprenant »
  • Social : « l’environnement social varie selon les besoins des individus : environnement social incitatif (comme le fait d’obéir à un ordre par exemple) versus un environnement social de soutien »
  • Spatial et temporel : « Les environnements spatial (le lieu de formation) et temporel (la période de formation) concernent de leur côté la maitrise de l’environnement d’apprentissage (en particulier technologique). »

La présence à distance est rendue possible lorsque le design pédagogique pour les dispositifs numériques d’apprentissage est bien construit. Un scénario pédagogique se compose du :

  • Scénario d’apprentissage (environnement spatio-temporel)
  • Scénario médiatique (environnement technologique)
  • Scénario d’accompagnement (environnement social)

Ce travail de définition des scénarios d’apprentissage est le travail de l’enseignant, en collaboration avec le concepteur des EIAH.

Le scénario d’apprentissage

Lors de la conception d’EIAH il est donc essentiel de réfléchir au design pédagogique d’un dispositif numérique pour l’apprenant. L’enseignant doit d’abord « identifier et modéliser les connaissances » de l’apprenant et « identifier la stratégie pédagogique et les activités associées » (Molinari et Avry, 2023, 8) en « considér[ant] le parcours expérientiel antérieur de l’apprenant en e-learning et son rapport au savoir » (Alves et Lerner, 2021, 211). On peut, pour cela, utiliser le schéma revisité de la Taxonomie de Bloom par Krathwohl (2002, cité dans Molinari, 2023b) afin de définir les objectifs pédagogiques que l’apprenant devra atteindre. Il faudra également définir le type d’apprentissage mobilisé (i.e. apprentissage par acquisition, collaboration, production, etc.) pour chaque activité (Molinari et Avry, 2023b).

Le scénario médiatique

L’enseignant doit ensuite mettre en place un « environnement technique » qu’il faudra préparer à l’avance avec un scénario médiatique qui permettra le « soutien sociotechnique » de l’apprenant (Alves et Lerner, 2021, 212).

Afin de construire un scénario médiatique adéquat répondant aux besoins des apprenants, Alves et Lerner (2021) ont montré dans leur étude l’importance de considérer les connaissances et les expériences antérieures des apprenants ainsi que leur rapport au savoir enseigné et aux technologies numériques utilisées. En effet Le rôle de l’enseignant est donc de « passer en revue chaque activité [définie dans le scénario d’apprentissage] et d’identifier tout ce dont les étudiants ont besoin en termes de ressources pour les réaliser » (Molinari et Avry, 2023a, 14). Ces ressources doivent augmenter l’efficacité de l’apprentissage des apprenants en e-learning, sinon le format numérique ne fait qu’ajouter de la charge cognitive. Il peut s’agir des ressources suivantes proposées par Molinari et Avry (2023a) :

  • Des ressources pour comprendre (podcast, tutoriel, texte, image, animation, site web, dictionnaire/encyclopédie en ligne...)
  • Des ressources pour mettre en pratique (simulation, jeu éducatif...)
  • Des outils pour évaluer ou s’auto-évaluer (exercices en ligne, QCM, glossaire, dépôt de devoirs...)
  • Des outils pour analyser des données (logiciels d’analyse qualitative de données, de traitement statistique...)
  • Des outils pour communiquer (en synchrone ou asynchrone) (email, chat, forum, outil de visioconférence, sondage...)
  • Des outils pour produire seul ou en équipe (traitement de texte, éditeur partagé, blog, wiki, mind mapping, logiciel de dessin...)
  • Des outils pour gérer, organiser (agenda partagé, outil de vote, outil de gestion de la documentation, outil de gestion de projet...)

Le scénario d'accompagnement

Selon, Molinari et Avry, le scénario d’accompagnement a pour objectif de « décrire la façon dont les différents acteurs (enseignants, tuteurs, étudiants) vont intervenir dans le processus de soutien à l’apprentissage. » L’enseignant doit guider l’apprenant dans son apprentissage afin que celui-ci atteigne ses objectifs d’activité et qu’il développe son autonomie (Molinari et Avry, 2023, 16).

Le scénario d’accompagnement est essentiel à la conception d’un dispositif pédagogique hybride à distance car c’est en fonction de son efficacité que l’on observera des situations d’abandon ou de désengagement de l’apprenant. C’est pourquoi, il est conseillé de privilégier les interactions dans un « environnement social ». Cet environnement apportera un « soutien affectif » à l’apprenant et lui permettra de maintenir son engagement dans la tâche à accomplir en e-learning (Alves et Lerner, 2021, 212). Afin de renforcer l’interactivité entre l’apprenant et son environnement technique, Alves et Lerner propose des activités comme :

  • « le cliquer – glisser, le QCM, les séquences vidéos et audio, les simulations, la possibilité́ de créer son avatar, donner du feedback en temps réel (sur des réponses à des questions par exemple), etc. »
  • « Introduire de la relation humaine dans une formation en e-learning : des webinars, des espaces de chat ou encore des foires-aux-questions, sont à considérer par les concepteurs. »

(Alves et Lerner, 2021, 212)

Le soutien social, et en particulier le soutien des enseignants, est donc essentiel dans l’apprentissage des apprenants et peut favoriser l'engagement de ceux-ci.

Soutien par l'enseignant

Dans une étude menée par Molinari et Scheider (2020), ces chercheuses se sont questionnées sur « le potentiel des objets tangibles comme outils pouvant s’intégrer au scénario d’accompagnement des étudiants à distance, et aider ces derniers à maintenir leur motivation tout au long de la formation » (Molinari et Schneider, 2020, 2). Durant cette étude, elles ont conçu une « boite à outils tangible » de façon à « aider les étudiants à distance à développer des stratégies d’autorégulation pour se mettre au travail et s’y maintenir lorsqu’ils étudient seuls à leur domicile » (Molinari et Schneider, 2020, 13-14). La boite contenait cinq objets qui devait permettre à l’apprenant de :

  • Améliorer les « stratégies de contrôle de soi » pour :
    • « soutenir le sentiment d’efficacité personnelle par le biais de l’auto-encouragement et l’auto-récompense. »
    • « favoriser la régulation des émotions, et plus particulièrement à encourager les étudiants à prendre conscience de leurs états émotionnels et des besoins qui peuvent leur être associés. »
  • Améliorer les «  stratégies de contrôle du contexte [spatio-temporel et social] d’apprentissage » :
    • « stratégies de structuration de l’environnement de travail, et vise à protéger les étudiants de l’irruption de distractions. »
    • « encourager les étudiants à structurer leur temps de travail et en l’occurrence, à se définir des doses de travail optimales.»

(Molinari et Schneider, 2020, 11)

Ces objets tangibles ont donc pour but de permettre aux étudiants d’utiliser des stratégies volitionnelles internes qui permettent « la régulation de la motivation et des émotions », ainsi que des stratégies volitionnelles externes qui favorisent « la structuration du temps et de l’espace de travail » (Molinari et Schneider, 2020, 13). Ce travail d’accompagnement méthodologique et métacognitif est donc un des facteurs qui favorise l’engagement des apprenants.

Soutien par les pairs dans la communauté numérique

Le sentiment de présence en e-learning est renforcé par deux composantes que Jézégou nomme la présence socio-cognitive, qui se réfère aux « transactions existantes entre les apprenants pour mener conjointement les activités nécessaires à la résolution d’une situation problématique au sein d’un espace numérique de communication » et la présence socio-affective, qui résulte des « interactions qui permettent de créer un climat socio-affectif favorable aux transactions » (Jézégou, 2012, cité dans Jézégou, 2014, 282). L’élaboration de solutions à travers les échanges entre pairs et le travail collaboratif apportent un soutien mental et moral qui favorise l’engagement des apprenants pour atteindre leurs buts d’apprentissage. Par conséquent, l’engagement est

le produit d’un apprentissage social ; c’est dans et par les interactions avec ses pairs, ses enseignants, ses amis et parents que l’apprenant construit son engagement » et au regard de cette observation il est nécessaire que les EIAH soit « conçu[s] de sorte à valoriser la dimension “personnes“ et à soutenir la construction sociale de l’engagement. (Molinari et al., 2016, 22)

Conclusion

L’engagement est un investissement personnel qui comporte une dimension cognitive, métacognitive, émotionnelle et sociale. Pour parvenir à la réalisation d’une tâche, il est essentiel que l’apprenant se munisse de stratégies d’autodétermination et d’auto-régulation. Cependant, on ne doit pas s’attendre à ce que l’apprenant réussisse à le faire sans une aide extérieure, en l’occurrence l’enseignant ou les pairs. La dimension sociale est selon moi un aspect essentiel à la mise en œuvre des stratégies régulatives est cette production met en évidence l’importance, pour l’enseignant, de construire un design pédagogique avec un scénario d’apprentissage, un scénario médiatique et un scénario d’accompagnement, afin de guider l’apprenant tout au long de son parcours et favoriser ainsi son engagement dans les cours conçus avec des dispositifs hybrides en présence/distance et en synchrone/asynchrone comme les EIAH. Le facteur technologique doit être considéré avec attention car « les expériences antérieures des apprenants, leur rapport au savoir et leur rapport aux technologies sont autant de paramètres impactant l’engagement et la volition dans une formation en e-learning » (Alves et Lerner, 2021, 212). Il ne faut pas non plus négliger l’apport du soutien des pairs dans ces dispositifs hybrides, car celui-ci permet de créer une présence socio-cognitive et socio-affective dans une communauté numérique qui collabore dans le but d’atteindre des objectifs communs, ce qui allège la charge cognitive de chaque apprenant de manière individuelle (voir « shared (distributed) cognition approach » dans Dillenbourg, 1996).

Références bibliographiques

Alves, S. et Lerner, L. (2021). Engagement et volition en e-learning : quelle place pour l’environnement social ?. Recherches en Sciences de Gestion, 3(144), 193–224. https://doi.org/10.3917/resg.144.0193

Carré, P. (2003). La double dimension de l’apprentissage autodirigé Contribution à une théorie du sujet social apprenant. Canadian Journal for the Study of Adult Education, 17(1), 66–91.

Cosnefroy, L. (2010). L'apprentissage autorégulé : perspectives en formation d'adultes. Savoirs, 2(23),9-50. https://doi.org/10.3917/savo.023.0009.

Dillenbourg, P., Baker, M., Blaye, A. et O'malley, C. (1996). The evolution of research on collaborative learning. Dans E. Spada et P. Reiman (dir.), Learning in Humans and Machine: Towards an interdisciplinary learning science. (p. 189- 211). Elsevier.

Jézégou, A. (2014). L’agentivité humaine : un moteur essentiel pour l’élaboration d’un environnement personnel d’apprentissage. Dans Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Éducation et la Formation, 21, 269-286. https://doi.org/10.3406/stice.2014.1099.

Molinari, G. et Avry, S. (2023a). Le design pédagogique des environnements informatisés d’apprentissage. [notes de cours]. TECFA, Université de Genève. https://tecfalms.unige.ch/moodle/pluginfile.php/39569/mod_resource/content/3/MALTT_ADID_Design%20p%C3%A9dagogique.pdf.

Molinari, G. et Avry, S. (2023b). Le design pédagogique des environnements informatisés d’apprentissage. [notes de cours]. TECFA, Université de Genève. https://tecfalms.unige.ch/moodle/pluginfile.php/40738/mod_resource/content/3/ADID1_Design%20pe%CC%81dagogique_2022_Mercredi.pdf

Molinari, G., Poellhuber, B., Heutte, J., Lavoué, E., Widmer, D. S., et Caron, P.-A. (2016). L’engagement et la persistance dans les dispositifs de formation en ligne : regards croisés. Distances et Médiations Des Savoirs, 13, 1-28. https://doi.org/10.4000/dms.1332

Molinari, G. et Schneider, E. (2020). Soutenir les stratégies volitionnelles et améliorer l’expérience des étudiants en formation à distance. Quels potentiels pour le design tangible ? Distances et médiations des savoirs, 32, 1-18. https://doi.org/10.4000/dms.5731

Tricot, A. (2017). Quels apports de la théorie de la charge cognitive à la différenciation pédagogique ? Quelques pistes concrètes pour adapter des situations d’apprentissage. Dans Notes remises dans le cadre de la conférence de consensus du Cnesco et de l’Ifé/Ens de Lyon « Différenciation pédagogique : comment adapter l’enseignement pour la réussite de tous les élèves ?», pp.157-165.

Rédigé par Ana Rajic dans le cadre du cours ADID, Volée Concordia, le 24.01.2023


[1]

Pour plus de contenu sur l'autorégulation et les stratégies volitionnelles, voir page Autonomie dans l'apprentissage : le problème de la volition chez l'apprenant (Editechwiki)

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