Classe renversée

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Introduction

La classe renversée est une méthode active (Lebrun, 2014) qui part de l'idée que la meilleure manière d'apprendre est d'enseigner. Il appartient donc aux apprenant-es_enseignant-es de co-élaborer le cours. Dans la classe renversée, si les apprenant-es sont capables de structurer un cours, concevoir les contenus et déterminer l'évaluation en ciblant les bonnes questions, ils/elles démontrent de leur maîtrise de la matière c'est à dire non seulement une acquisition de connaissances mais aussi une compréhension de celles-ci. A l'inverse, si l'élève-enseignant-e constate des lacunes concernant la structuration, des manquements ou un manque de clarté dans les contenus etc., il/elle peut guider les enseignant-es-élèves en leur posant des questions ou en réalisant des critiques "d'apprenant-es".

Classe renversée selon Lebrun (2013)

Selon Lebrun & Lecoq (2016), la classe renversée serait un type de classe inversée de telle sorte que l'on parle non pas D'UNE mais DES classes inversées. Ils distinguent 3 types de classe inversées:

  • Type 1 : le scénario "classique" de la classe inversée, c'est à dire "les leçons à la maison et les devoirs en classe". Accent sur l'externalisation des savoirs.
  • Type 2 : les apprenant-es recherchent eux-mêmes ou elles-mêmes les savoirs dans leurs contextes. Ils recherchent des contenus sur une thématique, la documentent et peuvent même aller sur le terrain. Lors du retour en classe, les apprenant-es réalisent une présentation ou préparent une activité pour les autres apprenant-es. Accent sur changements de rôles (entre l’enseignant-e et l’apprenant-e)
  • Type 3 : mix du Type 1 et Type 2. Le type 3 alterne les activités de contextualisation du type 2 (activités par les apprenant-es), les activités de décontextualisation (type 1) et recontextualisation (Type 1). C'est ce que Lebrun appellent LES classes inversées car les activités sont proposées selon les deux axes.

Pour Caillez, la classe renversée ne doit pas être confondue avec la Classe inversée. Dans la classe inversée, les apprenant-es étudient la partie théorique à la maison et réalise la mise en pratique de ces connaissances via des exercices individuels ou de groupes en classe. Dans la classe renversée, les contenus ne sont pas donnés aux apprenant-es, il leur revient de les construire. Dans la classe renversée, ce sont les apprenant-es qui prennent les rênes de la classe. Il s'agit d'un véritable "renversement pédagogique" dans le sens où l'enseignant devient l'apprenant-e (que nous nommerons dans cet article enseignant-e_apprenant-e) et l'apprenant-e devient l'enseignant-e (apprenant-e_enseignant-e). Ainsi, dans une classe de 20 apprenant-es, nous aurions donc 20 enseignant-es pour un-e seule apprenant-e. La classe renversée selon Caillez est un modèle de pédagogie active récente (2015) qu'il a mis en place dans son cours de génie moléculaire. Ce cours était composé de 12 séances de 2 heures pour écrire 2 chapitres d’un livre de cours collectif de 12 chapitres pour un cours de génétique moléculaire destiné à des étudiants de 3ème année de licence de biologie). La classe renversée est aussi appelée par son inventeur pédagogie en Do-It-Yourself (DIY) en "faites le vous même"[1]. Cette approche étant relativement récente[2], peu d'expériences ont été réalisées pour le moment. Il subsiste néanmoins l'expérience de J-C Caillez qui a expérimenté sa méthode dans sa classe à l’université catholique de Lille qu'il relate en juin 2015, au TedxLille (https://youtu.be/KMAONv3BPhs)

Principes

Lydie Boufflers (discussion) 25 septembre 2020 à 08:58 (CEST) dégage les principes suivants de sa revue de littérature sur le sujet (cf. bibliographie)

Renversement pédagogique

Dans la classe renversée, il y a un changement de posture bilatéral :

  • Les apprenant-es prennent la posture de enseignant-e (nommé "apprenant-es enseignant-es dans la suite de cet article). Ils passent d'un état de "consommateurs du savoir" à un état de "constructeurs du savoir" Ils/elles travaillent en équipes pour concevoir le plan de cours, les contenus et l'évaluation.
  • L'enseignant-e prend la posture de l'apprenant-e (nommé "enseignant-e apprenant-e dans la suite de cet article). Il passe de la production et de la transmission du cours à l'accompagnement de ses apprenant-es dans la construction de leurs savoirs. Pour cela, il prendra notamment le rôle d'élève en posant des questions, fera ses devoirs et réalisera l'évaluation.

Travail collaboratif et apprentissages par les pair-es

Les apprenant-es_enseignant-es doivent co-construire le cours en équipes de 6 à 7 étudiant-es. Ces équipes doivent être construites en respectant une certaine équité dans les prérequis ou connaissances initiales de chacun-e, d'aptitudes à la rédaction, d'aptitude à la recherche de contenus etc. Il appartient donc à l'enseignant-e apprenant-e de réaliser ce "casting" en amont en mélangeant les apprenant-es devenus enseignant-es.

Le travail se réalise au sein de chaque équipe mais aussi entre les équipes puisque les autres équipes doivent amender le contenu des chapitres au même titre que l'enseignant-e_apprenant-es; contenu qu'ils/elles devront intégrer. Cette démarche s'appuie par conséquent sur un apprentissage par les pair-es (Angl. peer instruction) que Mazur (1997) définit comme un style d’enseignement interactif qui impliquent activement les apprenant·e·s dans le processus d’enseignement. Les enseignant-es-apprenant-es doivent compléter la production d'une autre équipe (correction, suppression, réorganisation). Pour déterminer les rôles, il est possible de s'inspirer de modèles existants comme détaillé dans la page Rôles pour travaux de groupe (ou en:Group work roles).

Création des contenus et dispense du cours

Création des contenus et assimilation
Les chapitres du cours sont élaborés par les apprenant-es enseignant-es selon un protocole prédéterminé par l'enseignant-e_apprenant-e au niveau de l'organisation des activités, des livrables à fournier etc. Le travail attendu est à la fois collectif et individuel. Chaque apprenant-e enseignant-e doit participer à la construction de livrables et assimilé les contenus créées par les autres.

Dispense du cours
Une fois le cours réalisés, il appartient aux apprenant-es enseignant-es de dispenser le cours. Dans ce cadre, une personne par équipe donne le cours, les autres équipes ainsi que l'enseignant-e apprenant-e assiste au cours et pose des questions, parfois "candides", ce qui permet à l'enseignant-e apprenant-es de s'assurer que le contenu est maîtrisé.

Accompagnement (tutorat)

L'accompagnement de l'enseignant-e apprenant-e doit être défini à l'avance et en fonction des activités prévues par l'enseignant-e apprenant-e.

Prérequis, écueils à éviter et conseils d'organisation

Prérequis

  • Prendre le temps de présenter la démarche aux apprenant-es afin de leur expliquer la méthode et justifier son choix. Selon Caillez, il faut prévoir environ 2 heures quelques jours avant le premier cours. Le risque de ne pas le faire est que les apprenant-es n’adhère pas à la démarche.
  • Préparation de l'environnement de travail et le cadre des activités (scénario) :
    • Un scénario doit bien déterminer le cadre des activités i.e étapes, accompagnement, livrables etc. pour assurer l'encadrement des élèves. La classe renversée nécessite un cadre pédagogique précis pour pouvoir être efficace.
    • En présentiel, cette méthode se déroule dans une grande salle dotée de mobiliers amovibles (tables et tableaux avec roulettes, paperboard, post-it, matériel de projection, ordinateurs portables/tablettes pour les étudiant-es). Des techniques créatives permettront de s'approprier le cours et de créer les contenus ("obligations de tricher", QCM intelligents, tableaux tournants etc.). Des plateformes informatiques permettant aux apprenant-es enseignant-es de publier leurs travaux sont également à prévoir (ex : stockage en ligne de document, LMS ou encore des réseaux sociaux..) pour rendre les travaux accessibles à tout-es.
    • A distance, Lydie Boufflers (discussion) 25 septembre 2020 à 09:33 (CEST) pense qu'il est possible de matérialiser l'espace physique en utilisant des environnements comme Gathertown ou d'autres plateformes synchrone comme Etherpad lite, des Chat en ligne, messagerie instantanée et microblogage ou asynchrone comme le Forum. Enfin des Plateforme pédagogique ou des plateformes de E-portfolio comme Mahara peuvent être utilisés pour publier les contenus.

Ecueils

  • Eviter la répétition trop fréquente d’une même stratégie durant les activités proposées.
  • Éviter le ludique pour le ludique.
  • Considérer que la collaboration nuit à l'apprentissage individuel.

Conseils

L'expérience de Caillez (2018) montre que les étudiant-es préfèrent repasser en classe inversée plus classique une fois que les contenus sont produits afin de travailler les notions problématiques. Ainsi, il est préférable de limiter la classe renversée aux 2/3 du semestre et de repasser en classe inversée "classique" pour le dernier 1/3. Ce dernier tiers peut être scénarisé en classant les questions par ordre d'importance et organiser des challenges entre apprenant-es et enseignant-es.

Déroulement des activités

Période de conception

En présence :

  • Introduction de 15 minutes consacrées à des questions, quizz ou exercices permettant les interactions entre équipes sur les contenus en cours de préparation.
  • Travail en DIY par équipe. Selon la scénarisation, ce travail peut être interrompu pour un temps collectif avec des présentations orales (pitch). Par exemple, il s'agira de faire un focus sur un point de connaissances fondamentales par une présentation orale suivi de questions-réponses, cartes conceptuelles, résolution de problème par tableaux tournants etc. En fin de séance, le travail de chaque groupe est sauvegardée sur une plateforme en ligne accessible par tou-tes.
  • Conclusion de 5 minutes pendant laquelle les équipes font part de leur satisfaction ou insatisfaction sur une échelle de Likert avec le même nombre de pas. Il est possible d'ajouter des questions qui demandent des réponses libres telle que : quelle est l'activité que vous avez préférée? pourquoi ? Et inversement pour l'activité qui a le moins plu. Cf point Classe_renversée#Evaluation de la démarche de classe renversée.

A distance, les apprenant-es-enseignant-es doivent :

  • Faire évoluer le contenu
  • Préparer les questions pour la séance suivante

Période de restitution

Phase de présentation

Une fois la phase ingénierique terminée, une personne par groupe dispense le cours préparé avec son équipe à l'enseignant-e apprenant-e et aux membres des autres équipes. Pour cela, il/elle dispose de 10 à 15 minutes pour présenter les éléments fondamentaux.

Phase de discussion

Une fois la présentation réalisée, une discussion sous forme de questions-réponses s'engagent entre le groupe d'apprenant-es enseignant-es et l'enseignant-e devenu apprenant-e. C'est surtout l'enseignant-e apprenant-e qui pose les questions afin de

  1. vérifier la bonne compréhension et la maîtrise des connaissances, notamment les connaissances fondamentales,
  2. dégager les éléments clés et accessoires du matériel,
  3. expliquer les éléments non maîtrisés,
  4. corriger les erreurs.

Lors de cette restitution, l'enseignant-e apprenant-e peut reprendre, pour une courte période (environ 15 minutes), sa "posture" d'enseignant-e pour compléter, expliquer ou corriger.

Evaluation en classe inversée

Evaluation des apprenant-es devenus enseignant-es

Dimensions d'évaluation

La méthode d'évaluation est sur 3 dimensions impliquant bien évidemment les apprenant-es enseignant-es:

  • Dimension 1 : notations interpersonnelles (évaluation de la participation au groupe par les étudiants eux-mêmes),
  • Dimension 2 : notations intergroupes (compréhension des chapitres produits par les autres),
  • Dimension 3 : notation par l’enseignant-e de
  1. La production des contenus et des évaluations (questions d'examens et barèmes).
  2. La réponse aux questions, de manière collective ou individuelle.
  3. La collaboration entre les apprenant-es : mode d’organisation du groupe, au comportement et implication de membres.
  4. Le respect des livrables (publication des chapitres à la fin de chaque séance, réponses aux questions lors des interrogations de début de cours et réponses aux mails lors de sollicitations du professeur)
Barème de notation

Dans la classe renversée, la "note sur 20" n'existe plus. Les apprenant-es cumulent des points à titre individuel ou au bénéfice de l'équipe sans maximum. Il s'agit plus d'une méthode de valorisation que de notations qui correspond à ce que Caillez appelle une évaluation progressive car ils ne mesurent pas niveau du but atteint, mais la progression pour s’en approcher. En fin de semestre, ce niveau est transformé

Evaluation de la démarche de classe renversée

La méthode d’évaluation utilisée par Caillez est la méthode " 10/20 » [3]. Chaque apprenant-e est invité à remplir deux cases sur une feuille de papier ou plateforme électronique :

  • Case 20/20 : il/elle doit répondre à la question "Quelle est la partie de la séance de cours qu’il a préféré et pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle lui a apporté et qui le satisfait ?"
  • Case 0/10 : il/elle doit répondre à la question "Quelle est la partie de la séance qu’il a le moins aimée et pourquoi ? Quelle partie du cours l’a ennuyé, perturbé, mis mal à l’aise ? A quel moment s’est-il demandé à quoi cela servait ?"

Chaque apprenant-e est obligé de remplir les deux cases pour obtenir une note de satisfaction qui est toujours de 10/20 (la moyenne des deux cases).

Les feuilles d’évaluation doivent restées anonymes; l’ensemble de remarques positives et négatives sera ensuite envoyé aux apprenant-es afin que chacun-e ait une vision sur les opinions des autres et de pouvoir comparer leurs avis. Selon Lydie Boufflers (discussion) 29 septembre 2020 à 09:13 (CEST), cela peut fonctionner sur des groupes qui se connaissent peu mais, dans un environnement où les apprenant-es se connaissent bien, l'anonymat pourrait être mis à mal. Dans ce cas, il faudrait peut être privilégier des retours plus globaux.

Efficacité de la classe renversée

La classe renversée selon J-C Caillez en est à sa 5e année d'expérimentation en 2020, voilà les éléments qu'il a observé:

  • Un changement du comportement des apprenant-es les "moins bons" ne sont plus laissés de côté car ils peuvent participer i.e trouver des informations.
  • Une curiosité des enseignant-es pour cette méthode. D'ailleurs, chacun-e peut assister au cours donné, la classe est ouverte,
  • Un sentiment d'apprentissage plus grand : les étudiant-es affirment qu’ils/elles ont plus de facilité à apprendre et retenir ce qu’ils/elles ont construit eux-mêmes et qui a ensuite été validé par l'enseignant-e.

Cependant, en termes quantitatifs, il n'y a pas encore de résultats significatifs en 2020. Une recherche est actuellement en cours.

Bibliographie et références

  1. CAILLIEZ, J. C. (2017). La classe renversée. Reflets, 19.
  2. Jean-Charles Caillez, Université Catholique de Lille, 2015
  3. Caillez, J-C (2020, 13 Février). 10/20… la note idéale pour progresser en innovation pédagogique ! [Billet de blog]. Consulté à l'adresse http://blog.educpros.fr/jean-charles-cailliez/2020/02/13/10-20-la-note-ideale-pour-progresser-en-innovation-pedagogique