La médecine générale en milieu de détention. In: Revue médicale suisse. N°88. p. 1-7. D. Beer B. Gravier. (2006)

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Cet article décrit le Service de médecine et psychiatrie pénitentiaires du canton de Vaud (SMPP). Ce dernier réunit les services médicaux de cinq prisons différentes sur le plan clinique et pénitentiaire.

L’individu privé de liberté a le droit d’obtenir des soins de la même qualité que le reste de la population. Une des missions du médecin pénitentiaire est d’exercer sa pratique de manière indépendante dans un milieu répressif, avec plusieurs contraintes d’ordre, en respectant les exigences sécuritaires et judicaires ainsi que le principes éthiques de la médecine pénitentiaire.

La tâche du médecin généraliste en prison est de donner des soins et des conseils aux détenus mais aussi d’orienter la direction de l’institution sur les mesures adéquates permettant aux détenus de bénéficier des mêmes droits à la santé que la population. Le rôle du médecin est complexe car il se trouve entre son serment d’Hippocrate (confidentialité et consentement du détenu) et les contraintes d’ordre et de sécurité de l’établissement.

La consultation médicale

Nous retrouvons plusieurs principes de base qui s’appliquent pour le droit de santé d’un prisonnier. Il a la possibilité de demander une consultation médicale et de bénéficier de divers soins, il a le droit au secret médical, à la confidentialité et au consentement libre.

La consultation médicale se déroule dans des locaux du service médical avec uniquement des thérapeutes, cothérapeutes et détenus donc sans la participation des représentants de l’autorité. Cette consultation comprend un représentant du service infirmier (conseils et distribution de médicaments) , un médecin généraliste somaticien, un médecin dentiste, un psychiatre ou un gynécologue. Mais ces principes ne sont pas toujours respectés.

La visite médicale d’entrée est faite dans les quinze jours après l’admission dans le but d’évaluer l’état de santé du détenu, de voir son aptitude à s’adapter à la prison, à dépister une pathologie ou une dépendance à certains produits ainsi que des symptômes de sevrage par rapport à l’alcool ou à un traitement médicamenteux. Cet entretien permet aussi d’informer le détenu sur les mesures d’hygiène, d’éducation pour la santé et de prévention. De plus, ils font obligatoirement une radiographie thoracique qui permet d’exclure une tuberculose pulmonaire et ils vérifient aussi le statut vaccinal.

Voici, à présent, le résumé de la prise en charge médicale de base d’un détenu lors de son arrivée dans une prison du canton de Vaud (2005). D‘abord, le détenu reçoit une visite de l’infirmière dans les 24 heures et ensuite une consultation médicale initiale dans les 5 jours. Puis, nous retrouvons les procédures suivantes : des anamnèses médicale, psychiatrique et socio-économique, une évaluation d’un traitement médicamenteux, une estimation des habitudes de dépendance, une discussion sur un éventuel traitement et des conseils généraux sur la santé et l’accès aux soins et des messages de prévention. Les infirmiers distribuent une trousse sanitaire personnelle, des sparadraps, du désinfectant et des préservatifs par exemple.

Les détenus subissent plusieurs examens comme la sérologie hépatite B, les vaccinations diphtérie, tétanos et des compléments d’analyses sanguines. Voici la liste des médicaments utilisés pour les sevrages de psychotropes en prison dans le canton de Vaud : héroïne, méthadone, benzodiazépines, alcool et cocaïne.

En ce qui concerne les visites médicales, elles se font sur rendez-vous selon les jours de visite du médecin dans l’institution et à la demande du prisonnier. Cette consultation peut être demandée également par le médecin dans le but de discuter sur la vaccination, les résultats d’analyse, l’alcoolisme, la capacité de travail en milieu carcéral. Les médecins sont confrontés à des problèmes comme la surveillance, la prise en charge de la grève de la faim, la confrontation avec un détenu qui refuse de prendre un médicament et la violence entre détenus. Quand ils ont besoin d’un avis médical urgent, la coordination des soins doit être organisée afin que le détenu soit soigné le plus rapidement possible. C’est pourquoi le service médical doit être atteignable en permanence. Souvent, le médecin pénitentiaire ne peut être directement présent, alors le détenu est transféré dans une autre structure.

Les affections somatiques rencontrées en milieu carcéral sont similaires à celles des centres de soins médicaux qui accueillent des marginaux, des personnes défavorisées ou déstructurées socialement. Dans les prisons, les détenus présentent souvent des troubles du comportement liés à l’utilisation de drogues ou d’alcool (trouble de la personnalité, trouble anxieux, dépressifs…). Ces pathologies demandent la prise en charge par un médecin somaticien et d’un psychiatre.

Organisation des soins en prison

Dans le canton de Vaud, le SMPP est composé d’un médecin coordinateur des soins somatiques. Ce dernier permet de favoriser une certaine fonctionnalité et un échange d’informations entre les membres du service et les instituions extérieures. Entre ces deux établissements, une circulation des informations est faites correctement et sans mettre à mal la confidentialité. En effet, les consultations médicales sont retranscrites et restent confidentielles. Ce document est mis dans les locaux de l’infirmerie. Mais dès qu’un détenu est transféré, l’autre établissement reçoit un résumé médical.

Pour les médicaments, ils sont prescrits médicaux selon différents intervenants : somaticien, psychiatre, dentiste, gynécologue. Ils sont distribués, dans des barquettes hospitalières, chaque jour par les membres du service infirmier. Cette distribution provoque des problèmes notamment par la revendication des détenus sur leur mode d’administration.

La relation médecin-patient détenu

La pratique médicale exercée en milieu carcéral demande un engagement personnel et professionnel fort. En effet, le généraliste, qui est au courant du délit ou de la dangerosité du détenu, doit apprendre à gérer ses émotions dans le but de construire une relation de neutralité affective. Cette relation déprend de différents facteurs (âge, culture…), de la personnalité et de la motivation de chacun. D’une part, il est vrai que des comportements violents et impulsifs ne permettent pas une attitude empathique. Dans la plupart des cas, il est important de rassurer le détenu malade sur l’indépendance du médecin et du service médical avec les autorités pénitentiaires en lui expliquant que la consultation est confidentielle et respectée. D’autre part, certains délinquants peuvent impressionner ou intimider pour obtenir certains bénéfices. C’est pourquoi le médecin doit rester attentif aux risques de manipulation qui peuvent tromper son jugement médical.

Pour construire une bonne relation, il est essentiel que le médecin généraliste prenne connaissance de la réalité de la prison en visitant les quartiers cellulaires, les cachots, les postes de travail et en rencontrant les surveillants et les membres de la direction par exemple. Cela lui permet d’expliquer ses devoirs et ses démarches lors de discussions, réunions ou colloques pour que tout se passe au mieux.