Co-problématiser

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Introduction : Qu'est-ce que la co-problématisation ?

La co-problématisation est un concept qui fait référence à la manière dont plusieurs individus agissent de pair, en collaboration ou coopération, afin de faire face à une situation, un évènement, un objet nécessitant un point de vue systémique dans l’optique de proposer une solution ou des perspectives d’amélioration permises par le fonctionnement coordonné et synchrone de plusieurs acteurs. C’est ainsi au cœur du vécu et de la réalité du terrain qu’émergent les questions les plus pertinentes nécessaires à la co-construction de connaissances permettant in fine la naissance de solutions, qui peut-être, dériveront vers de nouveaux problèmes de manière récursive (Orange, 2005).

Co-problématiser en recherche participative

Participation research points in the research Process
(Vaughn et Jacquez, 2020)

La recherche participative est un processus d'enquête qui est collaboratif, responsabilisant et fondé sur les expériences vécues au quotidien par ceux qui font l'objet de la recherche. C'est un processus qui met au premier plan les acteurs concernés par le sujet de recherche, et qui cherche à créer des connaissances avec, plutôt que pour, les communautés et acteurs impliqués (Thiollent et Michel, 2011).

La phase de problématisation de la recherche participative est le moment où les acteurs de cette recherche se réunissent pour identifier les problèmes ou les questions qu'ils souhaitent résoudre par le biais du processus de recherche. Cette phase est importante car elle permet l'identification collective des problèmes et le développement de solutions potentielles. C'est aussi le moment d'établir des relations entre les chercheurs et les membres de la communauté au centre du problème étudié.

Deux éléments importants se distinguent ainsi, (1) la co-problématisation découle naturellement d’une approche socio-constructiviste de la connaissance où (2) le tout est plus grand que la somme des parties. La co-construction d’idées et la co-problématisation du contexte d’enquête, émerge de part l’addition et l’interconnexion des différentes parties prenantes. Bien que le tout puisse mettre en silence les individualités de chacun et restreindre les potentiels des parties, une situation complexe ne peut être prise à bras le corps que par une organisation complexe d’acteurs agissant de manière coordonnée et réfléchie permettant “leur intercommunication en opérant des boucles dialogiques” (Morin, 1982).

Une différence majeure entre la co-problématisation et les autres méthodes de résolution de problèmes est que la co-problématisation tient compte de l'interdépendance des individus dans la résolution de problème.

La co-problématisation est un processus de résolution conjointe de problèmes entre deux ou plusieurs parties. Elle diffère des approches traditionnelles de résolution de problèmes en ce qu'elle met l'accent sur la collaboration et la compréhension mutuelle entre les parties concernées. Cette approche est souvent utilisée dans des situations où plusieurs parties prenantes sont impliquées, comme dans les questions environnementales ou sociales. En travaillant ensemble pour identifier et résoudre les problèmes, la co-problématisation peut aider à renforcer la confiance et la coopération entre les parties, conduisant à de meilleurs résultats pour toutes les parties concernées.

Les caractéristiques essentielles d’une co-problématisation

Afin de mener à bien la phase de problématisation et d'idéation, il y a quelques éléments clés à garder à l'esprit. Premièrement, il est important de créer un espace (espace de travail partagé) sûr et respectueux où les membres de la communauté peuvent partager leurs expériences et leurs idées. Deuxièmement, les compétences d'animation sont essentielles pour aider à orienter la discussion et garantir que toutes les voix sont entendues (Brokering). Enfin, il est important d'être flexible et de répondre aux besoins de la communauté d'acteurs.

La phase de problématisation et d'idéation de la recherche participative est le processus d'identification d'un problème ou d'une question, puis de l'élaboration de solutions possibles à ce problème. Cette phase commence généralement par une discussion de groupe, au cours de laquelle les participants réfléchissent aux problèmes potentiels. Une fois qu'un problème a été identifié, le groupe travaille ensuite ensemble pour développer des solutions possibles à ce problème (phase de co-conception). Cette phase de la recherche participative est importante car elle permet l'implication active des membres de la communauté dans le processus de recherche. De plus, cette phase peut aider à établir la confiance entre les chercheurs et les membres de la communauté, ainsi qu'à créer une compréhension commune du problème faisant l'objet de la recherche.

L’espace de travail partagé

Les étapes initiales de la co-problématisation reposent sur la capacité des chercheurs et professionnels à travailler ensemble, c’est à ce moment que s’amorce leur collaboration (Lapointe et Morisette, 2017). Créer un espace de travail sécurisé dans lequel les membres savent que leurs idées comptent tout autant que celles des autres et dans lequel ils n’ont pas peur d’être jugé permet d’inciter l’échange d’expériences et de connaissances entre chercheurs et professionnels et la construction d’un zone d’intercompréhension. Le résultat final étant un espace de dialogue ou chacun garde sa culture et peut exprimer son opinion, tout en respectant le cadre de l’espace commun (espace interprétatif sécurisé).

Le travail en collaboration et la construction d’un espace interprétatif sécurisé peut être favorisé par ce que certains auteurs comme Morisette et Desgagné (1997) nomment dispositifs médiateurs. Le concept de dispositif médiateur “renvoie à un ensemble de moyens mis en œuvre pour établir une communication continue entre les partenaires et coordonner leurs activités.” (Morisette et Lapointe, 2017).

Le brokering

Le “Broker” est un terme anglophone utilisé pour définir le rôle d’une personne au sein d’une organisation, d’une institution ou en tant que consultant ayant pour objectifs principaux d’organiser quelque chose comme un marché, un accord, une alliance, un consensus ou établir des ponts de communication entre plusieurs individus, groupes ou communautés. Initialement utilisé dans le monde de la finance, le Broker (ou courtier en français) est un intermédiaire entre les clients et les producteurs (de services ou de biens). Il existe des courtiers en assurance, en immobilier en vente, etc. Le Broker dans le monde de la conception pédagogique est une de ces personnes jouant aux frontières de plusieurs professions d’ores-et-déjà connues relevant de la négociation et de la médiation entre plusieurs parties prenantes d’un projet.

En bref, c’est une personne ou une fonction qui a pour responsabilité de permettre aux savoirs et aux connaissances issues de différents milieux de pouvoir circuler. Le Broker use de ses pleins potentiels notamment en condition de recherche orientée par la conception, non seulement en tant que “passeur” d’information mais également en tant qu’évaluateur : de la pertinence des propos en fonction de la phase de conception, en fonction du niveau d’expertise des différentes parties, en fonction, évaluateur des problèmes, blocages et contraintes limitant les échanges et les avancées du projet.

Outre ses fonctions de transfert et de traduction, le Broker peut aussi gérer et aider à développer les connaissances mutuellement entre deux communautés initialement “inconnues”. Il favorise ainsi la mutualisation et la bidirectionnalité des communications (i.e. cela peut être multidirectionnel dans plein de sphères différentes (politique, finance…) et pas uniquement dans le monde de l’éducation).

Pour devenir Broker, si chercheur initialement, la personne doit renoncer à sa posture “haute”. Il doit garder à l’esprit que les enseignants n’ont pas la même manière de développer des connaissances et des praxéologies que les personnes de terrain, au centre du problème étudié vivant au milieu des conditions écologiques aux origines du projet de conception pour lequel le Broker est amené à travailler.

Le Broker dépend de compétences bien précises en gestion du partage des connaissances, en échanges interpersonnels et peut en conséquence être amené à développer de solides capacités en lectures de comportements ou d’interactions sociales. L’identification des postures sociales des acteurs et des jeux d’influence. Être au fait des normes sociales constitutives du milieu d’appartenance des acteurs impliqués dans un projet ou co-problématisation et co-conception sont prévues, permet de faciliter le transfert des connaissances, le partage et le rôle de passeur-traducteur.

Les qualités d’un Broker

Le Broker en conception pédagogique impliqué notamment dans un cadre de recherche orientée par la conception (ROC) :

  • Doit avoir une conscience élevée de ce qui se passe dans un groupe.
  • Doit se saisir des dynamiques à l’œuvre au sein d’un groupe, notamment d’ordre sociale.
  • Comprendre d’où viennent les personnes pour transmettre et véhiculer certaines valeurs et certains contenus.
  • Être à l’aise avec la nécessité d’avoir recours à beaucoup de planification et d’anticipation des attentes et des besoins des différents acteurs.

Le Broker dans la co-problématisation

En conclusion, le Broker vient jouer le rôle de facilitateur et de traducteur des besoins des différents acteurs engagés en phase de co-problématisation. Le rôle de Broker peut être endossé par toute personne ayant un regard d’ensemble sur le projet. Cela peut être le chercheur commandité sur le projet, l’expert en ingénierie pédagogique appelé pour assurer son suivi, sa continuité ou sa bonne réalisation.

La phase de co-problématisation étant cruciale car posant les bases d’un réflexion centrée-utilisateur orientée par les besoin des acteurs du terrain, le Broker se place en tant que passeur des informations essentielles, filtre de celles non pertinentes ou confusantes, traducteur des besoins pratiques en termes techniques et des réflexions théoriques en actions interprétables en milieu écologiques par les acteurs de terrain.

Comment mener la phase de problématisation en recherche participative.

Plusieurs étapes doivent être suivies lors de la conduite de la phase de problématisation et d'idéation de la recherche participative :

  1. Sélection : inviter un groupe de personnes essentielles à la co-élaboration de questions aboutissant une problématique de conception (ingénieur pédagogique, chercheur, utilisateurs / acteur du terrain) ;
  2. Organisation : prévoir une réunion avec votre groupe sélectionné pour discuter des problèmes potentiels ou des questions qui pourraient faire l'objet de recherches ;
  3. Sélection : Choisir un problème ou une question sur laquelle vous concentrer ;
  4. Élaboration : faire plan de recherche sur ce problème ou cette question ;
  5. Analyser : observer vos données et partagez vos découvertes avec votre groupe ;
  6. Discuter : échanger sur les des prochaines étapes pour approfondir vos recherches sur le problème que vous avez choisi.

Ces étapes relativement pratiques mais peut exploitables en l’état puisque dépendante du projet dans lequel elles s’inscrivent, peuvent être appréhendées selon une approche théorique différente et un regard réflexif modelé par le Design Thinking.

Design Thinking et co-problématisation

Le Design Thinking est une approche de l’innovation centrée sur l’humain (Brown, 2008). C’est une méthode ou un process de conception globale, centré sur l’utilisateur (ou l’humain), en vue de réaliser des services ou produits innovants.

La co-problématisation est une phase essentielle d'idéation permettant l'élaboration future de solutions réalistes et réalisables. Ce sera lors de la phase suivante de co-conception, que la force d'imagination de chacun des acteurs sera mise au défis.

Dans cette phase de co-problématisation, nous voulons que chaque partie prenante du projet commence par se poser les bonnes questions avant d'élaborer les bonnes réponses (Beckman et Barry, 2007).

En effet, la définition du problème à résoudre est une étape cruciale de la Recherche Orientée par la Conception (ROC, Design Based Research en anglais) et permet de poser les fondations d'un développement concret ancré sur la réalité du terrain.

Le Design Thinking relève d'un fonctionnement en deux phases consécutives et cycliques : les phases divergentes et les phases convergentes, où les divergences permettent d'explorer des possibilités, des problèmes, des situations perfectibles et les convergences amènent au développement de solutions temporaires discutés de manière rétroactive.

Chaque nouveau cycle itératif repose sur les échanges précédents des différents acteurs couplés aux productions de ces derniers. La co-construction de problèmes-solution (Dorst et Cross, 2001) s'inscrit ainsi dans espace partagé, commun, où l'interdépendance des individus permet de faire évoluer le premier problème en solution, elle-même évoluant en problème puis en solution, et ainsi de suite (Chang et al., 2017).

Dans le cadre d’une co-problématisation, le Design Thinking repose ainsi sur un nombre de phases relativement restreintes, mais c’est moins la quantité de phase que la récursivité de celles-ci qui compte. En Design Thinking, selon le modèle que l’on choisit (il en existe plusieurs : Modèle 4D/5D, Double Diamant, Modèle IDEO, Les 6 phases de Nielsen Norman Group, etc.), on retrouve en effet plusieurs phases principales :

  1. Recherche de problèmes (observation et recherche)
  2. Sélection de problèmes (recadrage et contextualisation)
  3. Recherche de solutions (convergence et établissement des besoins)
  4. Sélection de solutions (expérimentation et prototypage)
  5. Evaluation et test des solutions.
  6. Itération.

Les deux premières phases sont constitutives de la phase de co-problématisation et répétées sous forme de boucle de rétroaction afin d’affiner l’alignement des problèmes soulevés aux besoins du terrain.

Conclusion

La phase de problématisation et d'idéation de la recherche participative est une étape essentielle pour s'assurer que la recherche est menée de manière efficace et efficiente. Il est important de comprendre ce qu'est la phase de problématisation et d'idéation de la recherche participative, pourquoi elle est importante et comment la mener correctement afin de produire les meilleurs résultats.

  • Nous avons donc vu au travers de cette présentation de la co-problématisation que cette phase cruciale en recherche participative ou recherche orientée par la conception relève d’un domaine d’étude qu’est le socio-constructivisme : la construction de connaissances naît de l’interaction et de l’interdépendance des individus d’un groupe.
  • Le co-problématisation rassemble plusieurs acteurs initialement issus de milieux plus ou moins déconnectés afin de les amener à agir de manière coordonnée et réfléchie pour un but commun, impliquant notamment des passeurs, traducteurs ou Broker facilitant et décodant les échanges.
  • La co-problématisation relève d’une méthodologie de recherche “centrée utilisateur” et récursive, la recherche orientée par la conception qui tire une partie de ses traits fondateurs du Design Thinking.

Références

Beckman, S. L., & Barry, M. (2007, October). Innovation as a Learning Process: Embedding Design Thinking. California Management Review, 50 (1), 25–56. https://doi.org/10.2307/41166415

Brown, T. (2008). Design thinking. Harvard business review, 86 (6), 84.

Chang, C.-J., Chang, M.-H., Chiu, B.-C., Liu, C.-C., Fan Chiang, S.-H., Wen, C.-T., Hwang, F.-K., Wu, Y.-T., Chao, P.-Y., Lai, C.-H., Wu, S.-W., Chang, C.-K., & Chen, W. (2017). An analysis of student collaborative problem solving activities mediated by collaborative simulations. Computers & Education, 114, 222‑235. https://doi.org/10.1016/j.compedu.2017.07.008

Desgagné, S. (1997). Le concept de recherche collaborative : L’idée d’un rapprochement entre chercheurs universitaires et praticiens enseignants. Revue des sciences de l’éducation, 23(2), 371‑393. https://doi.org/10.7202/031921ar

Lapointe, P., & Morrissette, J. (2017). La conciliation des intérêts et enjeux entre chercheurs et professionnels lors de la phase initiale de recherches participatives en éducation. Phronesis, Vol. 6(1), 8‑20. https://www.cairn.info/revue-phronesis-2017-1-page-8.htm

Morin, E. (1982, October 20). Science avec conscience (French Edition). Fayard.

Orange, C. (2005). Problématisation et conceptualisation en sciences et dans les apprentissages scientifiques. Les Sciences de l'éducation - Pour l'Ère nouvelle , 38, 69-94. https://doi.org/10.3917/lsdle.383.0069

Thiollent, M. (2011). Action Research and Participatory Research : An Overview. International Journal of Action Research, 7(2), 160‑174.

Vaughn, L. M., & Jacquez, F. (2020). Participatory Research Methods – Choice Points in the Research Process. Journal of Participatory Research Methods, 1(1). https://doi.org/10.35844/001c.13244