Expérimentation en conditions écologiques

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Auteur·trice·s : Hélène Parmentier, Kenneth Rioja et Larissa Santos Vieira. Les trois auteur·trice·s ont contribué de manière égale à l'écriture de cette page.
Page rédigée dans le cadre du cours Conduite de la recherche (2022-2023).

Définition

L’expérimentation en conditions écologiques est une méthode d’expérimentation menée en contexte réel, “naturel”. Ce type d’expérimentation est appliqué dans les recherches scientifiques dans des domaines tels que la biologie, la physique, l’informatique, la psychologie ou encore les sciences éducatives.

Cette méthode est utilisée dans la recherche orientée par la conception (design-based research) en articulant différentes phases dans un processus itératif: une phase d’analyse, de conception, de développement et d'une mise en œuvre. Ces différentes phases sont appuyées sur la collaboration entre chercheur·euse·s et praticien·ne·s dans des contextes réels, et conduisent à des principes et des théories de conception sensibles au contexte (Wang & Hannafin, 2005, p. 6–7).

La recherche orientée par la conception, est différente de la recherche en situation contrôlée (ou en laboratoire). En effet, la recherche en laboratoire teste empiriquement des hypothèses à petite échelle et dans des environnements contrôlés. Gurgand (2019) explique que toutefois, la pertinence de résultats obtenus dans ce type d’expérimentation est difficilement transférable dans le contexte réel, car « les interventions peuvent échouer en dehors des conditions de laboratoire dans lesquelles elles ont été validées ». Il est donc important de pouvoir valider des recherches aussi dans des contextes réels.

Les différents effets et applications de cette démarche expérimentale sont appuyés, dans cette fiche, principalement sur la recherche orientée par la conception.

Objectifs

L’expérimentation en conditions écologiques a pour objectif de réduire la distance qui sépare la théorie et la pratique. Des situations de classe vont être mises en place et vont être considérées comme des dispositifs de nature expérimentale fondés sur les modèles des sciences de l’éducation produits par la recherche. Ainsi, les chercheur·euse·s sont en mesure d’expérimenter les modèles théoriques élaborés par la recherche, de les raffiner et, éventuellement, d’en construire de nouveaux (Sanchez & Monod-Ansaldi, 2015).

L’expérimentation en conditions écologiques permet aux chercheur·euse·s “de comprendre la complexité de l’activité du praticien en tenant compte du fait que cette complexité est au cœur du dispositif étudié et n’est donc pas une variable parmi d’autres” (Barab & Squire, 2004 ; cités par Sanchez & Monod-Ansaldi, 2015). Autrement dit, le but des expérimentations en conditions écologiques est à la fois de développer une solution à une problématique perçue sur le terrain et de mettre à l’épreuve et d’élaborer des modèles théoriques (Paukovics, 2021).

Outils, techniques et méthodes

Pour faciliter le travail entre les chercheur·euse·s et les membres d’autres communautés, on peut s’appuyer sur plusieurs outils ou méthodes dont voici quelques exemples tirés de la recherche orientée par la conception :

  • Le brokering : cette méthode vise à créer des connexions à travers "les interventions de médiations entre points de vues de différentes communautés". Le rôle du processus de brokering est de faciliter la rencontre et la négociation de ces différentes perspectives, afin de favoriser la construction de savoirs partagés par les membres de différentes communautés (Monod-Ansaldi et al., 2019).
  • Espace interprétatif partagé : les chercheur·euse·s collaborent avec des praticien·ne·s, qui peuvent avoir des points de vue, des manières d'analyser et d’interpréter qui diffèrent des leurs. Pour éviter des nombreux désaccords qui peuvent être généré par cette diversité, il est important de créer un espace interprétatif partagé.
  • Objet biface : il s’agit d’un objet langagier, hybride et de nature symbolique qui comporte une face qui fait écho, pour le/la chercheur·euse, à un concept théorique et une autre face qui fait écho, pour le/la praticien·ne, à une situation de classe qui relève d’un exemple emblématique (Morales et Sensevy Forest, 2017 cités par Marlot, 2020).

De manière générale, les concepts, outils, méthodes et techniques mobilisés par la recherche orientée par la conception visent à permettre une meilleure collaboration entre les différentes personnes impliquées. Ce type de recherche est en effet, par essence, collaborative. Ces outils peuvent être utilisés dans tout type de recherche en conditions écologiques dans la mesure où ils visent à générer un langage commun entre les chercheur·euse·s et les participant·e·s.

Effets de l’intervention

Effets sur les sujets et données

Brown (1992), dans sa partie sur les leçons à tirer d’interventions en contexte scolaire, nous énonce le fameux effet Hawthorne. Brown le caractérise comme “... toute intervention tend[ant] à avoir des effets positifs [sur les résultats, ou sur les sujets] par le simple fait d’avoir une équipe expérimentale qui porte de l'attention sur le bien-être des sujets.” (traduction libre). En somme, les résultats obtenus suite à une intervention pourraient être mélangés avec, d’un côté l’effet de l’intervention “pure” (= vrai effet) et de l’autre côté, cet effet Hawthorne (= effet parasite). Par exemple, nous pourrions imaginer que pour éviter que les élèves se sentent évalués par un·e chercheur·euse présent·e dans la classe - et donc se comportent d'une meilleure manière, une simple caméra pourrait être posée dans un coin de la classe afin d’observer les interactions en classe. En laboratoire, il est donc préférable de contrôler cet effet afin d’en distinguer le vrai effet. Pour Vygotsky (cité par Engeström, 2007), ce contrôle n’est pas la norme. Le/la participant·e à l’expérience arrive avec ses propres instruments mentaux, ce qui empêche de toute manière ce contrôle exclusif par le chercheur.

Cependant, Brown (1992) défend cette expérimentation écologique en disant que si l’effet escompté était réellement un effet Hawthorne, elle ne serait pas en mesure de le prédire à priori quelles performances seraient améliorées. De plus, la situation expérimentale, dans ce cadre, devient un contexte d’investigation dans laquelle le/la chercheur·euse peut manipuler la structure de l’investigation afin de déclencher (sans toutefois produire) la construction par le sujet de nouveaux phénomènes psychologiques. “The subject’s agency steps into the picture” (Vygotsky p. 365, cité par Engeström, 2007).

Brown (1992) est allée encore plus loin en revisitant le travail originel d’Hawthorne (voir Roethlisberger & Dickson, 1939, cité par Brown, 1992) et en résume les principaux résultats :

  • Toutes les interventions n'ont pas entraîné d'amélioration
  • Lorsqu’il y avait amélioration, elles l'ont été dans trois conditions générales
    • Les travailleurs ont perçu qu'il y avait des améliorations dans les conditions manipulées, que cela soit vrai ou non.
    • Les travailleurs ont perçu les changements comme étant dans leur intérêt
    • Les travailleurs ont perçu qu’ils avaient l'impression de contrôler leurs propres conditions de travail, en d’autres termes ils étaient vraisemblablement des consultants ou des co-chercheur·euse·s dans le projet de recherche.

De plus, cet effet Hawthorne est considéré comme un échec du côté du/de la chercheur·euse qui aura failli à séparer les vrais effets des effets non-attendus. Cependant, du côté des élèves, il est en réalité un moyen d’améliorer leurs résultats.

L’auteure conclut qu’en tant qu’expérimentatrice en conditions écologiques, cet effet Hawthorne est ce qu’elle souhaite : une amélioration de la productivité cognitive contrôlée par les élèves, avec éventuellement un moindre coût, mais surtout avec une justification théorique sur la raison de ce bienfait.

Effets sur les praticien·ne·s et les chercheur·euse·s

En tant que chercheur·euse·s en conditions écologiques, il est nécessaire de s’adapter à l’environnement dans lequel sont effectués les observations et interventions. Plus qu’à l’environnement, il faut savoir et pouvoir s’accorder sur les principes, croyances et attitudes du/de la praticien·ne. Sloane (2017) pointe cette différence de monde de vie (‘life-world’) entre chercheur·euse·s et praticien·ne·s. Le ‘monde de vie’ (de l’Allemand Lebenswelt) est le monde directement vécu dans la subjectivité de l’individu (expériences individuelle, sociétale, perceptuelle, pratique), à distinguer du monde objectif des sciences (Life-world, n.d., traduction libre).

Selon Sloane (2017), dans la recherche orientée par la conception, l’intervention en milieu scolaire n’est pas un artefact que l’on peut manipuler comme une variable ou une condition se manipulent. Cette intervention émerge alors à travers les interactions avec les autres acteur·trice·s présent·e·s à l’école. C’est à travers cette interaction entre chercheur·euse·s et praticien·ne·s que va naître les racines du savoir à propos de l’environnement scolaire. Entre autres, les activités des praticien·ne·s influencent les expériences des chercheur·euse·s dans leur compréhension de comment est vécu le monde des praticien·ne·s. Afin de retranscrire avec fidélité l’environnement scolaire du point de vue des chercheur·euse·s, il est nécessaire de comprendre la subjectivité de l’autre (inter-subjectivité) sur trois plans :

  • L’empathie : Les chercheur·euse·s sont des conseiller·e·s et reconstruisent les problèmes en coopération avec les praticien·ne·s et développent ensemble des stratégies pour résoudre ces derniers. Des groupes de discussions sont créés et des textes sont produits.
  • La réalité textuelle : À travers ces textes produits, des situations sont partagées et en découlent des interprétations et des contextes. Ces textes sont importants car ils doivent validement refléter les situations dans l’environnement scolaire sans être modifiés par les étapes de productions du savoir (ex. évaluation par les pairs, publication).
  • La perspective à la deuxième personne : L’information perçue le/la chercheur·euse (première personne) et ce qui est expliquée par le/la praticien·ne doivent être identiques.

Finalement, les chercheur·euse·s doivent accepter les règles d’un autre monde de vie et de comprendre la culture dans ce monde ‘scolaire’ : notamment en identifiant les différent·e·s acteur·trice·s, les hiérarchies implicites et leurs obligations (Sloane, 2007). De plus, les chercheur·euse·s doivent apprendre comment les praticien·ne·s définissent leur rôle dans le processus afin de mieux coopérer. Cette connaissance de cet autre monde de vie pourra donc permettre au/à la chercheur·euse décoder les logiques des récits qui sont actés en classe.

Effets sur la recherche au sens large

Enfin, Brown (1992) met en garde sur la possible idéalisation de certaines observations et leur transcription. En effet, elle observe que certaines anecdotes, qui ont été sporadiques, sélectionnées et pas nécessairement représentatives, sont retranscrites comme étant la réponse au problème posé. L’auteure clame une transcription qui reflète des anecdotes généralisées, fiables et reproductibles. Du même point de vue, Sloane (2017) indique qu’une situation est toujours un cas particulier d’un principe général. On peut donc construire les principes sur la base d’un cas, et ces cas sont les applications du savoir.

Quels sont les effets qui resteront sur le long terme ? Brown (1992) souhaite qu’en tant que chercheur·euse, nous ne devons pas tomber dans le cycle de Cuban-Dewey, c’est-à-dire : 1) euphorie de l’intervention, 2) crédibilité scientifique suite à cette intervention, 3) déception et culpabilité (ou voir une intervention réussie comme fragile). Mais plutôt prendre le contrepied de ce pessimisme en visant à la fin, non la publication d’un article par exemple, mais la dissémination de cette intervention. Brown invite donc à aller plus loin que sa propre intervention et invite les chercheur·euse·s à s’informer sur les méthodes de dissémination. Plusieurs pistes sont à suivre comme : la restructuration d’une école, l’entraînement des professeur·euse·s, quels aspects de l’intervention peuvent être prêts à l’emploi, les conditions favorables à l’adoption de l’intervention, s’informer sur les politiques publiques/gouvernementales. En effet, les chercheur·euse·s sont confronté·e·s aux demandes politique, organisationnelle et institutionnelle (Sloane, 2017). Ils/Elles évoluent aussi dans ce monde dans lequel leur expertise scientifique n’est pas le seul atout à posséder, mais aussi la capacité à entreprendre et poser le changement dans ce monde politique, organisationnel et institutionnel en co-construisant avec chaque acteur·trice impliqué·e.

Applications

Les design experiments

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Fig. 1 : tiré de Brown, 1992

En termes d'expérimentations en conditions écologiques, la méthodologie initiale des “design experiments”, devenues design-based researches ou recherches orientées par la conception, était plutôt linéaire, dans la mesure où elle n'inclut pas la phase de conception du dispositif (Engeström, 2007). C'est parce qu'elle visait littéralement l'expérimentation sur le terrain, en conditions réelles.

La méthodologie était alors composée de 6 étapes (Collins, 1992, p. 33) :

  • Implémentation du design
  • Modification du design
  • Analyse du design
  • Mesure des variables dépendantes
  • Mesure des variables indépendantes
  • Communication sur la recherche design

Dans cette perspective, les praticien·ne·s pouvaient participer à la modification du design (seconde étape), mais ils étaient exclus de la conception qui ne fait d’ailleurs pas partie des principes méthodologiques. Son objectif était donc d'éprouver le design conçu, directement dans la situation écologique du terrain.

Cette méthodologie linéaire a été remise en question par Engeström (2007) qui, bien qu’admettant dans cette méthode une manière d’affronter la complexité inhérente à la situation pédagogique réelle (p. 368), y voyait cependant une rupture avec la vision vygostkienne de l’action volontaire. D’après Vygotsky, l’action volontaire ou intentionnelle est constituée de deux phases : une phase de conception, cognitivement coûteuse mais riche en résultats et une phase d’exécution, qui relève de la simple formalité si le processus de conception a été bien mené. Or, si c’est la phase de conception qui est à la fois la plus complexe et la plus riche en résultats, quelle est la pertinence de l’intervention des chercheur·euse·s quand elle ne porte que sur la phase d’exécution ?

La double stimulation et le laboratoire du changement

La méthode de double stimulation de Vygotsky, appelée “méthode génétique-expérimentale”, “méthode instrumentale”, “méthode génético-historique”, “méthode de double stimulation” (Engetröm, 2007) et dont les premiers essais semblent remonter au début des années 1930, proposait un double stimulus (d’où son nom) pour étudier les processus cognitifs supérieurs. D’abord, une situation problématique était présentée au sujet (stimulus 1), puis un guidage actif vers la construction de solutions à l’aide d’outils de médiation, ou “moyens auxiliaires cognitifs” lui était proposé (stimulus 2). Ainsi, l’attention du/de la chercheur·euse déplaçait depuis “l’apparition ou non de la réponse au stimulus” vers “le processus d’apparition du stimulus”. Ce qui intéressait Vygostky, c’était le cheminement effectué par le sujet pour trouver la solution à un problème complexe, nécessitant l’engagement de fonctions exécutives supérieures, comme la résolution de problème. On pourrait faire ici une analogie avec le monde scolaire et académique et considérer qu’une évaluation formative est vygostkienne, dans le sens où elle guide activement (stimulus 2) l’élève ou l’étudiant vers la résolution d’un problème présenté (stimulus 1), là où une évaluation sommative représente une simple vérification de type S-R (stimulus > réponse). Par nature, le principe de double stimulation est cyclique et d’ailleurs, il demande aux chercheur·euse·s spontanéité et flexibilité pour adapter leur étayage aux sujets au fur et à mesure qu’ils avancent, cognitivement, vers la solution.

Fig. 2 : The Change Laboratory, tiré de Engeström, 2007)


Le laboratoire du changement ("the change laboratory") d'Engeström (2007) est une méthodologie directement inspirée du principe de double stimulation de Vygotsky et qui vise à créer une “critical design agency” ou une “liberté de conception critique” (traduction libre) pour tous les participant·e·s. Le laboratoire du changement permet aux participant·e·s de transformer leurs pratiques professionnelles directement sur le terrain, grâce à un dispositif mobile de représentations symboliques, ceci dans le débat parmi les participant·e·s et avec avec leur hiérarchie, leurs client·e·s et les chercheur·euse·s intervenant·e·s. Cela facilite à la fois des transformations profondes et intensives (car la phase de co-conception fait partie de la méthodologie) et l’amélioration incrémentale et continue (comme dans les design experiments initiales) : nous sommes donc à nouveau dans un processus cyclique. L’outil central du “change lab” est un ensemble de surfaces de 1m x 1m représentant l'activité professionnelle à plusieurs niveaux :

Le laboratoire du changement est situé sur le lieu de travail, aussi près que possible de l’endroit où se déroule l’activité. Les limites entre laboratoire et pratique sont rendues perméables en encourageant le mouvement entre les deux : les représentations du travail sont apportées dans le laboratoire depuis le travail et sont exportées du laboratoire vers le lieu de l’activité. Cet échange de contextes est crucial pour la résolution de problèmes complexes. A l’instar de Vygotsky, le laboratoire du changement propose deux stimuli : la surface “miroir” à droite contient la situation problématique présentée de différentes manières (feedbacks de clients, vidéos de situations professionnelles, etc.) et représente donc le premier stimulus. Le modèle conceptuel général, ici le modèle du système d’activité, à gauche, représente le second stimulus. La surface centrale, dans laquelle sont déposés les solutions émergentes, les outils de conception (etc.), représente le processus de résolution du problème, ce qui permet de l’objectiver et de le stabiliser.

La recherche orientée par la conception

Soixante années séparent les premières évocations du principe de double-stimulation de Vygotsky des design experiments de Brown ou de Collins. Et 30 années supplémentaires se sont écoulées depuis la méthodologie proposée en 1992. Dans cet intervalle est née la recherche orientée par la conception (design-based research), qui se distingue des design experiments à plusieurs égards. D’abord, contrairement à ce qui était reproché par Engesltröm (2007) aux design experiments, la recherche orientée par la conception ne vise pas à éprouver des hypothèses et des modèles en expérimentant des ingénieries pédagogiques conçues uniquement par les chercheur·euse·s. Elle se positionne plutôt comme une recherche collaborative, visant à co-concevoir, à co-analyser et à co-réviser des dispositifs techno-pédagogiques et des modèles théoriques en partenariat avec les praticien·ne·s. D’autre part, elle permet d’obtenir, en plus des modèles théoriques visés par les design experiments, des innovations pédagogiques ainsi que la formation des praticien·ne·s impliqués dans la recherche (Sanchez et Monod-Ansaldi, 2015).

Fig. 3 : Tableau tiré de Sanchez & Monod-Ansaldi (2015)

Selon Sloane (2017), le cycle itératif d’une recherche orientée par la conception est constitué de 6 phases au cours desquelles les chercheur·euse·s doivent toujours être impliqués, y compris émotionnellement (empathie) :

  • Identification et clarification du problème
  • Etablissement des fondements théoriques
  • Développement de la conception
  • Test et évaluation formative de la conception
  • Création des principes de conception
  • Intervention et évaluation sommative

Ce type de recherche permet de développer des solutions concrètes à des problèmes explicites : les connaissances générées par le cycle méthodologique ne sont pas utilisées uniquement pour produire des principes de conception, mais aussi pour développer des outils. Pour Sloane (2017), la recherche orientée par la conception est donc étroitement liée à l’approche herméneutique du “comprendre et appliquer” : une situation est toujours un cas particulier d’un principe général ; on peut donc construire ces principes sur la base de l’analyse d’un cas, qui devient lui-même l’application du savoir.

Limites

D’après Sanchez et Monod-Ansaldi (2015), l’expérimentation en conditions écologiques permet de prendre en compte l’inattendu, l’incertain, le hasard, essentiels à toute complexité. C’est une démarche permettant aux chercheur·euse·s de mieux observer des phénomènes complexes qui ne peuvent pas être observés par des méthodes plus contrôlées. L’expérimentation en conditions écologiques inclut également les praticien·ne·s dans les recherches grâce à des outils médiateurs, permettant une meilleure communication et une compréhension à différents niveaux et par tous les intervenants, de la situation. Toutefois, ce type d'expérimentation n’est pas applicable partout. Il s’agit d’une démarche expérimentale qui ne peut pas fonctionner avec les méthodologies comparatistes, par exemple, dont les critères de scientificité sont la reproductibilité ou la prédictibilité des résultats :

Un autre enjeu que rencontre l’expérimentation en conditions écologiques est de réussir à se détacher des contextes étudiés et de permettre une généralisation des résultats en identifiant des invariants tout en s’assurant de la validité externe des résultats produits” (Sanchez & Monod-Ansaldi, 2015).

Enfin, en tant que chercheur lorsqu’on opte pour une recherche sur le terrain, il existe des points importants auxquels il faut réfléchir en amont : 1) Le recueil de données peut s’avérer compliqué. En effet, le/la chercheur·euse peut être amené·e à recueillir des données dans des endroits bruyants ou vastes. De plus, les données récoltées peuvent être nombreuses. Il faut donc veiller à collecter les bonnes données et garantir leur exploitabilité par la suite. 2) Il existe une interdépendance très fine lorsque le/la chercheur·euse travaille avec les praticien·ne·s dans ce type de recherche, car il/elle est amené·e à travailler avec les praticien·ne·s et sur les praticien·ne·s. D’après Sloane (2017), il est donc nécessaire d’avoir la capacité à avoir de l’empathie, mais en même temps de pouvoir avoir du recul. 3) Les chercheur·euse·s sont amené·e·s à changer de situation de vie, afin de s’adapter aux règles qui existent dans le domaine étudié, et cela inclut la nécessité d’apprendre à proposer des connaissances pertinentes et comprendre les paramètres culturels (Sloane, 2017).

Références

Brown, A. L. (1992). Design Experiments: Theoretical and Methodological Challenges in Creating Complex Interventions in Classroom Settings. The Journal of the Learning Sciences, 2(2), 141–178. http://www.jstor.org/stable/1466837

Collins, A., Joseph, D., & Bielaczyc, K. (2004). Design Research : Theoretical and Methodological Issues. Journal of the Learning Sciences, 13(1), 15‑42. https://doi.org/10.1207/s15327809jls1301_2

Engeström, Y. (2007). Putting Vygotsky to Work : The Change Laboratory as an Application of Double Stimulation. In H. Daniels, J. V. Wertsch, & M. Cole (Éds.), The Cambridge Companion to Vygotsky (p. 363‑382). Cambridge University Press. https://doi.org/10.1017/CCOL0521831040.015

Gurgand, M. (2019). Testing education interventions in ecological contexts with controlled trials in France. Revue Internationale d’éducation de Sèvres. https://doi.org/10.4000/ries.7434

Life-world. (n.d.). Retrieved November 22, 2022, from https://www.britannica.com/topic/life-world

Marlot, C., Toullec-Théry, M., & Daguzon, M. (2017). Processus de co-­‐construction et rôle de l’objet biface en recherche collaborative. Revue Phronesis, 6(1‑2), 21. https://doi.org/10.7202/1040215ar

Monod-Ansaldi, R., Vincent, C., & Aldon, G. (2019). Objets frontières et brokering dans les négociations en recherche orientée par la conception. Éducation et didactique, 13‑2, Art. 13‑2. https://doi.org/10.4000/educationdidactique.4074

Paukovics, Elsa. (2021). Comprendre la co-construction des savoirs en analysant les objets-frontière et objets bifaces dans une séance de travail de recherche orientée par la conception.

Sanchez, É., & Monod-Ansaldi, R. (2015). Recherche collaborative orientée par la conception : Un paradigme méthodologique pour prendre en compte la complexité des situations d’enseignement-apprentissage. Éducation et didactique, 9‑2, 73‑94. https://doi.org/10.4000/educationdidactique.2288

Sloane, P. F. E. (2017). ‘Where no man has gone before!’ – Exploring new knowledge in design-based research projects : A treatise on phenomenology in design studies. EDeR. Educational Design Research, 1(1). https://doi.org/10.15460/eder.1.1.1026

Wang, F., & Hannafin, M. J. (2005). Design-based research and technology-enhanced learning environments. Educational Technology Research and Development, 53(4), 5‑23. https://doi.org/10.1007/BF02504682