Compréhension de texte

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Bases psychopédagogiques des technologies éducatives
Module: Introduction aux théories psychologiques
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à améliorer débutant
2020/02/13
Sous-pages et productions:


Amélioré par JeromeHumbert


Introduction

"Comprendre des textes écrits, c'est en partie décoder et repérer de l'information écrite, mais c'est surtout comprendre entre les lignes." (Makdissi, Boisclair & Sanchez, 2006). On comprend ici que la lecture d'un texte implique bien plus que la simple compréhensions de mots ou de phrases. En effet, la compréhension d'un texte est un processus dynamique qui implique la transformation des mots, des phrases, des groupes de phrases dans un ensemble cohérent.

Dans un texte, les phrases sont liées les unes aux autres, ce qui permet d’obtenir un texte cohérent que le lecteur pourra alors comprendre. Une partie importante dans le processus de compréhension d’un texte cohérent est de pouvoir faire des inférences. Les inférences permettent de déterminer la signification d’un texte en utilisant nos connaissances préalables pour aller au delà de l’information fournie par le texte. Par ailleurs, nous verrons que le modèle situationnel permet de rendre compte de la manière dont nous nous représentons mentalement les informations textuelles.


Inférences

L’inférence est un processus cognitif qui est impliqué dans de nombreux domaines de la cognition (perception, compréhension, etc.). Elle occupe une place particulièrement importante au niveau de la compréhension de texte dans la mesure où ce dernier ne peut pas expliciter les différentes idées de manière exhaustive comme le démontre Bert-Erboul A (1970) dans Les inférences : leur rôle dans la compréhension et la mémorisation . Ainsi une grande partie du discours reste implicite et nécessite donc de la part du lecteur une certaine interprétation. Selon Makdissi, Boisclair & Sanchez (2002), dans le cadre de la compréhension de texte, les inférences ont quatre fonctions principales qui sont les suivantes:

  • Résoudre des ambiguïtés lexicales.
  • Élaborer une toile de fond qui rendra possible les interprétations. Il s'agit ici de la cohérence. La cohérence est une propriété qui permet à l'individu de se représenter mentalement les informations qui sont liées entre-elles. Elle est amenée par la création de connexions en différentes parties d'un texte.
  • Reconnaître les anomalies dans le cours des événements.
  • Prédire les causes et les conséquences d'un événement.

Les cartes conceptuelles et les vidéographies présentées ci-dessous portent sur les différents types d'inférences permettant la compréhension d'un texte. Dans cette carte nous pouvons décerner les 4 types d'inférences qui seront détaillées dans les sections suivantes ainsi que leurs 4 fonctions principales.

Dans la compréhension de texte, quels sont les différents types d'inférences et à quoi servent-elles ? - vidéographie - crée par Edouard Adam

Inférence anaphorique

Selon Bianco et Coda (2002), les inférences anaphoriques consistent en la compréhension d'un lien entre un mot de substitution et son réfèrent.

Prenons pour exemple la phrase suivante:

 "Emilie a remporté la victoire. Elle a désormais gagné les trois concours auxquels elle a participé."

Dans ce cas-ci, l'inférence se produit lorsque nous inférons que les deux "elle" de la seconde phrase se réfèrent tout les deux à Emilie. Il s'agit ici d'un processus relativement automatisé. Cependant, il arrive parfois que les phrases présentent une certaine ambiguité et que nous devions ainsi produire davantage d'efforts pour inférer la situation. En effet, le référent peut parfois se trouver très éloignée de l'expression anaphorique, il est également possible qu'il y ait beaucoup d'informations qui soient insérées entre l'anaphore et son référent (ce qui présente un désavantage pour la mémoire de travail), enfin, il peut y avoir plusieurs candidats référentiels possibles comme c'est le cas dans l'exemple suivant:

 "Je suis allé acheter des surgelés avec les enfants. En rentrant je les ai tout de suite mis au congélateur."

En se basant sur la structure de la phrase, on pourrait croire que les enfants ont été mis au congélateur. Mais, d'après notre expérience, on comprend bien qu'il y a davantage de chances qu'il s'agisse des surgelés. Cela illustre bien la manière dont les individus sont capable de créer des inférences anaphoriques en se basant a à la fois sur leurs connaissances préalables ainsi que sur les informations fournies par le texte.

Inférence instrumentale

Il s'agit des inférences à propos des objets ou encore méthodes. Ce type d'inférence implique ainsi la connaissance préalable des objets ou instrument typiquement utilisés pour accomplir certaines actions.

Prenons par exemple les deux phrases suivantes:

 "Sally se brosse les cheveux"
 "Jack coupe sa viande"

Dans le premier cas il est possible d'inférer que Sally utilise une brosse à cheveux ou éventuellement un peigne, car il s'agit des objets typiquement utilisés dans ce cas de figure. A la lecture de la seconde phrase, on devine assez facilement que Jack utilise un couteau pour couper sa viande car nous savons qu'il s'agit de l'objet le plus usuel pour couper une viande.

Inférences lexicales

Les inférences lexicales font référence à la compréhension d'un mot du texte qui ne fait pas partie du répertoire lexical du lecteur (Makdissi, Boisclair & Sanchez, 2006). Ainsi, en s'appuyant sur les informations fournies par le texte et ses connaissances préalables sur le monde, le lecteur peut "combler" ce manque de compréhension. Par exemple, si l'on demande à un individu le sens du mot "vadige", il y aura peu de chance qu'il puisse donner une réponse. En revanche, si ce même individu lit la phrase suivante:

 "Ah l'automne, comme c'est joli ! Regarde dans les arbres toutes les «vadiges» colorées"

Alors, l'individu qui ne connaissait pas le mot "vadige" pourra aisément inférer qu'il s'agit des feuille grâce au contexte donné par le reste du texte. En effet, l'individu sait que en automne se sont les feuilles qui se parent de divers couleurs.

Un exemple un peu poussé tiré du livre "L'orange mécanique" de Anthony Burgess. Le narrateur utilise le le Nadsat. Il s'agit d'un forme d'argot composé de russe, de manouche et d’anglais.

 "On avait les poches pleines de mouizka, si bien qu'on n'avait vraiment pas besoin, histoire de craster encore un peu de joli lollypop, de toltchocker un vieux veck au fond d'une impasse et de le relucher baigner dans son sang tout en comptant la recette et la divisant par quatre, ni de faire des ultra-violents à une viokcha ptitsa, toute grisaille et tremblante dans sa boutique, pour vider le tiroir-caisse jusqu'aux tripes en se bidonskant."

Ici, le lecteur non-familier de ce langage doit faire appel de manière très active à ses capacités d'inférence lexicale. En effet, il doit sans cesse inférer la signification des mots. Dans cet extrait, par exemple, il est possible de comprendre que le mot "mouizka" fasse référence à une forme de monnaie. Bien que le lecteur ne connaisse pas toujours le vocabulaire utilisé, en prenant appui sur la structure lexicale du texte et les connaissances activées par les mots qu'il connait et qui permettent de mieux situer l'action, il comprend que le narrateur relate une scène violente d'un braquage purement gratuit.

Inférence causale

Lorsqu'une inférence porte sur des événements décrits à un endroit du texte qui ont été causés par des événements qui se sont produits précédemment dans le texte, il s'agit alors d'une inférence causale. Ainsi, les inférences causales requièrent la compréhension d'un lien de causalité (implicite) entre plusieurs événements (Fayol, 1996).

Par exemple (singer et al., 1992):

 Sharon prit un cachet d'aspirine. Son mal de tête s'en alla.

Ici, on infère aisément que la prise du médicament est à l'origine (la cause) de la disparition de la douleur. Cet exemple révèle que l'inférence faite dans ce cas se base sur le connaissance que l'on a de l'aspirine, des maux de tête et de leur lien.

Un autre exemple demandant un peu plus d'effort de la part du lecteur:

 Sharon prit une douche. Son mal de tête s'en alla.

Dans ce cas ci, bien que le lien entre la douche et la disparition de la douleur soit moins fort que celui entre l'aspirine et la disparition de la douleur, il est possible de conclure qu'il existe un rapport de causalité entre la première et la seconde phrase étant donné leur position relative dans le texte (les deux phrases se suivent).

Le modèle situationnel

Nous avons vu que, dans le cadre de la compréhension de texte, les individus se servent de leurs connaissances afin d'inférer des connexions entre différentes parties d'un texte. Il existe une autre approche qui permet également de comprendre le processus de compréhension de texte. Il s'agit du modèle situationnel ou modèle mental (situation model). Ce dernier fait référence à la représentation mentale du sujet sur lequel porte le texte. Cette approche propose que les représentations mentales que les individus forment lorsqu'ils lisent un texte ne consistent pas seulement en termes d'informations fournies par le texte, mais surtout en représentation de la situation (personnages, objects, lieux, actions, etc.).

On peut considérer cette représentation mentale comme une simulation. En effet, selon ce modèle, les individus génèrent une simulation mentale prenant en compte les caractéristiques perceptives et motrices des objets et des actions relatées dans le texte.

Les données comportementales

Afin de tester cette idée de représentation mentale en tant que simulation, des chercheurs ont mis en place des études expérimentales.

La représentation implicite de l'orientation d'un objet

Stanfield et Zwaan (2001) se sont particulièrement intéressés à la représentation de l'orientation d'un objet suite à une description verbale. Ainsi, dans leur étude, ils ont demandé aux participants de lire une phrase qui suggère implicitement une orientation particulière (horizontale vs. verticale) pour un objet (par exemple: "Il planta le clou dans le mur" vs. "il planta le clou dans le sol"). La phrase présentée était accompagnée d'une image présentant le même objet dans une certaine direction (par exemple, un clou présenté verticalement ou horizontalement). La tâche des sujets était ensuite d'indiquer le plus rapidement possible si oui ou non l'image représentait l'objet mentionné dans la phrase. La bonne réponse était ainsi toujours "oui" puisqu'il s'agissait du même objet Les chercheurs ont mesuré les temps de réaction de leurs participants et leur résultats montrent que les temps de réaction étaient significativement plus rapides lorsque l'orientation de l'objet sur l'image correspondait à l'orientation donné implicitement par la phrase (par exemple: lorsque l'image horizontale du clou est présenté avec la phrase "Il planta le clou dans le mur", le temps de réponse est plus rapide qu'avec la phrase "Il planta le clou dans le sol").

La représentation implicite de la forme d'un objet

Dans l'expérience de Zwaan, Stanfield & Yaxley (2002), les sujets devaient lire des phrases décrivant un animal ou un objet placé dans un contexte (par exemple "l'aigle est dans son nid", "l'aigle est en l'air"). Après avoir lu une phrases, on présentait aux sujets un dessins de l'animal ou de l'objet en question (par exemple, un aigle avec des ailes fermées, ou un aigle avec les ailes ouvertes). Les participants devaient ainsi déterminer si l'animal ou l'objet est celui qui est mentionné dans la phrase. Comme dans l'étude précédente, les réponses des participants étaient plus rapides lorsque la forme de l'objet correspondait à la forme implicitement décrite dans la phrase (par exemple: lorsque l'image de l'aigle avec les ailles fermées est présentée avec la phrase "l'aigle est dans le nid" le temps de réponse est plus rapide qu'avec la phrase "l'aigle est en l'air").

Les données neuropsychologiques

Les données physiologiques semblent également soutenir le modèle situationnel. En effet, une étude de Hauk, Johnsrude & Pulvermüller (2004) a permis de mettre en évidence la manière dont les simulations mentales se manifestent au niveau de l'activité cérébrale. Ainsi, grâce aux techniques d'imagerie cérébrale (IRMf dans ce cas-ci), les auteurs ont mesuré l'activité cérébrale de leur participants selon deux conditions:

  • Les participants devaient effectuer un mouvement (par exemple: bouger le pied droit)
  • Les participants devaient lire des mots représentant des actions (action word) (par exemple: "donner un coup de pied")

Les résultats montrent les même zones d'activation du cortex dans les deux conditions. Ainsi, lire une action provoque l'activation d'une certaine zone cérébrale, qui est la même lorsqu'on exécute effectivement cette action.

Cette correspondance entre l'activité cérébrale engendrée par une action réelle et celle engendrée par la lecture de mots représentant des actions a également été étudié aux niveau de la lecture d'histoires. Speer, Reynolds, Swallow & Zacks (2009) ont mesuré l'activité cérébrale des leurs participants alors que ceux-ci lisaient des extraits d'un livre qui décrit les activités d'un jeune garçon. Les auteurs ont pu établir des corrélations entre les différents changement dans le récit et l'activité cérébrale des participants. Les résultats permettent ainsi de voir le fait que lire une histoire engendre une activation dans de nombreuses régions cérébrales, et que les actions spécifiques du récit causent une activation dans des régions spécifique du cortex. Cette corrélation entre les évènements de l'histoire et l'activité dans le cerveau semble soutenir le modèle situationnel. En effet, il semblerait que lire engendre des représentations des situations décrites dans l'histoire.

Conclusion

La cohérence permet la compréhension de texte. Elle est largement déterminée par l’inférence. Les types principaux d’inférence sont: l’inférence anaphorique, l’inférence instrumentale, l'inférence lexicale et l’inférence causale.

Le modèle situationnel pour la compréhension de texte propose que les individus se représentent la situation du récit en termes de personnages, objets, lieux et événements décrit dans le récit. Les études comportementales et physiologiques semblent supporter cette idée.

La carte conceptuelle et la vidéographie suivante apportent une vision globale et résume les points importants de la compréhension de texte.

Quels sont les processus impliqués dans la compréhension de texte ? - vidéographie - crée par Philippe Berset

Droit d'auteur

Une partie de cette article se base sur les informations fournies dans le livre "Cognitive psychology: Connecting mind, research and everyday experience." de Goldstein (2014).

Références

  • Bert-Erboul A. Les inférences : leur rôle dans la compréhension et la mémorisation. In: L'année psychologique. 1979 vol. 79, n°2. pp. 657-680.
  • Bianco, M. & Coda, M. « La compréhension en quelques points... », dans M. Bianco, M. Coda et D. Gourgue, La compréhension, Grenoble, Éditions de la Cigale, 2002, p. 93-97.
  • Dupin de Saint-André, M. (2008). Pistes pour travailler les inférences au primaire. Québec français, (150), 66-67.
  • Fayol, M. « A propos de la compréhension... », dans Observatoire National de la Lecture, Regards sur la lecture et ses apprentissages, Pam, Ministère de l'Éducation nationale, 1996, p. 87-102.
  • Goldstein, E. B. (2014). Cognitive psychology: Connecting mind, research and everyday experience. Nelson Education.
  • Hauk, O., Johnsrude, I., & Pulvermüller, F. (2004). Somatotopic representation of action words in human motor and premotor cortex. Neuron, 41(2), 301-307.
  • Makdissi, H., Boisclair, A., & Sanchez, C. (2006) « Les inferences en lecture : intervenir dès le préscolaire », Québec français, 140, 64-66.
  • Singer, M., Halldorson, M., Lear, J. C., & Andrusiak, P. (1992). Validation of causal bridging inferences in discourse understanding. Journal of Memory and Language, 31(4), 507-524.
  • Speer, N. K., Reynolds, J. R., Swallow, K. M., & Zacks, J. M. (2009). Reading stories activates neural representations of visual and motor experiences. Psychological Science, 20(8), 989-999.
  • Stanfield, R. A., & Zwaan, R. A. (2001). The effect of implied orientation derived from verbal context on picture recognition. Psychological science, 12(2), 153-156.
  • Zwaan, R. A., Stanfield, R. A., & Yaxley, R. H. (2002). Language comprehenders mentally represent the shapes of objects. Psychological science, 13(2), 168-171.

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