Création d'un cours participatif : attentes et réalités
Introduction
En créant un nouveau cours ou partie de cours, l'enseignant-e détermine des objectifs pédagogiques et des savoirs à transmettre. Il-elle base la construction de ce cours sur ces objectifs imaginés par lui-elle-même. Une fois le cours donné, ces objectifs ont-ils été perçus par les élèves? Ont-ils-elles retiré les enseignements voulus de cette leçon? Dans quelle mesure les désirs de l'enseignant-e coïncident-ils avec les perception des élèves? Ce travail se propose de répondre à ces questions. En outre, ce travail étant basé sur une réalisation pratique mobilisant les facultés créatrices et d'imagination des apprenant-e-s, il exploite les bénéfices d'une pédagogie de la réussite [1].
Ce travail a été réalisé dans le cadre d'un travail de fin de formation initiale (TFFI) de l'Institut de formation des maîtres de l'enseignement secondaire ([IFMES]). Il a été présenté en avril 2005.
Problématique retenue
Décalage entre objectifs pédagogiques définis par l'enseignant-e, et enseignements tirés par les apprenant-e-s. Le public est constitué par trois classes différentes d'apprenant-e-s, toutes trois au sein de l'école des Arts Décoratifs ([EAA]) :
- Concepteurs multimédia 3° année, élèves Maturité Professionnelle Artistique (MPA) et Certificat Fédéral de Capacité (CFC),
- Graphistes 3° année, élèves MPA,
- MPA 3° année, élèves des sections Bijouterie, Dessin d'intérieur, Céramique, Création de vêtements.
Hypothèses de travail
- Hypothèse 1: Les objectifs définis par l'enseignant-e sont souvent trop élevés, seule une partie d'entre eux seront perçus et assimilés par les apprenant-e-s (objectifs trop ambitieux).
- Hypothèse 2: Plus les objectifs appartiennent à une classe élevée de la taxonomie cognitive de Bloom, plus ils sont difficiles à assimiler par les apprenant-e-s.
Bases théoriques
Façons d'apprendre
Les manières d'apprendre doivent être en relation avec le fonctionnement du cerveau des apprenant-e-s. Comme le dit Hourst dans son ouvrage [2], il faut que "l'apprentissage soit compatible avec le cerveau", c'est-à-dire qu'il permette à l'apprenant-e d'avoir une image globale du champ d'étude, puis qu'il-elle puisse créer ses propres structures mentales. Dans ce type d'apprentissage, il est capital que l'élève puisse découvrir par lui-elle-même ce qu'il-elle ne sait pas, par exemple grâce à une réalisation pratique. Ce cours "narration et propagande" a été conçu en utilisant la structure proposée par Hourst:
- préparation,
- connexion (donner un sens à ce que l'on apprend),
- présentation et transmission de l'information,
- activation, exploration et assimilation de l'information,
- consolidation, vérification, mémorisation, clôture et ouverture sur la suite (grâce au travail pratique).
Pédagogie de la maîtrise et objectifs pédagogiques
La base de la pédagogie de la maîtrise, aussi appelée pédagogie de la réussite [1] , est la définition d'objectifs pédagogiques. Ceux-ci sont le fondement de la création de toute séquence pédagogique. Hameline [3] cite en outre les conditions dans lesquelles un objectif pédagogique peut devenir opérationnel:
- son contenu doit être énoncé sans équivoque,
- il doit décrire une activité observable de l'apprenant-e,
- il doit indiquer le Niveau atteint par l'apprenant-e et les moyens de mesure.
La définition des moyens de mesure des objectifs fait l'objet d'une partie de ce travail.
Taxonomie de Bloom
Nombre d'auteurs ont tenté de classer les objectifs selon différents critères. On consultera à ce sujet l'ouvrage critique de Landsheere [4] qui passe en revue ces différentes taxonomies. En étudiant les types d'objectifs pédagogiques et les réponses à ceux-ci de la part des élèves, Benjamin S. Bloom a défini trois domaines dans lesquels une taxonomie des objectifs pédagogiques pouvait être définie:
Bloom a également défini un modèle représentant le fonctionnement pédagogique [8] (voir figure 1).
Si l'on considère ce modèle, il semble indéniable que l'hypothèse 1 de ce travail se réalise, car il est fréquent que l'enseignant-e néglige les caractéristiques de l'élève, celles-ci étant propres à chaque élève, et généralement inconnues de l'enseignant-e lorsqu'il-elle conçoit son cours, la conception étant réalisée avant tout contact avec la classe. Par défaut, l'enseignant-e va considérer que ces caractéristiques sont dans la moyenne, voire même idéales, ce qui n'est pas forcément le cas.
La taxonomie de Bloom permet de classifier les objectifs pédagogiques, en fonction des compétences d'apprentissage et de compréhension mobilisées par les élèves. Elle favorise l'établissement de moyens de mesure des progrès des élèves en fonction des objectifs. Les niveaux cognitifs, affectifs et psychomoteurs tels qu'énoncés par Bloom et Harrow, sont résumés dans les figure 2, figure 3 et figure 4.
Il est commun que l'enseignant se concentre essentiellement sur les objectifs cognitifs, ceux-ci étant facilement mesurables. Les objectifs de type affectifs sont d'une part plus difficiles à évaluer de manière objective et dépassionnée de la part de l'enseignant-e, d'autre part difficiles à prendre en compte sans connaître la composition de la classe (cf. caractéristiques de l'élève, figure 1). Quant aux objectifs psychomoteurs, ils semblent difficilement applicables dans le cadre d'un cours théorique.
Apprentissage par projets
Dans le cours de cette séquence pédagogique "narration et propagande" (voir Création d'un cours participatif : attentes et réalités#Description succincte du contenu du cours "narration et propagande"), il a été intégré une réalisation pratique, afin que les notions théoriques puissent être assimilées plus aisément par les apprenant-e-s. De cette façon, l'élève n'est plus passif vis-à-vis de la matière comme avec un cours de type ex-cathedra, mais il participe lui-même à son apprentissage: de spectateur, il passe au rôle d'acteur (voir l'ouvrage d'Arpin et Capra [9]).
Avant la réalisation des séquences de cours
Description succincte du contenu du cours "narration et propagande"
Ce cours s'inscrit dans le cadre d'un enseignement de communication, comptant deux heures hebdomadaires (90 minutes effectives) tout au long de la troisième année de cours EAA pour les élèves MPA des sections graphisme, céramique, création de vêtements, bijouterie et dessin d'intérieur, et les élèves MPA et CFC en conception multimédia. Le support de cours distribué aux élèves est joint en annexe (page A-21).
Narration
La partie "narration" occupe 3 séquences de 90 minutes. La première séquence est occupée à visionner le film "Psycho" d'Alfred Hitchcock (en version originale, titre français "Psychose"). Ce film, à la structure narrative particulière et totalement novatrice pour la période de sa réalisation, va servir de fil conducteur et d'exemple (voire de contre-exemple) aux différentes théories de narration examinées. Une discussion entre élèves et enseignant permet de faire ressortir les différentes spécificités narratives du film. Les deux séquences suivantes sont destinées à prendre connaissance des quatre théories principales de la narration (Todorov, Barthes, Propp et Lévi-Strauss), ainsi que de différents moyens de construire un récit de manière à tenir le lecteur ou le spectateur en haleine. Ces principes sont exposés de manière ex cathedra. Chacune de ces théories est également illustrée par un exemple spécifique, puis est appliquée au film "Psycho", en donnant lieu à un nouvel échange avec les apprenant-e-s.
Propagande
Par "propagande", on entend "Action exercée sur l'opinion pour l'amener à avoir certaines idées politiques et sociales, à vouloir et soutenir une politique, un gouvernement, un représentant" [10], sans s'étendre sur la publicité commerciale, souvent taxée de "propagande commerciale" dans les années 1950-1970. La partie "propagande" occupe 4 séquences de 90 minutes, sans compter la réalisation pratique et l'évaluation de celle-ci. La première séquence montre les techniques de communication utilisées par la propagande (appelées "lois de la propagande"), en s'appuyant sur une analyse des affiches de propagande réalisées par le gouvernement de Vichy entre 1940 et 1944. Cette période, moins connue que la période nazie, permet une analyse plus objective et dépassionnée des techniques de propagande. Cette analyse est réalisée grâce au visionnement d'une vidéo explicative, puis par l'exposé ex cathedra des principes de la propagande. La seconde période est consacrée à la suite de l'étude des affiches maréchalistes (analyse des éléments traduisant l'utilisation des différentes lois grâce à la critique des affiches par les élèves), ainsi qu'à l'application des lois de la propagande à la communication américaine lors de la seconde guerre du Golfe (2003), illustrées par la vision cynique mais correcte des "Guignols de l'info" de Canal+ (vidéo, suivie par une discussion où les apprenants décortiquent les mécanismes de propagande utilisés). Les troisième et quatrième périodes couvrent le visionnement et l'analyse détaillée du documentaire "Opération Lune", tourné par William Karel (2001). Ce canular tend à faire croire que les images tournées sur la Lune par Apollo 11 ont en réalité été tournées par Stanley Kubrick en studio, à l'instigation du Président Nixon et des hauts responsables de la Maison Blanche. Les mécanismes du canular, très proches de ceux de la propagande, sont soigneusement décortiqués. Une nouvelle fois, il est fait appel à l'esprit d'analyse des élèves sous forme d'une discussion alimentée par des questions de l'enseignant. Ce sont des extraits de ce documentaire qui sont mis à disposition des élèves en conception multimédia pour la réalisation du travail pratique qui fait partie de cette étude.
Objectifs pédagogiques
Ici sont répertoriés les objectifs que l'enseignant veut atteindre dans cette partie de cours consacré à la narration et à la propagande. Naturellement, ils sont déterminés au moment de concevoir le cours, donc avant toute prise de contact des apprenant-e-s avec le sujet enseigné. Ce sont des objectifs a priori. Ils sont présentés dans la figure 5 ci-dessous.
Notes:
1. Cet objectif n'est applicable qu'à la classe de concepteurs multimédia, les autres élèves n'ayant pas été formé-e-s à l'utilisation de ces logiciels. En outre, la formation à l'emploi de ces outils est hors du propos du cursus de communication.
2. Cet objectif n'est applicable qu'à la classe de graphistes, les autres élèves n'ayant pas été formé-e-s à l'utilisation de ces logiciels. En outre, la formation à l'emploi de ces outils est hors du propos du cursus de communication.
Les numéros des objectifs seront repris dans les explications afin de lier objectifs et questionnaire. Pour chacun de ces objectifs, on a tenté de les associer avec un niveau (ou ensemble de niveaux) de la taxonomie de Bloom (voir figure 2). On a également tenté d'estimer, toujours a priori, la difficulté d'acquisition de ces objectifs, exprimés de manière qualitative (normale ou ambitieuse). Celle-ci est liée au niveau de l'objectif dans la taxonomie de Bloom, selon l'hypothèse 2.
Travail pratique à réaliser
Afin d'impliquer fortement les élèves dans la problématique de la propagande, il a été décidé de leur faire réaliser un canular ou un élément de propagande. Le sujet est librement choisi. Cependant, pour les élèves familiarisés avec les techniques de traitement des images animées (concepteurs multimédia), une partie des choix est imposée: ils doivent intégrer dans leur travail au moins 1/4 d'interviews de responsables américains de haut rang (H. Kissinger, D. Rumsfeld, etc.) tirés du documentaire-canular de W. Karel "Objectif Lune" mentionné ci-dessus. Les autres classes doivent quant à elles réaliser un article de magazine illustré. Les graphistes peuvent donc utiliser leurs capacités de traitement des images fixes (trucages, etc.), et les élèves de la classe MPA leur capacité à trouver des images adaptées. Ce travail en groupe (2 ou 3 personnes) est ensuite présenté à l'ensemble de la classe. Au cours de la réalisation du projet, les apprenant-e-s sont également priés de tenir un journal de projet, répertoriant, jour par jour, les actions planifiées, effectuées et restant à faire. L'objectif de ce journal est également d'éviter que les élèves reportent le travail au dernières leçons disponibles, au profit de travaux d'atelier considérés comme plus urgents, chose très courante à l'EAA. Enfin, tous les élèves sont soumis à un questionnaire permettant de connaître les enseignements tirés de ce cours et de cette réalisation, afin de les comparer avec les objectifs initiaux de l'enseignant. Ce questionnaire est présenté en détail au chapitre 6.1, et joint en annexe (page A-5).
Les consignes pour ce travail, ainsi que les critères d'évaluation présentés de manière qualitative, ont fait l'objet d'un document distribué aux apprenant-e-s. Celui-ci est présenté dans les annexes (pages A-2 à A-4).
Pour des raisons de calendrier (délai de reddition du TFFI), le questionnaire a été rempli par les élèves avant la fin du travail pratique. C'est pourquoi aucune réalisation de la part des apprenant-e-s n'est jointe à ce document.
Méthode de mesure des objectifs
Conception du questionnaire
Le questionnaire est conçu en trois parties distinctes, qui sont distribuées l'une après l'autre aux apprenant-e-s. Cette méthode un peu inhabituelle d'administration du questionnaire a pour but d'éviter que les réponses de la première partie soient influencées par les propositions de notions vues ou apprises proposées dans la seconde partie. De cette façon, les réponses de la première partie sont vraiment spontanées. La troisième partie a pour but d'éviter (et/ou mesurer) l'existence de biais de convenance. Un biais de convenance est le type d'erreur provoquée par le fait que le répondant donne une réponse "politiquement correcte", qui n'est pas forcément le reflet de la réalité (voir à ce sujet le chapitre "Field errors", p. 675-685 [11]). Les trois parties sont présentées dans les chapitres suivants. Le questionnaire distribué aux apprenant-e-s est présenté en annexe (page A-5).
Première partie – réponses spontanées
La première partie mesure les objectifs acquis par les apprenant-e-s, selon la méthode des réponses spontanées. Pratiquement, on demande quels sont les éléments d'apprentissage acquis par les apprenant-e-s, ceci au moyen de questions ouvertes. On mesure ainsi les objectifs les plus évidents pour les apprenant-e-s, objectifs exprimés avec les mots des élèves eux-elles-mêmes. Les questions posées sont:
Notes:
3. Pour ces questions ouvertes, il peut y avoir plusieurs objectifs pédagogiques correspondants, la relation sera faite lors du dépouillement par le correcteur en fonction des réponses des apprenant-e-s.
4. Voir figure 5.
Deuxième partie- réponses assistées
La deuxième partie permet d'évaluer de manière plus précise et plus exhaustive quels sont les objectifs imaginés qui ont été acquis, ainsi que la quantification de l'utilité des ces objectifs par les apprenant-e-s. On utilise ici la méthode des réponses assistées, car on propose une série de réponses, l'élève n'ayant plus qu'à dire si ces éléments ont été ou non perçus et acquis, ainsi que l'utilité que ces notions revêtent pour leur vie professionnelle ou relationnelle. Les questions posées sont présentées figure 7 et figure 8 ci-dessous.
Notes:
5. O-1 à O-9 et B-1 à B-5: resp. objectifs (O) et niveaux taxonomiques cognitifs (B) selon figure 5.
Les termes utilisés ("connaître", "appliquer", "revoir", "perfectionner" et "appliquer") sont expliqués aux élèves au moment de la distribution de cette partie, aussi bien oralement que sur un support écrit distribué. Ce document est joint aux annexes (page A-13). Les relations entre réponses et objectifs mesurés (O-1 à O-11, voir figure 5), ainsi que niveau de la taxonomie de Bloom (B-1 à B-6, voir figure 2) sont mentionnées dans le tableau de la figure 7.
Pour la question 2-2, les relations entre réponses et objectifs mesurés (O-1 à O-11, voir figure 5), sont mentionnées dans le tableau de la figure 8.
Troisième partie – réponses vérifiées
La troisième partie est une sorte d'examen, dont le but est de prouver que les bases des notions sont vraiment acquises (ou pas). Cette partie a pour but de déceler d'éventuels biais dans les réponses, afin de vérifier que les élèves n'ont pas donné des réponses qui "font plaisir" à l'enseignant. Ces questions permettent d'établir le niveau véritable d'acquisition des notions. Ce questionnaire est bien entendu anonyme et sans influence sur la notation des élèves. Aucun support de cours n'est admis. Les questions posées son présentées à la figure 9 ci-dessous.
Notes:
6. Pour les questions couvrant plusieurs objectifs pédagogiques, la relation sera faite lors du dépouillement par le correcteur en fonction des réponses des apprenant-e-s.
Administration du questionnaire
Chaque partie est réalisée à la suite l'une de l'autre. Les questions sont distribuées dans des enveloppes fermées, identifiées par un numéro alphanumérique à 20 positions, afin de rassembler les trois parties pour le-a même répondant-e et d'assurer son anonymat. Une fois chaque partie répondue, les réponses sont relevées. Une durée de 45 minutes est nécessaire au remplissage du questionnaire.
Analyse des résultats
Composition de l'échantillon
Les 35 répondant-e-s se répartissent ainsi:
- Classe CMM3 : 15 répondant-e-s.
- Classe MPA3 : 10 répondantes.
- Classe GR3 : 10 répondant-e-s.
Tous les questionnaires retournés ont été traités, aucun ne présentant d'anomalies empêchant son traitement (réponses partielles, plusieurs choix, etc.).
Traitement des questionnaires
Le traitement a conservé la séparation entre les trois parties du questionnaire :
- Partie 1 : réponses spontanées.
- Partie 2 : réponses assistées.
- Partie 3 : réponses vérifiées.
Pour chacune des parties, on a traduit les réponses données en objectifs tels qu'exposés à la figure 5. Pour la première partie, les réponses libres des élèves sont traduites en objectifs par le correcteur. Pour les deuxième et troisième parties, les objectifs sont tirés de a lecture des réponses (voir figure 7, figure 8 et figure 9). Pour ces deux dernières, certains objectifs étant examinés plusieurs fois, les résultats ont été normalisés.
Les réponses ont été traitées avec le logiciel d'analyse statistique SPSS [12]. Les statistiques descriptives (fréquences, moyennes, sommes et médianes, ainsi que répartition des réponses) ont permis de voir pour chaque réponse s'il y avait des différences statistiquement significatives entre les 3 classes d'élèves. Une différence était considérée si son coefficient de confidence était supérieur à 95% (coeff. du Khi carré de Pearson p < 0.05).
Validité des résultats
Les questionnaires ont été remplis soigneusement par les élèves, qui ont bien joué le jeu. Tous ont pu être analysés. L'examen des résultats n'a pas permis de déceler des incohérences dans les réponses. Les différences observées entre les résultats des classes sont aisément explicables par les différents programmes de formation suivis. Par conséquent, les résultats peuvent être considérés comme valides.
Résultats
Objectifs pédagogiques
Les résultats du sondage concernant les objectifs pédagogiques déterminés a priori sont présentés à la figure 10 ci-dessous.
Notes:
7. Objectif pas examiné dans la troisième partie.
8. Les résultats chiffrés exacts, ainsi que la façon dont les chiffres sont obtenus, se trouvent dans l'annexe, page A-15.
Réponses spontanées
Ces réponses de la première partie du questionnaire permettent de mesurer les objectifs les plus évidents pour les apprenant-e-s. Les objectifs de connaissance (obj. 1 et 3) sont les plus fréquemment mentionnés spontanément, ce qui n'est pas surprenant étant donné le titre du cours. L'application de ces notions (obj. 2 et 4), ainsi que les objectifs d'analyse et de création d'une histoire (obj. 6, 7 et 10), sont cités spontanément par la moitié des répondant-e-s. Par contre, ce qui concerne l'utilisation de techniques ou la créativité (obj. 8, 9 et 11) est très peu présent à l'esprit des élèves.
Réponses assistées
Les scores des différents objectifs sont plus élevés que pour les réponses spontanées, ce qui est habituel et normal. Seul le deuxième objectif (appliquer les théories de la narration) voit son score diminuer, pour une raison obscure. Ces réponses montrent que la majorité des objectifs semblent identifiés par les élèves. Les seuls points faibles se situent au niveau de l'application des théories et techniques (obj. 2, 4 et 8).
Réponses vérifiées
La troisième partie du questionnaire permet de vérifier si les notions identifiées par les élèves sont réellement assimilées, donc véritablement acquises.. C'est ici qu'on peut traquer un éventuel biais de convenance (voir Création d'un cours participatif : attentes et réalités#Conception du questionnaire et [11]), qui est rendu visible par un score plus grand pour les réponses assistées que pour les réponses vérifiées. On observe une telle déviation pour la connaissance des théories de narration (obj. 1), ainsi que pour l'analyse des informations et l'identification des pièges de la communication (obj. 6 et 7). Cependant, il est impossible d'attribuer cette déviation à un biais, ou à une surestimation de la part des élèves de leurs connaissances réelles.L'attribution de cette différence à un biais pourrait être invoquée sans ambiguïté dans le cas d'une différence systématique pour tous les objectifs, ce qui n'est pas le cas ici. En revanche, les apprenant-e-s se sont montrés plus habiles à appliquer les théories qu'ils le pensaient (obj. 2 et 4). Il faut noter que les résultats de cette troisième partie sont fortement influencés par la façon dont les différentes questions sont posées: les élèves ont montré une capacité plus grande à répondre aux questions impliquant de la créativité, plutôt qu'à celles portant sur des questions précises de connaissance (comme les questions 3-1 et 3-2).
Niveaux taxonomiques cognitifs
La progression des scores observée pour les objectifs se retrouve naturellement lorsqu'on examine les niveaux taxonomiques cognitifs. Pour les réponses spontanées et vérifiées, les niveaux ont été déterminés en appliquant la relation entre objectifs et niveaux (voir figure 2). Pour les réponses assistées, on a utilisé la grille de lecture de la figure 7, ainsi que la figure 8 et la correspondance entre objectifs et niveaux de la figure 2 pour les réponses à la question 2-2.
Notes :
10. Niveau atteint implicitement pour les objectifs de niveau supérieur, mais pas mesuré directement par l'un des objectifs définis.
11. Niveau pas examiné dans cette étude.
12. Les résultats chiffrés exacts, ainsi que la façon dont les chiffres sont obtenus, se trouvent dans l'annexe, page A-16.
La liaison entre objectifs et niveaux taxonomiques entraîne que les observations sont analogues avec celles faites sur les objectifs: les élèves ont plus de facilité à acquérir les niveaux application et conception, alors que connaissance et analyse sont moins forts.
Différences entre classes
Très peu de différences statistiquement significatives entre les classes ont été observées. En ce qui concerne les objectifs, la connaissance des techniques de propagande (obj. 3) est mentionnée spontanément par la majorité des élèves de CMM3, mais seulement par la moitié des élèves de GR3 et MPA3 (taux de confiance de 95%). Pour ce qui est de construire une histoire (obj. 10), plus des deux tiers des CMM3 le mentionnent spontanément, alors qu'il est peu cité par les élèves des autres classes (taux de confiance de 99.5%). Pour les élèves de CMM3 et GR3, l'utilisation des logiciels de traitement d'image semble acquise par presque tous, ce qui n'est pas le cas pour les MPA3 (obj. 8, taux de confiance 100%), qui ne bénéficient d'aucun cours à ce sujet.
Notions utiles (ou attrayantes)
L'analyse de la dernière colonne de la question 2-1 donne les résultats suivants :
Notes :
13. Moyenne des notes données par les répondant-e-s dans la dernière colonne, question 2-1.
14. Moyenne des notes des questions 2-1-2 à 2-1-5.
Ce classement donne une bonne indication sur les notions les plus utiles pour les élèves, telles qu'ils les estiment eux-mêmes. Le peloton de tête contient des notions intégratives de ce cours: identifier les mécanismes de la propagande et de la publicité, analyser les informations et construire une histoire. Les notions les plus sévèrement jugées sont celles qui sont reliées à des connaissances pures (théories de la narration selon leur nom, lois de la propagande), ou à une activité perçue par les apprenants comme pesante (tenue du journal de projet). Pour ce dernier point, il est à noter que la tenue d'un journal de bord n'est de loin pas une activité favorite des élèves, ce qui est observé également par des collègues dont les enseignements impliquent la réalisation de projets.
On constate ici que la préférence des apprenant-e-s va vers le savoir-faire plutôt que vers le savoir. En terme de taxonomie des objectifs cognitifs, ceux-ci préfèrent un niveau plus élevé: 4 et 5 pour le peloton de tête, contre 1 à 3 pour les moins aimés, la tenue du journal de projet étant à mettre à part (voir figure 7 pour la relation entre ces notions et les niveaux taxonomiques cognitifs).
Acquisition de nouvelles connaissances
Un enseignement doit permettre aux élèves d'augmenter leurs connaissances, que ce soit des savoirs, des savoir-faire ou des savoir-être. Les questions 1-1 à 1-4 examinent les objectifs (ou les notions) spontanément citées par les répondant-e-s, et sont classifiés selon leur nouveauté et leur utilité. Les résultats sont présentés à la figure 13 ci-dessous.
Notes :
15. Les résultats chiffrés exacts, ainsi que la façon dont les chiffres sont obtenus, se trouvent dans l'annexe, page A-17.
Les notions nouvelles citées spontanément sont celles ayant trait au titre de cette partie de cours, ceci très nettement (resp. 40% et 54% des répondant-e-s pour les obj. 1 et 3), et les notions exercées sont en relation (obj. 1 à 4). Les notions connues perfectionnées sont quant à elles dominées par l'application des théories de la narration et l'analyse des informations (resp. 20% et 17%). Il est également très instructif de voir que les trois notions citées spontanément comme utiles sont celles qui ont obtenu les notes les plus élevées pour l'utilité examinée à la question 2-1 (voir figure 12).
Afin de voir si les apprenant-e-s ont augmenté leur niveau de savoirs, les résultats de la question 2-1 ont été examinés. Le tableau de la figure 14 présente ces observations.
Notes :
16. % moyen des quatre théories individuelles.
17. Les résultats chiffrés exacts, ainsi que la façon dont les chiffres sont obtenus, se trouvent dans l'annexe, page A-18.
On constate que les lois et mécanismes de la propagande sont des notions nouvelles pour la majorité des élèves, tout comme les théories spécifiques de la narration. A l'inverse, les stéréotypes, la construction d'une histoire et les logiciels de traitement d'images ou de films sont bien connus, ce qui n'est pas surprenant puisque ces notions sont abordées dans d'autres cours. Malgré cela, les apprenant-e-s ont augmenté leur niveau de connaissance pour ces notions. Ceci est cohérent avec les résultats des réponses spontanées présentés à la figure 13.
Différences entre classes
Ici encore, peu de différences statistiquement significatives entre les classes ont été observées. Les logiciels de traitement d'images sont des notions nouvelles pour les MPA3, alors qu'elles ont été déjà vues pour les CMM3 et GR3… ce qui est heureux! (taux de confiance de 100%). En outre, la majorité des MPA3 et des GR3 ont augmenté leurs connaissances dans ce domaine, ce qui n'est vrai que pour la moitié des CMM3 (taux confiance = 97.1%). Tous les MPA3 ont augmenté leurs connaissances en matière de stéréotypes, ce qui n'est le cas que pour la moitié environ des CMM3 et GR3 (taux de confiance de 98.7%). Enfin, en ce qui concerne l'identification des mécanismes de la propagande, la majorité des MPA3 et CMM3 ont augmenté leurs connaissances, alors que seule la moitié des GR3 les ont améliorées (confiance = 98%).
Ces différences entre les classes sont principalement dues à la différence entre les programmes d'étude.
Enseignements tirées de cette étude
Hypothèses de travail
Hypothèse 1 : Objectifs trop ambitieux
Si l'on considère le tableau de la figure 10, on peut en effet remarquer que l'on vérifie que certains objectifs n'ont pas été atteints. En particulier, seuls 23% des apprenant-e-s sont capables de déjouer les pièges de la propagande. Un peu plus d'un tiers des élèves connaissent les théories de la narration, et l'analyse de l'information est un objectif maîtrisé par un peu moins de la moitié d'entre-eux-elles. On peut donc dire que trois des onze objectifs que s'était fixés l'enseignant n'ont pas été atteints par plus de la moitié des apprenant-e-s, vérifiant donc cette hypothèse. Comme déjà mentionné lors de la discussion théorique (chap. 4.3. et figure 1), ceci est probablement dû au fait que l'enseignant n'a pas tenu compte des caractéristiques de l'élève lors de la conception de cette partie de cours.
Hypothèse 2 : Niveaux cognitifs élevés plus difficiles à atteindre
On peut penser que la maîtrise d'un niveau taxonomique cognitif est nécessaire afin de pouvoir passer au niveau cognitif supérieur. L'examen du tableau de la figure 11 apporte un démenti à cette hypothèse. On vérifie que nos élèves ont bien assimilé les notions de niveau 3 (application) et 5 (conception), alors qu'ils ne sont qu'un peu moins des deux tiers à avoir acquis les notions de niveau 1 (connaissances) et moins de la moitié pour les capacités d'analyse (niveau 4). Les élèves semblent privilégier les réalisations à l'acquisition des connaissances théoriques de base. Ceci pourrait-il coller à la réalité? En fait, il semble douteux que cette observation soit contestée par les enseignant-e-s des branches théoriques de notre école. En effet, nos élèves sont des "fonceurs", qui vont placer la création en premier, au risque de faire l'impasse sur les connaissances de base, voire sur une nécessaire phase d'analyse préalable. Le fait que cette hypothèse ne soit pas vérifiée montre en outre une limitation de cette étude: on n'a en effet étudié que les niveaux cognitifs, en laissant de côté les composantes affectives des élèves. On pourrait citer simplement le niveau 1 concernant la volonté de recevoir (voir figure 3): nos élèves ont une certaine aversion pour toute théorie, par contre un fort élan vers la réalisation, même complexe. Il faut voir certains élèves dont l'attitude en classe montre le peu d'intérêt qu'ils ont à être assis-e-s à un pupitre, mais dont le comportement change lorsqu'il faut chercher des documents ou des informations pour réaliser le document de propagande. Ceci est en partie confirmé par les utilités attribuées par les apprenant-e-s aux différentes notions (voir figure 12): les réalisations viennent en tête, les connaissances théoriques en queue. De surcroît, l'objectif 9 (apprendre en étant créatif) est approuvé par les deux tiers des élèves, ce qui vient renforcer cette observation. Enfin, ceci est encore une fois confirmé par les réponses spontanées des élèves présentées à la figure 13.
Cette observation fait des élèves de l'EAA des cibles idéales pour la pédagogie de l'imagination créatrice, telle qu'exposée par de La Garanderie [13]. En d'autres termes, la réalisation pratique est un ensemble de "gestes mentaux" [14] qui vont permettre à nos apprenant-e-s d'assimiler les matières théoriques… dont ils ne raffolent pas. Notons, pour terminer cette discussion au sujet de cette seconde hypothèse, que la hiérarchie des objectifs cognitifs de Bloom est contesté par plusieurs auteurs (voir à ce sujet Madaus, Woods et Nuttal, cité par de Landsheere [4], section 3, chap. 1).
Le cours a-t-il atteint ses objectifs?
Si l'on ne considère que les objectifs définis a priori par l'enseignant, une partie n'a pas été atteinte, car ils semblaient trop ambitieux. En regroupant les objectifs définis a priori en quatre classes (voir figure 15 ci-dessous), on remarque que les objectifs les plus difficiles à assimiler par les élèves sont ceux ayant une partie de savoir-être (objectifs "critique"). Ce sont en outre ceux où ils-elles surestiment leurs capacités. A la vue de ce tableau, on peut quand même dire que les objectifs concernant les savoirs et les savoir-faire ont été acquis d'une manière satisfaisante.
Notes :
18. Les résultats chiffrés exacts, ainsi que la façon dont les chiffres sont obtenus, se trouvent dans l'annexe, page A-19.
Si l'on décide de mesurer le succès d'un cours à l'aune des connaissances nouvelles que les apprenant-e-s estiment avoir acquises ou améliorées, on peut dire que ce cours a fonctionné (voir figure 16 ci-dessous). Si les techniques et leur applications ne sont pas jugées comme nouvelles par les élèves, ce qui est logique pour des apprenant-e-s atteignant la fin de leur formation, les connaissances touchant la narration et la propagande sont jugées comme nouvelles. De plus, pour plus des trois quarts des élèves tous ces objectifs ont été marqués par une augmentation de leurs connaissances.
Notes :
19. Les résultats chiffrés exacts, ainsi que la façon dont les chiffres sont obtenus, se trouvent dans l'annexe, page A-20.
Conclusion
Ce travail montre les points auxquels l'enseignant-e qui conçoit une nouvelle séquence de cours doit porter une attention particulière: Il est indispensable de fixer des objectifs, de les rendre clairs et explicites pour les élèves. Pour les objectifs de nature cognitive, il faut prévoir de mesurer leur niveau d'acquisition réel par les apprenant-e-s. Les caractéristiques propres des élèves doivent être prises en compte, en particulier les composantes de type affectif, aussi bien pour la conception du cours que pour l'évaluation des connaissances acquises. Plus précisément, dans le cadre de l'EAA, un enseignant-e de branches théoriques doit intégrer le fait, vérifié par ce travail, que la réalisation concrète et l'application pratique des notions théoriques enseignées doivent être privilégiées. Ainsi, en introduisant pour les élèves la notion de plaisir d'apprendre, l'enseignant-e va générer pour lui-elle-même le plaisir d'enseigner.
Bibliographie
Ressources
Le site de Hourst : [Le mieux-apprendre].
Annexe
L'annexe est disponible en format pdf.
Ce travail a également fait l'objet d'une présentation powerpoint (aussi sous forme de fichier pdf).
Auteur : JCZwick Date : 13 juin 2007 à 14:36 (MEST)
Voir aussi Apprentissage par problème