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'''Hugonot, R. (1990). Violences contre les vieux. Toulouse : Editions érès.'''  
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(Résumé écrit par Sarah Grossniklaus)
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Dernière version du 21 juin 2006 à 13:56

Hugonot, R. (1990). Violences contre les vieux. Toulouse : Editions érès.

(Résumé écrit par Sarah Grossniklaus)


Robert Hugonot est professeur de gérontologie clinique à l’Université Scientifique et Médicale de Grenoble et conseiller scientifique du Centre pluridisciplinaire de gérontologie à l’Université des Sciences Sociales.

Le but de l’auteur est de rendre compte de l’ampleur, de la diversité et des causes du phénomène de la violence contre les personnes âgées, un phénomène qui prend le sens d’un grand fait social, culturel et moral. L’objectif du livre est de mettre fin à l’ignorance et aux tabous liés à ce phénomène.


Introduction

Le livre a été écrit suite à une « explosion médiatique » en juin 1990 qui répondait à une « lecture » de Hugonot à l’Académie nationale de médecine sur le thème des « Abus et violences contre les personnes âgées ». Ce n’était pas la première fois que ce thème était discuté dans des congrès et réunions en présence de journalistes – mais ce n’était qu’à ce moment-là que les journalistes on pris conscience de ce phénomène et l’ont exposé dans les médias, malheureusement souvent avec des données erronées.

L’auteur décrit le manque de connaissances du phénomène en France, comparé aux pays comme la Finlande, la Norvège, la Suède, le Canada et la Grande Bretagne. Selon Hugonot, le manque de témoignages et de plaintes, qui sont très rares lorsqu’il s’agit de sévices au sein des institutions, rend le débat difficile et délicat.

Le phénomène ne serait pas nouveau dans sa nature, mais par sa fréquence (augmentation des victimes et des agresseurs). L’auteur décrit la naissance d’un sentiment d’inutilité chez des vieillards dans des peuples « primitifs » et la société qui les laisse « s’effacer » sans les retenir. La violence apparaîtra plus tard (avec l’avènement de la société occidentale). Hugonot donne l’exemple de prières de vieillards de 1689, dont une prière d’un vieillard abandonné et d’un vieillard qui ne peut pas s’enfuir dans des situations difficiles. A travers des romans, l’évolution du phénomène devient également visible. Ainsi, en 1967 des quadragénaires étaient considérés comme des vieillards.

Hugonot souligne l’apparition du mot victimologie en 1956. Il considère la faiblesse des personnes âgées comme premier facteur de la victimisation. Un autre facteur serait l’augmentation des personnes entre 80 et 100 ans et en parallèle, l’augmentation des gens poussés au crime (insuffisance d’emplois). En même temps, il y aurait une diminution du sens des valeurs. La vulnérabilité des vieillards est due à plusieurs facteurs, comme leur fragilité physique, intellectuelle et psychique, l’isolement et les conditions économiques. Selon l’auteur, il n’est pas facile de saisir quantitativement le phénomène car les études ne décrivent pas toutes la même chose, il y a donc un risque de sur- ou sous-estimer la prévalence.

Hugonot montre que la définition de la violence peut varier d’un auteur à l’autre. Mais, selon lui, on utilise actuellement plutôt les mots « sévices », « abus » et « négligences ». En Norvège, le terme « sévices » désigne un acte de violence (dommages physiques et psychiques) ou une négligence grave (réduction de la santé) envers une personne de plus de 65 ans par son entourage proche. Le terme « abus » désigne des contraintes physiques ou chimiques, des abus sexuels, des violences verbales et des exploitations financières. La « négligence passive » concerne la non-satisfaction des besoins quotidiens, le manque de soins et l’attitude psychologique négative (affective et spirituelle). La « négligence active » est comparable aux « abus ».

Hugonot montre trois classifications, dont une qui a été publiée aux Etats-Unis en 1987. Cette classification ne tient pas compte de la fréquence du phénomène observé, mais regroupe les observations de plusieurs médecins :

1. Violences physiques (bleus, fractures, privation d’aliments et de boissons, sévices sexuels, douleurs provoquées) ;

2. Sévices psychologiques qui entraînent des dépressions, confusions, insomnies et peurs (p.ex. menaces, insultes, privation de sécurité, d’affectivité, de visites, enfermement) ;

3. Exploitation financière (privation de la maîtrise des ressources, spoliation de biens mobiliers et immobiliers, chèques signés par main forcée) ;

4. Sévices « médicaux » (privation de médicaments, augmentation de neuroleptiques et de somnifères) ;

5. Négligences (privation des attentions nécessaires à la santé physique et mentale, malnutrition, privation de soins d’hygiène).

En ce qui concerne la prévalence, une étude aux Etats-Unis montre que 4,7 % de 2020 personnes de plus de 65 ans sont victimes de sévices. En Norvège et en Finlande, 2 à 5 % des personnes âgées seraient brutalisées par leur famille. Hugonot souligne qu’il faut prendre en compte, quels que soient les chiffres, une sous-évaluation des cas décelés (on ne connaîtrait qu’un cinquième de la réalité). Selon l’auteur, la violence contre les vieux est « masquée » car elle est liée aux tabous et à la honte. Il souligne l’importance de prendre en compte les sévices au sein des institutions, car celles-ci accueillent souvent les personnes âgées les plus dépendantes (20 % des octogénaires). Une enquête de Tornstam en Suède montre que dans 25% des cas des soignants sont désignés comme auteurs de sévices.

Les délits de droit commun et les sévices en milieu familial Concernant les délits de droit commun, c’est-à-dire des agressions sur la voie publique ou à domicile (comme des vols et cambriolages, des sévices corporels, viols et meurtres), Hugonot souligne la vulgarisation par les médias qui diffusent souvent des récits banals.


Les sévices au sein des institutions

Selon Hugonot, le débat sur le phénomène de la violence contre des personnes âgées est encore plus difficile et délicat lorsqu’il s’agit de sévices en institution. La réalité des faits est difficile à établir et les victimes sont vite accusées de fabulation. Les observations de violences restent souvent à l’intérieur d’une institution.

L’auteur montre que la reconnaissance des sévices en institution est énormément difficile et qu’il y a une sous-estimation importante au niveau de la fréquence: manque de témoignages, dédramatisation par le personnel et parfois crainte de la famille de dénoncer la maltraitance. Hugonot dénonce les institutions qui ne licencient pas des personnels qui sont connus d’agir d’une manière inadaptée. L’auteur remarque que ceci est aussi dû à la sécurité d’emploi offerte par la fonction publique : l’administration ne pourra licencier que le personnel ayant fait des fautes répétées ou des délits de droit commun reconnu. Une solution proposée par Hugonot est l’affinement du recrutement du personnel nouveau. Il souligne l’influence de la personnalité du directeur sur la qualité d’accueil d’un établissement.

L’auteur donne une liste des sévices qui peuvent être rencontrées en institution :

1. Meurtres : selon Hugonot, ils sont avant tout commis par des soignants qui veulent diminuer les souffrances d’une personne âgée de laquelle la vie est perçue comme inutile. Parfois, les décisions d’arrêt des soins sont aussi prises en accord avec la famille, les médecins ou la personne elle-même. Mais selon l’auteur beaucoup de vieillards meurent pour des raisons imprécises et il dénonce la rareté des autopsies.

2. Manque de soins : Pour l’auteur, ceci est surtout une conséquence du manque de personnel. Il remarque qu’il est inadmissible de placer une assiette devant une personne âgée et de la reprendre sans que la personne y ait touché.

3. Langage insultant : l’auteur montre que malgré l’insistance sur le respect il arrive souvent que les personnes âgées sont traitées et appelées d’une manière impersonnelle et qu’un langage injurieux est utilisé (ceci est le sévice le plus souvent dénoncé).

4. Ligotage et barrières : Hugonot montre que des barrières et des ligotages peuvent parfois être un mal nécessaire qui doit assurer une sécurité momentanée. L’usage ne doit cependant pas être exagéré. L’auteur plaide pour une adaptation individuelle des fauteuils et pour des barrières sous forme de filets dans un cadre souple. Hugonot décrit la privation de vêtements comme moyen d’immobilisation des personnes âgées.

5. Gifles et autres : Selon Hugonot, les gifles sont souvent la conséquence d’une perte de patience d’un personnel surmené, parfois provoqué par des personnes âgées agressives ou qui répètent sans cesse la même litanie. En plus des gifles, il y a des phénomènes épisodiques comme des blessures d’une peau fragile, des fractures d’un bras et des sévices sexuels, dont les auteurs peuvent être des membres du personnel ou des autres pensionnaires.

6. Vols et spoliations : Hugonot donne l’exemple de « visiteurs » qui vont d’une porte à l’autre pour trouver une chambre d’une personne âgée qui ne peut ni se défendre ni crier au secours. Puisque, dans le cas d’hôpitaux, les portes sont ouvertes, l’administration serait impuissante et les assurances refuseraient de payer. L’auteur montre aussi qu’il y a des établissements, des agences immobilières et des familles qui s’enrichissent avec la fortune d’un pensionnaire. La richesse des pensionnaires est parfois utilisée pour équilibrer les finances d’un établissement. Un autre acte dénoncé par Hugonot est le fait que certains soignants demandent aux personnes âgées un pourboire avant de donner des soins.

7. Violences morales : L’auteur considère l’entrée dans un établissement pour personnes âgées comme une violence morale si elle est forcée et non acceptée par la personne concernée. Il remarque cependant qu’il n’y a dans la majorité des cas pas d’autres solutions et que la personne ne peut pas toujours choisir la maison de retraite. Selon des études, la conséquence d’une entrée non acceptée dans une institution est souvent une aggravation de la santé ou même un décès. En plus, les personnes âgées ne sont souvent pas prévenues de leur placement définitif. La sortie d’un établissement peut également être une violence morale, par exemple dans le cas où l’administration annonce tout à coup à la personne qu’il n’y avait plus de place disponible pour elle.


La prévention

La solution proposée par Hugonot, selon lui simple mais encore lointaine, serait l’augmentation du personnel et une meilleure formation. Puisque la formation du personnel à l’extérieur d’une institution diminuerait le nombre du personnel au travail, Hugonot propose d’inventer des formations au cours d’emploi dans l’institution même avec l’aide de médecins gériatres et infirmiers spécialisés en gériatrie. Le but de ces formations serait selon Hugonot d’avoir des personnels formés, sensibilisés et à l’écoute des familles et des personnes âgées. Selon l’auteur, il est aussi important de permettre au personnel un changement d’institution, ce qui garantirait plus de stabilité psychologique du personnel et donc la sécurité des personnes âgées. Finalement, Hugonot décrit l’importance que les familles des personnes âgées en institution s’associent afin d’avoir un pouvoir et une voix contre des établissements ou directeurs inacceptables.


Conclusion : La fin des tabous

Hugonot souligne l’importance de parler en public de l’existence de violences contre des personnes âgées et de diffuser des connaissances par rapport à ce sujet, surtout car le nombre de personnes âgées augmente et que le phénomène de la violence fera donc toujours partie de la société (phénomène qu’on devrait d’après lui présenter comme un des risques de la vieillesse d’aujourd’hui, surtout dans le cas de personnes démentes ou incontinentes). Hugonot montre qu’il faudrait organiser des structures semblables aux structures qui existent concernant la maltraitance d’enfants pour accélérer le déclenchement d’actions préventives (p.ex. des services d’accueil téléphonique). L’auteur remarque qu’il y a un vide juridique dans le domaine de la vieillesse maltraitée, il faudrait donc, selon lui, adapter la législation existante pour l’enfance. Hugonot remarque qu’il est souvent difficile pour des professionnels de réagir dans un cas de violence puisque le signalement les confronte au secret professionnel. L’auteur montre alors la formation (et surtout la formation du directeur) comme première mesure pour réduire la violence au sein des institutions. Des « conseils d’établissement », dans lesquels il devrait également avoir des représentants d’associations extérieures, pourraient permettre à mieux contrôler la situation dans des établissements. En conclusion, Hugonot montre que tous les pays de l’Europe sont concernés par le problème de la violence et qu’il faut lutter contre une banalisation du vieillissement. Il propose deux grands axes à développer, soit des recherches nationales et internationales et le redressement de la conscience collective, notamment concernant le respect de la vieillesse.