BASES:Cours BASES 2020-21/La réalité virtuelle dans l'enseignement et la formation

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Auteure: Marie Guillon

Mon groupe de travail

Les membres du groupe :

Gregory Yorick BAYS

Arthur DESCHAMPS

Yong Xin LAM

Axe étudié : physique/numérique.

Thème de travail : "Le flow dans les situations d'apprentissage par réalité mixte et virtuelle"

Problématique et questions de recherches

Problématique

Notre travail nous permettra d’étudier le flow dans les situations d’apprentissage dans un contexte hybride, à la fois physique et numérique (ou digital). Le flow est défini comme “un état mental atteint par une personne lorsqu'elle est complètement plongée dans une activité et qu'elle se trouve dans un état maximal de concentration, de plein engagement et de satisfaction dans son accomplissement.” (Wikipédia, 2020). Cet état de flow est de plus en plus étudié et peut être atteint dans différentes activités allant du sport aux jeux vidéos en passant par la musique. L’utilisation de plus en plus fréquente de jeux vidéo pédagogiques dans l’éducation entraîne-t-elle un développement du flow dans des situations d’apprentissage et quelles en sont les conséquences sur l’acquisition des connaissances et des compétences visées par les enseignants et formateurs ? L’atteinte de cet état pourrait favoriser les apprentissages ou au contraire distraire l’apprenant de son objectif d’apprentissage et l’empêcher de progresser.

Dans le contexte d’un apprentissage hybride à la fois physique et numérique, nous avons décidé d’étudier ce concept de flow au sein de la réalité mixte et de la réalité virtuelle qui prennent de plus en plus de place dans la formation et l’éducation. La réalité mixte regroupe aussi bien la réalité augmentée que la virtualité augmentée et correspond à toutes les technologies qui mélangent la réalité et l’environnement virtuel. La réalité augmentée permet de projeter, sous forme d’hologrammes, des images dans le monde réel. Ces projections font donc un lien entre l’espace numérique et l’espace physique autour de l’apprenant. Lors de la virtualité augmentée il n’y a pas de projection dans le monde réel mais la manipulation et l’interaction avec des objets réels ont des conséquences sur un monde virtuel. Elles permettent de créer des environnements qui s’ancrent dans le réel et qui pourraient permettre d’atteindre l’état de flow. La réalité virtuelle, quant à elle, projette l’utilisateur dans un monde complètement virtuel qui le sépare du monde physique. L’état de flow semble y être atteint plus facilement car le lien avec la réalité est déjà rompu par le dispositif.

Pour cette première étape, certains d’entre nous seront amenés à travailler sur la notion de flow dans son ensemble (définition du flow et conditions nécessaires à l’atteinte de cet état) alors que d’autres s'intéresseront à l’utilisation, dans l’éducation, de la réalité mixte d’une part et de la réalité virtuelle d’autre part.

Pour ma part, je travaillerai sur l’aspect de la réalité virtuelle, en me demandant comment la réalité virtuelle impacte-t-elle l’éducation, la formation et les apprentissages ? Dans le cadre de notre étude, il convient de bien comprendre ce qu’est la réalité virtuelle et de bien cerner les usages potentiels de cette technologie dans un contexte éducatif afin de vérifier qu’elle permet l’atteinte de l’état de flow mais aussi qu’elle peut être utilisée dans une formation avec des avantages pour le formateur et/ou pour l’apprenant.

Questions de recherche

Pour bien comprendre comment la réalité virtuelle impacte l’éducation et les apprentissages, il faut se poser plusieurs questions.

Tout d’abord, il conviendra de bien définir ce qu’est la réalité virtuelle aussi bien d’un point de vue technique et technologique qu’en décrivant les caractéristiques de l’expérience vécue par l’utilisateur. En effet, la définition de la réalité virtuelle comporte plusieurs aspects et tous les chercheurs ne s’accordent pas sur une et une seule définition. De plus, cette définition a évolué au cours du temps. Il est aussi nécessaire de bien comprendre ce que vit et perçoit l’utilisateur pour pouvoir par la suite lier ou non cette expérience au flow. Cela permettra également de chercher si ce matériel peut être utilisé ou non lors d’une action de formation. Cette question se rattache à la dimension “technologies”.

Ensuite, il serait intéressant de chercher les apports et les inconvénients de la réalité virtuelle sur les apprentissages. En quoi cette technologie est-elle intéressante pour l’apprentissage mais aussi quels sont les obstacles à l’apprentissage causés par la réalité virtuelle ? Nous chercherons à comprendre les raisons qui pourraient pousser un enseignant à utiliser cette technologie. Cette question se rapporte à la dimension “apprentissage”.

Enfin, on peut se demander comment est utilisée la réalité virtuelle en contexte de formation ? A quelles théories de l’apprentissage se rattachent un enseignement qui utiliserait de la réalité virtuelle ? Est-il possible de définir des bonnes pratiques d’utilisation de la réalité virtuelle en contexte de formation ?

Toutes ces questions se rapportent plutôt à la dimension “enseignement et pédagogie”.

Réponses aux questions de recherche

Introduction

Dès les années 90, la recherche concernant l’utilisation de la réalité virtuelle dans l’éducation se développe et tente déjà de répondre aux questions de son impact sur les apprentissages et des scénarios d’utilisations possibles en classe ou dans la formation. Utilisée depuis la fin des années 60, de nombreux chercheurs s’y intéressent. On trouve notamment McLellan (1996) pour des recherches sur les simulateurs de vols (dans Pantelidis, 2009) ou Youngblut (1998) qui rattache cette technologie au constructivisme, évoque son efficacité auprès d’étudiants à besoin éducatifs particuliers et prévoit une utilisation importante dans l’enseignement car cela est abordable, disponible et facile d’utilisation (dans Pantelidis, 2009). Dans les années 2000, la recherche se poursuit avec, par exemple, Chen (2006), Chee (2001), Dalgarno, Hedberg et Harper (2002) ou Selvarian (2004) (dans Pantelidis, 2009).

Dans le cadre de ce travail, j’ai décidé, pour comprendre l’utilisation de la réalité virtuelle dans un contexte éducatif, de m’intéresser à différentes études, articles ou ouvrages plus récents car la notion de réalité virtuelle, comme nous le verrons par la suite, n’est pas facile à définir . En effet, la technologie évoluant très vite, la définition de la réalité virtuelle évolue elle aussi.

Le point de départ de mes recherches a été l’état de l’art concernant l’apprentissage à travers la réalité virtuelle élaboré par la Direction recherche et développement sur les usages du numérique éducatif de Réseau Canopé en 2017 et rédigé par Yvon Bozec. Cette revue de littérature très complète regroupe en un seul document de nombreuses recherches effectuées dans ce domaine dans le but de trouver des informations quant à la réalisation de nouveaux outils numériques pour l’enseignement. Les articles et documents utilisés dans ce documents sont présentés au fur et à mesure autant concernant la méthodologie utilisée par les auteurs que les conclusions auxquelles ils sont parvenus.

Un nom est beaucoup revenu dans mes recherches sur la réalité virtuelle et l’apprentissage, celui de Veronica S. Pantelidis. Je me suis donc intéressée à deux de ses articles, l’un plus ancien que l’autre (1993 et 2009). La publication de 1993, intitulée “Virtual reality in the classroom”, a été publié dans “Educational technology” et propose une première approche de ce qu’est la réalité virtuelle, de ses usages généraux et au sein de la classe mais aussi des raisons qui pourraient encourager l’enseignant à utiliser cette technologie. Elle y évoque aussi rapidement l’avenir de cette technologie en contexte éducatif. Dans un article plus récent (2009), elle modère son propos en analysant différentes recherches effectuées en une vingtaine d’années. Elle présente dans cet article les avantages et les inconvénients à l’utilisation de la réalité virtuelle ainsi que des suggestions sur les thématiques et activités qui peuvent bénéficier de la réalité virtuelle. Ces deux publications ont apporté beaucoup de réponses aux sous-questions de recherche que j’avais déterminées.

Si ces trois publications étaient plutôt généralistes, je me suis aussi intéressé à deux articles avec un champ d’étude plus restreint. Ces deux articles (Radianti & al., 2019 et Jensen, 2019) sont des revues de littérature ayant suivi une méthodologie assez similaire pour sélectionner des ressources autour de la réalité virtuelle dans les apprentissages dans l’enseignement supérieur pour l’un (Radianti & al. 2019) utilisant les casques de réalité virtuelle pour l’autre (Jensen, 2019). Les deux équipes de chercheurs ont d’abord effectué une recherche par mots clés sur des databases variées à la fois interdisciplinaires et spécifiques. Chaque équipe a ainsi référencé plusieurs milliers de ressources qu’il a fallu trier en plusieurs étapes : en retirant les doublons, en affinant les critères de langue ou de disponibilité, en lisant le titre et le résumé de l’article puis en lisant le contenu. Il ne reste, après cette phase, que 21 et 38 publications qui sont ensuite analysées et dont les chercheurs organisent les propos pour répondre à leur question de recherche. Pour l’équipe de Jensen (2019), la recherche s'articule autour d’une approche centrée sur le matériel utilisé (le casque de réalité virtuel) et répond à la question : “comment l'expérience de réalité virtuelle vécue par l’apprenant affecte-t-elle les apprentissages ?”. De leur côté, Javiar & al. s’intéressent plus particulièrement à l’utilisation de la réalité virtuelle dans l’enseignement supérieur et tentent de répondre aux questions suivantes : “comment la réalité virtuelle immersive est utilisée dans l’enseignement supérieur ?”, “Quels sont les éléments de design, les contenus d’apprentissage et les technologies immersives qui permettent un apprentissage basé sur la réalité virtuelle ?”, “Quelles sont les théories de l’apprentissage qui peuvent s’appliquer et guider la conception d’applications en réalité virtuelle ?”, “Comment est évalué l’apprentissage avec la réalité virtuelle ?” ou encore “Dans quels domaines d’études supérieures peut s’appliquer l’enseignement avec de la réalité virtuelle ?”. Ces deux publications, bien qu’elles ne traitent que certains aspects de la réalité virtuelle ou de l’enseignement et la formation, ont des questions de recherche très proches de celles que j’avais identifiées.

Deux articles courts et spécifiques (ne me permettant de répondre ou compléter qu’une sous-question de recherche) viennent s’ajouter à ces ressources (Krokos al., 2019 et Roger, 2019) et seront présentés par la suite.

J’utiliserai donc toutes ses ressources pour essayer de comprendre comment la réalité virtuelle impacte les apprentissages, l’éducation et la formation. Je définirai d’abord ce qu’est la réalité virtuelle autant du point de vue du matériel utilisé que de ces caractéristiques sur l’expérience vécue par l’utilisateur. Ensuite, j’essaierai de comprendre pourquoi la réalité virtuelle peut être intéressante dans l’apprentissage en citant les avantages et les inconvénients de cette technologie pour l’apprenant et pour l’enseignant. Enfin, si cela est possible, nous verrons les usages de la réalité virtuelle dans l’éducation et la formation.

Nous utiliserons souvent l’abréviation RV pour parler de la réalité virtuelle.

Qu’est-ce que la réalité virtuelle ?

Historique

Avant de chercher à comprendre ce qu’est la réalité virtuelle, il convient de comprendre d’où elle vient et de visualiser son évolution. Si Pantelidis (1993) définit les premiers dispositifs comme ceux reproduisant avec réalisme l’intérieur d’un cockpit, les Link Trainers, sortis entre 1927 et 1929, d’autres comme Bozec (2017) placent les prémices de ces technologies en 1957 avec la sortie du “telesphere Mask”, des lunettes inventées par Morton Heilig assez proches de nos modèles actuels. S'ensuivent différentes inventions :

  • Le “sensorama” développé par Heilig en 1962 qui enrichit l’expérience avec une machine complète générant des vibrations et du vent.
  • "L'épée de Damoclès” développée par Ivan Sutherland en 1968 qui était un casque très lourd soutenu par une armature en métal.
  • Dans les années 70 sortent le videoplace, développé par Myon Kruger qui permet la détection de mouvements et l’Aspen Movie Map développé au MIT (Massachusset Institute of technologies) qui permet une simulation de conduite au travers d’une station de ski (Pantelidis, 1993).
  • Dans les années 80, donnant lieu à une collaboration en 1986, Thomas Zimmerman et Jaron Lanier sortiront les “datagloves” (gants permettant d’interagir avec un monde virtuel) pendant que Scott Fisher développera le VIVED (casque de RV).
  • En 1984, Michael McGreevy, chercheur à la NASA, inventera des lunettes qui permettent de regarder un monde généré sur un écran d’ordinateur (Pantelidis, 1993).

On se rend compte que le terme de réalité virtuelle fait référence à de nombreuses technologies très variées allant du simulateur aux casques de réalité virtuelle en passant par des mondes 3D virtuels générés par ordinateur.

Jensen (2018) ira même plus loin, en évoquant que la RV fait référence aussi bien au Sensorama que décrit Bozec (2017) mais aussi les mondes virtuels en ligne (comme Second Life), les MMORPG (massive multiplayers online role playing games) comme le très connu World of Warcraft, les simulateurs de chirurgies, la technologie CAVE (cave automatic virtual environment, sortie en 1992) ou encore les plus récents casques de réalité virtuelle (appelé en anglais head-mounted Displays ou HMD).

Définitions

Il est impossible de donner une définition unique de la réalité virtuelle. Elle est définie en 1992 par Steuer comme un environnement réel ou non dans lequel le spectateur a le sentiment d’être présent (dans Bozec, 2017). Pantelidis, en 1993, la définit comme un environnement multimédia, interactif, informatisé dans lequel l’utilisateur devient un participant de ce monde virtuel. Deux ans plus tard, Bell et Fogler y voit une interface informatique avec une immersion importante, crédible et qui permet l’interaction dont le but est de faire croire à l’utilisateur qu’il se trouve vraiment dans cet univers virtuel généré par ordinateur. Idéalement, l’utilisateur ne doit pas être capable de déterminer s’il vit une simulation ou la réalité.

De nombreuses autres définitions s’ajouteront à celles-ci avec plus ou moins de similitudes mais aussi de nouveaux aspects.

Ainsi, en 2003, Giraldi & al. notent une incohérence dans les définitions de la RV (dans Bozec, 2017). Si la notion d’immersion apparaît dans de nombreuses définitions, elle vient parfois à disparaître, au profit d’environnement 3D laissant entrevoir le monde réel. Il y aurait donc, pour la réalité virtuelle, des technologies immersives et d’autres non-immersives. Radianti (2020) tente de les catégoriser bien qu’il note qu’une ambiguïté persiste. La répartition des technologies dans les deux catégories est présentée dans le tableau 1. Les technologies immersives sont principalement des casques de RV haut de gamme (Oculus, Vive) auxquels s’ajoutent des “controllers” pour interagir ou bas de gamme (Samsung gear, Google cardboard).

Tableau 1 : Liste non-exhaustive des technologies de RV classées selon leur caractère “immersif” ou non.
Technologies Immersives Technologies Non-immersives
Oculus

Vive

Samsung gear VR

Google cardboard

Samsung odyssey

360 degree videos

Desktop VR

CAVE

Panoramic video

Dans la suite de cette production, le terme RV (réalité virtuelle) fera référence à la réalité virtuelle immersive qui répond à un certains nombres de critères définis par Giraldi & al. (2003 dans Bozec, 2017).

Dans toutes les définitions données par les chercheurs trois notions apparaissent comme fondamentales : l’immersion, la présence et l’interactivité (Jensen, 2018 Radianti, & al. 2020). Ces notions sont très bien définies dans l’état de l’art rédigé par Bozec (2017). Nous en donnerons ici une définition rapide car ce sont des éléments fondamentaux pour comprendre l’intérêt de la RV dans les apprentissages.

L’immersion peut être définie comme une “expérience d’utilisation d’une technologie immersive qui échange des informations sensorielles du monde réel (input) avec des informations sensorielles générées digitalement (output).” (Jensen, 2018). Mais plusieurs chercheurs notent deux manières différentes de définir la notion d’immersion (Burkhardt, 2003 dans Bozec, 2017 et Radianti & al., 2020). D’un côté, l’immersion serait une notion objective définie par la technologie elle-même. Ce serait une donnée mesurable qui prend en compte le degré d’exclusion de la réalité, la gamme des modalités sensorielles, la taille de l’environnement alentour, la résolution et la précision du dispositif. De l’autre, l’immersion serait une notion subjective basée sur le ressenti de l’utilisateur. Elle correspondrait à l'état psychologique dans lequel l’utilisateur perçoit une isolement du monde réel. Le degré d’immersion pourrait alors varier d’un individu à l’autre. Il est important de comprendre que dans cette définition, un environnement immersif il y a vingt ans ne le serait plus aujourd’hui, les capacités des technologies ayant évoluées de même que l’exigence de l’utilisateur.

La présence est notamment définie par Jensen (2018) et Radianti (2020) comme étant une réaction à un environnement virtuel où l’on fait l’expérience (notre cerveau et notre système nerveux) d’être dans cet environnement comme si nous étions dans un environnement réel.

Enfin, l'interactivité est le degré auquel l’utilisateur peut modifier l’environnement virtuel en temps réel. Il utilise pour cela des interfaces sensorielles et motrices (Bozec, 2017 et Jensen, 2018). On peut citer différentes catégories d’interactions telles que la navigation, la sélection, la manipulation ou le contrôle d’application (via des menus).

Pour résumer, on peut dire que la RV est l’expérience de mettre un utilisateur dans un environnement virtuel généré par un ordinateur. Cet utilisateur aura ainsi l’impression d’être vraiment dans cet environnement et pourra agir sur celui-ci à l’aide de gestes, d’informations motrices. En réponse, le système informatique apportera à l’utilisateur des informations sensorielles (aussi bien visuelles que sonores) qui renforceront l’immersion. A terme, l’utilisateur en oubliera sa présence dans le monde réel.

En quoi la réalité virtuelle favorise-t-elle ou fait-elle obstacle aux apprentissages ?

D’après les différentes recherches étudiées, malgré quelques inconvénients que nous évoquerons par la suite, la RV semble avoir de nombreux avantages pour l’éducation et des conséquences positives sur les apprentissages.

Pourquoi est-il intéressant d’utiliser la RV en éducation ? Quels sont les bénéfices pour l’apprentissage ?

Avantages pour l’apprenant

Les avantages pour l’apprenant sont nombreux : augmentation de la motivation à travailler et de l’implication, visualisation d’objets ou de situations impossibles à voir autrement, amélioration des performances en résolution de problèmes, apprentissage sous des formes très variées permettant de correspondre à chacun ou encore amélioration des performances affectives et sociales. De nombreuses raisons peuvent inviter les enseignants et les formateurs à inclure la réalité virtuelle dans leurs enseignements.

Beaucoup de chercheurs s’accordent sur l’aspect motivationnel de cette technologie. La RV par ses caractéristiques d’interactivité; de présence et d’immersion que nous venons d’évoquer, favorise la motivation des apprenants (Huang, Rauch & Liaw, 2010 dans Bozec 2017). L’immersion, impliquant une action de l’apprenant et une expérimentation personnelle des phénomènes étudiés, est aussi perçue comme créateur de motivation pour Dede (1996 dans Bozec, 2017) Le côté ludique de cette technologie suscite de l’intérêt et de l'enthousiasme (Burkhardt dans Bozec 2017). Pantelidis (2009) ajoute à cet aspect motivationnel et à l’attitude favorable des étudiants envers cette technologie, un avantage sur le maintien de l’attention dans la tâche à effectuer.

Mais, même si la motivation est un facteur important dans l’apprentissage, il n’est pas suffisant pour justifier l’utilisation d’une telle technologie.

La RV présente aussi des avantages sur les points de vue adoptés et les perspectives possibles pour étudier un objet, un lieu ou encore un phénomène. Elle permet de visualiser des choses qui seraient impossibles à voir autrement et qu’une simple image ou un texte ne peut représenter. Cet aspect est notamment important pour l’enseignement à des personnes en situation de handicap qui ne peuvent pas toujours expérimenter certaines situations ou observer les choses comme les autres. La RV a donc un rôle important à jouer dans l’éducation inclusive (Pantelidis, 2009).

Cette visualisation est évoquée par Dede (1996, dans Bozec, 2017) qui explique notamment que la RV permet un changement de perspectives pour étudier les situations aussi bien d’un point de vue égocentrique (à la première personne), qui favorise l’immersion et l’incarnation, que d’un point de vue exocentrique (à la troisième personne) pour pouvoir prendre de la distance par rapport à l’objet d’étude. Pantelidis (2009) note également cette possibilité d’examiner un objet à différentes échelles : aussi bien d'extrêmement près que d’une lointaine distance. La RV permet donc d’étudier des objets trop petits ou bien trop grands pour être observés à l’oeil nu mais elle est aussi très utile pour travailler sur des situations ou objets qui pourraient être dangereuses ou peu éthiques (Jensen & al., 2018). Cependant, l’équipe de Jensen note que la RV n’est utile que dans les tâches qui impliquent un contenu complexe, en trois dimensions et dynamique. Sinon, cela peut tout aussi bien être étudié avec un logiciel de bureau sur un ordinateur. Dans son étude, il note que les casques de réalité virtuelle ont un impact positif pour retenir et comprendre des aspects visuels et spatiaux d’un endroit (Jensen, 2018). Enfin, Dede (1996, dans Bozec, 2017) note que la RV permet aux apprenants de mieux comprendre les concepts difficiles par la stimulation multisensorielle qu’elle permet.

Cet aspect multisensoriel ainsi que l’immersion et l’interactivité, vont créer des expériences individuelles au sein de la RV et permettre de toucher des apprenants de différents types : actifs, visuels, inductifs et globaux (Bozec, 2017). Chacun pourra faire cette expérience d’apprentissage à son propre rythme (Pantelidis, 2009). A ce propos, Bozec (2017) affirme que la RV permet la transmission de connaissances et de compétences à un plus grand nombre d’apprenants qu’un enseignement traditionnel. En effet, il met cette technologie en lien avec la taxonomie de Bloom, et relève que la RV permet de répondre à plus d’objectifs pédagogiques nécessaires pour l’apprentissage.

Malgré une individualisation de l’apprentissage au sein d’une expérience de RV, cela n’empêche pas la collaboration. Elle peut notamment se faire via des avatars et permet par exemple, de mettre en place un enseignement par paire ou du tutorat au sein de la RV, ainsi un apprenant peut enrichir son expérience avec celle des autres. (Dede, 1996 et Huang & al., 2010, dans Bozec, 2017). Une équipe de recherche (Lok & al. 2006, dans Bozec, 2017) a aussi travaillé sur les compétences de communication en médecine avec et sans la réalité virtuelle. Il apparaît que la RV permet de simuler des interactions sociales et d’enseigner les compétences affectives nécessaires pour gérer des patients réels. Jensen et son équipe (2018) concluent eux-aussi à une meilleure acquisition des compétences affectives avec un casque de réalité virtuelle, à condition qu’il y ait une forte interactivité (notamment avec les intelligences artificielles). Enfin, une dernière étude indique que les apprenants avaient tendance à poser plus de questions et à chercher plus d’aide lorsqu’ils travaillaient avec un environnement de réalité virtuelle immersif plutôt qu’avec une présentation (Limniou et al., 2013, dans Bozec, 2017). Ce dernier point pourrait être relié à un autre avantage de la réalité virtuelle : l’immersion permettrait aux apprenants d’avoir une meilleure confiance en leurs capacités. En occultant la réalité, l’élève en oublie ses performances habituelles et libère son véritable potentiel (Bozec, 2017).

Parmi les autres avantages de la réalité virtuelle, on peut notamment citer : l’amélioration de l’imagination des apprenants, l’acquisition de connaissances avec des efforts cognitifs moins importants ou encore la progression des compétences en résolution de problèmes (Huang & al., 2010, dans Bozec, 2017) . Mais l’un des aspects qui n’a pas encore été évoqué est l’impact de la RV sur la mémoire.

Dans son état de l’art, Bozec (2017) évoque une étude réalisée par Schmoll en 2013 qui montre que la mémorisation du langage spatial (lors que l’apprentissage d’une langue étrangère) est meilleure lorsque celui-ci se fait dans un environnement virtuel immersif. Il ne note cependant pas d’amélioration sur la mémorisation à long terme. Cet avantage est aussi démontré dans une étude réalisée par Krokos et son équipe en 2016. Dans ce travail, l’équipe teste la mémorisation de visages avec RV ou sur un ordinateur de bureau. Ils se basent pour cela sur le palais mémoriel, habituellement simplement mental, qui améliore les capacités de mémorisation. On montre aux participants deux scènes sur les deux médias différents avec des lots de visages différents. Ces scènes représentent une pièce (le palais mémoriel) où sont disposés les visages. Les participants pouvaient bouger la tête mais pas se déplacer. Après une phase de mémorisation, il était demandé aux participants de replacer les visages dans la pièce. A l’emplacement des visages, apparaissait maintenant un nombre et ils devaient oralement donner l’association : nombre / nom du visage. Finalement, le casque de réalité virtuel s’avère plus efficace pour retenir ces informations avec une amélioration de presque 9% par rapport à l’ordinateur. La RV apparaît donc comme un bon moyen d’aider les apprenants à retenir des informations.

Avantages pour l’enseignant

Si, comme on vient de le voir, les avantages pour l’apprenant sont nombreux, il en existe aussi pour les enseignants qui souhaiteraient utiliser cette technologie. Ainsi, Burkhardt (2003, dans Bozec, 2017) note quatre avantages majeurs :

  • La possibilité d’enregistrer les données et de suivre la progression de l’apprenant,
  • L’enregistrement permet aussi la relecture des séquences et donc l’identification des difficultés rencontrés par l’apprenant et de lui apporter le soutien nécessaire,
  • Cet enregistrement permet également de pouvoir faire revenir l’apprenant à des étapes critiques et de lui faire expliquer son raisonnement ou verbaliser la procédure,
  • Enfin, le parcours de l’apprenant peut-être préparé en avance et individualisé en fonction de ses capacités.

Quels sont les obstacles à l’utilisation de la RV dans l’éducation et la formation ? Quels sont les effets néfastes sur l’apprentissage ?

Les obstacles à l’utilisation de la RV dans l’éducation et la formation évoqués par les différents chercheurs sont assez similaires. Le premier obstacle est le coût du matériel mais aussi celui du développement de contenus pédagogiques (Bozec, 2017, Jensen & al., 2018 et Pantelidis, 2009). L’équipe de Jensen (2018) note sur ce manque de contenus qu’il faudrait que les enseignants puissent le créer comme ils le souhaitent et que cela se démocratise avec le développement de vidéos à 360 degrés faites par des enseignants. Mais ces vidéos ne rentrent pas dans la définition de la RV que nous avons déterminée car elles ne permettent pas d’interactions. Le niveau technique requis pour utiliser ces technologies est aussi plutôt élevé (bien que le matériel plus récent soit plus facile d’utilisation). Ainsi, sans formation adaptée, les enseignants n’ont souvent pas les compétences requises pour l’utilisation de la RV et cela demande du temps de tous les former (Jensen, 2017 et Pantelidis, 2009). Enfin, ces deux chercheurs mettent en avant les problèmes de santé que cela peut provoquer chez l’utilisateur. Cette technologie peut par exemple être source de nausées, de sécheresse oculaire ou de maux de tête (cybersickness) chez certains.

Jensen et ses collègues sont les seuls à mettre en évidence des effets néfastes sur les apprentissages. Ils évoquent notamment que l’expérience d’immersion dans une réalité simulée peut prendre le dessus sur les acquisitions de compétences (notamment les compétences cognitives).

Quand et comment peut-on utiliser la réalité virtuelle de manière efficace dans l’éducation et la formation ?

Il y a actuellement un grand intérêt pour les technologies de RV immersives dans le monde de la recherche. Pourtant, peu d’articles développent comment l’enseignement avec la RV peut être mis en place et les recherches qui donnent des conseils de conception se basent très peu sur les théories de l’apprentissage (Radianti, 2019). On peut tout de même noter que cette technologie est particulièrement utilisée dans certains domaines et trouver quelques conseils pour utiliser la RV dans l’enseignement.

Exemples de domaines d’applications

Sans entrer dans les détails, on trouve de nombreux articles présentant des exemples d’applications de l’utilisation de la RV dans l’enseignement ou la formation dans des domaines spécifiques. J’utilise ici un article publié dans Forbes en mars 2019 et écrit par Sol Rogers intitulé : “Virtual Reality: THE Learning Aid of the 21st Century”. Basés sur plusieurs études réalisées par des universités américaines, il y liste quelques domaines d’application. On trouve notamment l’anatomie, les catastrophes naturelles (empathie envers les victimes), l’histoire, la biologie marine, les mathématiques et de manière plus globale “le monde autour de nous”. Radianti (2019) ajoute à cette liste les domaines de l’ingénierie et de l’informatique.

Les conseils donnés aux enseignants et formateurs

Parmi les ressources étudiées, deux donnent des conseils sur l’utilisation de la RV en contexte éducatif. On trouve notamment Pantelidis (2009) qui donnent quelques situations dans lesquelles il peut être intéressant d’utiliser la RV et d’autres où il ne vaut mieux pas l’utiliser et Bozec (2017) qui donne des préconisations en se basant sur différentes études.

En rapport avec les avantages de la RV énoncés plus haut, Pantelidis (2009) note que l’on peut utiliser la RV quand enseigner autrement peut être dangereux, impossible (trop grand, trop petit ou trop éloigné par exemple), peu pratique ou difficile. On peut aussi l’utiliser pour motiver les élèves et rendre une tâche plus agréable, lorsqu’une simulation est nécessaire ou possible et que la tâche à accomplir à besoin d’un réalisme important. Cela peut aussi être utilisé lorsqu’une visualisation des informations est importante et qu’une interaction avec ces informations peut être intéressante. Elle met en avant que l’utilisation de cette technologie est particulièrement recommandée pour donner la possibilité à des personnes en situation de handicap d’expérimenter et de réaliser des activités qu’ils ne pourraient pas faire autrement.

Mais dans cet article, elle donne aussi des situations dans lesquelles il n’est pas utile d’utiliser la RV. Ainsi, elle le déconseille lorsque l’univers ou l’expérience en RV proposé à l’apprenant peut être éprouvant aussi bien physiquement que psychologiquement ou lorsque la simulation est “trop” réaliste et que l’apprenant peut en venir à confondre virtuel et réel (même en dehors de la séance d’apprentissage). Elle n’encourage pas non plus l’utilisation de la RV lorsque le rapport entre le coût de cette technologie et les objectifs d’apprentissage n’est pas intéressant, c'est-à-dire si l’objectif est simple et peut être atteint autrement, l’utilisation de la RV n’est pas "rentable". Enfin, elle précise que cela n’est pas utile lorsque des interactions avec d’autres personnes sont nécessaires. Ce dernier point peut être discuté au regard des autres recherches (Dede, 1996, Huang & al., 2010, et Lok & al. 2006 dans Bozec, 2017) effectuées sur le sujet et évoquées précédemment.

Finalement, elle évoque dans cet article un modèle servant à déterminer quels sont les objectifs, au sein d’une séquence d’apprentissage, qui peuvent bénéficier de l’utilisation de la RV. Ce modèle est constitué de 10 étapes qui permettent de se poser les bonnes questions dans le bon ordre et ainsi conclure sur l’utilisation ou non de la RV dans la formation ou la séquence d’apprentissage considérée. Ce modèle est utilisé depuis 1995 et a été créé pour s’adapter aux évolutions des technologies de RV (d’après l’auteur).

Au-delà des situations et objectifs d’apprentissage pour lesquels l’utilisation peut-être intéressante, on trouve dans l’état de l’art de Bozec (2017), des recommandations à suivre quant à la conception ou au choix des applications de RV à utiliser pour l’enseignement. Ces recommandations sont issues de différentes études réalisées par Lok (2006), Dede (1996), Bell et Folger (1995) et Huang et son équipe (2010). On retrouve par exemple :

  • Utiliser plutôt une voix réelle qu’une voix synthétique,
  • Utiliser des commandes multimodales aussi bien via les gestes que la voix avec un contrôle virtuel ou physique,
  • Eviter de mettre des textes à lire pour donner des informations car cela pourrait ne pas être facile à lire selon le point de vue et casse l’immersion ou alors le texte doit être présenté sur un objet virtuel (une tablette, une lettre …) qui fait sens dans le contexte,
  • Pour le déplacement, proposer la téléportation entre différents endroits ou donner des indications visuelles aidant l’apprenant à se repérer car il peut être difficile de s’orienter dans l’environnement virtuel.
  • Préférer l’utilisation d’un joystick ( ou de périphériques spécifiques) plutôt que le clavier lors de l’utilisation d’un casque de RV.

Il note également quelques conseils pour l’organisation des séquences d’apprentissage utilisant la réalité virtuelle. Il serait préférable d’échelonner les utilisations de la RV sur plusieurs séances car cela est fatiguant et peut entraîner une surcharge cognitive et donc une fatigue importante chez l’utilisateur ce qui pourrait avoir un impact négatif sur l’assimilation des connaissances apprises. Il faut également adapter la manière de donner son cours. Immergé dans un environnement virtuel, un élève ne peut pas répondre aux sollicitations de l’enseignant de la même façon qu’en cours ordinaire. Il n’est pas non plus en mesure de regarder une feuille de papier avec des consignes sans avoir à ôter le casque ou le matériel utilisé (Dede et al., 1996 dans Bozec, 2017).

Discussion

Grâce à l’étude de ces publications, nous avons essayé de répondre à la question “comment la réalité virtuelle impacte-t-elle l’éducation, la formation et les apprentissages”.

Nous avons vu que cette technologie avait un impact plutôt positif sur l’éducation et la formation et permettait de meilleurs apprentissages malgré un coût élevé aussi bien pour le matériel que pour le développement de contenus ou encore pour la formation des enseignants.

Les bénéfices de la RV sont une motivation accrue pour entrer et rester dans la tâche, une aide à la visualisation d’objets ou de situations selon différentes perspectives ou qui ne pourrait pas être observés autrement car ils sont trop grands, trop petits, dangereux ou contraire à l’éthique. On trouve aussi une individualisation du processus d’apprentissage et d’acquisition de compétences, une meilleure acquisition de compétences affectives et sociales, une meilleure résolution de problèmes complexes et compréhension de concepts abstraits mais aussi un enregistrement des sessions d’apprentissages ouvrant de nombreuses possibilités à l’enseignant (verbalisation de l’élève, adaptation du parcours de formation par exemple).

Nous avons également évoqué que la RV pouvait être utilisée dans différents domaines allant des sciences à l’histoire en passant par l’informatique ou encore l’apprentissage du monde autour de nous. Des recommandations sont à prendre en compte pour l’enseignant qui souhaiterait investir dans cette technologie et l’inclure dans son enseignement. Il faut ainsi prévoir des séances d’utilisations courtes mais régulières et adapter ses modalités d’enseignement en pensant aux incapacités que la RV peut créer (de lire des consignes ou d’entendre ce qu’il se passe). Pour la conception de contenus, il faut penser à de nombreux éléments tels que le choix de la voix, les commandes, les déplacements ou la présentation de textes par exemple.

Finalement, la RV semble pouvoir tenir une place importante dans l’éducation et pourrait se démocratiser dans les années à venir au sein des établissements. Cependant, il est important de continuer la recherche notamment sur les théories de l’apprentissage que supporte cette technologie. Il faut aussi, et c’est ce qui arrive en ce moment, que la RV devienne plus abordable et accessible.

Références