Entretien avec un éducateur de la Clairière : réponses aux questions.

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CONTEXTE

-Pouvez-vous nous parler un peu de la Clairière, comment elle se présente?

La Clairière est un établissement de détention pour mineurs à Genève. Il est constitué d'un secteur préventif et un secteur d'observation. Les deux secteurs fonctionnent selon un mode distinct mais ils sont soumis à l'autorité d'une même direction en bénéficiant d'une même unité administrative. Je travaille dans le secteur préventif de la Clairière. Il a été ouvert en 2005, à la suite de la reconnaissance par l'Office fédéral de la justice d'un besoin de 14 places supplémentaires à La Clairière. On accueille des mineurs ayant commis un acte punissable par la justice et âgés de 10 à 18 ans ou des jeunes majeurs soupçonnés d'infractions durant leur minorité. La Clairière dispose de 14 places individuelles de détention avant jugement. La durée du séjour est comprise entre 1 à 7 jours dans le cadre de la détention provosoire et 8 à 30 jours ou plus dans le cadre d'une prolongation prononcée par le Tribunal des mesures et contraintes. Pour les mandats d'exécution de peine, la durée est en fonction du jugement prononcé par les autorités. Par son concept éducatif, le secteur préventif prévoient que les mineurs placés avant leur jugement bénéficient d'une prise en charge appropriée, conforme aux objectifs de protection et d'éducation. Le secteur préventif répond à un double défi: d'une part, il doit gérer une privation de liberté dans le cadre d'un mandat prononcé par la justice pénale et canaliser le sens du signal social fort à l'intention des mineurs qui sont passés à l'acte. D'autre part, il s'agit d'oeuvrer à la protection des mineurs en déployant une action éducative, durant le séjour relativement court, induit par une détention avant jugement. Le secteur préventif accueille des mineurs placés en détention provisoire en application avec l'article 27 par le tribunal des mineurs. Exceptionnellement, ce secteur acccuille aussi des mineurs en execution de peine selon l'article 25, ainsi que des mineurs sous mandats de mesure disciplinaire. Le secteur préventive de La Clairière n'accepte pas de placements civils et comme le reste de l'institution est mixte.

La détention provisoire a pour but :

-de tenir le mineur à disposition de la justice

-de palier au risque de fuite,

-de palier au risque de collusion,

-de palier au risque de récidive,

-de permettre le déroulement de l'enquête,

-d'offrir aux mineur un lieu de détention adapté à leurs besoins psychiques et éducatifs.


Ainsi par le biais d'un accompagnement permanent, la mission du secteur préventif repose sur l'aide sous contrainte à la personne. Encadrer, contenir et favoriser la réintégration sociale des mineurs incarcérés sont des composantes fondamentales de la mission du secteur où je travaille.


-Qui prend les décisions? Qui décide de l'organisation de la maison?

La Clairière est une structure avec un directeur et 2 chefs de secteur: un pour la préventive et l'autre pour l'observation. Les éducateurs sont au nombre de quinze. Les gardes de la prison de Champ-Dellon y exercent la sécurité ou agissent lors d'interventions physiques. Chaque professionnel a un rôle défini. Dans l'action, c'est un éducateur sur place qui prend les décisions, et s'il sent qu'il a besoin d'un avis externe, il demande à ses collègues éducateurs, ou se refère à un chef de secteur. Les chefs de secteur sont psychiatres de profession ou éducateurs experimentés. Dans une situation problématique, chaque professionnel essaie de se couvrir, on demande conseil à la chef, ou on demande au directeur. Tout le monde décide et nous avons droit à la parole lors des collocs hebdomadaires. Nous décidons entre nous des solutions, on décide à quelle heure on mange, à quelle heure on fait du sport.

L'organisation de La Clairière est un mélange entre la décision du chef de service et des éducateurs. Le directeur donne son avis mais nous demande le notre, seulement ce qu'il essaie de faire, c'est de plaire à tout le monde donc ce n'est pas toujours clair.


-C'est dur le métier d'éducateur à la Clairière?


Quel métier n'est pas difficile aujourd'hui? Ce qui peut parraître difficile, c'est peut-être l'aide sous-contrainte. Comment aider un jeune qui n'est pas preneur ou qui n'est tout simplement pas prêt? Ce qui est difficile est la privation de liberté, et de ce fait il est important de faire comprendre au jeune que ce n'est pas nous qui lui en avons privé, mais que lui-même c'est privé de ce droit à la liberté. C'est aussi un métier peu gratifiant et il n'y a pas de résultat direct.


-A part les éducateurs, quel est l'environnement psychosocial de la Clairière?


Les gardiens passent toujours par le dialogue et essayent toujours de raisonner le jeune avant de passer à l'action. A La Clairière, les jeunes ont à disposition des psychologues et des psychiatres. Mais la prise en charge du jeune dépend du pourquoi il est en prison, mais le détenu rencontre et cotoie en règle générale beaucoup de professionnels. Il y a un infirmier, un médecin généraliste, deux psychologues, deux psychiatres, quinze éducateurs et deux enseignants spécialisés.


Croyez-vous que l'on puisse mesurer la réussite d'un tel établissement?


Il est très difficile voire impossible de quantifier des résultats dans le travail social de manière générale. Certes nous pouvons mesurer la récidive mais ce n'est pas forcément en lien avec notre travail à La Clairière, il y a beaucoup d'autres facteurs qui entrent en compte. Nous pouvons mesurer le degré d'engagement et de prise d'initiative d'un employé mais calculer ou mesurer un taux chez un détenu me parrait difficile. Nous pouvons estimer ou encore ressentir si le placement a été bénéfique mais ce n'est pas chiffrable.


Quelles sont vos impressions, avec du recul, de La Clairière, qu'avez-vous appris, quels enseignements en retirez-vous?


La Clairière est une institution indispensable. Elle est riche en apprentissage de part la diversité du personnel. Je trouve qu'une partie du personnel n'a rien à y faire, car ils n'ont pas compris le lieu dans lesquels ils travaillent. Trop de problèmes d'adultes viennent interférer avec le travail dans l'institution. Bien souvent nous changeons des choses pour notre confort personnel et non pour celui des jeunes. Pour qu'une institution fonctionne bien, il et nécessaire qu'il y ait des cadres compétents, ce qui n'est pas le cas à La Clairière. Trop de non-dits au sein de l'institution et surtout un manque de professionnalisme.

Il est nécessaire d'avoir des cadres bien formés, sans quoi les employés prennent trop de liberté. Les plusieurs cultures qui se côtoient au sein du personnel ne font pas toujours bon ménage. Il y a parfois trop de différences de manière de vivre au sein des éducateurs, difficile de trouver un consensus. Parfois, il faut laisser les choses mal se passer afin que les gens se rendent compte de ce qu'il faut corriger.


Qu'est-ce qui vous a été le plus difficile à supporter?


Le manque de professionnalisme des employés, et de ce fait l'infantilisation de la part de la direction.


RELATIONS EDUCATEURS-DETENUS


Quel comportement est bien admis à La Clairière

Dans chaque cellule, on y trouves les règles d'or de l'établissement. Ces règles ont été faites entre éducateurs et elles ont été validées par la direction. Les règles d'or sont le cadre moral du savoir vivre. Elles sont nécessaires pour le bon déroulement du séjour d'un jeune à La Clairière. Elles garantissent ainsi le respect de soi et des autres.

Ce respect passe par :

1- adopter un langage correct en tout temps, sans insulte, sans moquerie ni agressivité.

2- partager les repas en adoptant une attitude cordiale et calme

3- avoir une tenue vestimentaire adéquate, qui ne soit pas choquante pour les autres

4- être attentif à garder une bonne distance et ne pas avoir un contact physique avec les autres

5- maintenir sa cellule propre et ordonnée, de même que les lieux de vie

6- faire preuve de responsabilité pour gérer ses cigarettes dans le cadre de la loi et du réglement de La Clairière

7- utiliser le matériel et le mobilier de la Clairière avec soin pour ne pas le dégrader

8- montrer son intérêt et sa motivation pour les activités et maintenir de bons rapports avec les adultes

9- participer au calme nécessaire sur les lieux de vie sans provoquer d'agitation ou de bruit

10- s'engager à discuter avec les adultes quand quelque chose rend nerveux

En adoptant ces règles, le mineur s'engage à participer au bon fonctionnement de la vie de La Clairière.


Si un jeune se tient tranquille, peut-il sortir plus vite?


A la moitié de son exécution de peine, il peut-être relaxé pour bonne conduite. En observation, il s'agit de permissions.