La notion de "groupe" dans l'apprentissage

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Arthur Deschamps - Volée Aegir (2020/2021)

Résumé

Cet article offre un regard et une réflexion sur l'apprentissage en groupe et les différentes formes qu'il peut avoir mais aussi les enjeux, les caractéristiques et les limites qu’il suggère, cela au travers de la vision de chercheurs et la mise en lien de trois auteurs et leurs articles qui abordent entre autres cette thématique dans leurs réflexions sur l’apprentissage.

Introduction

Il est intéressant de voir qu'il y a de nombreux enjeux dans l'apprentissage en groupe. Un groupe « réunit des personnes qui veulent se mobiliser pour une cause et qui ont une cible commune. Les membres du groupe ont une telle perception de la cible qu'elle justifie et rend nécessaire la participation active de tous les membres aux actions du groupe » (Henri & Lundgren-Cayrol, 2003, p. 97, citant Damphousse, 1996, p. 24). L'apprentissage collaboratif (collaborer vs coopérer), comme le nomme Dillenbourg (2007) présente de nombreux tenants et aboutissants, que la recherche tente d'expliciter et de mettre en lumière. L'idée dans cet article est d'aborder la notion d'apprentissage en groupe et de faire apparaître des éléments significatifs qui pourraient la définir mais aussi ce que cette notion peut impliquer ou proposer en terme de dynamique.

Développement

Dans son article, "L'évolution de la recherche sur l'apprentissage collaboratif", Dillenbourg et collaborateurs (1996) nous expliquent que le groupe est devenu lui-même une unité d'analyse dans les théories de l'apprentissage collaboratif et qu'en termes de recherche empirique, l'objectif était d'établir si l'apprentissage collaboratif était plus efficace que l'apprentissage seul. Tricot (2017) dans son article traitant de la charge cognitive répond en partie à ce questionnement concernant le traitement d'une tâche complexe où le travail en groupe serait plus efficace que le travail individuel. Dillenbourg met en avant qu'il y a de nombreuses variables à prendre en considération qui influenceraient l'apprentissage en groupe, et qu'il fallait de nouveaux outils d'analyse, nécessaire à la recherche afin semble-t-il d'en mesurer l'impact et d’en récolter des données pertinentes.

Ce qui est intéressant c'est que Dillenbourg explique que jusqu'à maintenant les études avaient tendance à se concentrer sur le fonctionnement des individus dans un groupe plutôt que le groupe en lui-même, il semble évident que les caractéristiques d'un groupe ne sont pas les mêmes qu'un individu et que celles-ci peuvent avoir, un impact certains sur l'apprentissage de ces mêmes individus. Il semblerait que les aspects émotionnels et sociaux fassent partie des caractéristiques principales influençant l'apprentissage collaboratif dans un groupe. Par exemple, les tensions relationnelles et les émotions négatives associées peuvent avoir des effets préjudiciables sur l’apprentissage collaboratif (Molinari, 2017). Järvenojä et Järvelä (2013) s’intéressent à la régulation des émotions comme un processus à travers lequel les collaborateurs s’engagent conjointement pour restaurer l’équilibre socio-émotionnel et assurer la réussite du groupe.

De plus, l’environnement semble avoir toute son importance dans le travail par collaboration. Dillenbourg (1996) nous dit ainsi que "L’environnement (physique et social) n’est pas uniquement un ensemble de circonstances dans lesquelles des processus cognitifs indépendants du contexte sont réalisés. L’environnement fait partie intégrante de l’activité cognitive".

Cependant, le travail en groupe peut présenter des limites ou des contre-indications dans certaines situations comme nous l'explique par exemple Tricot (2017). Il est pertinent de proposer du travail en groupe quand l'apprentissage visé est éloigné des élèves, avec les élèves les plus en difficulté pour un apprentissage visé alors qu'avec les élèves les plus avancés pour ce même apprentissage visé, le travail individuel peut être mis en œuvre. « Quand la tâche est simple, le travail individuel est plus efficace. Dit autrement, apprendre en groupe est efficace si et seulement si le même apprentissage est trop exigeant quand il est réalisé seul ». Dillenbourg (1996), citant Salomon et Globerson, 1989 et Mulryan (1992) rejoint le propos de Tricot et dit également que dans l'apprentissage collaboratif « certains effets négatifs sont stables et bien documentés, par exemple le fait que les élèves peu performants deviennent progressivement passifs lors de de la collaboration avec des élèves très performants".

Dans sa note de synthèse s'intitulant, "l'apprentissage autorégulé : perspectives en formation d'adultes", Cosnefroy (2010) nous dit « qu’en groupe la comparaison sociale est omniprésente. Lorsqu’elle se joue en termes de différences de compétences (qui est le plus compétent, mon partenaire ou moi ?) plutôt qu’en termes de validité des jugements (quelle est la réponse la plus appropriée ?) une partie de l’attention sera captée par une interrogation sur sa propre valeur au détriment de la résolution de la tâche », il convient donc d’être vigilant à ces aspects qui suggèrent des tensions possibles au sein d’un groupe qui collabore à la résolution de taches. Pour cela, il sera nécessaire par exemple de scénariser l'activité du groupe pour « promouvoir l'interdépendance positive et la responsabilité individuelle" (Johnson & Johnson, 1989) mais aussi de structurer cette activité avec une étape initiale de socialisation.

Conclusion

En somme, Dillenbourg nous dit que la collaboration est en soi ni efficace ni inefficace. La collaboration fonctionne sous certaines conditions, et c'est le but de la recherche de déterminer les conditions dans lesquelles l'apprentissage collaboratif est efficace. Au-delà des bénéfices identifiés par Johnson & Johnson en 1989, (basé sur 470 études) comme l'apprentissage profond, la pensée critique, la créativité la persévérance, la réussite académique des comportements altruistes, une cohésion au sein de la classe et la confiance en soi ; il est évident pour moi, même si j'étais convaincu pour avoir déjà expérimenté et tiré bénéfices de cette pratique, qu’au regard des arguments avancés par les auteurs et les différents chercheurs que le travail en groupe, en collaboration (plutôt qu’en coopération), présente une réelle plus-value pour l'apprentissage, cela en association évidement avec d'autres méthodes et pratiques éducatives.

Références bibliographiques

Dillenbourg, P., Baker, M., Blaye, A. & O'malley, C. (1996). The evolution of research on collaborative learning. In E. Spada & P. Reiman (Eds) Learning in Humans and Machine: Towards an interdisciplinary learning science. (pp.189-211). Oxford : Elsevier.

Tricot, A. (2017). Quels apports de la théorie de la charge cognitive à la différenciation pédagogique ? Quelques pistes concrètes proposer pour adapter les situations d'apprentissage. Conférence de consensus « Différenciation pédagogique : comment adapter l'enseignement pour la réussite de tous les élèves ? »

Cosnefroy, L. (2010). « L’apprentissage autorégulé : perspectives en formation d’adultes », Savoirs 2010/2 (n°23), pp.9-50. L’Harmattan.

Molinari, G. (2017). « Les émotions dans les situations de collaboration et d’apprentissage collaboratif médiatisé par ordinateur », Raisons éducatives 2017/1 (n°21), pp.175-190. Université de Genève.

Molinari, G. (2020). Apprendre ensemble par la collaboration [PowerPoint]. https://tecfalms.unige.ch/moodle/pluginfile.php/34078/mod_resource/content/5/ADID1_ApprentissageCollaboratif.pdf