« Comprendre l'Evolution 2012 Ch12 » : différence entre les versions

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=Les relations science, philosophie, théologie=
=Les relations science, philosophie, théologie=
==Introduction==
Ce chapitre, rédigé par Bernard Feltz (professeur de philosophie des sciences à l'université catholique de Louvain), traite des relations entre '''science''', '''philosophie''' et '''théologie'''. Ces trois disciplines visent de même manière l'obtention d'un savoir, mais diffèrent grandement dans la méthodologie usée à cette fin (ce qui les a parfois mis en conflit). La théorie de l'évolution est (il faut le rappeler) encore en chantier. Cela implique que beaucoup de ses paramètres, mécanismes, et a fortiori les conclusions qu'ils engendrent, sont ouverts au débat. Il est donc très important, dans l'étude d'une théorie comme celle de l'évolution, de savoir faire la distinction entre ce qui est un raisonnement scientifique rationnel et ce qui ne l'est pas, pour se prémunir du risque de proclamer absolu quelque chose qui ne l'est pas. L'approche scientifique de la vérité se doit d'être prudente, n'hésitant pas à avouer son incertitude sur une question, et ne proclamant une certitude qu'après l'avoir vérifiée rationnellement. Ce chapitre détaille donc ce qui distingue fondamentalement les démarches scientifique, philosophique et théologique, de l'évolution de leurs mécanismes, ainsi que de certains exemples de conflits les ayant opposé.
==Quelle est la nature du conflit historique opposant science, philosophie et théologie?==
==Quelle est la nature du conflit historique opposant science, philosophie et théologie?==
Galilée, géocentrisme, approche complète de la vérité etc.
Le conflit qui oppose ces trois disciplines existe depuis la nuit des temps. Chacune prétend l'accession à la vérité, mais chacune avec des méthodes différentes, voire opposées. En effet au Moyen-Age c'était la ''théologie'' qui dominait, puisque la vérité se trouvait dans la croyance à un Etre supérieur. A cette époque, la théologie était le lieu de toute vérité et c'était au travers de cette dernière que la totalité du réel s'expliquait. L'un des exemples les plus notoires est Galilée, amenant sa "nouvelle ''science''", qui bouleversa totalement les idées reçues de l'époque. Cette nouvelle science, s'opposant de manière évidente à la théologie, représentait une menace, et entra immédiatement en conflit avec les autorités religieuses. D'une part sa thèse héliocentrique réfutait la principale base de la théologie et sa thèse géocentrique. D'autre part la méthode scientifique qu'utilisa Galilée inaugurait une toute nouvelle approche de la réalité. Puis, la philosophie amène encore une approche différente. Elle va admettre que la raison permet un ordre logique qui peut amener à la vérité, tant qu'il s'agit de données sensibles. Cependant, elle va aussi reconnaître les limites de la science, lorsque celle-ci s'attaque à la métaphysique ou à la connaissance des "''choses en soi''".
==
<Br>Chaque discipline a eu son époque de prédominance, ainsi, la théologie s'est imposée jusqu'à la fin du Moyen-Age, avant de céder progressivement sa place à la science et sa démarche rationnelle. La philosophie présente depuis l'Antiquité a elle amené du relief, tant à la science qu'à la théologie, en synthétisant et pointant les limites de chacune des deux disciplines.
 
==Qu'est-ce qui caractérise la science contemporaine au niveau de sa méthodologie ainsi que de son objectivité? ==
 
"La science a pris conscience du caractère limité de sa méthode". '''Karl Popper''', un des  plus influents philosophes des sciences du XXe siècle, voit en une théorie scientifique un facteur de ''falsifiabilité'' ( le fait que la théorie peut être réfutée par l'expérimentations) et si une théorie scientifique est mise en position de pouvoir être réfutée et passe ce test, alors son objectivité augmente. Mais attention, l'objectivité de la théorie scientifique n'est pas totale: " la science est bien un lieu d'objectivité, mais elle n'épuise pas la totalité de la réalité qu'elle étudie."  Karl Popper en évoquant le critère de réfutabilité a donc mis en avant un "critère de démarcation" entre science et pseudo-science. <br>
C'est une grande avancée dans le monde de la science d'admettre que la finalité du travail scientifique n'est pas irréfutable, que le savoir est non-absolu.
 
'''Jean Ladrière''', philosophe, pose à son tour une thèse: la méthodologie de la science est elle-même ''limitative'' de la pertinence des théories. Ce qu'il veut dire, c'est que lorsqu'on accède à une réalité par le biais d'une expérience scientifique, on accède à une réalité restreinte au sujet de l'expérience. Chaque réalité est limitée au domaine que l'expérience teste. Par exemple, lors du discours d'un physicien sur le son, la réalité n'est que partiellement dévoilée: La musique en elle même (suite de sons) dévoile de la réalité du son, une autre dimension. Il y a donc une "limitation de la pertinence du point de vue adopté". <br> La philosophie apporte donc une vision nouvelle à la science: une vision critique.
 
==Qu'est-ce que la "connaissance critique"?==
 
Jean Ladrière, après avoir démontré le fait que la science n'explique pas la réalité dans sa totalité , en arrive à un nouveau concept: la connaissance critique. <br>
"La '''connaissance critique''' est une connaissance consciente à la fois de sa pertinence et de ses limitations". <br> C'est à dire que c'est une connaissance qui n'est pas absolue: elle a des limites. Il faut donc être capable de discerner les limitations de sa pertinence pour la validé la connaissance. D'où le nom de connaissance ''critique''.
 
==Quelle est la rupture opérée par les philosophes "modernes" sur la question de l'obtention de la connaissance critique et sur celle du pouvoir de la raison dans celle-ci?==
Descartes (XVIIeme), plus grand philosophe de l'aube de l'ère moderne, relayait une image de l'Homme comme capable par la raison d'accéder à la vérité dans sa totalité. Cette thèse est remise en cause dès le siècle suivant par Kant dans ''Critique de la Raison Pure'' (première parution en 1781). Pour Kant, la science et en particulier la toute jeune science newtonienne est la démarche rationnelle par excellence. Celle-ci permet par la raison d'atteindre la vérité dans le domaine du ''phenomena'' (les choses telles qu'elles apparaissent, opposé au ''noumena'' qui désigne l'essence intrinsèque des choses), qui est apprécié par la raison par l'intermédiaire des sens. Par contre dans le domaine du ''noumena'', la raison est selon lui devant quelque chose qui la dépasse et où elle ne peut légitimement arriver à une connaissance définitive.<br>
La pensée kantienne à amené ceux qui l'ont suivi à distinguer le '''registre du savoir''' (les vérités absolues) de celui de la signification (les théories découlant de l'interprétation de celles-ci). L'usage de la raison est le même au niveau de la démarche, mais tandis que dans le registre du savoir il peut mener à une conclusion rationnelle et établir un consensus dans la communauté scientifique, il n'amène à aucune certitude dans le '''registre des signification''', mais seulement à des hypothèses privilégiées, dont le pluralisme est inévitable.
 
==Quel est le lien entre le concept de "connaissance critique" et celui de "conviction critique"?==
La conviction critique est l'équivalent, dans le domaine de la signification, de la connaissance critique dans la démarche scientifique. Même en acceptant la finitude de la raison et son impossibilité à parvenir à des conclusions définitives dans le domaine du signifié, chacun a tout de même une lecture du monde reposant sur un ensemble de significations. La conviction critique est la reconnaissance de ce paradoxe, et donc du caractère personnel de toute conviction et de leur inéluctable pluralisme. La non-acceptation du caractère relatif des convictions, et donc de leur nécessaire pluralisme, mène inexorablement à l'intolérance, voir au dogmatisme. Ceux-ci reposent sur la prétendue détention de vérité absolue (qui malgré sa fréquence dans ce milieu, n'est pas limitée à la religion) dans le domaine de la signification.
 
==De quelle double limitation provient le pluralisme théologique?==
L'approche théologique subit la même limitation provenant de la finitude de la raison que la science et la philosophie. Mais le pluralisme d'interprétation s'inscrit dans ce cas à deux niveaux. Le raisonnement théologique se base sur un ensemble de textes lui apportant ses fondations, mais dont la sélection, bien que n'étant pas infondée, ne peut provenir d'un raisonnement strictement rationnel. Il y a donc un pluralisme déjà au niveau du choix de la matière à réflexion. Ensuite, l'interprétation de ces textes faisant partie du domaine de la signification, elle n'est pas elle non plus absolue et pose une deuxième limitation à l'obtention d'un consensus. Bien que la démarche théologique puisse être considérée comme légitime, il y a donc une double limitation qui lui est inhérente.
 
==Au sein de la communauté scientifique, où se situe actuellement le débat sur la théorie de l'évolution?==
 
La théorie de l'évolution se base sur des arguments venant de plusieurs domaines ( la systématique, la paléontologie, l'anatomie comparée, l'embryologie, la génétique, la biochimie,l'analyse comparative des génomes...etc). Ces domaines ont permis d'affirmer la théorie universelle de l'évolution : "les espèces actuelles, y compris l'espèce humaine, sont le fruit d'un processus d'évolution, de transformation progressive à partir d'espèces antérieures." Tout les scientifique sont maintenant en accord sur le '''phénomène évolutif''' de la théorie. Cependant, beaucoup trouvent la deuxième dimension de la théorie, à savoir l'idée de '''sélection naturelle''', insuffisante. Beaucoup de discussions sur l'hypothèse de la sélection naturelle ont lieu: l'idée est revisitée à travers la "théorie synthétique de l'évolution" (théorie qui constitue une extension de la théorie originale de Charles Darwin, laquelle ignorait les mécanismes de l'hérédité génétique. )<br> La théorie de l'évolution est encore de nos jours "en chantier". Certains scientifiques croient que toutes les découvertes sur le déroulement de l'évolution n'ont pas été faites: Les recherches récentes en génétique par exemple, pourraient apporter de nouveaux faits.
 
==A quoi devons-nous être attentifs lorsque l'on enseigne la théorie de l'évolution, pour rester dans un cadre purement scientifique?==
 
Il est important de faire la différence entre le ''registre du savoir'' et celui ''de la signification''. Prenons un exemple vulgarisant ces deux registres : on trouve un os de membre inférieur d'un organisme dans un désert. (registre du savoir). On en déduit que cet organisme marchait / rampait / volait ( registre de la signification). "Un même savoir peut se prêter à une pluralité d'interprétations dans le registre des significations". <br> Il est aussi important que la théorie de l'évolution soit enseignée selon "le respect de la méthodologie qui caractérise la démarche scientifique". C'est-à-dire le fait d'avoir une ''connaissance critique'', d'être conscient des limites des théories... Il faut être dans une ''dynamique'' d'analyse de la réalité en fonction de la méthodologie scientifique: "les cours de sciences doivent donc comporter une approche de l'évolution des espèce en fonction des critère scientifique en cours, et en fonction de ces seuls critères".
 
==Quelles conclusions tirer concernant cette pluralité d'interprétations?==
 
La pluralité d'interprétations nous amène à avoir une vision plus large des théories de l'évolution. En effet, il serait essentiel de porter cette question au delà du cours de sciences, pour en parler lors d'autres cours évoquant la pluralité d'interprétations. On pourrait ainsi arriver à de véritables débats plus enrichissant les uns que les autres, tant par les idées philosophiques, théologiques ou scientifiques.
 
==Conclusion==
 
Certes, la science est une base essentielle lorsque l'on approche la question de l'évolution. Cependant ce chapitre nous rappelle que depuis toujours, la théologie et la philosophie ont elles aussi leurs théories et leurs visions de l'évolution.
On observe qu'il est impossible de réduire cette théorie à ''une'' interprétation, et que ce serait une erreur, puisque cela l’appauvrirait.
Ce chapitre aide le lecteur à prendre conscience que les théories de l'évolution n'ont pas pour limites la science. En effet ces théories sont discutées depuis toujours par de nombreuses disciplines, ce que le corps scientifique peut avoir tendance à oublier lors de son enseignement.
<Br>
Au niveau de la démarche rationnelle en général, ce chapitre met en évidence certaines de ses caractéristiques inhérentes. La démarche rationnelle, bien que pouvant être légitimement utilisée dans tous les domaines du savoir, ne peut aboutir à des conclusions certaines que dans le domaine du sensible, et ne mène qu'à des interprétations relatives lorsque l'on entre dans le domaine de la signification. Cela mène inévitablement à un pluralisme de convictions, que l'on se doit d'accepter.
 
==Sources==
 
===Livre:===
 
"''Comprendre l'évolution: 150 ans après Darwin''" G. Cobut, éditions De Boeck, 2009
 
===Sites Internet:===
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Popper
<br>http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Ladri%C3%A8re
<br>http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89volution_%28biologie%29
 
 
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Dernière version du 8 mars 2012 à 11:11

Les relations science, philosophie, théologie

Introduction

Ce chapitre, rédigé par Bernard Feltz (professeur de philosophie des sciences à l'université catholique de Louvain), traite des relations entre science, philosophie et théologie. Ces trois disciplines visent de même manière l'obtention d'un savoir, mais diffèrent grandement dans la méthodologie usée à cette fin (ce qui les a parfois mis en conflit). La théorie de l'évolution est (il faut le rappeler) encore en chantier. Cela implique que beaucoup de ses paramètres, mécanismes, et a fortiori les conclusions qu'ils engendrent, sont ouverts au débat. Il est donc très important, dans l'étude d'une théorie comme celle de l'évolution, de savoir faire la distinction entre ce qui est un raisonnement scientifique rationnel et ce qui ne l'est pas, pour se prémunir du risque de proclamer absolu quelque chose qui ne l'est pas. L'approche scientifique de la vérité se doit d'être prudente, n'hésitant pas à avouer son incertitude sur une question, et ne proclamant une certitude qu'après l'avoir vérifiée rationnellement. Ce chapitre détaille donc ce qui distingue fondamentalement les démarches scientifique, philosophique et théologique, de l'évolution de leurs mécanismes, ainsi que de certains exemples de conflits les ayant opposé.

Quelle est la nature du conflit historique opposant science, philosophie et théologie?

Le conflit qui oppose ces trois disciplines existe depuis la nuit des temps. Chacune prétend l'accession à la vérité, mais chacune avec des méthodes différentes, voire opposées. En effet au Moyen-Age c'était la théologie qui dominait, puisque la vérité se trouvait dans la croyance à un Etre supérieur. A cette époque, la théologie était le lieu de toute vérité et c'était au travers de cette dernière que la totalité du réel s'expliquait. L'un des exemples les plus notoires est Galilée, amenant sa "nouvelle science", qui bouleversa totalement les idées reçues de l'époque. Cette nouvelle science, s'opposant de manière évidente à la théologie, représentait une menace, et entra immédiatement en conflit avec les autorités religieuses. D'une part sa thèse héliocentrique réfutait la principale base de la théologie et sa thèse géocentrique. D'autre part la méthode scientifique qu'utilisa Galilée inaugurait une toute nouvelle approche de la réalité. Puis, la philosophie amène encore une approche différente. Elle va admettre que la raison permet un ordre logique qui peut amener à la vérité, tant qu'il s'agit de données sensibles. Cependant, elle va aussi reconnaître les limites de la science, lorsque celle-ci s'attaque à la métaphysique ou à la connaissance des "choses en soi".
Chaque discipline a eu son époque de prédominance, ainsi, la théologie s'est imposée jusqu'à la fin du Moyen-Age, avant de céder progressivement sa place à la science et sa démarche rationnelle. La philosophie présente depuis l'Antiquité a elle amené du relief, tant à la science qu'à la théologie, en synthétisant et pointant les limites de chacune des deux disciplines.

Qu'est-ce qui caractérise la science contemporaine au niveau de sa méthodologie ainsi que de son objectivité?

"La science a pris conscience du caractère limité de sa méthode". Karl Popper, un des plus influents philosophes des sciences du XXe siècle, voit en une théorie scientifique un facteur de falsifiabilité ( le fait que la théorie peut être réfutée par l'expérimentations) et si une théorie scientifique est mise en position de pouvoir être réfutée et passe ce test, alors son objectivité augmente. Mais attention, l'objectivité de la théorie scientifique n'est pas totale: " la science est bien un lieu d'objectivité, mais elle n'épuise pas la totalité de la réalité qu'elle étudie." Karl Popper en évoquant le critère de réfutabilité a donc mis en avant un "critère de démarcation" entre science et pseudo-science.
C'est une grande avancée dans le monde de la science d'admettre que la finalité du travail scientifique n'est pas irréfutable, que le savoir est non-absolu.

Jean Ladrière, philosophe, pose à son tour une thèse: la méthodologie de la science est elle-même limitative de la pertinence des théories. Ce qu'il veut dire, c'est que lorsqu'on accède à une réalité par le biais d'une expérience scientifique, on accède à une réalité restreinte au sujet de l'expérience. Chaque réalité est limitée au domaine que l'expérience teste. Par exemple, lors du discours d'un physicien sur le son, la réalité n'est que partiellement dévoilée: La musique en elle même (suite de sons) dévoile de la réalité du son, une autre dimension. Il y a donc une "limitation de la pertinence du point de vue adopté".
La philosophie apporte donc une vision nouvelle à la science: une vision critique.

Qu'est-ce que la "connaissance critique"?

Jean Ladrière, après avoir démontré le fait que la science n'explique pas la réalité dans sa totalité , en arrive à un nouveau concept: la connaissance critique.
"La connaissance critique est une connaissance consciente à la fois de sa pertinence et de ses limitations".
C'est à dire que c'est une connaissance qui n'est pas absolue: elle a des limites. Il faut donc être capable de discerner les limitations de sa pertinence pour la validé la connaissance. D'où le nom de connaissance critique.

Quelle est la rupture opérée par les philosophes "modernes" sur la question de l'obtention de la connaissance critique et sur celle du pouvoir de la raison dans celle-ci?

Descartes (XVIIeme), plus grand philosophe de l'aube de l'ère moderne, relayait une image de l'Homme comme capable par la raison d'accéder à la vérité dans sa totalité. Cette thèse est remise en cause dès le siècle suivant par Kant dans Critique de la Raison Pure (première parution en 1781). Pour Kant, la science et en particulier la toute jeune science newtonienne est la démarche rationnelle par excellence. Celle-ci permet par la raison d'atteindre la vérité dans le domaine du phenomena (les choses telles qu'elles apparaissent, opposé au noumena qui désigne l'essence intrinsèque des choses), qui est apprécié par la raison par l'intermédiaire des sens. Par contre dans le domaine du noumena, la raison est selon lui devant quelque chose qui la dépasse et où elle ne peut légitimement arriver à une connaissance définitive.
La pensée kantienne à amené ceux qui l'ont suivi à distinguer le registre du savoir (les vérités absolues) de celui de la signification (les théories découlant de l'interprétation de celles-ci). L'usage de la raison est le même au niveau de la démarche, mais tandis que dans le registre du savoir il peut mener à une conclusion rationnelle et établir un consensus dans la communauté scientifique, il n'amène à aucune certitude dans le registre des signification, mais seulement à des hypothèses privilégiées, dont le pluralisme est inévitable.

Quel est le lien entre le concept de "connaissance critique" et celui de "conviction critique"?

La conviction critique est l'équivalent, dans le domaine de la signification, de la connaissance critique dans la démarche scientifique. Même en acceptant la finitude de la raison et son impossibilité à parvenir à des conclusions définitives dans le domaine du signifié, chacun a tout de même une lecture du monde reposant sur un ensemble de significations. La conviction critique est la reconnaissance de ce paradoxe, et donc du caractère personnel de toute conviction et de leur inéluctable pluralisme. La non-acceptation du caractère relatif des convictions, et donc de leur nécessaire pluralisme, mène inexorablement à l'intolérance, voir au dogmatisme. Ceux-ci reposent sur la prétendue détention de vérité absolue (qui malgré sa fréquence dans ce milieu, n'est pas limitée à la religion) dans le domaine de la signification.

De quelle double limitation provient le pluralisme théologique?

L'approche théologique subit la même limitation provenant de la finitude de la raison que la science et la philosophie. Mais le pluralisme d'interprétation s'inscrit dans ce cas à deux niveaux. Le raisonnement théologique se base sur un ensemble de textes lui apportant ses fondations, mais dont la sélection, bien que n'étant pas infondée, ne peut provenir d'un raisonnement strictement rationnel. Il y a donc un pluralisme déjà au niveau du choix de la matière à réflexion. Ensuite, l'interprétation de ces textes faisant partie du domaine de la signification, elle n'est pas elle non plus absolue et pose une deuxième limitation à l'obtention d'un consensus. Bien que la démarche théologique puisse être considérée comme légitime, il y a donc une double limitation qui lui est inhérente.

Au sein de la communauté scientifique, où se situe actuellement le débat sur la théorie de l'évolution?

La théorie de l'évolution se base sur des arguments venant de plusieurs domaines ( la systématique, la paléontologie, l'anatomie comparée, l'embryologie, la génétique, la biochimie,l'analyse comparative des génomes...etc). Ces domaines ont permis d'affirmer la théorie universelle de l'évolution : "les espèces actuelles, y compris l'espèce humaine, sont le fruit d'un processus d'évolution, de transformation progressive à partir d'espèces antérieures." Tout les scientifique sont maintenant en accord sur le phénomène évolutif de la théorie. Cependant, beaucoup trouvent la deuxième dimension de la théorie, à savoir l'idée de sélection naturelle, insuffisante. Beaucoup de discussions sur l'hypothèse de la sélection naturelle ont lieu: l'idée est revisitée à travers la "théorie synthétique de l'évolution" (théorie qui constitue une extension de la théorie originale de Charles Darwin, laquelle ignorait les mécanismes de l'hérédité génétique. )
La théorie de l'évolution est encore de nos jours "en chantier". Certains scientifiques croient que toutes les découvertes sur le déroulement de l'évolution n'ont pas été faites: Les recherches récentes en génétique par exemple, pourraient apporter de nouveaux faits.

A quoi devons-nous être attentifs lorsque l'on enseigne la théorie de l'évolution, pour rester dans un cadre purement scientifique?

Il est important de faire la différence entre le registre du savoir et celui de la signification. Prenons un exemple vulgarisant ces deux registres : on trouve un os de membre inférieur d'un organisme dans un désert. (registre du savoir). On en déduit que cet organisme marchait / rampait / volait ( registre de la signification). "Un même savoir peut se prêter à une pluralité d'interprétations dans le registre des significations".
Il est aussi important que la théorie de l'évolution soit enseignée selon "le respect de la méthodologie qui caractérise la démarche scientifique". C'est-à-dire le fait d'avoir une connaissance critique, d'être conscient des limites des théories... Il faut être dans une dynamique d'analyse de la réalité en fonction de la méthodologie scientifique: "les cours de sciences doivent donc comporter une approche de l'évolution des espèce en fonction des critère scientifique en cours, et en fonction de ces seuls critères".

Quelles conclusions tirer concernant cette pluralité d'interprétations?

La pluralité d'interprétations nous amène à avoir une vision plus large des théories de l'évolution. En effet, il serait essentiel de porter cette question au delà du cours de sciences, pour en parler lors d'autres cours évoquant la pluralité d'interprétations. On pourrait ainsi arriver à de véritables débats plus enrichissant les uns que les autres, tant par les idées philosophiques, théologiques ou scientifiques.

Conclusion

Certes, la science est une base essentielle lorsque l'on approche la question de l'évolution. Cependant ce chapitre nous rappelle que depuis toujours, la théologie et la philosophie ont elles aussi leurs théories et leurs visions de l'évolution. On observe qu'il est impossible de réduire cette théorie à une interprétation, et que ce serait une erreur, puisque cela l’appauvrirait. Ce chapitre aide le lecteur à prendre conscience que les théories de l'évolution n'ont pas pour limites la science. En effet ces théories sont discutées depuis toujours par de nombreuses disciplines, ce que le corps scientifique peut avoir tendance à oublier lors de son enseignement.
Au niveau de la démarche rationnelle en général, ce chapitre met en évidence certaines de ses caractéristiques inhérentes. La démarche rationnelle, bien que pouvant être légitimement utilisée dans tous les domaines du savoir, ne peut aboutir à des conclusions certaines que dans le domaine du sensible, et ne mène qu'à des interprétations relatives lorsque l'on entre dans le domaine de la signification. Cela mène inévitablement à un pluralisme de convictions, que l'on se doit d'accepter.

Sources

Livre:

"Comprendre l'évolution: 150 ans après Darwin" G. Cobut, éditions De Boeck, 2009

Sites Internet:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Popper
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Ladri%C3%A8re
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89volution_%28biologie%29