Outils d'awareness et comparaison sociale

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Cet article a été rédigé dans le cadre du cours Semactu 2011-2012

Introduction

Partant de l’observation que peu d’études empiriques sont réalisées sur l’effet des outils d’awareness sur les processus collaboratifs et l’apprentissage (Nova, 2002 ; Romero, 2010), cette synthèse tente de réunir quelques pistes de réflexion. En les rapprochant des théories classiques de la psychologie sociale, notamment celles sur la comparaison sociale, on tentera d’expliquer certains résultats des recherches sur les outils d’awareness, notamment sur le modèle de connaissance mutuelle (Mutual Knowledge model - MKM) et à relever les questions qui restent en suspens autour des problématiques qui recoupent les divers champs de recherche inspectés ici, afin de poser éventuellement des hypothèses qui pourraient faire le fruit de recherches empiriques potentielles.

Les outils d'awareness : quelques rappels

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de rappeler brièvement quelques définitions et concepts sur les outils d’awareness. Rappelons d’abord ce qu’est l’awareness. Par opposition à la consciousness qui est une forme de conscience obtenue après un processus de réflexion, l’awareness est une forme de conscience plutôt immédiate et implicite. Une sorte de conscience inconsciente de la situation qui résulte d’un processus de contact avec l’environnement. « Dourish et Bellotti (1992) définissent l’awareness de groupe comme la compréhension (consciente) des activités des autres lesqulles fournissent un contexte à sa propre activité. Ce contexte permet d’assurer que les actions individuelles soient utilisées dans l’activité globale du groupe. »

Ci-dessous, nous nous intéresserons particulièrement à la social awareness ainsi qu’aux outils permettant de réguler ce type d’awareness. Du fait que la collaboration dans les environnements médiés par ordinateur soit péjorée par le manque de sources d’information permettant de réguler l’awareness, il est indispensable de proposer des outils pour contrecarrer les effets négatifs de ce manque. Les outils d’awareness ont évolué au fil des années et permettent maintenant d’augmenter les processus sous-tendant l’apprentissage.

En 2010, Buder fait un état des lieux des travaux sur l’awareness de groupe dans le champ du CSCL (Computer supported collaborative learning). Il propose dans son article huit problématiques de recherche empirique autour des outils d’awareness qu’il resterait à investiguer afin de mieux comprendre l’awareness de groupe. Il propose quatre problématiques au niveau de la visibilité de l’information (displaying) et quatre autres au niveau de la prise de connaissance des informations (monitoring).

Nous verrons que les études rapportées ci-dessous permettent de mettre en évidence les points 2 (la comparabilité interpersonnelle des performances) et 3 (une pression normative versus une appréhension d’évaluation) au niveau du monitoring proposés par Buder. Ces points méritent bien entendu d’être investiguer d’avantage, mais les éléments réunis dans cette synthèse apportent déjà quelques pistes de réflexion. Nous allons donc voir ci-dessous comment les théories de la psychologie sociale viennent expliquer en partie quelques phénomènes observés dans les études qui évaluent les outils d’awareness. Enfin, nous allons également voir comment ces théories en apportant certaines réponses viennent aussi poser de nouvelles interrogations et de nouvelles perspectives de recherche.

The Mutual Model Knowledge

Dans leur recherche, Molinari et al. (2009) tentent de reproduire les résultats des recherches récentes, notamment celle de Sangin et al. (Sangin & al., 2008, cité par Molinari & al., 2009) sur le modélisme mutuel de la connaissance (Mutual Knowledge Modeling - MKM) et d’investiguer les effets de l’interdépendance de la connaissances (Knowledge interdependence - KI) entre les partenaires d’une collaboration sur les performances d’apprentissage et sur le MKM. Ils pensent également que le MKM pourrait médier les effets de la KI sur l’apprentissage. Leur étude s’inscrit dans un projet de recherches empirique autour du MKM.

Ils reprennent dans cette étude la définition du modèle mutuel (mutual model) de Nova et al. (Nova & al., 2007, cité par Molinari & al., 2009) : le modèle mutuel peut se définir comme une représentation que les gens se font des connaissances, des croyances, des compétences, des buts, des motivations, des pensées, des émotions, etc. de leur partenaire. Cette modélisation qu’on fait des connaissances (entre autres) de l’autre est mutuelle dans le sens où elles dépendent de la modélisation des connaissances que le partenaire fait au sujet de soi et réciproquement. Molinari et al. (2009) soulignent également que lorsqu’on parle de modèle ou de modélisation on fait référence à des représentation hypothétiques que l’individu réorganise constamment en fonction des informations disponibles sur le partenaire (Krauss & Fussel, 1991, cité par Molinari & al., 2009).

Rappelant ainsi les principaux éléments théoriques, l’étude se focalise donc sur la capacité de l’individu à se faire une représentation mentale des connaissances de leurs partenaires. L’hypothèse centrale de l’étude est que l’habilité des co-apprenants (on se situe ici au niveau du CSCL – Computer supported collaborativ learning) à se construire une représentation fiable des connaissances du partenaire peut être l’un des facteurs déterminants dans la performance d’apprentissage suite à une phase de collaboration (ex. « Si je sais ce que mon partenaire sait ou peut comprendre, alors je peux adapter mon discours pours mon interlocuteur »).

Reprenant les résultats de Buchs et al. (Buchs & al., 2004, cité par Molinari & al., 2009), ils comparent deux situations de collaboration : lorsque les apprenants partenaires travaillent sur un sujet donné en ayant eu au préalable une même information (ex. même texte) ou (seconde situation) lorsque les partenaires travaillent sur un sujet en ayant eu au préalable des informations complémentaires l’un par rapport à l’autre. La théorie stipule qu’il est plus difficile d’établir un modèle mutuel de connaissances fiable, précis, dans la situation où les partenaires reçoivent des informations complémentaires que dans la situation où ils reçoivent la même information, car ils ont du mal a comparer leur connaissance (Buchs & al., 2004, cité par Molinari & al., 2009). En effet, les partenaires se comparent plus lorsqu’ils détiennent la même information, car ils utilisent leurs propres connaissances comme point de comparaison pour évaluer la connaissance du partenaire. Lorsque les apprenants travaillent sur des informations complémentaires, cela réduit le stress lié à l’évaluation des compétences et cela engage plus les apprenants à se focaliser sur les interactions avec le partenaire (Molinari & al., 2009). Il s’agit là d’une condition d’interdépendance, dans laquelle il semblerait que les apprenants soient moins dominés par leur propre perspective et par conséquent soient plus aptes à prendre en compte les besoins d’infos de leur partenaire et à accompagner leur compréhension. Ce qui est plus bénéfique pour l’apprentissage (Molinari & al., 2009).

Les résultats de l’étude de Molinari et al. (2009) ne répliquent pas les résultats de Sangin et al. (Sangin & al., 2008, cité par Molinari & al., 2009). Ils montrent qu’il n’y a pas de relation entre la fiabilité, la précision du MKM et les performances d’apprentissage. Cependant, les chercheurs soulignent que cela ne remet pas en question l’importance du rôle que peut jouer la modélisation des connaissances du partenaire dans l’apprentissage collaboratif. Ils ne retrouvent pas de différences entre les deux conditions testées (« même information » vs « information complémentaire » reçue) et expliquent cela par une forte hétérogénéité (grande variation interindividuelle) des groupes de partenaires étudiés. Enfin, l’étude rapporte également un biais égocentrique dans le sens attendu (= tendance à faire des inférences sur l’autre en fonction de la représentation qu’on a de soi) : la tendance des participants dans la condition « information complémentaire » est de surévaluer les connaissances du partenaire, alors que la tendance dans la condition «  même information » est de sous-évaluer les connaissances du partenaire. Ceci est consistant avec l’hypothèse que la visibilité de l’évaluation des compétences dans la condition « même information » va permettre aux participants de mieux évaluer la connaissance des partenaires (La différence de connaissances est plus visible lorsqu’ils travaillent sur le même matériel). Ceci est donc également un résultat direct de la comparaison sociale (Molinari & al., 2009).

On peut voir ici que les mécanismes naturels de comparaison sociale jouent un rôle important dans la construction d’un modèle mutuel de connaissances. Mais quels mécanismes entre exactement en jeu dans des situations de collaboration ? Que postulent les théories de la psychologie sociales à ce sujet ? Est-ce que les individus se comparent toujours ? Est-ce qu’il y a des situations où ils se comparent moins ou différemment ? Est-ce que l’homogénéité d’un groupe joue un rôle ? Quelles implications cela a sur leurs comportements ? Et surtout, comment cela vient influencer la construction d’un modèle mutuel de connaissances ? Nous allons voir dans la section suivante une partie des réponses à toutes ces questions, et en dernier lieu, nous verrons comment ses questions soulèvent d’autres pistes d’investigation qui permettraient d’encore mieux comprendre les mécanismes en jeu dans la construction du MKM. D’ailleurs, Molinari et al. (2009) proposent d’investiguer les caractéristiques des interactions entre les étudiants (population d’étude), en particulier, d’examiner la mesure dans la laquelle elles pourraient expliquer la différence de fiabilité du MKM entre les deux conditions étudiées.

L'apport des théories de la psychologie sociale

Sans entrer dans tout le détail des théories de la psychologie sociale au sujet de la comparaison sociale, nous allons voir comment certains éléments de ces théories apportent un point d’éclaircissement ou un nouveau point de vue qui amène de nouvelles interrogations sur les éléments vus ci-dessus.

Pourquoi les individus se comparent ? C’est en tentant de répondre à cette question que les premières théories sur la comparaison sociale ont été posées. Dès 1950, Festinger soutient que, contrairement à la « réalité physique » dans laquelle un individu peut être assez sûr de lui concernant des faits concrets, concernant ses opinions et ses aptitudes, l’individu ne peut les évaluer de manière fiable (Festinger, 1950, cité par Doise, Mugny & Deschamps, 2004). Il a donc besoin d’un point de comparaison, l’autre, pour pouvoir faire une évaluation sensée de ses opinions et aptitudes. Ainsi, « plus le poids de la réalité physique est faible dans la validation des opinions, plus l’importance du groupe et la pression à communiquer augmente » (Doise, Mugny & Deschamps, 2004). Les gens cherchent avant tout des critères objectifs pour évaluer leurs capacités (Festinger introduit l’évaluation des capacités, en plus des opinions et aptitudes, dans sa théorie en 1954), mais lorsqu’ils n’ont pas de critères objectifs pour le faire, ils se comparent aux autres individus. Qui plus, est pour faciliter la comparaison, les individus vont avoir tendance à se comparer à des autrui dont les opinions, attitudes, capacités sont proches des leurs. Et la personne à qui l’on se compare est différente de nous, alors on va essayer de rapprocher cette personne de nous ou à nous rapprocher de cette personne en ce qui concernent les opinions ou les aptitudes que l’on compare (Festinger, 1954, cité par Doise, Mugny & Deschamps, 2004). Festinger précise dans sa théorie que pour les capacités, on n’atteint jamais un état d’équilibre social, car il y a une tendance de l’individu à vouloir toujours faire mieux (Festinger, 1954, cité par Doise, Mugny & Deschamps, 2004).

Dans l’étude de Molinari et al. (2009), on voit qu’il est un indispensable aux partenaires d’un groupe collaboratif de pouvoir évaluer leurs propres connaissances afin de pouvoir évaluer celles de leurs partenaires et vis-versa. La théorie de Festinger s’appliquant aux opinions, aux aptitudes et aux capacités, la première question que l’on pourrait se poser est de savoir si les processus de comparaison sociale s’appliquent également aux connaissances. Dans la mesure où, les chercheurs précisent la définition du MKM comme étant une représentation de la cognition en générale et l’état psychique du partenaire, c’est-à-dire tant au niveau de ses connaissances que de ses compétences ou opinions, alors on peut s’imaginer que les théories de Festinger peut s’étendre de manière générale au MKM, bien qu’il reste à prouver empiriquement si les mécanismes de la comparaison sociale sont mis en œuvre pour tous les processus cognitifs et psychique.

Admettons donc que la théorie de Festinger s’applique au MKM et par extension aux connaissances, alors on peut bien comprendre les résultats trouvés chez Buchs et al. (Buchs & al., 2004, cité par Molinari & al., 2009), ainsi que chez Molinari et al. (2009). En effet, si les partenaires de la collaboration travaillent sur le même matériel, détiennent les mêmes informations, ils peuvent plus facilement se comparer l’un l’autre. De plus, d’après la théorie de Festinger, on peut supposer que cela facilite l’apprentissage, car si les partenaires observent des différences entre au niveau de leurs connaissances, alors qu’ils ont reçus les mêmes informations, ils vont avoir tendance, chacun, à s’ajuster au niveau de l’autre ou à ajuster l’autre à son niveau. Une fois de plus, ce dernier élément serait pourrait un sujet d’investigation : est-ce que les partenaires font réellement cela et est-ce que ce comportement serait dû à un phénomène de comparaison sociale tel que le décrit Festinger dans sa théorie ou à d’autre phénomène ?

Les théories de Festinger ont toutefois subit des critiques et ont été complétées par d’autres études. Notamment, Codol (1975) avait décrit un phénomène de conformité supérieur de soi ou effet P.I.P (Primus Inter Pares, du latin pour Premier d’Entre les Pairs) (Codol, 1957, cité par Doise, Mugny & Deschamps, 2004). En somme, selon Codol, les individus ne se compareraient pas les uns aux autres mais en fonction des normes sociales impliquées dans une situation où tous les individus sont engagés. Ainsi, un individu ne se compare pas directement à autrui, mais il se compare à lui en fonction des normes sociales : il aura tendance à se valoriser en décrivant comme étant plus conforme aux normes que l’autre. Donc, dans certaines situations, lorsque une comparaison s’établit, « il semble bien que les sujets recherchent autant la disparité et la différence que l’homogénéité et la similitude (Doise, Mugny & Deschamps, 2004).

Concernant la différenciation sociale, Lemaine (milieu des années 1960) apporte une nouvelle perspective en montrant comment la référence à autrui peut conduire à l’hétérogénéité (Doise, Mugny & Deschamps, 2004). Il explique que la comparaison sociale peut amener à la différenciation plutôt qu’au conformisme lorsque l’individu qui se compare sent une menace sur son identité. Pour restaurer son identité menacée, l’individu va chercher à se démarquer d’autrui, il va chercher la différenciation et accentuer l’hétérogénéité pour marquer son originalité. Une menace sur l’identité peut être ressentie lorsqu’un sujet se trouve dans une position d’infériorité sur la dimension de comparaison (les théories de Lemaine ne s’appliquent qu’aux compétences, capacités et aptitudes, et non aux opinions). En se comparant, si le sujet se sent dans une position d’infériorité, il peut avoir plusieurs comportements dont l’un d’eux est d’apporter des innovations qu’il essaie de légitimer pour lui, le but étant de se rendre incomparable en définissant de nouveaux critères de jugement. Ceci est une stratégie de différenciation. Les études de Lemaine ont montré que même dans des situations où il n’y avait aucun enjeu de compétition, une très faible induction d’infériorité pouvait amener les personnes à adopter de tels comportements (Doise, Mugny & Deschamps, 2004).

Plus tard, Codol montrera de plus qu’il y a une asymétrie dans la perception de la similitude et de la différence. En 1984, il montre que « le sujet accepte plus facilement une relation de similitude entre lui-même et autrui (autrui me ressemble) que lorsqu’elle est définie en référence à autrui (je ressemble à autrui). Ce serait l’inverse pour les relations de différence (je suis plus d’autrui qu’autrui n’ai différent de moi) » (Doise, Mugny & Deschamps, 2004). Ce phénomène est appelé « assimilation égocentrée ». Ainsi, en lien avec ce phénomène, le simple fait d’être pris en considération par rapport à autrui peut être vécu par le sujet comme une menace pour son identité. Le sujet va alors plutôt tendance à adopter des comportements de différenciation que des comportements de conformisme.

Dans l’étude de Molinari et al. (2009), on retrouve ce phénomène « d’assimilation égocentrée ». Premièrement, les chercheurs avaient noté que « les partenaires se comparent plus lorsqu’ils détiennent la même information, car utilisent leurs propres connaissances comme point de comparaison pour évaluer la connaissance du partenaire ». Deuxièmement, ils avaient également relevé un biais égocentrique qui peut s’apparenté au phénomène « d’assimilation égocentrée » dans le sens où la personne qui se compare se prend prioritairement comme point de référence. On peut dès lors mieux comprendre le biais égocentrique dans la mesure où l’on connait le phénomène « d’assimilation égocentrée », car dans la comparaison, l’autre n’ai jamais parfaitement comme moi, il me ressemble tout au plus, donc lorsque j’évalue ses connaissances, elles sont nécessairement différentes des miennes, et si nous avons eu la même information et qu’autrui me ressemble, alors nécessairement, il est tout à fait capable de comprendre ce que je vais lui communiquer. Une fois de plus, on peut voir ici comment certaines théories de la psychologie sociale peuvent mettre en lumière des observations.

Malgré les observations ci-dessus, nous rappelons tout de même que Molinari et al. (2009) n’ont pas trouvé de différences entre les deux conditions étudiées. L’une des justifications apportée à ce résultat est l’hétérogénéité de l’échantillon. Or, nous avons vu ci-dessus avec les travaux de Lemaine que les individus peuvent être amenés à rechercher l’hétérogénéité si en se comparant à autrui, ils se sentent dans une position d’infériorité. Nous avons également vu que ce sentiment d’infériorité peut être l’objet d’une très faible induction. Il suffirait donc que les participants de Molinari et al. (2009), pour une raison ou une autre, se soient sentis inférieurs par rapport à leur partenaire au niveau de leurs connaissances pour qu’ils aient mobilisé des comportements de différenciation. Il est difficile d’évaluer d’emblée si l’hétérogénéité des groupes de participants est dû à ces phénomènes de comparaison sociale ou à un simple échantillonnage biaisé. Il serait intéressant d’investiguer, comme le propose les chercheurs, une étude similaire avec un échantillon plus homogène (dont les caractéristiques des participants sont semblable) et plus grand, afin d’écarter l’hypothèse d’un échantillonnage biaisé. Si une forme d’hétérogénéité persiste malgré ces précautions méthodologiques, il faudrait alors d’avantage en investiguer les raisons, et pourquoi ne pas se tourner du côté des théories de Lemaine dans un premier temps.

Il reste un dernier point important relever par les auteurs dans l’étude de Molinari et al. (2009) qui ne peut être expliqué par les théories classiques avancées ci-dessus. En effet, les auteurs avaient souligné que « lorsque les apprenants travaillent sur des informations complémentaires, cela réduit le stress lié à l’évaluation des compétences et cela engage plus les apprenants à se focaliser sur les interactions avec le partenaire. Il s’agit là d’une condition d’interdépendance, dans laquelle il semblerait que les apprenants soient moins dominés par leur propre perspective et par conséquent soient plus aptes à prendre en compte les besoins d’infos de leur partenaire et à accompagner leur compréhension. Ce qui est plus bénéfique pour l’apprentissage. ». Il faut rappeler que dans les deux conditions étudiées et particulièrement dans cette situation, les partenaires sont amenés à produire un travail commun de synthèse. L’hypothèse des chercheurs était que plus le MKM des partenaires est fiable et précis, plus cela va les aider à faire ce travail de collaboration. Il y a donc dans cette situation, où les participants sont amenés à faire un effort de collaboration, il y a moins d’enjeu de compétition et la comparaison peut prendre d’autres tournure. Molinari (Molinari & al., 2009) souligne bien que dans la situation d’info complémentaire, il s’agit là d’une condition d’interdépendance, il n’y a quasiment pas de compétitivité. Les théories évoquées ci-dessus semblent difficilement pouvoir prédire (ou semblent inappropriées pour expliquer) les comportements que les participants seront amenés à adopter dans cet enjeu de collaboration. Une explication peut cependant être trouvée dans les travaux de Hess et Cress (référence). Dans cette étude, les chercheurs montrent comment un outil d’awareness peut être délétère pour le fonctionnement d’un groupe quant à la participation des individus. Les explications sont apportées par d’autres théories de la psychologie sociale. Les chercheurs rappellent la théorie de l’auto-catégorisation de Turner et al. (Turner & al., 1987, cité par Cress & Hess, date). Cette théorie postule qu’un individu peut se positionner lui-même selon deux modes dans des situations de groupe :

*La personne se perçoit principalement comme un individu à part entière (identité personnelle)
*La personne se perçoit avant tout comme un membre du groupe (identité de groupe)


Ces modes d’auto-catégorisation influencent la perception et la représentation cognitive des membres du groupe :

*Dans le mode de l’identité personnelle, la personne aura tendance à accentuer les différences entre les membres du groupe et les normes de groupe deviennent moins pertinentes pour la personne.
*Dans le mode de l’identité de groupe, la personne se voit principalement comme un membre du groupe et pour elle le groupe est donc saillant. La norme de groupe est donc plus importante pour cette personne et les différences entre les membres du groupe sont ignorées. 


Les chercheurs invoquent également le modèle SIDE (Social Identity-Desindividuation-Effect) (Lea & al., 2001, cité par Cress & Hess, date ; Reicher & al., 1995, cité par Cress & Hess, date) qu’ils testent dans leur expérience. Le modèle SIDE est fondé sur la théorie de l’auto-catégorisation. Elle postule que l’anonymat visuel que l’on retrouve dans les environnements virtuels, tels que les portails par exemple, a des effets différents pour les personnes selon le mode d’auto-catégorisation qu’elles adoptent :

*Pour une personne dans le mode d’identité personnelle, l’anonymat visuel renforce la distance perçue d’une personne au groupe, car les gens n’ont pas de repères sur les caractéristiques des autres. Si l’on fournit une identité aux membres du groupe dans l’environnement virtuel alors que les membres sont amenés à participer en collaboration, les autres deviennent au moins un peu réels et cela renforce l’importance du groupe et de sa norme pour la personne en mode d’identité personnelle. Cela va l’encourager à participer.
*Pour une personne dans le mode de l’identité de groupe, l’anonymat garantit que les seules informations que les gens reçoivent des autres est le fait qu’ils soient les membres d’un groupe commun. Si l’anonymat est réduit, les personnes reçoivent des informations sur les différences entre les personnes, ce qui active des stéréotypes. Ces différences entraînent un utilisateur à cognitivement se représenter les autres non seulement en tant que membres du groupe, mais aussi comme des individus distincts avec des personnalités différentes et des motivations. Cela diminue la perception subjective de faire partie d'un groupe de personnes avec une norme du groupe commun.


Ainsi, on peut se poser la question de savoir si ces théories s’appliquent à l’étude de Molinari et al. (2009). Tout d’abord, l’étude de Cress et Hess (date) est portée sur les groupes. Peut-on considérer qu’un groupe est formé à partir de deux personnes ? Particulièrement dans l’étude de Molinari et al. (2009), la configuration dans laquelle se trouvent les participants est-elle une forme de groupe ou simplement la situation de deux individus bien distincts qui sont amené à collaborer ensemble. Ensuite, malgré qu’ils ne soient que deux, est-ce que les participants ne se sentent tout de même pas faire partie d’un groupe dans la mesure où on leur demande de collaborer ? Enfin, nous avons vu ci-dessus que le fait d’obtenir des informations sur l’identité de l’autre engage le modèle SIDE. Est-ce qu’alors on ne pourrait pas considérer un postulat inverse, ou du moins nuancé, de celui proposé par Molinari et al. (2009) concernant le MKM ? Peut-être le fait d’avoir une idée précise sur la cognition, les connaissances, l’état général d’un partenaire de travail n’a pas toujours un effet positif sur la collaboration. Peut-être que selon le mode d’auto-catégorisation des individus, le MKM peut avoir différents effet sur la collaboration et l’apprentissage en général. L’étude de Cress et Hess (date) concernaient avant tout des informations personnelles et des photos des membres du groupe, il reste donc à vérifier de manière empirique si le modèle SIDE peut également concerner les connaissances des personnes.

Perspectives de recherches

Références