Le jeu vidéo pédagogique comme support de l’apprentissage auto-régulé et collaboratif ?

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Marie Guillon - Volée Aegir

Production réalisée dans le cadre du cours ADID

Résumé

Cet article a pour but de discuter, en lien avec la théorie du flow, la place du jeu vidéo pédagogique dans l’apprentissage auto-régulé et collaboratif en proposant un type de jeu qui pourrait soutenir ces théories.

Article

Les modalités d’apprentissage évoluent et le choix de l’apprentissage à distance se démocratise. L’apprenant, dans cette situation, se retrouve seul, souvent chez lui, face à son ordinateur qui lui fournit un support définissant des buts d’apprentissage plus ou moins précis, divisés ou non en tâches à accomplir. Il doit alors mettre en place des stratégies d’auto-régulation de ses apprentissages incluant ou non un travail collaboratif. Le jeu vidéo pédagogique peut-il soutenir l’apprentissage auto-régulé et la collaboration entre les apprenants ?

Nous pourrions imaginer créer un jeu vidéo pédagogique multijoueur de type Role Playing Game (RPG). Les caractéristiques principales de ce type de jeux sont l’acquisition de compétences et l’évolution du personnage incarné, au travers de la résolution de quêtes établies dans un certain ordre, pour avancer dans une trame narrative. Nous allons voir que ces mécaniques de jeu sont compatibles voire supportent l’apprentissage auto-régulé.

Lors d’un apprentissage auto-régulé, l’apprenant doit avoir une motivation suffisante pour se mettre en action. Lorsque l’on joue à un jeu vidéo, si celui-ci respecte certains critères, nous entrons dans un flow qui permet une engagement et une motivation importante du joueur (Alexiou & al. 2012). Cette recherche de flow devrait donc permettre à l’apprenant de se mettre au travail. Par la suite, il doit mettre en place des stratégies volitionnelles pour se maintenir dans la tâche. Il doit se contrôler soi en cherchant un but (d’approche ou d’évitement) qui, ici, pourrait être la volonté d’en apprendre plus sur le monde crée pour l’occasion, l’envie de recevoir un équipement particulier et des récompenses. Cette notion de récompenses se retrouve aussi dans l’approche sociocognitive de l’apprentissage auto-régulé où l’apprenant va s’auto-récompenser (Cosnefroy, 2010). Concernant le contrôle de l’environnement, s’il n’est pas possible de contrôler l’environnement physique autour de l’apprenant, le flow apporte une immersion qui devrait effacer cet environnement physique au profit de l’environnement vidéoludique (Alexiou & al., 2012) directement maitrisé par le game designer qui prend alors en charge cette stratégie volitionnelle. Il n’est alors plus nécessaire pour l’apprenant de structurer son environnement, de chercher de nouvelles ressources (personnages d’aide directement disponible dans le jeu) ou de structurer son temps de travail (enchainement de quêtes prédéfinies, notion de progression) réduisant l’effort du joueur. La théorie du flow peut aussi être reliée au sentiment d’efficacité personnelle de l’approche sociocognitive (Cosnefroy, 2010). En effet, l’une des conditions pour que ce flow apparaissent est l’équilibre entre le niveau perçu de le tâche à effectuer et le niveau perçu du joueur lui-même (Alexiou & al., 2012). Ainsi, si le joueur se trouve dans un état de flow, le sentiment d’efficacité personnel sera élevé et il sera motivé à se lancer dans des quêtes (ou tâches) plus difficiles (Cosnefroy, 2012).  

A ce stade, il est bon de se demander, ce que l’on entend par quêtes et comment les concevoir.  La quête pourrait être définie comme une ou plusieurs tâches (exercices) à réaliser dans le but de recevoir une récompense qui peut prendre différentes formes. Il serait intéressant, pour leur conception de suivre les pistes évoquées par Tricot (2017) sur la différenciation pédagogique. En effet, comme nous l’avons vu, pour entrer dans cet état de flow il est nécessaire que les perceptions de niveau de la tâche et du joueur soient en adéquation. Pour cela, après une rapide évaluation du niveau, le jeu pourrait s’adapter pour proposer des quêtes travaillant les mêmes compétences mais avec des supports différents. Les quêtes présenteraient donc une certaine progression en commençant par des problèmes résolus à étudier pour le niveau facile et avec des problèmes à résoudre pour le niveau difficile. Dans le cadre de problèmes résolus, la résolution doit apparaitre de façon simple (sans fioritures) dans la quête directement (effet d’attention partagée). Progressivement, viendront des problèmes à compléter puis des tâches à réaliser entièrement. Il conviendrait ici de donner un objectif le plus large possible (effet de non spécification du but) mais cela s’applique mal à un jeu où les résultats sont automatique évalués. Les supports privilégiés pour la transmission d’informations dans les quêtes sont les textes et les images (effet de l’information transitoire).

Enfin, pour aider à la résolution de quêtes complexes, il serait intéressant d’inclure une part « multijoueurs » à ce jeu (effet de mémoire de travail collectif). C’est dans cette modalité de jeu et par l’obligation de remplir certaines quêtes à plusieurs (car trop difficile seul) que se mettra en place la collaboration. Les interactions (et le conflits) entre les joueurs, et cela est reconnu dans différentes approches (socio-constructivisme ou socio-culturelle par exemple), permettront une meilleure acquisition des connaissances travaillées (Dillenbourg, 1996). Malheureusement, d’après Dillenbourg, l’apprentissage collaboratif n’est efficace que dans certains cas qui seront difficiles à maitriser dans le cadre de notre jeu. Il faudrait, en effet, pouvoir programmer les groupes à l’avance afin de créer une certaine hétérogénéité notamment dans les connaissances antérieures sur la tâche à accomplir et sur le niveau de développement cognitif auquel chacun des participants se trouvent.

Finalement, d’un point de vue théorique, le jeu vidéo pédagogique semble pouvoir soutenir l’apprentissage auto-régulé mais ne parvient pas à remplir les conditions d’une collaboration efficace entre les apprenants. La conception des quêtes pourra être soutenu par les pistes apportées par Tricot. Mais, si l’on rentre dans une approche plus pratique, il est bon de se demander si l’environnement crée par le jeu et les mécaniques du jeu ne viennent pas plutôt ajouter une charge cognitive extrinsèque importante et donc diminuer l’efficacité du jeu sur les apprentissages. Une analyse plus approfondie de tous les facteurs seraient donc nécessaire.

Bibliographie

  • Alexiou, A., Schippers, M., et Oshri, I. (2012). Positive Psychology and Digital Games: The Role of Emotions and Psychological Flow in Serious Games Development. Psychology, 3(12), pp. 1243-1247.
  • Cosnefroy, L. (2010). L'apprentissage autorégulé : perspectives en formation d'adultes. In Savoirs. 2010/2 (n° 23), pp. 9-50. DOI 10.3917/savo.023.0009
  • Dillenbourg, P., Baker, M., Blaye, A. & O'Malley, C. (1996). The evolution of research on collaborative learning. In E. Spada & P. Reiman (Eds) Learning in Humans and Machine: Towards an interdisciplinary learning science. (Pp. 189- 211). Oxford: Elsevier.
  • Tricot, A. (2017). Quels apports de la théorie de la charge cognitive à la différenciation pédagogique ? Quelques pistes concrètes pour adapter des situations d’apprentissage.