Création d’outils pédagogiques avec une découpeuse laser

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Création d’outils pédagogiques avec une découpeuse laser

Jusqu'à présent, la fabrication numérique a été considérée comme un médium ou sujet d’apprentissage et non pas comme une opportunité qui permettrait aux enseignants de créer des objets pédagogiques adaptés à leurs propres besoins. Après avoir élaboré cette proposition, nous discutons l’expérience de deux cours-projets. Dans le premier, les participants ont créé des « kits constructifs » à l’aide d’une imprimante 3D. Dans l’autre, les participants ont créé des « outils pour activités créatives de groupe » en utilisant une découpeuse laser. Nous nous interrogerons sur les opportunités et les difficultés offertes par ces technologies de « making » pour fabriquer des outils pédagogiques par les enseignants.

Ce texte est une version légèrement modifiée d'un poster soumis à EIAH 2017 .

La fabrication numérique grand public a été formalisée par Gershenfield [5] au début des années 2000. L’objectif de son premier « FabLab » au MIT était d’initier les étudiants à « (presque) tout fabriquer ». Caractérisé par une pédagogie par projet, une organisation « just in time » et une forte entre-aide entre élèves, ce cours a servi de modèle pour créer de nombreux « fab labs » qui partagent une charte à la fois émancipatoire et pédagogique : (1) créer et partager des solutions techniques locales pour des problèmes locaux (le « prototype » réutilisable devient alors le produit), (2) inciter les jeunes à faire de l’ingénierie et de la science sur le terrain. En parallèle du mouvement « fab lab », le bricolage est devenu branché grâce au « making » où l’on crée et partage des designs numériques dans des communautés en ligne ou dans des « maker spaces », DIY workshops, « hacklabs », « public labs », etc.

Les premiers éducateurs introduisant des technologies de fabrication dans leur classe font un lien avec le constructionnisme de Papert et ses précurseurs [1]. On reconnaît aussi l’empreinte de pédagogies libertaires telles que celles de Freire ou Freinet. Dès 2013, les premiers manuels pour enseignants apparaissent [6]. Le design et la fabrication digitale semblent être destinés aux apprenants dans le rôle de concepteur [1] [4] [9] et non pas à la fabrication sur mesure d’outils d’enseignement au sens large (pédagogique) et au sens propre (ressource), alors qu’ils ont un rôle central. Pour le didacticien Schneuwly, « un outil médiatise une activité, lui donne une certaine forme. Mais ce même outil représente aussi cette activité, la matérialise. Autrement dit: les activités ne sont plus seulement présentes dans leur seule exécution. Elles existent en quelque sorte indépendamment d'elle dans les outils qui les représentent et par là-même signifient » [8]. Les objets pédagogiques physiques ont une longue histoire dans l’éducation. Zuckerman [1] identifie trois variantes et usages de ces « manipulables » : construction et design (Fröbel), manipulation conceptuelle (Montessori), et jeux de rôle sur la réalité (Dewey). A cela, on peut ajouter la visualisation. Le potentiel de la fabrication digitale et son appropriation par les enseignants pour créer ces types d’outils pédagogiques ont été très peu étudiés, d’où cette contribution.

Nous postulons que le design et la fabrication numérique permettent aux enseignants de créer des instruments pédagogiques physiques intéressants et parfois contribuer à transformer leur pratique. Nous posons les questions exploratoires suivantes : Peut-on s’approprier les technologies de fabrication pour créer des outils pédagogiques intéressants ? Quelles sont les difficultés et les contraintes ? Est-ce que l’entre-aide vient naturellement ? Y-a-t-il une dimension transformative dans le fait de « construire » ?

2. Exploration de terrain avec deux cours pilotes

Depuis près de 6 ans, nous enseignons la fabrication numérique à des étudiants en technologie éducative. Deux cours-projets donnés aux semestres d’automne 2015 et 2016[1] intégraient les éléments suivants : des activités d’éveil technique (pièces pour un projet commun), des projets de groupe, des rapports descriptifs et réflexifs, des contributions wiki et enfin une participation à un événement pour le public.

Dans le cadre du 1er cours, les participants devaient réaliser un kit constructif, c’est-à-dire un ensemble d’éléments qui peuvent être joints pour construire un nouvel objet, en utilisant une imprimante 3D. L’objectif du second cours était de créer des « outils pour activités créatives de groupe » à l’aide d’une découpeuse laser. Les deux cours avaient la même organisation : (1) initiation à la technologie où chaque participant crée des objets simples qui s’insèrent dans un dispositif commun, (2) définition et implémentation d’un projet de design par étapes, (3) participation à la création d’une documentation commune (4) participation à un évènement/présentation hors cours.

3. Observations et perspectives

Les activités d’initiation ont révélé plusieurs difficultés : les premiers objets 3D étaient difficiles à imprimer. Adapter et fusionner des modèles 3D a été plus difficile que prévu. La manipulation de l’imprimante 3D s’est avérée problématique. La conception 2D était plus facile en soi, mais les spécificités à observer pour la gravure et la découpe ont posé des problèmes. L’utilisation de la découpeuse laser a été relativement facile. Dans l’ensemble, on constate que la technologie nécessite soit une formation dédiée suivi d’un encadrement, soit des praticiens très réflexifs. Nous avons également observé que les participants sont peu enclins à partager par écrit lors d’une tâche de design ou de fabrication. Ils contribuent plutôt vers la fin du cours pour répondre aux obligations. L’entre-aide reste conversationnelle. On confirme que la mutualisation systématique n’est pas naturelle [10] et qu’il faut activement animer une communauté en situation d’apprentissage technique si on vise une mutualisation formelle de savoirs.

La plupart des objets créés par les participants entrent dans l’une des trois catégories suivantes: des projets innovateurs à bon potentiel d’utilisation, des objets classiques « sûrs » (puzzles, modèles et mises en correspondance) et quelques projets non pédagogiques. Autrement dit, on corrobore notre hypothèse de travail que, malgré un bon nombre de challenges technologiques, la fabrication digitale permet de créer des objets intéressants, utiles et utilisables par d’autres. Certains objets ainsi que les rapports consultables en ligne montrent que le design d’outils physiques a amené les participants à penser autrement une activité pédagogique et on peut donc formuler l’hypothèse que la fabrication digitale ‑ notamment la technologie de découpe laser ‑ a le potentiel pour aider à transformer des pédagogies.

4. Références

1. Blikstein, P., Digital Fabrication and ‘Making’ in Education: The Democratization of Invention. In J. Walter-Herrmann & C. Büching (Eds.), FabLabs: Of Machines, Makers and Inventors. Bielefeld: Transcript Publishers, 2013

2. Zuckerman, O., Historical Overview and Classification of Traditional and Digital Learning Objects MIT Media Laboratory, (2006). Available at https://llk.media.mit.edu/courses/readings/classification-learning-objects.pdf

3. Zuckerman, O. Designing digital objects for learning: lessons from Froebel and Montessori, International Journal of Arts and Technology 3 (1), (2010), 124-135.

4. Walter-Herrmann J, Büching C, editors. FabLab: Of machines, makers and inventors. transcript Verlag; (2014).

5. Gershenfeld, N., A. FAB: The Coming Revolution on Your Desktop – From Personal Computers to Personal Fabrication, Basic Books, (2005).

6. Libow Martinez, Sylvia & Gary Stager. Invent To Learn Making, Tinkering, and Engineering in the Classroom. Constructing Modern Knowledge Press, (2013).

8. Schneuwly, B. Les capacités humaines sont des constructions sociales. Essai sur la théorie de Vygotsky. European Journal of Psychology of Education, (1987), 1(4), 5.

9. Blikstein, P., S. Libow Martinez & H. Allen Pang (eds). Meaningful Making: Projects and Inspirations for Fab Labs + Makerspaces, Constructing Modern Knowledge Press, (2016).

10. Hargittai, E. & G. Walejko. 'The Participation Divide: Content creation and sharing in the digital age', in Information, Communication and Society, vol. 11(2), pp. 389–408. (2008)