Résumé du livre Guillemot A. & et Laxenaire M. (1997). Anorexie mentale et boulime le poids de la culture (2e éd.). Paris: Masson.

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D'emblée, Anne Guillemot et Michel Laxenaire précisent que l'anorexie et la boulimie sont des troubles pluridéterminés, sous mis à des influences tant biologiques que psychologiques ou socio-culturelles. Comme le titre de l'ouvrage l'indique, c'est ce dernier ensemble de facteurs qui y est exploré.

Historique

L'anorexie a été décrite pour la première fois comme un trouble à part entière en 1873, par deux médecins simultanément, l'un français, Lasègue, l'autre anglais, Gull. Jusque dans les années 1950, défenseurs d'une étiologie endocrinienne et partisans de l'approche psychiatrique se sont confrontés. Finalement, la conception psychiatrique a largement pris le dessus. Face à l'augmentation constante du nombre de cas d'anorexie, les écrits se sont multipliés à ce sujet.

La première description de la boulime en tant que syndrome remonte à 1932, mais jusqu'en 1960, elle a été considérée comme un épiphénomène de l'anorexie ou de l'obésité. C'est entre 1970 et 1980 qu'elle a été reconnue comme un syndrome autonome.

Dans les pays occidentaux, les troubles alimentaires prennent, dès les années 60, des allures d'épidémie. Etonnament, aucun cas de TCA n'est recensé parmi les populations noires, américaines comme africaines, jusqu'en 1980. A partir de là, des cas sont apparus, parmi les noirs américains d'abord, puis dans les couches les plus occidentalisées des populations africaines. Ils sont aujourd'hui trop nombreux pour qu'on puisse parler de cas anecdotiques. On a constaté le même phénomène au Japon, où l'apparition de premiers cas de TCA coïncident avec l'ouverture du Japon au monde occidental.

Peut-on considérer les TCA comme des maladies des sociétés modernes occidentales?

Cette hypothèse, quoiqu'intéressante est mise à mal par des descriptions historiques, parfois très anciennes, de comportements qui aujourd'hui, seraient vus comme des TCA. Ceci est particulièrement valable pour l'anorexie, la littérature théologique rapportant des symptômes similaires depuis 895 (!). Les premières mentions de la boulimie remontent quant à elles à 1708.

Guillemot et Laxenaire estiment qu'on ne peut guère décider si ces troubles relevaient ou non des pathologies actuelles, nosographie et diagnostic étant des faits culturels. En effet, des médecins ne possédant pas les schémas intellectuels pour reconnaître l'anorexie ou la boulimie ne peuvent la diagnostiquer. De même, si le public ne reconnaît pas ces troubles comme des pathologies définies, le personne qui souffre de TCA ne consultera pas spontanément un médecin ou un psychiatre. ( Voire "culture bound syndrome").

Il faut donc qu'une maladie soit socialement et culturellement reconnue pour pouvoir être diagnostiquée et donc, pour que les cas se multiplient.

Facteurs favorisant les TCA

On pourrait penser que le fait que les TCA aient été reconnus comme des pathologies et soient donc plus facilement diagnostiquées suffisent à expliquer l'augmentation des cas de TCA, laquelle serait une sorte d'illusion. Mais Guillemot et Laxenaire sont formels sur ce point: le nombre de cas a réellement augmenté. Plusieurs facteurs socio-culturels influenceraient l'avancée de ce qu'il convient d'appeler une épidémie. Parmi ceux-ci figurent l'évolution des critères de beauté féminine, indissociable du culte de la minceur, ainsi que les modifications qu'a subie notre alimentations, liées à l'abondance et la surconsommation.

On sait que jusqu'à l'aube du XXème siècle, un corps de femme se devait d'avoir des courbes pour être beau. Cependant, à la fin du XIXème, les politiques natalistes qui prônent la gymnastique pour tous conjugées au désir naissant d'émancipation féminine ont pour double effet l'abandon du corset et la pratique sportive féminine. C'est là que naît le culte de la minceur. La mode des régimes naît dans les couches supérieurs de la population, lesquelles peuvent se permettre des restrictions volontaires pour se propager ensuite à toute la population. Les femmes désirent toutes ressembler au nouveau modèle féminin que véhiculent les médias, dont Twiggy, la "brindille" des années 60 reste l'exemple parfait. De plus, le discours médical, de plus en plus axé sur la prévention du surpoids, accusé d'être la cause de tous les maux, encourage la restriction alimentaire.

De nos jours, la minceur est vue comme un signe de volonté et de maîtrise de soi-même. Elle est la nouvelle condition de la réussite sociale. Guillemot et Laxenaire soulignent que plus une femme a d'ambition professionnelle, plus elle est mince, comme si les rondeurs renvoyaient trop directement à l'image stéréotypée de la femme au foyer, maternelle mais, disons-le, peu futée. La médecine, combattant l'obésité, continue de clamer qu'il faut surveiller son alimentation et la prévention contre les TCA comporte le risque de fournir aux jeunes des "modèles prêts à l'emploi".

Si le discours actuel tend à mettre en garde contre le "trop-mager", c'est que nos habitudes de consommation ont radicalement changé en quelques années. Si la tradition veut que l'alimentation s'organise selon un modèle commensaliste (trois repas par jour, pris en communauté), l'alimentation de l'homme moderne est plutôt vagabonde (petites quantités, plusieurs fois par jour, en solitaire). D'un côté, les fast-food augmentent, l'offre de nourriture est immense, de l'autre, les idéaux esthétiques actuels et le discours médical poussent à la restriction. Face à des discours contradicatoires, l'homme n'a même plus de repères familiaux pour guider ses choix. Le régime alimentaire est devenu un choix purement individuel qui favorise toutes les délinquances alimentaires, pour reprendre une expression de Guillemot et Laxenaire.